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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 FÉVRIER 2023
N° RG 21/00695
N° Portalis DBV3-V-B7F-ULCS
AFFAIRE :
[L] [Y]
C/
Société NEC FRANCE SAS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 janvier 2021 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE
Section : E
N° RG : F 18/01777
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Emilie RONNEL
Me Laurence RENARD
Copie numérique adressée à :
Pôle Emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE FÉVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [L] [Y]
né le 30 septembre 1966 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Emilie RONNEL de la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D’AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 212 et Me Sebastien TO de la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D’AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 209, substitué à l’audience par Me Caroline DA COSTA DIAS, avocat au barreau du Val d’Oise.
APPELANT
****************
Société NEC FRANCE SAS
N° SIRET : 348 522 236
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Laurence RENARD du LLP SIMMONS & SIMMONS LLP, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J031 et Me Sophie FINEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J031
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [Y] a été engagé par la société SED [Localité 6] par contrat de travail à durée déterminée en qualité de technicien, à compter du 19 janvier 1998, puis en contrat à durée indéterminée, avec reprise d’ancienneté au 19 janvier 1998.
La société SED [Localité 6] est spécialisée dans la fourniture et la prestation de service d’installation d’équipements et d’antennes de télécommunications, de montage et de câblage de tous produits se rapportant au commerce et à l’industrie. L’effectif de la société est de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective de l’industrie métallurgique (OETAM).
M. [Y], actuellement toujours salarié de la société SED [Localité 6], occupe l’emploi d’ingénieur moyennant une rémunération brute mensuelle de 3 800 euros.
Le 6 juillet 2018, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin de constater un prêt de main-d”uvre illicite entre la société NEC France et la société SED [Localité 6], constater l’existence d’un contrat de travail le liant à la société NEC France, à titre principal, requalifier la résiliation du contrat de prestation de services en licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, dire que la procédure de licenciement n’a pas été respectée, et obtenir le paiement de plusieurs sommes de nature indemnitaire.
La société NEC France est spécialisée dans la commercialisation de solutions d’infrastructure IT, d’affichage numérique, de produits et solutions de communications. Elle appartient au groupe japonais NEC et l’effectif de la société est de plus 10 salariés.
Par jugement du 19 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement) a :
– débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société NEC de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [Y] aux éventuels dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 26 février 2021, M. [Y] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Y] demande à la cour de :
– le recevoir en son appel et son argumentation,
– dire et juger recevable et bien fondé en ces demandes,
– débouter la société NEC France de l’ensemble de ses prétentions dirigées à son encontre,
– constater l’existence d’un prêt de main d”uvre illicite entre la société NEC France et la société SED [Localité 6],
– constater l’existence d’un contrat de travail liant M. [Y] à la société NEC France,
en conséquence,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 19 janvier 2021 sauf en ce qu’il a débouté la société NEC de sa demande reconventionnelle au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
à titre principal,
– dire et juger que la résiliation du contrat de prestation de services entre la société Nec France et la société SED [Localité 6] est constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
par conséquent,
– condamner la société NEC France à lui régler la somme de 68 400 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois de salaire),
à titre subsidiaire,
– dire et juger que la procédure de licenciement n’a pas été respectée,
par conséquent,
– condamner la société NEC France à lui régler la somme de 3 800 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
en tout état de cause,
– condamner la société NEC France à lui régler les sommes suivantes :
. 12 033,33 euros à titre d’indemnité de licenciement,
. 11 400 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 760 euros au titre des congés payés afférents,
. 22 800 euros (6 mois de salaire) au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé en application de l’article L.8221-3 du code du travail,
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de formation,
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’information du DIF,
– ordonner ànla société NEC France à lui remettre une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes, le tout sous une astreinte de 250 euros par jour de retard et par document,
– dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes de Nanterre ainsi que la capitalisation des intérêts,
– condamner la société Nec France à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société NEC France demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,
– constater l’absence de contrat de travail entre M. [Y] et la société NEC France,
– constater l’absence de prêt de main-d”uvre illicite entre les sociétés NEC France et SED [Localité 6] est infondée,
en conséquence,
– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,
– rejeter les demandes tendant à la requalification de la relation entre la société NEC France et M. [Y] en contrat de travail et rejeter les demandes afférentes (paiement de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, dommages et intérêts pour absence de formation, dommages et intérêts pour absence d’information relative au DIF, remise des documents de fin de contrat sous astreinte),
en tout état de cause,
– condamner M. [Y] à 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le prêt de main d’oeuvre illicite
L’appelant fait valoir qu’il a travaillé exclusivement à compter de janvier 2005 pour la société NEC France qui a décidé unilatéralement de mettre un terme définitif à leur relation de travail le 21 avril 2017.
L’appelant explique que la société NEC France ne verse qu’un seul et unique contrat l’unissant à la société SED [Localité 6] en 2010 et que le prétendu renouvellement tacite du contrat de prestation de services n’est pas licite. Il précise qu’il a travaillé sous l’autorité hiérarchique de la société NEC France dont il bénéficiait de la fourniture du matériel, démontrant le lien de subordination.
L’appelant ajoute que le but exclusif de prêt de main-d’oeuvre est également établi ainsi que la caractère lucratif de l’opération, ses prestations étant facturées au temps passé.
En réplique, la société NEC France prétend avoir signé avec la société SED, le 21 mars 2010, un contrat de prestation de services qui a été renouvelé tacitement pendant plusieurs années en raison des bonnes relations commerciales les unissant.
La société NEC soutient que la résiliation du contrat avec la société SED [Localité 6] n’a pas entraîné la rupture du contrat de travail de M. [Y] avec la société SED et que celui-ci a été appelé sur d’autres projets, notamment avec la société Bouygues, client commun des sociétés NEC et SED.
La société NEC ajoute que la relation avec M. [Y] ne constitue ni un prêt de main-d’oeuvre illicite ni un contrat de travail, le salarié considérant à tort que le prêt de main d’oeuvre illicite entraîne nécessairement l’existence d’un contrat de travail.
* *
Aux termes des articles L.8241-1 et L. 8241-2 du code du travail, dans leurs différentes versions applicables au litige, ‘toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite. Les opérations de prêt de main-d’oeuvre à but non lucratif sont autorisées.’.
Dans sa version en vigueur à compter du 30 juillet 2011, l’article L. 8241-2 précise que ‘le prêt de main-d’oeuvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert :
1° L’accord du salarié concerné ;
2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;
3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail’.
Le prêt de main-d’oeuvre n’est pas prohibé par l’article L. 8125-3du code du travail lorsqu’il n’est que la conséquence nécessaire de la transmission d’un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse. (Soc., 9 juin 1993, pourvoi n° 91-40.222, Bull V N° 164).
Il ne peut y avoir opération de sous-traitance ou de prestation de service que lorsqu’est confié à une entreprise un travail précisément identifié et objectivement défini, faisant appel à une compétence spécifique qu’elle va réaliser en toute autonomie, avec son savoir-faire propre, son personnel, son encadrement et son matériel moyennant le versement d’un prix fixé forfaitairement.
Inversement, il y a prêt illicite de main d’oeuvre lorsque la convention a pour objet la fourniture de main d’oeuvre moyennant rémunération pour faire exécuter une tâche permanente de l’entreprise utilisatrice, sans transmission d’un savoir-faire ou mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse.
Au cas présent, l’appelant produit les feuilles d’attachement éditées chaque mois, de janvier 2005 à avril 2017, par la société SED [Localité 6], laquelle est dénommée ‘ le prestataire’, et visées par la société NEC France. Ces feuilles précisent le nombre d’heures et de jours travaillés par mois. L’appelant a donc exlusivement travaillé pour la société NEC France sur toute la période.
Le 21 mars 2010, la société NEC France et la société SED [Localité 6] ont signé un contrat de fourniture de prestations intellectuelles moyennant un tarif journalier moyen de 535 euros HT pour une mission de six mois après un engagement ferme de la société NEC France d’une commande de trois mois, la prestation consistant à déployer l’équipement MW NEC sur différents projets de téléphonie mobile en France et à l’étranger.
L’existence d’un contrat de prestations de service conclu entre la société SED [Localité 6] et la société NEC France sur l’intégralité de la période litigieuse n’est pas établie.
La société NEC France invoque l’existence d’un renouvellement tacite du contrat signé en 2010 pendant plusieurs années et établit que, par lettre du 3 octobre 2016, elle a mis fin au contrat souscrit auprès de la société SED [Localité 6] à effet du 21 avril 2017 sans qu’il soit possible de déterminer la nature du contrat résilié le 21 avril 2017.
Cette absence de formalisation du contrat de prestation allégué empêche la cour d’avoir connaissance de la technicité spécifique de la prestation confiée par la société NEC France à M. [Y], condition impérative pour rechercher si la prestation consistait en la transmission d’un savoir-faireou à la mise en ‘uvre d’une technicité propre à la société SED [Localité 6] donnant lieu à l’intervention de M. [Y], étant rappelé qu’à compter du 30 juillet 2011, une convention de mise à disposition devait être signée entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice, ce dont ne justifie donc pas la société NEC France.
Cependant, M. [Y] établit que des fonctions différentes lui ont été confiées tout au long de la relation – responsable projet déploiement / chef de projet/ General project manager/ responsable compte- de sorte que les travaux accomplis entraient dans le cadre ordinaire de l’activité de la société utilisatrice ou ne présentaient aucune technicité particulière.
A l’inverse, la société NEC France, qui ne communique que très peu de pièces au dossier, ne procède que par affirmations générales sans offre de preuve de l’existence d’une activité spécifique réalisée chaque année par le salarié entre 2005 et 2017, de sorte que la société n’établit pas si la technicité à laquelle l’intimée faisait appel relevait d’une activité propre et d’une compétence particulière de l’entreprise prêteuse, la société SED [Localité 6], non disponible chez le client, la société NEC France.
‘ M. [Y] établit donc le but exclusif du prêt de main d’oeuvre, sa mise à disposition étant le seul objet du contrat.
Par ailleurs, la société NEC France affirme avoir réglé chaque mois les factures émises par la société SED [Localité 6] sur la base d’un tarif journalier moyen, ce qui ne correspond pas au versement d’un prix fixé forfaitairement convenu pour la réalisation d’une prestation.
En effet, il n’y a pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.
En facturant la prestation pour chaque jour effectivement travaillé, la société SED [Localité 6] a perçu de la société NEC France une somme variable chaque mois alors qu’elle a réglé au salarié le même salaire chaque mois.
Il n’existe donc pas une stricte refacturation du coût de la mise à disposition de M. [Y] « à l’euro-l’euro » mais une facturation au temps passé.
En tout état de cause, faute de contrat de prestations de services communiqué à compter de la fin de l’année 2010, la société NEC France ne produit pas les modalités de facturation des missions effectuées par M. [Y].
‘ M. [Y] établit donc le caractère lucratif du prêt de main d’oeuvre.
Enfin, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution. (Soc., 22 novembre 2017, pourvoi n° 16-21.440 ; Soc., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-10.636)
Pour établir l’existence d’un lien de subordination avec la société NEC France, M. [Y] communique :
– une offre de contrat de service pour un client en juillet 2007 de la société NEC France dans laquelle il est présenté dans l’organigramme comme un chef de projet de la société NEC France,
-une lettre adressée au consulat de France à Casablanca le 23 décembre 2014 signée par M. [Y] en qualité de responsable, au sein de la société NEC France, de plusieurs projets au Maroc, sur papier à en-tête de la société NEC,
– l’organigramme de la société NEC France de décembre 2016 pour la succursale Maroc, le M. [Y] rapportant directement au responsable de la division, M. [I], en qualité de chef de projet back office,
– l’organigramme de la société NEC France en 2017, montrant que M. [Y] est intégré à la division ‘project organization’ en qualité de General Project Manager où il figure en qualité d’adjoint du manager et établissant que d’autres collaborateurs lui rapportent directement,
– de très nombreux échanges de courriels entre mars 2010 et mars 2017 dont il ressort que chaque année, M. [Y] est interrogé, au même titre que d’autres salariés de l’équipe de travail, par trois responsables successifs de la société NEC France, dont M. [I] en 2017, sur ses dates de congés à venir et qu’il répond ‘ si pas de problème, je serai absent le … comme discuté …’ , sans aucune référence à une autorisation préalable de la société SED [Localité 6],
– le 4 mai 2016, un manager, adresse un courriel à l’équipe ‘ANBU’ pour les vacances d’été 2016, soit 14 personnes, M. [I] étant en copie, et ce manager indique ‘ Je partage avec vous le planning des vacances. Nous définirons/ confirmerons les backup de chacun prochainement’,
– les demandes de remboursements de M. [Y] signées par ‘ son responsable fonctionel’ appartenant à la société NEC France,
– les ‘ Acceptance Certificate’ signés de M. [Y] engageant la société NEC France,
– les projets soumis aux clients où M. [Y] apparaît dans l’organigramme de la société Nec France , ces projets déterminant très précisément les conditions de réalisation de la mission,
– une pièce montrant que M. [Y] disposait d’un ordinateur crypté et des badges de la société NEC France.
‘ Il résulte de ces constatations que M. [Y] établit ainsi l’existence d’un lien de subordination avec la société NEC France, le salarié appartenant à des services organisés de cette société, laquelle déterminait de façon unilatérale l’organisation du travail en ce compris l’organisation de ses congés annuels, lui donnait des directives, en contrôlait l’exécution et, le cas échéant, pouvait être amenée à en sanctionner les manquements.
En définitive, la mise à disposition de M. [Y] par la société SED [Localité 6] à la société NEC France, pour le compte de laquelle il n’effectuait pas une tâche spécifique impliquant une formation et une compétence particulières dont ne disposaient pas les salariés de celle-ci, constituait une opération de prêt de main-d’oeuvre à titre lucratif, dans le cadre de laquelle M. [Y] n’était plus sous la subordination juridique de la société SED [Localité 6] mais sous celle de la société NEC, dès lors illicite.
Il conviendra donc d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle a rejeté la demande de la reconnaissance du prêt de main-d’oeuvre illicite.
Sur les conséquences du prêt de main-d’oeuvre illicite
Les éléments précédents ayant conduit à caractériser l’existence d’un lien de subordination entre la société NEC France et M. [Y], victime d’un prêt de main d’oeuvre illicite, ce dernier est bien fondé à solliciter la requalification de ce prêt de main d’oeuvre illicite en un contrat à durée indéterminée avec la société NEC France à compter du 1er janvier 2005.
Le fait que M. [Y] ait demandé, le 30 juin 2017, à la société NEC France de pouvoir ‘ poursuivre notre collaboration dans le cadre d’un contrat en direct’, ne remet pas en cause le lien de subordination précédemment établi.
Le contrat de travail ayant été rompu le 21 avril 2017 par suite de la résiliation du contrat de prestation de services conclu entre la société SED [Localité 6] et la société NEC France, la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié peut dès lors prétendre aux indemnités de rupture et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L. 1235-3 du code du travail dont les modalités de calcul ne sont pas remises en cause par la société NEC France et sur la base d’un salaire mensuel brut de 3 800 euros, la société NEC France ayant mis un terme aux relations de travail avec M. [Y] le 21 avril 2017, date de résiliation du contrat avec la société SED [Localité 6].
Infirmant le jugement, la société NEC France sera condamnée à payer à M. [Y] la somme de 12 033,33 euros à titre d’indemnité de licenciement, et la somme de 11 400 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre, et dans les limites de la demande, la somme de 760 euros au titre des congés payés afférents.
Enfin, le salarié qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.
Au regard de son âge au moment de la rupture (50 ans), de son ancienneté au sein de la société NEC France (12 ans), du montant de la rémunération qui lui était versée, de ce qu’il a continué à travailler avec la société SED [Localité 6] et a donc continué de percevoir de cette société une rémunération après le 21 avril 2017, il convient d’allouer au salarié une somme de 22 800 euros, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au paiement de laquelle il convient de condamner la société NEC France, infirmant le jugement de ce chef.
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paye ou de mentionner un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli.
Aux termes de l’ article L. 8223- 1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’ article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
A partir du moment où M. [Y] était salarié de la société SED [Localité 6] et qu’il n’est pas allégué que cette societé se serait soustraite à ses obligations déclaratives, il importe peu que la cour ait précédemment retenu l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite de la société SED [Localité 6] à la société NEC France au préjudice de M. [Y].
L’élément intentionnel n’est pas établi par les éléments et circonstances de l’espèce et M. [Y] sera débouté de ce chef, par voie de confirmation du jugement.
Sur l’absence de formation
M. [Y] fait valoir qu’il n’a pas bénéficié d’aucune formation dispensée par la société NEC France pendant douze année.
Le salarié ne caractérise pas le préjudice invoqué de ce chef de sorte qu’il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée.
Sur l’absence d’information relative au droit individuel à la formation
M. [Y] indique qu’il n’a pas été informé de son droit individuel à formation, la société NEC France n’ayant pas respecté la procédure de licenciement.
Toutefois, il ne justifie d’aucun préjudice à ce titre.
Il convient en conséquence, confirmant le jugement, de le débouter de sa demande de ce chef.
Sur les autres demandes
Il convient d’enjoindre à la société NEC France de remettre à M. [Y] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.
Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [Y] les frais par lui exposés en première instance et en cause d’appel non compris dans les dépens à hauteur de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il déboute M. [Y] de ses demandes de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé, de dommages-intérêts pour absence de formation et pour manquement à l’obligation d’information DIF, en ce qu’il déboute la société NEC France de la demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que M. [Y] a été victime d’un prêt de main d’oeuvre illicite,
REQUALIFIE ce prêt de main d’oeuvre illicite en contrat de travail à durée indéterminée entre M. [Y] et la société NEC France à compter du 1er janvier 2005,
DIT que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée entre M. [Y] et la société NEC France par suite de la résiliation du 21 avril 2017 du contrat de prestation de service entre la société SED [Localité 6] et la société NEC France s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE en conséquence la société NEC France à payer à M. [Y] les sommes suivantes :
– 12 033,33 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 11 400 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 760 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 22 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la société NEC France à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [Y] dans la limite de six mois,
ORDONNE à la société NEC France de remettre à M. [Y] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte,
DIT que les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation pour les créances salariales,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société NEC France aux dépens de première instance et d’appel, et à verser à M. [Y] une indemnité de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président