Prêt illicite de main d’oeuvre : 3 novembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-87.906

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 3 novembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-87.906
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N° T 19-87.906 F-D

N° 1921

CK
3 NOVEMBRE 2020

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 NOVEMBRE 2020

Le procureur général près la cour d’appel de Grenoble a formé un pourvoi contre l’arrêt de ladite cour, chambre correctionnelle, en date du 26 novembre 2019, qui a relaxé la société Alpes sanitherm des chefs de prêt illicite de main d’oeuvre et travail dissimulé.

Des mémoires en demande et en défense ont été produits.

Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Alpes sanitherm, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 20 mars 2014, des gendarmes ainsi que des agents de contrôle de la direction régionale des entreprises , de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) se sont présentés sur le chantier de construction d’un EHPAD situé sur la commune de Tallard et ont relevé l’identité de deux ouvriers de nationalité polonaise déclarant travailler comme sous-traitants pour la société Alpes sanitherm. Les gendarmes ont dressé, à cette occasion, un procès-verbal, pièce n° 2 de la procédure, rendant compte de leurs investigations.

3. Les gendarmes et agents de contrôle se sont rendus ensuite au siège de ladite société où ils ont appris que les ouvriers polonais étaient détachés par une société de même nationalité.

4. A été jointe à la procédure de gendarmerie une réquisition du procureur de la République de Gap du 20 mars 2014, visant l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, autorisant les militaires à entrer dans les locaux de la société Alpes sanitherm, hors les parties de domicile.

5. Le procureur de la République a fait convoquer la société Alpes sanitherm devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés.

6. Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté l’exception de nullité soulevée par la prévenue prise notamment de l’irrégularité du procès-verbal d’investigation, pièce n° 2 de la procédure, l’a déclarée coupable des faits reprochés.

7. La société Alpes sanitherm a relevé appel de cette décision, ainsi que le ministère public.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation des articles 78-2-1 et 802 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a prononcé l’annulation de l’ensemble de la procédure et des poursuites engagées à l’encontre de la société Alpes sanitherm, subséquente à l’annulation du procès-verbal de gendarmerie d’investigation relatif à la visite du chantier, pièce n° 2 de la procédure, alors « qu’il ressort de la jurisprudence de la chambre criminelle, établie dans des matières proches, et notamment concernant les perquisition et saisies (par exemple : Crim., 6 Février 2018 – n° 17-84.380, Crim., 20 déc 2017, n° 17-82.345), que l’intérêt à agir et donc la possibilité de demander la nullité d’un acte appartient au titulaire des droits protégés par le formalisme prévu, mais pas nécessairement, de façon générale, à toute personne qui se trouve mise en cause, dans une enquête pénale, sur le fondement d’éléments recueillis à l’occasion de cet acte ; Qu’en l’espèce, l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, situé dans la section relative à l’encadrement des contrôles d’identité, vise explicitement « les personnes occupées » aux activités citées, qui ne peuvent être contrôlées que dans le but rappelé par le texte, mentionnant par ailleurs « la personne disposant des lieux », à qui la réquisition du procureur de la République doit être présentée ; que les deux travailleurs contrôlés sur le chantier, parties civiles dans la procédure, n’ont soulevé aucune nullité relative au contrôle dont ils ont fait l’objet ; que par ailleurs la société Alpes sanitherm ne disposait pas des lieux au sens juridique du terme, ne faisant qu’y intervenir dans le cadre d’un chantier ; que pour le surplus des vérifications visant directement la société, celles-ci étaient couvertes par la réquisition visant explicitement le siège social de la société ; qu’elle n’avait donc pas intérêt à agir en nullité au sens du texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 78-2-1 et 802 du code de procédure pénale :

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que ne peut invoquer, au soutien d’une demande d’annulation d’actes ou de pièces de la procédure, une méconnaissance des dispositions du premier de ces textes que la personne qui est titulaire d’un droit sur les lieux à usage professionnel où, dans les conditions et aux fins fixées par ledit texte, sont habilités à entrer les officiers et agents de police judiciaire.

11. Pour accueillir l’exception prise de l’irrégularité du procès-verbal d’investigation, pièce n°2 de la procédure, et renvoyer des fins de la poursuite la société Alpes sanitherm, l’arrêt attaqué énonce, notamment, que la société prévenue disposant d’un intérêt à soutenir la nullité de ce procès-verbal dans la mesure où les poursuites ont été engagées sur la base des constatations initiales effectuées sur le chantier, à savoir la présence des deux ouvriers polonais et des déclarations verbales qu’ils ont pu faire à cette occasion, il convient de prononcer l’annulation du procès-verbal d’investigation, pièce n°2 de la procédure.

12. En se déterminant ainsi alors que la société prévenue ne pouvait se prévaloir d’aucun titre sur les lieux du chantier en cours, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

13. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Grenoble, en date du 26 novembre 2019, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois novembre deux mille vingt.

 


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