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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 24 MAI 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01174 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBNSX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/06722
APPELANT
Monsieur [C] [M]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222
INTIMEES
SA FRANCE TÉLÉVISIONS
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
SAS CENTREVILLE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre
Mme Anne MENARD, Présidente de chambre
Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame ROUGE dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Sarah SEBBAK
ARRET :
– Contradictoire
– Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [C] [M] a été embauché par la société Centreville dans le cadre de divers contrats à durée déterminée d’usage pour exercer des fonctions de Chef monteur au cours de la période courant du 1er décembre 2000 au 11 septembre 2016.
Il était également embauché par la société avec France Télévisions en contrats à durée déterminés d’usage .
Il soutient que ces deux entreprises étaient ses co employeurs et afin de faire reconnaître cette situation et obtenir la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée et contrat à durée indéterminee, il a saisi le conseil de Prud’hommes .
Le Conseil de prud’hommes par jugement en date du 14 octobre 2019, a dit irrecevables les demandes de monsieur [M] sur la période antérieure au 10 juillet 2009
– requalifié à compter du 17 février 2014 le contrat de travail de monsieur [M]
avec France Télévisions en CDI à temps partiel à 19,12 %
– fixé le salaire mensuel moyen à 847,50 €
– dit et juge que monsieur [M] a fait l’objet d’un licenciement sans procédure
lequel est de fait dépourvu de cause réelle et sérieuse le 17 août 2017
– condamné France Télévisions à lui verser les sommes suivantes :
o 847,50 € au titre de l’indemnité de requalification
o 2.542,50 € à titre de préavis
o 254,25 € au titre des congés payés afférents
o 579,13 € à titre d’indemnité de licenciement
o 5.085,00 € à titre d’indemnité pour licenciement pour cause réelle et sérieuse
– ordonné la remise par France Télévisons des bulletins de paie conformes au jugement à intervenir sous 30 jours à compter de la notification du jugement, et ce sous astreinte de
30 € par jour de retard
– condamné France Télévisions à verser 900 € au titre de l’article 700 du CPC
– débouté monsieur [M] du surplus de ses demandes
– débouté France Télévisons de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement
des dépens et débouté la société Centreville de l’ensemble de ses demandes.
Monsieur [M] a interjeté appel du jugement.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 14 novembre 2022 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [C] [M] demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée , jugé que monsieur [M] avait fait l’objet d’un licenciement sans procédure, lequel était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et avait condamné la société avec France Télévisions à lui verser diverses sommes au titre d’ une indemnité de requalification, d’ une indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents, d’ une indemnité conventionnelle de licenciement, d’ une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’article 700,d’infirmer le jugement pour le surplus et de prononcer l’existence d’un co-emploi entre les sociétés avec France Télévisions et Centreville et lui même à compter du 1 er décembre 2000, de condamner la société Centreville à lui verser une somme de 37 544 € à titre de dommages et intérêts pour prêt de main-d”uvre illicite, en vertu de l’article L. 8241-1 du Code du travail, condamner la société avec France Télévisions à lui verser une somme de 37 544 € à titre de dommages et intérêts pour marchandage, en vertu de l’article L. 8231-1 du Code du travail, requalifier le contrat de travail de Monsieur [M] en contrat à durée indéterminée, à compter du 1 er décembre 2000, prononcer la nullité ou à titre subsidiaire l’inopposabilité des contrats de travail produits par la société Centreville faute d’identification, de qualité et de pouvoir du signataire, prononcer la requalification du contrat en temps plein et de fixer le salaire de référence de monsieur [M] :
‘ À titre principal : à la somme de 6 257,28 € bruts mensuels (base temps plein)
‘ À titre subsidiaire : à la somme de 4 346,85 € bruts mensuels
‘ À titre infiniment subsidiaire : à la somme de 2 931,70 € bruts mensuels
de condamner solidairement les sociétés avec France Télévisions et Centreville à lui verser les sommes suivantes :
‘ À titre principal une somme de 199 954,76 € à titre de rappel de salaire d’août 2014 jusqu’au licenciement, sur la base d’un temps plein, ainsi que 19 995,47 € de congés payés afférents,
‘ À titre subsidiaire une somme de 133 816,34 € à titre de rappel de salaire de août 2014 jusqu’au licenciement, sur la base du temps partiel minimum ainsi que 13 381,63 € de congés payés afférents, en application des articles L. 3123-7, L. 3123-19 et L. 3123-27 du Code du travail,
‘ À titre infiniment subsidiaire 72 368,80 €, à titre de rappel de salaire sur la base d’un volume et d’un montant maintenus, ainsi que 7 236,88 € de congés payés afférents
– 37 544 € à titre d’indemnité de requalification, en application de l’article L. 1245-2 du Code du Travail,
A titre principal : sur la base d’un salaire de référence de 6 257,28 € bruts mensuels
– indemnité compensatrice de préavis : 18 771,84 €
– congés payés sur préavis : 1 877,18 €
– indemnité conventionnelle de licenciement : 98 553 €
A titre subsidiaire : sur la base d’un salaire de référence de 4 346,85 € bruts mensuels
– indemnité compensatrice de préavis : 13 040,55 €
– congés payés sur préavis : 1 304,05 €
– indemnité conventionnelle de licenciement : 68 463 €
A titre infiniment subsidiaire : sur la base d’un salaire de référence de 2 931,70 € bruts mensuels
– indemnité compensatrice de préavis : 8 795,10 €
– congés payés sur préavis : 879,51 €
– indemnité conventionnelle de licenciement : 46 175 €
-112 632 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause
débouter les sociétés avec France Télévisions et Centreville de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
condamner solidairement les sociétés avec France Télévisions et Centreville à remettre à monsieur [M] des bulletins de paie conformes au jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document, astreinte dont la Cour d’Appel se réserva le contentieux de la liquidation,
avec intérêts au taux légal, et de l’anatocisme, conformément à l’article 1343-2 du Code civil, condamner solidairement les sociétés avec France Télévisions et Centreville à verser à monsieur [M] une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC, et aux dépens ,
A titre subsidiaire il demande à l’encontre de la société avec France Télévisions
de confirmer le jugement du 14 octobre 2019 et d’y ajouter , fixer l’ancienneté du contrat de monsieur [M] au 5 janvier 2008, prononcer la requalification du contrat en temps plein,fixer le salaire de référence de monsieur [M] :
‘ À titre principal : à la somme de 6 257,28 € bruts mensuels (base temps plein)
‘ À titre subsidiaire : à la somme de 4 346,85 € bruts mensuels
‘ À titre infiniment subsidiaire : à la somme de 1 888,68 € bruts mensuels
de condamner la société avec France Télévisions à lui verser les sommes suivantes:
‘ 206 090,08 € à titre de rappel de salaire d’août 2014 jusqu’au licenciement, sur la base d’un temps plein, ainsi que 20 609,00 € de congés payés afférents,
‘ À titre subsidiaire la somme de 127 681,03 € à titre de rappel de salaire de août 2014 jusqu’au licenciement, sur la base du temps partiel minimum légal ainsi que 12 768,10 € de congés payés afférents, en application des articles L. 3123-7, L. 3123-19 et L. 3123-27 du Code du travail,
‘ À titre infiniment subsidiaire 19 565,27 €, à titre de rappel de salaire sur la base d’un volume et d’un montant constants, ainsi que 1 956,52 € de congés payés afférents
– 37 544 €au titre de l’indemnité de requalification
A titre principal :
sur la base d’un salaire de référence de 6 257,28 € bruts mensuels
– indemnité compensatrice de préavis : 18 771,84 € (3 mois)
– congés payés sur préavis : 1 877,18 €
– indemnité conventionnelle de licenciement : 84 787 €
A titre subsidiaire : sur la base d’un salaire de référence de 4 346,85 €
– indemnité compensatrice de préavis : 13 040,55 € (3 mois)
– congés payés sur préavis : 1 304,05 €
– indemnité conventionnelle de licenciement : 58 899 € 45
A titre infiniment subsidiaire : sur la base d’un salaire de référence de 1 888,68 € bruts mensuels
– indemnité compensatrice de préavis : 5 666,04 € (3 mois)
– congés payés sur préavis : 566,60 €
– indemnité conventionnelle de licenciement : 25 592 €
-55 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l’article L. 1235-3 du Code du travail,
À l’encontre de la société Centreville il demande d’infirmer le jugement en ce qu’il l’ a débouté de l’intégralité de ses demandes de requalifier le contrat de travail de monsieur [M] en contrat à durée indéterminée à compter du 1 er décembre 2000, de prononcer à titre principal la nullité ou à titre subsidiaire l’inopposabilité des contrats de travail produits par la société Centreville, faute d’identification de la qualité et de pouvoir du signataire, de prononcer la requalification du contrat en temps plein, de fixer le salaire de référence de monsieur [M]
‘ À titre principal : à la somme de 4 996,49 € bruts mensuels (base temps plein)
‘ À titre subsidiaire : à la somme de 3 426,16 € bruts mensuels
‘ À titre infiniment subsidiaire : à la somme de 2 029,57 € bruts mensuels
de condamner la société Centreville à verser à monsieur [M] les sommes suivantes :
‘ À titre principal une somme de 175 756,72 € à titre de rappel de salaire de septembre 2013 (limites de la prescription) jusqu’au licenciement, sur a base d’un temps plein, ainsi que 17 575,67 € de congés payés afférents,
‘ À titre subsidiaire une somme de 116 027,21 € à titre de rappel de salaire de septembre 2013 (limites de la prescription) jusqu’au licenciement, sur la base du temps partiel minimum légal (24 heures hebdomadaires), ainsi que 11 602,72 € de congés payés afférents, en application des articles L. 3123-7, L. 3123-19 et L. 3123-27 du Code du travail,
‘ À titre infiniment subsidiaire 44 630,40 €, à titre de rappel de salaire sur la base d’un volume et d’un montant constants, ainsi que 4 463,04 € de congés payés afférents
– 29 979 € (6 mois) à titre d’indemnité de requalification, en application de l’article L. 1245-2 du Code du Travail,
A titre principal :
sur la base d’un salaire de référence de 4 996,49 € bruts mensuels (base temps plein)
– indemnité compensatrice de préavis : 14 989,47 €
– congés payés sur préavis : 1 498,94 €
– indemnité conventionnelle de licenciement : 27 731 €
A titre subsidiaire : sur la base d’un salaire de référence de 3 426,16 € bruts mensuels
– indemnité compensatrice de préavis : 10 278,48 € (3 mois)
– congés payés sur préavis : 1 027,84 €
– indemnité conventionnelle de licenciement : 19 016 €
A titre infiniment subsidiaire : sur la base d’un salaire de référence de 2 029,57 € € bruts mensuels
– indemnité compensatrice de préavis : 6 087,81 € (3 mois)
– congés payés sur préavis : 608,78 €
– indemnité conventionnelle de licenciement : 11 263 €
– 55 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l’article L. 1235-3 du Code du travail,
débouter la société Centreville de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
À l’encontre de la société avec France Télévisions et de la société Centreville
ORDONNER la remise à monsieur [M] des bulletins de paie conformes au jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document, astreinte dont la Cour d’Appel se réserva le contentieux de la liquidation,
PRONONCER les condamnations prononcées assorties des intérêts au taux légal, et de l’anatocisme, conformément à l’article 1343-2 du Code civil,
CONDAMNER chacun des intimés à verser à monsieur [M] une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC,
CONDAMNER solidairement les intimés aux entiers dépens, ainsi que les éventuels frais d’exécution.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 9 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la Société Centreville demande à la cour de confirmer le jugement du 14 octobre 2019 en ce qu’il a dit l’action et les demandes de monsieur [M] à l’encontre de la société Centreville irrecevables car prescrites autant sur le principal que sur le subsidiaire.
Confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé qu’il n’existe pas de situation de co-emploi de monsieur [M] par France Télévisions et Centreville, le débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société Centreville et le condamner à payer à la société Centreville la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA , le 3 août 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens la société avec France Télévisions demande à la cour de à titre principal :
confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a jugé qu’il n’existait pas de situation de co-emploi par les Sociétés avec France Télévisions et CENTREVILLE, avec les conséquences de droit en résultant; en ce qu’il a débouté monsieur [M] de sa demande de rappel de salaires, l’infirmer en ce qu’il a procédé à la requalification de la relation de travail en un CDI, avec toutes les conséquences de droit en résultant, et débouter monsieur [M] de l’ensemble de ses demandes en lien avec la reconnaissance d’une situation de co-emploi [délit de marchandage / prêt de main d”uvre illicite / rappel de salaire] , de sa demande de requalification de sa relation de travail avec avec France Télévisions en un contrat de travail à durée indéterminée de l’intégralité de ses demandes indemnitaires en lien avec l’exécution ou la rupture de son contrat de travail ;
A titre subsidiaire : infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir de la société relative au caractère prescrit de ses demandes en lien avec la période antérieure au 11 septembre 2016 , fixer le salaire mensuel de référence de monsieur [M] à hauteur de 720 euros bruts , fixer l’ancienneté de monsieur [M] à hauteur de 9 mois, correspondant à la période 17 octobre 2016 ‘ 27 juillet 2017 , le débouter de sa demande relative au paiement d’une indemnité de licenciement dès lors qu’il ne justifie pas de l’ancienneté nécessaire à l’ouverture de ce droit.
Ramener l’indemnité de compensatrice de préavis sollicitée par le demandeur à hauteur de 720 euros bruts, outre les congés payés y afférent fixés à 72 euros bruts , ramener à de bien justes proportions la demande formulée par monsieur [M] au titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et notamment à hauteur d’un mois de salaire, soit 720€ bruts , apprécier dans de bien justes proportions la demande formulée par monsieur [M] au titre d’indemnité de requalification, et la fixer à hauteur de 720 euros , constater que monsieur [M] est mal fondé à solliciter une quelconque demande de rappel de salaires.
A titre très subsidiaire confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a jugé irrecevables les demandes de monsieur [M] sur la période antérieure au 10 juillet 2019 , fixer le salaire mensuel de référence de monsieur [M] à hauteur de 720 euros bruts , fixer son ancienneté à hauteur de 3 ans et 5 mois, correspondant à la période de février 2014 à juillet 2017 , fixer le montant de l’indemnité de licenciement du salarié à hauteur de 492 euros; ramener l’indemnité compensatrice de préavis sollicitée par le demandeur à hauteur de 1.440 euros bruts, outre les congés payés y afférent fixés à 144 euros bruts ramener à de bien justes proportions la demande formulée par monsieur [M] au titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et notamment à un maximum de 6 mois de salaires, soit 4.320€ bruts , apprécier dans de bien justes proportions la demande formulée par monsieur [M] au titre d’indemnité de requalification, et la fixer à hauteur de 720 euros ;
A titre infiniment subsidiaire confirmer dans toutes ses dispositions le jugement de première instance et à titre reconventionnel condamner monsieur [M] à verser à la Société avec France Télévisions la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur la prescription des demandes à l’égard de la société Centreville
Monsieur [M] a cessé toute intervention au sein de Centreville au terme de son dernier contrat à durée déterminée signé le 10 septembre 2016 pour une durée de 2 jours, en l’occurrence les 10 au 11 septembre 2016. Il a saisi le conseil de Prud’hommes le 11 septembre 2018.
La société Centreville soutient que la cour de Cassation a fixé le point de départ de la prescription de l’action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter de la conclusion du contrat et non pas au moment de la rupture de la relation de travail.
Il sera observé que la demande en requalification est fondée sur l’irrégularité des contrats en précisant que le signataire des contrats signés par la société Centreville n’est pas identifié et que sa qualité pour le faire ne peut être vérifiée. Il se fonde donc sur le formalisme non respecté des contrats. Monsieur [M] se fonde également sur l’absence de production de l’ensemble des contrats .
La demande de requalification des CDD en CDI, est une demande, prévue en tant que telle par le code du travail, liée à l’exécution du contrat de travail. Le délai de prescription est biennal. Il convient de distinguer si le motif invoqué à l’appui de la demande est un vice de forme ou de fond. La demande de requalification fondée sur un vice de forme court à compter de la conclusion du CDD irrégulier. En revanche, le point de départ du délai de prescription de l’action en requalification fondée sur un motif de fond est le terme du dernier CDD concerné.
Le jugement qui a relevé la prescription des demandes à l’égard de la société Centreville sera confirmé, le délai pour saisir la juridiction de ce chef expirait le 10 septembre date de la conclusion du contrat et non au 11 septembre , date de la cessation du contrat.
Dés lors toutes les demandes formulées par monsieur [M] au titre de la requalification , et à ses conséquences notamment sur la rupture de la relation sont prescrites.
Sur le co-emploi
La situation de coemploi peut également résulter de l’exercice du pouvoir de direction d’une société sur les salariés d’une autre, caractérisé par un lien de subordination direct entre la première et les seconds ; Il appartient au salarié, qui se prévaut d’une situation de co-emploi, d’en apporter la preuve.
Monsieur [M] soutient qu’il a exercé ses fonctions même quand son employeur était la société Centreville pour France Télévision qui intervenait dans les plannings, qui lui donnait des instructions et que ses conditions de travail étaient les mêmes quelque soit son employeur .
Il affirme que la société Centreville n’intervenait absolument pas dans la relation de travail entre lui et la société France Télévisions et qu’il recevait ses directives de la société France Télévisions , sans en fournir la moindre preuve.
La société Centreville verse aux débats un tableau non valablement contesté démontrant que monsieur [M] a travaillé pour la société Centreville en qualité de chef monteur pour d’autres clients que France Télévisions , ce qui manifestement contredit le co emploi et tend à démontrer qu’il existait dans la société Centreville une organisation de travail propre s’appliquant à ses différents clients .
En l’absence de tout autre élément tel la diffusion de planning par France Télévisons , de mails de cette société mentionnant des instructions précises adressées directement à monsieur [M] , ce dernier ne caractérise pas le lien de subordination avec France Télévisions lors de ses prestations de travail au sein de Centreville et n’établit aucun co -emploi.
Celui-ci ne conteste pas avoir travaillé en des qualités différentes pour des périodes différentes pour ces deux entreprises ainsi en 2014 il a travaillé 36 jours en tant que réalisateurs de bandes annonces pour France Télévisions et et 14 jours pour Centreville en tant que Chef monteur pour l’habillage des bandes annonces, en 2015 : 47 jours en tant que réalisateur pour France Télévisions et 11 jours pour Centreville en tant que Chef monteur , en 2016 : 32 jours en tant que réalisateur pour France Télévisions et 7 jours pour Centreville en tant que Chef monteur et en 2017 : 20 jours en tant que réalisateur pour France Télévisions.
Ceci démontre la différence des emplois exercés et l’absence de co -emploi.
Il sera rappelé que la société Centreville a été créée en 1982, est entièrement dédiée à la postproduction.
Par ailleurs il sera souligné que les Sociétés France Télévisions et Centreville n’appartiennent pas à un même groupe, et ne constituent pas entre elles une unité économique et sociale , n’exercent pas la même activité économique l’une produit et diffuse des programmes audiovisuels et l’autre met à disposition de ses clients les moyens nécessaires à la postproduction d’une ‘uvre audiovisuelle et qu’aucune ne s’immisce dans la gestion économique et sociale de cette dernière.
Sur le prêt illicite de main d’oeuvre et le délit de marchandage
Le prêt de main-d”uvre, dès lors qu’il n’est pas effectué dans le cadre du travail
temporaire, est prohibé en vertu de l’article L. 8241-1 du Code du travail :
« Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :
1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;
2° Des dispositions de l’Article L222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives.
L’article L. 8231-1 du Code du travail prohibe, pour sa part, le délit de marchandage :
« Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit. »
Monsieur [M] soutient qu’en application de ces deux textes, sont donc interdites, dès lors qu’elles sont effectuées à but lucratif , toutes les opérations exclusives de prêt de main-d”uvre, ou toutes les opérations non exclusives de prêt de main-d”uvre dès lors qu’elles ont pour effet de causer un préjudice au salarié ou d’éluder l’application de la loi, de règlement ou de conventions ou d’accords collectifs de travail,
Les sociétés intimées contestent que la situation de l’appelant relève de ces textes en soulignant que ces pratiques doivent avoir pour but un caractère lucratif qui a pour effet ou objet de causer un préjudice au salarié , ce que ne développe pas monsieur [M].
En l’absence de toute caractérisation sur le but lucratif de l’opération et du préjudice que lui cause ou lui a causé ces prétendues pratiques, l’appelant sera débouté de cette demande.
Sur la requalification des contrats signés avec France Télévisions
Sur la prescription
France Télévisions soutient que toute demande relative à la requalification d’un CDD en CDI conclu antérieurement aux deux années précédent la saisine du conseil des prud’hommes est prescrite. Elle soutient aussi que les demandes portant sur la période antérieure au 10 juillet 2009 date d’un accord transactionnel sont irrecevables.
La dernier contrat liant les parties s’est terminé le 17 août 2017 , que dés lors la demande n’est pas prescrite.
En revanche les dispositions du protocole d’accord signé entre les parties qui prévoit que cette transaction a pour objet de mettre fin à tout litige né ou à naître entre les parties rend irrecevables toutes demandes portant sur la période antérieure à 10 juillet 2009.
Sur l’exigence d’un contrat écrit
Aux termes de l’article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.
En vertu de l’article L.1242-13 du code du travail, ce contrat est remis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche.
Monsieur [M] se fonde sur l’absence de production des contrats écrits par l’employeur, il soutient avoir travaillé alors que les contrats n’ont pas formalisés et rappelle l’exigence d’un formalisme pour la validité de tels contrats.
Sans qu’il soit nécessaire d’examiner comme le soulève également le salarié le caractère permanent de son emploi , il sera fait droit à sa demande de requalification faute pour la société de prouver qu’elle a respecté le formalisme exigé .
Eu égard à la transaction évoquée ci dessus la requalification remontera au premier contrat signé postérieurement à celle-ci soit le 17 février 2014 au vu des bulletins de salaire versés aux débats.
Sur le temps plein
Monsieur [M] sollicite que son contrat soit requalifié en contrat à temps plein.
En cas de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il appartient au salarié d’établir qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles.
Il convient de reprendre l’analyse des bulletins de salaire faite par le conseil de Prud’hommes et de constater que monsieur [M] a travaillé 36 jours en 2014, 47 jours en 2015, 32 jours en 2016 et 20 jours en 2017 pour la société France Télévisions.
En l’absence de tout élément démontrant que le salarié s’est tenu en permanence à la disposition de son employeur , le faible nombre de jours de travail annuel qui est établi ne permet pas de considérer que celui-ci se soit tenu à la disposition de son employeur .
Au vu des éléments retenus par le conseil de Prud’hommes , la cour confirme que le salaire moyen de monsieur [M] doit être fixé à 847,50€ .
Sur le rappel de salaire
Aucun élément ne permet de retenir l’existence d’un travail à temps plein , il sera débouté de sa demande en paiement d’un rappel de salaire à temps plein.
Il sollicite un rappel de salaire fondé sur les dispositions des articles L3123-7, L3123-19 et L3123-27 du code du travail ,mais ne démontre pas que sa situation lui permettait de bénéficier de ces dispositions , de nombreuses exceptions étant prévues par l’article L3123-7. Il sera débouté de ces demandes , aucune prestation de travail ne justifiant un rappel de salaire.
Sur le montant de l’indemnité de requalification
En vertu des dispositions combinées des articles L 1245-1 et L 1245-2 du code du travail, le contrat de travail conclu en méconnaissances des articles L1242-2 et suivants est réputé à durée indéterminée et le salarié a droit à une indemnité de requalification laquelle, sans préjudice des règles relatives à la rupture du contrat à durée indéterminée, ne peut être inférieure à un mois de salaire ; il convient, au vu des éléments du dossier, de la fixer à ce montant soit 847,50€.
Sur la rupture du contrat
La société ayant mis fin aux relations de travail au seul motif de l’arrivée du terme du contrat improprement qualifié de contrat à durée déterminée, la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé sur les montants alloués au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents soit les sommes de 2542,50€ et 254,25€ sur l’indemnité conventionnelle de licenciement soit 579,13€.
Monsieur [M] justifie de ses difficultés financières et du préjudice que lui a causé la fin des contrats à durée déterminée, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera portée à la somme de 10170€.
Sur la remise de bulletins de salaire
Eu égard aux développements précédents , aucune modification n’a lieu d’être faite sur les bulletins de salaire, il sera débouté de cette demande.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société France Télévisions à payer à monsieur [M] la somme de :
-10170 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;
– Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE France Télévisions à payer à monsieur [M] en cause d’appel la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE monsieur [M] à payer 800€ à la société Centreville en cause d’appel la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE les parties du surplus des demandes,
LAISSE les dépens à la charge de France Télévisions.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE