Prêt illicite de main d’oeuvre : 23 février 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/01115

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 23 février 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/01115
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COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

O R D O N N A N C E

N° RG 22/01115 – N° Portalis DBVC-V-B7G-G7IO

Affaire :

Monsieur [O] [K]

Représenté par Me Adeline PLAINE-MADELAINE, avocat au barreau de COUTANCES

représenté et assisté de

C/

S.A.S. GE STEAM POWER SYSTEMS Anciennement dénommée ALSTOM POWER SYSTEMS

Représentée par Me Emmanuel ANDREO, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

S.A.S. WTA

S.E.L.A.R.L. SBCMJ Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « société WTA » Agissant par Maître Bruno Cambon suivant le jugement d’ouverture de liquidation judiciaire du TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROMANS en date du 28/04/2021

Représentées par Me Thomas DOLLON, avocat au barreau de CHERBOURG, substitué par Me MARI, avocat au barreau de CAEN

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS – CGEA D’ANNECY

Représentée par Me Julie POMAR, avocat au barreau de CAEN – N° du dossier AGS0663

Le VINGT TROIS FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

Nous, I. VINOT, Conseillère chargée de la mise en état de la première chambre sociale de la Cour d’Appel de CAEN, assistée de Mme ALAIN, greffière,

M. [K] a été embauché par un contrat à durée indéterminée de chantier en date du 17 mars 2016 par la société WTA (qui sera ultérieurement placée en liquidation judiciaire, la selarl SBCMJ étant désignée en qualité de liquidateur).

Cette société avait conclu à cette même date un contrat avec la société Alstom power systems (qui deviendra la société GE steam power systems) à la suite d’un appel d’offres de cette dernière sur la gestion du système de consignation sur le site de l’EPR de [Localité 1].

Le 19 octobre 2019 il été mis fin au contrat entre les deux sociétés et M. [K] a été licencié par la société WTA pour fin de chantier.

M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Cherbourg de différentes demandes dirigées contre les deux sociétés, se prévalant notamment d’un prêt illicite de main d’oeuvre.

L’Unedic a été appelée en cause.

La société WTA et l’Unedic ont soulevé l’incompétence territoriale du conseil et la société Alstom l’incompétence matérielle en contestant tout prêt de main d’oeuvre.

Par jugement du 6 avril 2022, le conseil a statué.

M. [K] a interjeté appel.

Par conclusions du 12 septembre 2022, la société GE steam power systems a présenté des conclusions d’incident aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions d’appel de M. [K] contre elle, subsidiairement se déclarer incompétent pour connaître du litige entre M. [K] et elle et renvoyer M. [K] à se pourvoir devant le tribunal judiciaire, plus subsidiairement déclarer irrecevable la demande de M. [K] d’annulation de la prétendue sanction disciplinaire et voir condamner M. [K] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [K] a conclu au débouté des demandes de la société GE steam power systems, sollicité de voir déclarer cette société irrecevable à conclure au fond, demandé au conseiller de la mise en état de se voir déclarer incompétent pour connaître du litige entre lui et la société GE steam power systems et sur la demande de déclaration d’irrecevabilité de sa demande d’annulation de sanction disciplinaire, à titre subsidiaire de se déclarer compétent pour statuer sur ses demandes contre la société GE steam power systems, en tout état de cause de condamner la société GE steam power systems à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La selarl SBCMJ et la société WTA ont conclu au débouté des demandes de la société GE steam power systems et qu’elles s’en rapportent sur la compétence et sur la recevabilité de la demande d’annulation de sanction disciplinaire et sollicitent la condamnation de la société GE steam power systems et de M. [K] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy a conclu au débouté des demandes de la société GE steam power systems et qu’elle s’en rapporte sur la compétence et sur la recevabilité de la demande d’annulation de sanction disciplinaire et, en tout état de cause, demande de lui voir déclarer l’ordonnance opposable dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables.

Par ordonnance du 19 janvier 2023, la réouverture des débats a été ordonnée afin que la société GE steam power systems s’explique sur la demande présentée par M. [K] tendant au prononcé de l’irrecevabilité de ses conclusions au fond et s’explique dans ce cadre sur la recevabilité de son incident dans l’hypothèse où elle serait jugée irrecevable à conclure au fond.

Pour l’exposé des prétentions des parties il est renvoyé aux conclusions d’incident du 24 janvier 2023 pour la société GE steam power systems, du 1er février 2023 pour M. [K], du 24 octobre 2022 pour l’Unedic délégation AGS CGEA de Rouen et du 1er décembre 2022 pour la selarl SBCMJ et la société WTA.

SUR CE

1) Sur l’incident présenté par la société GE steam power systems tendant à l’irrecevabilité des conclusions de l’appelant et subsidiairement à l’incompétence de la cour et à l’irrecevabilité de la demande d’annulation de sanction disciplinaire

La recevabilité de l’incident n’est pas contestée.

Le conseil de prud’hommes était saisi de deux exceptions ‘d’incompétence’, une stricto sensu tendant à le voir juger incompétent territorialement et l ‘autre tendant à voir juger l’absence de prêt illicite de main d’oeuvre et donc de contrat de travail entre M. [K] et la société GE steam power systems, ce qui était en réalité une contestation du bien fondé de la demande et non une question de compétence matérielle.

Les premiers juges ont répondu expressément dans les motifs de leur jugement sur l’incompétence territoriale et dans le dispositif se sont déclarés compétents pour statuer sur le litige entre M. [K] et la société WTA.

Ils n’ont pas répondu expressément sur l’incompétence matérielle soulevée par Alstom mais cependant ont motivé leur décision quant à l’absence de prêt illicite de main d’oeuvre en conséquence de quoi ils ont débouté M. [K] de toutes ses demandes autres que celle pour heures supplémentaires, le déboutant ce faisant de ses demandes contre la société Alstom.

Appel a été interjeté sur ce débouté par M. [K] et ses conclusions ne sont pas irrecevables en ce qu’il a ajouté qu’il demande de voir la cour se déclarer compétente, puisque c’est ce qu’il entend voir juger par son appel du débouté au motif qu’il y a bien eu relation de travail avec la société GE steam power systems et que sa demande est donc fondée contre cette dernière.

Et il sera encore observé que dès lors qu’ils ont statué sur l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite pour considérer qu’il n’y en avait pas, les premiers juges se sont nécessairement déclarés compétents sur cette question des demandes dirigées contre la société GE steam power systems et en conséquence la demande de voir déclarer la cour compétente n’est pas une prétention nouvelle mais le simple constat qu’elle l’est ayant été saisie d’un appel du débouté des demandes dirigées contre la société GE steam power systems.

Par leur dispositif les premiers juges se sont ainsi déclarés compétents pour le tout et ont statué sur toutes les demandes y compris celles dirigées contre la société Steam power systems de sorte que cette dernière est infondée à soutenir qu’ils se seraient déclarés incompétents pour statuer sur les demandes dirigées contre elle et l’auraient mise hors de cause et que les conclusions d’appel de M. [K] ne sont pas irrecevables en ce qu’elles tendent à voir juger par la cour l’existence d’un prêt illicite de main d’oeuvre et le bien fondé de ses demandes dirigées contre la société GE steam power systems.

La demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de M. [K] sera donc rejetée.

Seules relèvent de la compétence du conseiller de la mise en état les exceptions touchant à la procédure d’appel et non celles touchant à l’appel lui-même.

Ne saurait donc être examinée par le conseiller de la mise en état une exception tirée de ‘l’incompétence’ de la juridiction prud’homale impliquant l’existence d’un contrat de travail (à supposer que cet examen relève d’une question de compétence et non d’une question de fond ainsi qu’il vient d’être exposé) et conduisant à confirmer ou infirmer le jugement.

La demande subsidiaire de déclaration d’incompétence au profit du tribunal judiciaire sera donc rejetée.

Quant à la demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande d’annulation de la prétendue sanction disciplinaire, elle sera rejetée également dès lors qu’il ne saurait être débattu devant le conseiller de la mise en état de la prescription d’une contestation de sanction dès lors que la qualification de sanction disciplinaire de la mesure incriminée (dont l’existence même et la date sont au demeurant contestées) est liée à la qualité d’employeur de celui qui l’a prétendument notifiée, qualité d’employeur de la société GE steam power systems que seule la cour peut examiner.

2) Sur la recevabilité des conclusions au fond de la société GE steam power systems

Par ses conclusions d’incident du 27 octobre 2022, M. [K] a sollicité de voir déclarer la société GE steam power systems irrecevable à conclure au fond, exposant que cette société, si elle avait déposé des conclusions d’incident, n’avait pas conclu au fond dans le délai de trois mois et qu’elle était désormais irrecevable à le faire en application de l’article 909 du code de procédure civile.

La société GE steam power systems n’ayant pas répondu à cette demande, c’est pour lui permettre de le faire que les débats ont été rouverts, étant rappelé que l’ordonnance précisait que M. [K] avait soumis cet incident, que la société GE steam power systems n’avait pas conclu sur ce point et qu’en conséquence ‘il convenait de l’inviter à le faire’.

Il sera relevé que si la société GE steam power systems s’explique sur la recevabilité de son incident non subordonnée à celle de ses conclusions au fond, elle ne s’explique en rien sur l’absence de conclusions au fond dans le délai de trois mois des conclusions de l’appelant, ne conteste pas cette absence ni ne fait valoir aucun argument susceptible de la justifier ou de faire échec à la demande présentée dans les circonstances qui précèdent par M. [K], convenant au surplus que des conclusions d’incident ne sont pas de nature à interrompre le délai de trois mois imparti à l’intimée pour conclure au fond.

En cet état, il convient de déclarer la société GE Steam power systems irrecevable à conclure au fond.

PAR CES MOTIFS

Déboute la société GE steam power systems de ses conclusions d’incident tant dans celles des demandes formées à titre principal que dans celles formées à titre subsidiaire.

Déclare la société GE steam power systems irrecevable à conclure à fond.

Condamne la société GE steam power systems à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de 500 euros à M. [K] et 500 euros à la selarl SBCMJ et la société WTA ensemble.

Condamne la société GE steam power systems aux dépens de l’incident.

LA GREFFIÈRE

M. [E]

LE MAGISTRAT DE

LA MISE EN ETAT

I. VINOT

 


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