Licenciement économique : 1 février 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-12.485

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Licenciement économique : 1 février 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-12.485
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SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er février 2023

Cassation partielle sans renvoi

M. SOMMER, président

Arrêt n° 89 FS-B

Pourvoi n° E 21-12.485

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023

La société Aquilab, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-12.485 contre l’arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d’appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme [E] [B], épouse [I], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi Hauts-de-France, direction régionale, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aquilab, et l’avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2020) et les productions, Mme [B] a été engagée le 19 octobre 2009 par la société Aquilab (la société) en qualité d’ingénieur.

2. Après avoir été convoquée à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique, fixé au 23 juillet 2014, au cours duquel il lui a été proposé d’adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle et après que la société lui a notifié, le 31 juillet 2014, le motif économique de la rupture, elle a adhéré le 7 août 2014 au dispositif et a demandé, le 13 août 2014, à bénéficier de la priorité de réembauche.

3. Elle a saisi la juridiction prud’homale, le 19 janvier 2016, pour contester la réalité du motif économique invoqué par l’employeur et obtenir paiement de diverses sommes au titre de la rupture.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts au titre de la violation de l’article L. 1233-45 du code du travail, alors :

« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu’en l’espèce, si elle invoquait la prescription des demandes de la salariée relatives à la rupture de son contrat de travail, en ce compris celle portant sur la priorité de réembauchage, elle se fondait, tant dans les motifs que dans le dispositif de ses conclusions, non seulement sur les dispositions de l’article L. 1235-7 du code du travail mais aussi et surtout sur celles de l’article L. 1233-67, propres aux salariés ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, en prenant soin de critiquer les motifs du jugement qui avait rejeté ce second fondement ; qu’en affirmant que “la société Aquilba conclut à la prescription de l’action engagée par Mme [E] [B], épouse [I], au motif que celle-ci n’a pas été engagée dans les 12 mois prévus à l’article L. 1235-7 du code du travail”, pour limiter son analyse à cette seule cause de prescription, la cour d’appel qui a méconnu les termes clairs et précis des conclusions de l’employeur qui invoquaient parallèlement un autre fondement textuel pour conclure à la prescription, a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu’en cas d’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de cette adhésion, ce délai ne pouvant être interrompu que par l’une des causes limitatives d’interruption de la prescription prévues aux articles 2240 et suivants du code civil ; que la prescription n’est donc pas interrompue par une simple réclamation ou critique formulée auprès de l’employeur, serait-ce par lettre recommandée ; qu’en l’espèce, se fondant sur les dispositions de l’article L. 1233-67 du code du travail dont les termes avaient été rappelés à la salariée par la note d’information sur les difficultés économiques, le document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle et la lettre de licenciement, elle faisait valoir qu’ayant saisi le conseil de prud’hommes le 19 janvier 2016, la salariée qui avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 7 août 2014 était prescrite en ses demandes relatives à la rupture de son contrat peu important qu’elle ait adressé à son employeur un courrier recommandé en date du 31 juillet 2015 aux termes duquel elle contestait ”la régularité et la validité de son licenciement” et annonçait son intention prochaine de saisir la juridiction prud’homale ; qu’en retenant, par motifs adoptés, que la prescription ne se calculait pas à la date de saisine du conseil de prud’hommes mais à la date de contestation pour en déduire que la salariée ayant adressé à son employeur, le 31 juillet 2015, un courrier par lequel elle contestait la régularité et la validité de son licenciement, ses demandes relatives à la rupture, formées le 19 janvier 2016, n’étaient pas prescrites, la cour d’appel a violé l’article L. 1233-67, alinéa 1, du code du travail, ensemble les articles 2240, 2241 et 2244 du code civil ;

3°/ que la priorité de réembauchage ne s’exerce que sur un emploi compatible avec la qualification du salarié ; qu’en jugeant que l’employeur avait méconnu ses obligations au titre de l’obligation de réembauchage, faute d’avoir proposé à la salariée un poste d’ingénieur développement devenu ouvert chez Aquilab dans l’année qui avait suivi son licenciement, sans constater que la salariée disposait des compétences requises pour occuper un tel poste, ce que contestait l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-45 du code du travail, dans sa version modifiée par l’ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014 ;

4°/ que la priorité de réembauche ne peut s’exercer que lorsque l’employeur procède à des embauches ; que pour retenir que l’employeur avait manqué à ses obligations en matière de priorité de réembauchage, la cour d’appel a relevé qu’un salarié de la société Aquilab qui occupait les fonctions d’ancien technicien installation depuis juin 2010, M. [T] (lire [K]), s’était vu confier, à compter d’octobre 2014, un même poste que celui précédemment attribué à la salariée ; qu’en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que le poste litigieux avait été pourvu par un recrutement interne et non par une embauche, la cour d’appel a violé l’article L. 1233-45 du code du travail, dans sa version modifiée par l’ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014. »

Réponse de la Cour

5. D’une part, aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment celui prévu à l’article L. 1233-67.

6. Selon l’article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, l’employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.

7. Il en résulte que l’action fondée sur le non-respect par l’employeur de la priorité de réembauche, qui n’est pas liée à la contestation de la rupture du contrat de travail résultant de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, soumise au délai de prescription de l’article L. 1233-67 du code du travail, mais à l’exécution du contrat de travail, relève de la prescription de l’article L. 1471-1 du même code.

8. L’indemnisation dépendant des conditions dans lesquelles l’employeur a exécuté son obligation, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la priorité de réembauche a cessé, soit à l’expiration du délai d’un an à compter de la rupture du contrat de travail.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l’arrêt, qui a constaté que la salariée avait saisi la juridiction prud’homale le 19 janvier 2016, soit moins de deux ans après la cessation de la priorité de réembauche, le 13 août 2015, se trouve légalement justifié en ce qu’il dit que l’action n’est pas prescrite.
10. D’autre part, il résulte de l’article L. 1233-45 du code du travail, qu’en cas de litige, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation en établissant soit qu’il a proposé les postes disponibles compatibles avec la qualification du salarié, soit en justifiant de l’absence de tels postes.

11. Il ne résulte ni de l’arrêt, ni des pièces de la procédure, que la société, qui s’était bornée à faire valoir, en inversant la charge de la preuve, qu’il n’était pas démontré l’existence d’un poste disponible qui devait être proposé à la salariée, avait soutenu devant la cour d’appel que le poste d’ingénieur développement pourvu dans l’année ayant suivi la rupture du contrat de l’intéressée ne correspondait pas à sa qualification ou qu’il avait été pourvu par une mutation en interne.

12. Le moyen, irrecevable en ses deux dernières branches comme nouveau et mélangé de fait et de droit, ne peut être accueilli pour le surplus.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. La société fait grief à l’arrêt de dire que les demandes de la salariée n’étaient pas prescrites et de la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’ordonner le remboursement par l’employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage du jour du licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, alors « que le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu’en l’espèce, si elle invoquait la prescription des demandes de la salariée relatives à la rupture de son contrat de travail, elle se fondait, tant dans les motifs que dans le dispositif de ses conclusions, non seulement sur les dispositions de l’article L. 1235-7 du code du travail mais aussi et surtout sur celles de l’article L. 1233-67, propres aux salariés ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, en prenant soin de critiquer les motifs du jugement qui avait rejeté ce second fondement ; qu’en affirmant que ”la société Aquilab conclut à la prescription de l’action engagée par Mme [E] [B], épouse [I], au motif que celle-ci n’a pas été engagée dans les 12 mois prévus à l’article L. 1235-7 du code du travail”, pour limiter son analyse à cette seule cause de prescription, la cour d’appel qui a méconnu les termes clairs et précis des conclusions de l’employeur qui invoquaient parallèlement un autre fondement textuel pour conclure à la prescription, a violé l’article 4 du code de procédure civile. »

 


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