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ARRÊT DU
27 janvier 2023
N° 44/23
N° RG 21/00319 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TO2Y
MLBR/AL*CK
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
26 Janvier 2021
(RG 18/00561 -section )
GROSSE :
Aux avocats
le 27 janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
Maître [C] [P]
en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SODALIS
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Hugues SENLECQ, avocat au barreau de DUNKERQUE
INTIMÉS :
M. [O] [E]
[Adresse 2]
[Localité 1] / Belgique
représenté par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE
UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE LILLE
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
[Z] [Y]
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Valérie DOIZE
DÉBATS : à l’audience publique du 18 Octobre 2022
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par [Z] [Y], Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 27 septembre 2022
FAITS ET PROCEDURE
La SARL SODALIS a pour activité l’accomplissement de travaux de tuyauterie industrielle, la maintenance et la réparation d’ouvrages métalliques dans le cadre de chantiers effectués en France ou à l’étranger.
Suivant contrat de travail à durée déterminée M. [O] [E] a été embauché initialement par la SARL SODALIS le 8 janvier 2015 en qualité de soudeur tuyauteur niveau 3, coefficient 215 de la convention collective de la métallurgie dunkerquoise, puis la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’autres contrats à durée déterminée dont le dernier conclu pour la période du 6 au 11 février 2017, étant précisé que le salarié soutient avoir continué à travailler pour la société sans qu’un contrat ne soit formalisé, et ce pour la période du 28 mars 2017 au 22 novembre 2017.
Le salarié a perçu un salaire mensuel de 1 668,37 euros pour 151,67 heures de travail, ainsi qu’une indemnité journalière de grand déplacement contractualisée.
Le 17 juin 2014, la SARL SODALIS a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire et a bénéficié d’un plan de redressement par jugement du 18 novembre 2014.
Par jugement du 20 février 2018 rendu par le tribunal de commerce de Dunkerque, la liquidation judiciaire de la SARL Sodalis a été prononcée et la SELARL WRA prise en la personne de Me [P] a été désignée en qualité de liquidateur.
Le 5 mars 2018, les institutions représentatives du personnel ont été convoquées à une réunion extraordinaire et un plan de sauvegarde de l’emploi a été établi le même jour lequel a été homologué par la DIRECCTE le 8 mars 2018.
Le 3 novembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Dunkerque, lequel par jugement contradictoire rendu le 26 janvier 2021 en sa formation de départage a’:
-rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription soulevée par la société représentée par le mandataire liquidateur et par l’AGS,
-requalifié les relations contractuelles entre le salarié et la société en un contrat à durée indéterminée à compter du 8 janvier 2015,
-fixé la créance de M. [O] [E] dans la procédure collective ouverte à l’encontre de la SARL SODALIS aux sommes suivantes’:
*1 820 euros au titre de l’indemnité de requalification,
*1 820 euros au titre de l’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
*1 820 euros au titre de l’indemnité de préavis outre la somme de 182 euros pour les congés payés afférents,
*5 460 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*15 760 euros au titre du rappel des indemnités de grand déplacement,
-dit que ces sommes seront inscrites sur le relevé des créances établi par Me [P] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société,
-ordonné le remboursement par Me [P] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société des indemnités chômage,
– déclaré le présent jugement opposable au CGEA de Lille qui sera tenu de garantir le paiement des sommes allouées à M. [O] [E] dans les limites légales et réglementaires de sa garantie résultant des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, à l’exclusion des sommes allouées sur le fondement des dépens et sous réserve de l’absence de fonds disponibles entre les mains du liquidateur,
-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
-rejeté toutes les autres demandes des parties plus amples ou contraires,
-condamné Me [P] ès-qualités aux entiers dépens.
Le 1er mars 2021, la SELARL WRA, représentée par Me [P] en sa qualité de liquidateur de la SARL Sodalis, a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 31 mai 2021 par Me [P] ès-qualités.
Vu les conclusions déposées le 6 juillet 2021 par M. [E].
Vu les conclusions déposées le 23 août 2021 par l’Unedic délégation AGS CGEA de Lille.
Vu la clôture de la procédure au 27 septembre 2022.
SUR CE
De la prescription de la demande en requalification et d’une partie de la demande en rappel l’indemnité de grand déplacement
Le mandataire liquidateur de la société et l’AGS concluent à la réformation du jugement entrepris quant au rejet des fins de non-recevoir tirées de la prescription des deux demandes.
Après avoir rappelé que le point de départ du délai de prescription de l’action en requalification fondée sur le motif de recours au contrat à durée déterminée est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats, le terme du dernier contrat, il importe de souligner qu’en l’espèce celui-ci est fixé contractuellement au 11 février 2017, et qu’en saisissant le conseil de prud’hommes le 3 novembre 2018 le salarié a respecté le délai de deux ans impartis par l’article L. 1471-1 du code du travail, de sorte qu’aucune prescription ne peut lui être opposée de ce chef.
En ce qui concerne la prescription de la demande en rappel d’indemnités de grand déplacement, il apparaît que le conseil de prud’hommes s’est fondé pour apprécier le respect du délai imparti par l’article L. 3245-1 du code du travail sur une date de rupture du contrat de travail au 31 janvier 2018, étant précisé que la société représentée par le mandataire liquidateur et l’AGS font état du licenciement du salarié.
Il convient de constater qu’il n’est pas justifié de la notification du licenciement par voie de courrier, et que la volonté de rompre le contrat de travail ressort de l’envoi des documents de fin de contrat mentionnant l’emploi du salarié jusqu’au 22 novembre 2017, soit au-delà du terme du dernier contrat de travail à durée déterminée.
Au regard de la date du licenciement telle que ressortant des documents de fin de contrat, de la date de saisine du conseil de prud’hommes et de la période de revendication du salarié en matière d’indemnités de grand déplacement, il apparaît que le salarié a respecté le délai imparti par l’article L. 3245-1 du code du travail, de sorte que sa demande n’est pas prescrite.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription d’une partie des demandes.
De la demande en requalification
Alors que la société représentée par son mandataire liquidateur soutient que la demande en requalification est vouée à l’échec en faisant valoir que le salarié a été licencié pour motif économique du fait de la liquidation judiciaire de la société, l’AGS affirme que le mandataire liquidateur justifie de l’existence de pics de production, et par là même d’accroissements temporaires d’activité ponctuels.
Toutefois au-delà du fait que la démonstration d’accroissements temporaires d’activité doit concerner les périodes visées par les contrats de travail à durée déterminée, il convient de constater en l’espèce que non seulement aucune des pièces communiquées n’est de nature à établir la réalité d’une telle situation, mais aussi que les bulletins de paie et des feuilles de pointage permettent d’observer que pour certaines périodes d’activité du salarié aucun contrat de travail ne correspond.
En effet plusieurs contrats de travail à durée déterminée n’ont pas pris fin à la date du terme prévu contractuellement, de sorte que la relation de travail s’est inscrite dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, dès le premier contrat sans que cette période d’exécution de la prestation de travail n’ait été couverte par un avenant .
Mais au-delà de ce constat, l’absence d’éléments permettant de démontrer l’existence d’un accroissement temporaire de nature à justifier le recours à des contrats à durée déterminée, et plus particulièrement le contrat initial d’embauche, constitue un motif de requalification de la relation de travail, étant précisé que le conseil de prud’hommes a fixé au 8 janvier 2015 la date d’effet de cette requalification, laquelle n’est pas contestée par le salarié qui sollicite la confirmation du jugement entrepris.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la requalification mais aussi quant au montant de l’indemnité de requalification dans la mesure où le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation du préjudice du salarié.
Par ailleurs si la volonté de la société, représentée par son mandataire liquidateur, de rompre le contrat de travail s’est manifestée par l’envoi de documents de fin de contrat, et plus particulièrement un certificat de travail mentionnant la fin de la relation de travail au 22 novembre 2017, pour autant celle-ci n’a pas respecté la procédure inhérente à la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée, et plus particulièrement l’envoi d’une lettre formalisant les motifs du licenciement.
Or en l’absence d’une telle lettre le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse, de sorte que le conseil de prud’hommes a retenu à juste titre l’absence d’une telle cause, et fait droit à la demande du salarié en octroi d’une indemnité de préavis et des congés payés afférents.
Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point, mais infirmé quant à l’octroi d’une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.
En effet le salarié a été licencié avant même l’établissement du PSE en application de l’article L. 1233-58 du code du travail, de sorte qu’il n’avait pas à être inclus dans la procédure du licenciement collectif, et qu’il ne peut pas prétendre à une indemnité au titre de la violation de la procédure de licenciement dans la mesure où elle ne peut pas se cumuler avec celle octroyée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts, il y a lieu au regard de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, de l’effectif de cette dernière, de la qualification de celui-ci et de sa capacité à retrouver un emploi, de confirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation de son préjudice.
De la demande au titre des indemnités de grand déplacement
Le mandataire liquidateur conteste la décision du conseil de prud’hommes quant à l’octroi d’un rappel d’indemnités de grand déplacement en faisant valoir que l’accord du 26 février 1976 pris par avenant de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne ne s’applique pas à la relation de travail, et qu’en toute hypothèse les indemnités de déplacement instaurées par le contrat de travail aboutissent à une indemnisation plus importante que celle à laquelle le salarié peut prétendre au regard des dispositions conventionnelles.
Il fait valoir à ce titre qu’il est tout à fait loisible aux parties dans le cadre d’un contrat de travail de stipuler en son sein des dispositions plus favorables que celles résultant d’une convention collective.
Toutefois les dispositions de l’accord du 26 février 1976 relatif aux conditions de déplacement dans le cadre de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne s’appliquent à la relation de travail, dans la mesure où l’article 11 de l’avenant’«’mensuels’» de la convention collective de la métallurgie de la région de [Localité 6] stipule que «’les conditions de déplacement des mensuels occupant des emplois non sédentaires sont réglées conformément aux dispositions prévues par l’accord national du 26 février 1976 relatif à ce sujet, qui leur sont applicables’».
Ce dernier accord en son article 1.5 précise que «’le grand déplacement est celui qui, en raison de l’éloignement et du temps de voyage, empêche le salarié de rejoindre chaque soir son point de départ. Est considéré comme tel le déplacement sur un lieu d’activité éloigné de plus de 50’km du point de départ et qui nécessite un temps normal de voyage aller-retour supérieur à 2h30 par moyen de transport en commun ou celui mis à sa disposition’».
L’article 3.5 de ce même accord prévoit que «’le salarié en grand déplacement perçoit une indemnité de séjour qui ne peut être confondue avec les salaires et appointements. Cette indemnité est versée pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, d’exécution normale de la mission’».
Il en résulte que, selon cet accord, l’indemnité de grand déplacement a pour objet de compenser forfaitairement les frais supplémentaires engagés par le salarié en cas de grands déplacements et doit, par suite, être versée à celui-ci pour toute la durée du déplacement, samedis et dimanches inclus.
Si en vertu de l’article L. 2254-1 du code du travail la société peut se prévaloir de stipulations contractuelles plus favorables que celles d’une convention ou d’un accord, pour autant en l’espèce, la société, en excluant le paiement d’indemnités de grand déplacement pour une partie de la semaine, remet en cause le principe d’une indemnisation pour tous les jours de la semaine ouvrables ou non, tel qu’édicté par les dispositions conventionnelles.
Si les parties à un contrat de travail ont la faculté de procéder à une modification du montant des indemnités dues, voire de la répartition entre les différentes indemnités composant l’indemnité de séjour telle que ressortant de l’article 3.5 de la convention, en revanche elles ne peuvent pas instaurer une limitation de la période d’indemnisation, strictement définie par les dispositions conventionnelles.
Il apparaît ainsi que le salarié, indépendamment du montant des indemnités versées, a été, de par la mise en ‘uvre des dispositions contractuelles, privé, en violation de celles de la convention collective, du versement des indemnités de grands déplacements auxquelles il pouvait prétendre les samedis et dimanches, de sorte que la société ne peut pas invoquer le principe de faveur.
Par ailleurs il convient de rappeler que la détermination du régime plus favorable doit s’apprécier globalement, avantage par avantage et pour l’ensemble du personnel.
En faisant référence à la somme globale versée au titre de l’indemnité de séjour, la société ne prend pas en compte, comme le relève le salarié, des indemnités pourtant en lien avec un grand déplacement, même si des conditions de durée peuvent être instaurées pour pouvoir en bénéficier.
Or la prise en compte de l’ensemble de ces indemnités mais aussi l’absence de versement d’indemnités certains jours de la semaine permet de constater que le système d’indemnités mis en place par le contrat de travail n’est pas plus favorable que celui ressortant des dispositions de la convention collective.
Il apparaît ainsi que même si l’on considérait que le défaut d’indemnisation les samedis et dimanches n’est pas exclusif d’une possibilité d’invocation du principe de faveur, il n’en demeurait pas moins que l’indemnisation contractuelle n’est pas plus favorable que celle prévue par la convention collective.
Il convient au regard de ces éléments de confirmer le jugement entrepris tant en ce qui concerne le principe d’octroi d’un rappel d’indemnités que relativement à son montant.
De l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure comme le sollicite ès-qualités le mandataire liquidateur.
Des dépens
Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a alloué à M. [O] [E] une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,
Déboute M. [O] [E] de sa demande en dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER
Annie LESIEUR
LE PRESIDENT
[Z] [Y]