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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 08 JUIN 2023
N° 2023/ 411
Rôle N° RG 22/05417 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJG4Y
[E] [S]
C/
[W] [Z]
[N] [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Robert BENDOTTI
Me Eric VEZZANI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 21 Mars 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/03662.
APPELANTE
Madame [E] [S]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/3620 du 22/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 4])
née le 18 Février 1973 à FES (MAROC), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Robert BENDOTTI, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [N] [D]
né le 19 Janvier 1972, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Eric VEZZANI, avocat au barreau de NICE
Monsieur [W] [Z]
né le 03 Mars 1969 à DOUARD OULED (MAROC), demeurant [Adresse 1]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 02 Mai 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Mme Catherine OUVREL, Présidente
Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023,
Signé par Mme Catherine OUVREL, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 15 avril 2011, M. [N] [D] a consenti à M. [W] [Z] un bail d’habitation portant sur un appartement situé [Adresse 2]) moyennant un loyer mensuel initial de 720 euros et une provision mensuelle sur charges de 130 euros, soit un total mensuel de 850 euros.
Par jugement en date du 12 janvier 2021, assorti de l’exécution provisoire, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nice a, notamment, condamné M. [N] [D] à verser à M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] la somme de 5 493,40 euros au titre de travaux à faire réaliser pour remédier aux désordres immobiliers du logement loué et à payer à M. [W] [Z] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi.
M. [N] [D] a interjeté appel de cette décision le 15 mars 2021 et a obtenu, du premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, par ordonnance en date du 25 juin 2021, l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement susvisé.
Le 22 juillet 2021, M. [N] [D] a délivré à M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] un commandement de payer portant sur un arriéré locatif de 4 889,53 euros arrêté au 22 juillet 2021 en visant la clause résolutoire insérée dans le bail.
Se prévalant d’un commandement de payer demeuré infructueux, M. [N] [D] a assigné M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S], par acte d’huissier en date du 15 octobre 2021, devant le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nice du pôle de proximité statuant en référé aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner leur expulsion et les condamner à lui verser diverses sommes à titre provisionnel.
Par ordonnance contradictoire en date du 21 mars 2022, ce magistrat, estimant que la somme de 4 250 euros non sérieusement contestable visée dans le commandement de payer correspondant aux loyers dus entre les mois de mars et juillet 2021 (850 euros X 5 mois), sans tenir compte des taxes d’ordures ménagères et des charges locatives après régularisations qui ne sont pas justifiées, n’a pas été réglée dans les deux mois suivant sa délivrance, que les occupants ne peuvent se prévaloir d’une créance de dommages et intérêts devant se compenser avec l’arriéré locatif réclamé en l’état de l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement du 12 janvier 2021, et, que la somme non sérieusement contestable due par les défendeurs s’élève à 7 650 euros correspondant au montant mensuel du loyer et de la provision pour charges (850 euros X 9 mois) dû entre les mois de mars et novembre 2021, a :
– déclaré l’action de M. [N] [D] recevable ;
– déclaré la résiliation du bail en date du 15 avril 2011 à effet au 22 septembre 2021 ;
– ordonné l’expulsion de M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] de l’appartement occupé situé [Adresse 2] ;
– dit, qu’à défaut de départ spontané de leur part, le lendemain de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire d’un montant de 35 euros par jour de retard et pendant un délai de 30 jours, il sera procédé à l’expulsion de M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] des lieux occupés conformément aux articles L 411-1 et L 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution avec au besoin l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;
– dit que le sort des meubles et objets mobiliers présents dans le logement lors de l’expulsion sera régi par les dispositions de l’article L 433-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
– condamné M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] solidairement à payer à M. [N] [D] une indemnité d’occupation mensuelle provisionnelle d’un montant de 850 euros, égal à celui du dernier loyer appelé assorti de la provision pour charges locatives, à compter du 23 septembre 2021, et jusqu’à complète libération des lieux par la remise des clés au bailleur ;
– dit que les sommes échues porteront intérêts au taux légal à compter de la décision ;
– condamné M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] solidairement à payer à M. [N] [D] la somme de 7 650 euros à titre de provision sur les loyers et charges impayés selon décompte arrêté au mois de novembre 2021 inclus avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
– condamné M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] à payer à M. [N] [D] la somme de 75 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté le surplus des demandes de M. [N] [D] ;
– rejeté les demandes et moyens de M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] ;
– condamné M. [W] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] in solidum aux dépens de l’instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 22 juillet 2021.
Suivant déclaration transmise au greffe le 12 avril 2022, Mme [E] [S] a interjeté appel de cette décision aux fins de voir infirmer toutes ses dispositions dûment reprises sauf en ce qu’elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes en intimant M. [W] [Z] et M. [N] [D].
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 24 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, Mme [E] [S] sollicite de la cour qu’elle :
– infirme l’ordonnance entreprise ;
– condamne M. [N] [D] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle expose que le contrat de bail n’a été signé que par M. [W] [Z] qui règle seul le loyer et avec lequel elle n’est pas mariée, de sorte qu’elle considère que le bailleur n’est pas fondé, en application de l’article 1199 du code civil, qui énonce que les contrats ont un effet relatif, à lui réclamer la moindre somme au titre des loyers et charges.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 8 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, M. [N] [D] demande à la cour de :
– dire et juger que l’appelante n’a pas soumis à la cour les chefs de jugement qu’elle critique ;
– dire et juger en conséquence, en application de l’article 562 du code de procédure civile, que la cour n’est pas saisie d’une demande d’infirmation en appel régulière ;
– dire et juger que l’appelante soumet à la cour une prétention nouvelle ;
– dire et juger en conséquence, en application de l’article 563 du code de procédure civile, que l’appel est irrecevable ;
– en tout état de cause, constater que l’appelante a toujours revendiqué la qualité d’épouse de M. [Z] dans les procédures en demande qu’elle a initiées et constater que, pour le moins, elle a revendiqué la qualité de locataire ;
– confirmer, en conséquence, l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et spécialement en ce qu’elle a condamné l’appelante à lui payer une provision de 7 650 euros, outre les accessoires ;
– condamner Mme [S] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens.
Il expose que les occupants ont, en exécution de l’ordonnance entreprise, quitter les lieux le 16 juin 2022, tel que cela résulte du procès-verbal de constat de reprise des lieux.
Sur les exceptions de procédure, il relève que, si la déclaration d’appel vise tous les chefs de l’ordonnance entreprise, l’appelante ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, que l’infirmation sans viser le moindre chef de la décision qu’elle critique. Elle estime donc que la cour n’est saisie d’aucune demande expresse de réformation en violation de l’article 562 du code de procédure civile. Par ailleurs, elle déclare que le seul moyen soulevé par l’appelante, à savoir qu’elle n’est pas mariée à M. [Z] qui est le seul signataire du contrat de bail, n’a jamais été soulevé devant le premire juge, et ce alors même que l’appelante était représentée par le même conseil que M. [Z], de sorte qu’elle estime qu’il s’agit d’un moyen nouveau rendant l’appel irrecevable, sans que l’appelante ne puisse se prévaloir de l’effet dévolutif de l’appel pour soumettre ce moyen à la cour.
Sur le fond, il estime que ce moyen n’est pas fondé dès lors que Mme [S] a vécu maritalement avec M. [Z] et leurs deux enfants communs dans l’appartement et que cette dernière a initié, en se présentant comme l’épouse de M. [Z], une procédure devant la juridiction du fond aux fins d’obtenir sa condamnation à leur verser des dommages et intérêts, ce à quoi il sera fait droit par jugement en date du 12 janvier 2021. Il considère donc que Mme [S] ne peut, à sa guise, se présenter comme l’épouse de M. [Z] afin d’obtenir à son encontre des dommages et intérêts et réfuter une telle qualité pour s’exonérer du paiement des loyers et charges. Dans tous les cas, il relève que la qualité de locataire de Mme [S] est incontestable.
Bien qu’intimé, aucune signification de la déclaration d’appel n’a été faite à M. [W] [Z].
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 11 avril 2023.
Par un soit-transmis en date du 10 mai 2023, la cour a indiqué aux parties entendre soulever la caducité partielle de l’appel interjeté à l’égard de M. [W] [Z], qui apparaît en tant qu’intimé non représenté par le conseil de Mme [E] [S], pour non-respect des dispositions de l’article 905-1 du code de procédure civile, en les invitant à lui faire retour, avant le vendredi 19 mai à minuit, de leurs éventuelles observations sur ce point précis, par une note en délibéré (articles 444 et 445 du code de procédure civile).
Aucune note en délibéré n’a été transmise dans le délai imparti.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la caducité partielle de l’appel à l’égard de M. [W] [Z]
Aux termes de l’article 905-1 du code de procédure civile, lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; que si, entre-temps, l’intimé à constitué avocat avant la signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
En l’espèce, faute pour la déclaration d’appel d’avoir été signifiée à M. [W] [Z], lequel apparaît à la procédure comme intimé non représenté, après avoir été partie et représenté par le même conseil que celui de Mme [E] [S] en première instance, il y a lieu de prononcer d’office la caducité partielle de la déclaration d’appel à l’égard de M [W] [Z].
Sur la saisine de la cour
En vertu de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Il résulte de ces dispositions que si l’appelant se borne, dans le dispositif de ses conclusions, à conclure à l’infirmation d’une ordonnance, sans formuler de prétentions sur les demandes tranchées dans cette décision, la cour n’est pas saisie de prétentions relatives à ces demandes.
En l’espèce, si Mme [S] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation de l’ordonnance entreprise et la condamnation de M. [D] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, elle ne formule aucune prétention tendant à débouter M. [D] de ses demandes formées à son encontre, et en particulier de sa demande de la voir condamner, solidairement avec M. [W] [Z], à lui verser la somme de 7 650 euros à titre de provision sur les loyers et charges impayés.
En conséquence, la cour, qui n’est saisie d’aucune prétention relative aux demandes tranchées par l’ordonnance entreprise, ne peut statuer sur aucune des dispositions de l’ordonnance entreprise dont aucune ne lui a été déférée, et ce, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par M. [D].
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour appel abusif
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui a causé à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article 559 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Néanmoins, l’exercice d’un recours, de même que la défense à une tel recours, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette en dommages et intérêts, sur le fondement de ces textes, que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
En l’espèce, le fait même pour l’effet dévolutif de ne pas avoir opéré faute pour Mme [S] d’avoir formulé, dans le dispositif de ses conclusions, la moindre prétention, rendant impossible un examen du fond de l’affaire par la cour, ne permet pas de caractériser un abus dans son droit d’interjeter appel.
M. [D] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Mme [S], qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de la procédure d’appel.
En outre, l’équité commande de la condamner à verser à M. [D] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Prononce la caducité de la déclaration d’appel formée par Mme [E] [S] à l’égard de M. [W] [Z] ;
Constate l’absence d’effet dévolutif de l’appel attaché à la déclaration d’appel transmise le 12 avril 2022 par Mme [E] [S] ;
Dit n’y avoir lieu de statuer sur les dispositions de l’ordonnance rendue le 21 mars 2022 par le juge du contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Nice, dont aucune n’a été déférée à la cour ;
Déboute M. [N] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Condamne Mme [E] [S] à verser à M. [N] [D] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;
Condamne Mme [E] [S] aux entiers dépens de la procédure d’appel.
La greffière La présidente