Conclusions d’appel : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00204

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Conclusions d’appel : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00204
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 09/11/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/00204 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UBS6

Jugement (N° 21/001780) rendu le 09 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Madame [K] [Z]

née le 17 janvier 1969 à [Localité 4]

Monsieur [P] [J]

né le 23 décembre 1968 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentés par Me Nathalie Erouart, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

INTIMÉE

La SAS Maison du Nord

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Nicolas Papiachvili, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 20 juin 2023, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, président de chambre

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

Véronique Galliot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 novembre 2023 après prorogation du délibéré en date du 19 octobre (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2023

****

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 23 décembre 2014, M. [P] [J] et Mme [K] [Z] épouse [J] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans avec la société Thomas et Piron France, aux droits de laquelle vient la société Maisons du nord, pour un montant de 155 000 euros.

La réception des travaux est intervenue le 24 juin 2016.

Par ordonnance d’injonction de payer rendue le 18 décembre 2020 sur requête de la société Thomas et Piron France, il a été enjoint à M. et Mme [J] de payer la somme de 8 841 euros avec intérêt au taux légal à compter du 28 avril 2020.

Par courrier déposé au greffe du tribunal judiciaire de Lille le 28 mai 2021, M. et Mme [J] ont formé opposition à cette ordonnance qui leur a été signifiée par acte d’huissier délivré à l’étude le 7 mai 2021.

Par jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille

a :

‘reçu M. et Mme [J] en leur opposition,

‘déclaré non avenue l’ordonnance d’injonction de payer du 18 décembre 2020,

Statuant de nouveau,

‘condamné solidairement M. et Mme [J] à payer à la société Thomas et Piron France la somme de 8814 euros au titre de la facture impayée du 9 juin 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2020

‘débouté la société Thomas et Piron France de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

‘condamné in solidum M. et Mme [J] à payer à la société Thomaset Piron France la somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

‘condamné in solidum M. et Mme [J] aux dépens de l’instance,comprenant ceux relatifs à la procédure d’injonction de payer.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 13 janvier 2022, M. et Mme [J] ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 06 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté une demande d’expertise formée par M. et Mme [J].

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées au greffe le 21 juillet 2022, M. et Mme [J] demandent à la cour de :

Juger l’appel recevable et bien fondé

Infirmer le jugement rendu le 9 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu’il a :

– condamné solidairement M. et Mme [J] à payer à la SAS Thomas & Piron France, exerçant sous l’enseigne Maisons du Nord, la somme de 8 814,00 euros au titre de la facture impayée du 9 juin 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2020,

– condamné in solidum M. et Mme [J] à à la SAS Thomas & Piron France exerçant sous l’enseigne Maisons du Nord la somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. et Mme [J] à à la SAS Thomas & Piron France exerçant sous l’enseigne Maisons du Nord au paiement des dépens de l’instance, comprenant ceux relatifs à la procédure d’injonction de payer,

Statuant à nouveau,

Avant dire droit,

– Ordonner une expertise judiciaire avec mission habituelle afin de lister les désordres affectant l’immeuble litigieux sis [Adresse 1] à [Localité 4], donner son avis sur les causes et l’imputabilité des désordres , donner son avis sur les réparations à effectuer et les chiffrer.

Au fond, Vu l’article 1219 du code civil,

– Constater que le préjudice de M. et Mme [J] é aux désordres évoqués s’élève à la somme de 10 000,00 euros

– En conséquence, Condamner la SAS Thomas & Piron France exerçant sous l’enseigne Maisons du Nord à payer à M. et Mme [J] somme de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts

– Ordonner la compensation de la somme de 10 000,00 euros due au titre des dommages et intérêts dus à M. et Mme [J] l’éventuel solde exigible par la SAS Thomas & Piron France exerçant sous l’enseigne Maisons du Nord

– Condamner la SAS Thomas & Piron France exerçant sous l’enseigne Maisons du Nord à payer à M. et Mme [J]la somme de 2 400,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la SAS Thomas & Piron France exerçant sous l’enseigne Maisons du Nord aux entiers frais et dépens d’appel, d’instance et relatifs à la procédure d’injonction de payer.

Au soutien de leurs prétentions M. et Mme [J] font valoir qu’ils s’opposent au paiement du solde du marché car ils ont constaté et fait constater, par huissier de justice, un certain nombre de désordres. La société Maisons du Nord leur a proposé une indemnisation de 750 euros, reconnaissant ainsi le bien fondé de leurs réclamations. Ils contestent la proposition d’indemnisation et sollicitent que soit ordonnée une expertise, sur la base des constatations opérées par l’huissier de justice. Ils indiquent que le montant de leur préjudice ne peut être inférieur à 10 000 euros et sollicitent la compensation de cette somme avec le solde du marché réclamé.

Par conclusions déposées le 06 juillet 2022, la société les Maisons du Nord demande de :

– Juger que la demande de désignation d’un expert judiciaire relève de la compétence exclusive du Conseiller de la mise en état

En conséquence

– Debouter les consorts [J] de leur demande tendant à obtenir la désignation d’un expert judiciaire

A titre subsidiaire

– Juger que les consorts [J] font preuve de carence dans l’administration de la preuve

En conséquence

– DEBOUTER les consorts [J] de leur demande tendant à obtenir la désignation d’un expert judiciaire

En tout état de cause

– Juger que les consorts [J] ne rapportent pas la preuve de leur préjudice

En conséquence

– Debouter les consorts [J] de leur demande tendant à obtenir des dommages intérêts d’un montant de 10 000 euros

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement les époux [J] au paiement de la somme de 8 841 euros au titre de la facture impayée du 09 juin 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 04 mai 2020

– Reformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Maisons du Nord de sa demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive

Statuant à nouveau,

– Condamner solidairement les époux [J] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de la résistance abusive

– Debouter les consorts [J] de toutes leurs demandes

– Condamner solidairement les époux [J] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Elle soulève l’incompétence du tribunal. Elle ajoute que M. et Mme [J] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe des désordres imputables au constructeur.

MOTIVATION

Observations liminaires

Selon l’article 954 du code de procédure civile « les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures.

A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.»

En l’espèce, il sera observé que la société Maisons du Nord soulève dans le corps de ses conclusions « l’irrecevabilité » des conclusions des appelants sans le reprendre à son dispositif, la cour n’est pas saisie de cette demande.

Sur la demande d’expertise

M. et Mme [J] produisent à l’appui de leur demande un constat d’huissier établi le 15 juillet 2021.

La société Maisons du Nord s’oppose à la demande faisant valoir que la désignation d’un expert relève de la seule compétence du conseiller de la mise en état.

Il résulte des articles 10, 143 et 144 du code de procédure civile qu’une mesure d’expertise peut être ordonnée en tout état de cause, soit à la demande des parties soit d’office dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

La demande d’expertise formulée devant la cour est recevable quand bien même le conseiller de la mise en état l’a rejetée, la décision du conseiller de la mise en état ayant été motivée par le défaut de production du constat d’huissier.

Devant la cour, les appelants communiquent le procès-verbal de constat établi par Me [H], huissier de justice, le 15 juillet 2021.

Ce constat fait état d’un certain nombre de défauts dont se plaignent les appelants, les désordres évoqués portent sur :

– l’absence de protection sur les interrupteurs,

– le défaut de réglage d’une porte de cuisine, selon Mme [J]

– un mauvais positionnement d’une poignée de châssis coulissant de ce fait peu aisée à utiliser,

– des volets roulants ne remontant pas complètement,

– une remise en conformité des bois de charpente près d’un conduit de cheminée,

– l’absence de serrures sur les portes intérieures ;

– l’absence de fixation murale des bras de volet roulant,

– une insuffisance d’espace entre le mur et l’extrémité de la cuvette des toilettes,

– une absence de finition sur la partie arrière du porche d’entrée (non visible de l’extérieur) en béton dont les appelants indiquent qu’il devait être lissé,

des taches et des efflorescences verdâtres sur les briques autour et sur les appuis de fenêtres, des trous de chevilles dans les joints de briques en pied de mur, Mme [J] indiquant qu’une descente d’eau pluviale avait été mal positionnée et replacée,

– une absence de joint au bas de la fenêtre de la salle d’eau, un tuyau d’évacuation d’eau pluviale sur lequel aurait du être apposée une grille, une fissure sur le coffret du compteur à eau.

L’immeuble a fait l’objet d’une réception sans réserve le 26 juin 2016, le procès-verbal de réception communiqué (pièce 2 de l’intimé) mentionne à la rubrique « état annexe des réserves » RAS le procès-verbal de réception et l’état annexe des réserves sont tous deux signés des maîtres d’ouvrage.

Il convient à cet égard de relever que contrairement à l’évidence du procès-verbal de réception, M. et Mme [J] ont indiqué à l’huissier de justice que les réserves formulées à la réception n’avaient pas été levées.

À l’absence de réserve doit être ajouté le fait que M. et Mme [J] n’ont formulé aucune réclamation au constructeur concernant les travaux réalisés ou d’éventuelles non conformités.

Ils ont formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer, mais n’ont pas comparu devant le tribunal statuant sur cette opposition, le jugement étant réputé contradictoire. Ce n’est que devant la cour et pour contester la condamnation que les appelants ont formulé des critiques sur les ouvrages réalisés et sollicité l’expertise.

Enfin, ils sollicitent que l’expert « liste les désordres affectant l’immeuble », cette mission est sans intérêt dès lors qu’un constat d’huissier est réalisé, il n’est pas demandé de rechercher l’origine des dommage.

Bien plus l’analyse des désordres invoqués révèle que :

la plupart des désordres étaient apparents à la réception et ont été couverts par celle-ci, tels l’absence de protection sur les interrupteurs, l’absence de serrures sur les portes intérieures, les volets roulants, les taches sur les briques, le non-respect des dimensions des murs et le mauvais positionnement des toilettes, des désordres relèvent de non-conformité (défaut de lissage du béton sur la face arrière du porche, travaux pour la mise en place d’une cheminée) M et Mme [J], à qui il incombe de justifier de leurs réclamations, ne produisent aucune pièce du contrat passé ou descriptif permettant d’apprécier si les ouvrages étaient prévus,

s’agissant des traces verdâtres, du coffret de compteur d’eau brisé, ces désordres invoqués cinq ans après la réception, relèvent du défaut d’entretien ou d’un fait accidentel (le coffre de compteur étant situé sur la voie d’accès à la maison).

Au vu de ces observations, il convient de rejeter la demande d’expertise qui n’est pas justifiée la cour disposant des éléments suffisants pour apprécier la demande.

Sur la demande tendant à la condamnation de la société Maisons du Nord au paiement d’une somme de 10 000 euros,

Au visa des dispositions de l’article 1219 du code civil, M. et Mme [J] indiquent que le préjudice résultant des désordres relevés dans le procès-verbal de constat peut être évalué à 10 000 euros.

Selon l’article 1219 du code civil une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Ainsi qu’il a été démontré, la réception a été prononcée sans réserve, M. et Mme [J] n’ont formulé aucune réclamation avant de se voir signifier l’ordonnance en injonction de payer en date du 18 décembre 2020.

Les appelants produisent à l’appui de leurs explications un procès-verbal de constat d’huissier analysé ci-avant, il importe de relever que l’huissier s’est contenté de reprendre leurs déclarations et qu’ainsi que cela a été relevé, les désordres invoqués sont soit apparents et couverts par la réception sans réserve, soit susceptibles de relever de non-conformités qui ne sont pas établies par les appelants lesquels ne communiquent aucune pièce justifiant des engagements contractuels du constructeur, soit résultent de l’usure normale du bâtiment, en sorte qu’il convient de considérer que M. et Mme [J] ne justifient pas des préjudices invoqués et seront déboutés de leur demande à ce titre.

En revanche, il n’est pas contesté par les appelants que le solde du marché, soit 8 841 euros, n’a pas été versé, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. et Mme [J] au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée le 04 mai 2020.

Sur les demandes au titre de la résistance abusive

La société Maisons du Nord sollicite la condamnation de M. et Mme [J] à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de la résistance abusive.

En l’espèce, la société Maisons du Nord n’invoque à titre de préjudice que les frais de procédure lesquels sont indemnisés par l’allocation d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, il convient en conséquence de confirmer le jugement et débouter l’intimée de cette demande.

Sur les frais accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

M. et Mme [J] seront déboutés de leurs demandes d’indemnité de procédure mais condamnés à payer à la société Maisons du Nord la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 09 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M et Mme [J] de toutes leurs demandes,

Condamne M et Mme [J] in solidum à payer à la société Maisons du Nord une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Anaïs Millescamps

Le président

Catherine Courteille

 


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