Conclusions d’appel : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02450

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Conclusions d’appel : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02450
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 16 NOVEMBRE 2023

N° RG 20/02450 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LTLR

[T] [R]

S.A.S. BATEAU [Localité 5]

c/

S.C.I. GRANDE LANDE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 avril 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 17/04577) suivant déclaration d’appel du 15 juillet 2020

APPELANTS :

[T] [R]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 6]

de nationalité Française

Profession : Technicien réparateur,

demeurant [Adresse 3]

S.A.S. BATEAU [Localité 5]

société par actions simplifiée dont le siège social est sis [Adresse 4], agissant par ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentés par Me Marilou SEVAL, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistés de Me Corinne CASTAGNÉ de la SELAS RCL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.C.I. GRANDE LANDE

Société civile immobilière dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette

qualité audit siège

Représentée par Me Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 octobre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Jacques BOUDY

Conseiller : Monsieur Rémi FIGEROU

Conseiller : Madame Christine DEFOY

Greffier : Madame Audrey COLLIN

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

La SCI Grande Lande est propriétaire de locaux situé sur un terrain n°12 du lotissement de la zone d’activité à [Localité 5].

La SCI Grande Lande estime s’être aperçue que l’immeuble qu’elle possède était occupé sans droit par M. [R] et par la société Bateau [Localité 5].

Par acte du 10 mai 2017 , la SCI Grande Lande a assigné la société Bateau [Localité 5] et M. [R] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de constater une occupation sans droit ni titre sur le terrain précité en ordonnant leur expulsion avec condamnation à payer une indemnité d’occupation et, subsidiairement, de constater l’absence de pourparlers, plus subsidiairement, rupture de pourparlers imputables aux défendeurs.

Par jugement du 2 avril 2020 , le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– débouté la société Bateau [Localité 5] et M. [R] de leur demande tendant à constater l’existence d’un bail verbal à compter du 1er octobre 2020,

– constaté que la société Bateau [Localité 5] et M. [R] occupaient sans droit ni titre des locaux situés sur le lot 12 de la zone d’activité d'[Localité 5], et a ordonné leur expulsion ainsi que tout occupant de leur chef dans les conditions prévues par le code des procédures civiles d’exécution, au terme d’un délai de six mois à compter de la signification du jugement par application de l’article L 412-3 du code précité,

– condamné la société Bateau [Localité 5] à payer à la sci Grande lande une indemnité d’occupation mensuelle de 2000 euros à compter du 1er octobre 2016 jusqu’à la libération effective des lieux,

– débouté les parties de leur demande respective au titre d’une rupture fautive des pourparlers,

– condamné in solidum la société Bateau [Localité 5] et M. [R] aux dépens et dit que chaque partie conservera la charge des frais engagés non compris les dépens,

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.

La société Bateau [Localité 5] et M. [R] ont relevé appel du jugement les 10 et 15 juillet 2020.

Par ordonnance du 5 novembre 2020, le conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Bordeaux a:

– constaté la caducité de la déclaration d’appel en date du 10 juillet 2020,

– condamné l’appelant aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 septembre 2023, la société Bateau [Localité 5] et M. [R] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1124, 1219, 1231-1, 1240 1241, 1719, et 1720 du code civil, de l’article L412-3 du code des procédures civiles d’exécution, et de l’article 700 du code de procédure civile :

– de déclarer la société Bateau [Localité 5] et M. [R] recevables et bien fondés en leur appel et leurs demandes,

Y faisant droit,

– d’infirmer le jugement rendu le 2 avril 2020 par le tribunal judiciaire de Bordeaux des chefs critiqués,

– de juger que l’occupation des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5] par la société Bateau [Localité 5] et la SCI Grande Lande procède d’un bail commercial ayant pris effet le 1er octobre 2016 et s’étant terminé le 1er décembre 2022, moyennant un loyer de 2 500 euros HT mensuel la première année, puis 3000 euros HT,

– de juger que le montant cumulé des loyers courus du 1er octobre 2016 au 1er décembre 2022 au titre du bail commercial des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5] s’élève à 216 000 euros,

– de condamner la SCI la Grande Lande à payer à la société Bateau [Localité 5] la somme de 108 000 euros à titre de dommages-intérêts pour inexécution contractuelle correspondant à 50% du montant cumulé des loyers courus du 1er octobre 2016 au 1er décembre 2022 et d’ordonner la compensation de la créance de dommages intérêts de la société Bateau [Localité 5] contre le SCI la Grande Lande avec sa dette de loyer à l’égard de la SCI la Grande Lande,

Subsidiairement,

– de condamner la SCI la Grande Lande à payer la somme de 145 235 euros à M. [R] au titre de dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers et d’ordonner la compensation de cette somme avec la dette de M. [R] au titre de l’occupation des locaux de la SCI la Grande Lande depuis le 1er octobre 2016,

– de fixer le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle sur la période du 1er octobre 2026 au 1er décembre 2022 à la somme HT de 1 255, 50 euros,

En tout état de cause,

– de débouter la SCI la Grande Lande de son appel incident, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

– de condamner la SCI la Grande Lande à verser à la société Bateau [Localité 5] et M.[R] la somme de 7500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 août 2023, la SCI Grande Lande demande à la cour :

– de déclarer irrecevables au visa de l’article 954 du code de procédure civile les conclusions signifiées le 9 août 2023 par les appelants

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SCI Bateau [Localité 5] et M. [R] de leur demande tendant à voir constater l’existence d’un bail verbal à compter du 1er octobre 2016,

À titre subsidiaire,

– de prononcer la nullité du bail allégué,

– de dire et juger par confirmation l’occupation sans droit ni titre de l’immeuble appartenant à la SCI Grande Lande situé lot numéro 12 du lotissement “zone d’activité” à [Localité 5] par : la SARL Bateau [Localité 5],

sur appel incident,

– de condamner les appelants à payer à la SCI requérante une indemnité d’occupation annuelle de 46,926 euros HTHC à compter de l’occupation illicite soit à compter du 3 octobre 2016 jusqu’à la libération effective des lieux,

En conséquence,

– de condamner au paiement de la somme de 274 159 euros arrêtée au 31 décembre 2022 sauf mémoire,

– au besoin d’ordonner une expertise pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation et condamner les appelants au paiement d’une provision de 250 000 euros,

– de condamner M. [R] et la SARL Bateau [Localité 5] au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture abusive et malicieuse des pourparlers et en tout état de cause du préjudice moral occasionné,

– de réserver le droit du propriétaire à obtenir la remise en état des lieux sous astreinte,

À titre infiniment subsidiaire,

– de prononcer la résiliation du bail aux torts et griefs des assignés pour défaut de paiement des loyers et modification des lieux sans autorisation,

– de condamner les appelants au paiement de l’arriéré de loyers depuis leur entrée dans les lieux jusqu’à la résiliation,

– à défaut de prononcer la résiliation, de les condamner au paiement des loyers de la prise d’effet du prétendu au bail au 1er octobre 2016 jusqu’à son échange contractuel soit 30 septembre 2025 pour la somme totale de 318 000 euros, faute de congé délivré conformément aux formes légales,

– de les débouter de toutes leurs demandes reconventionnelles,

– de les condamner au paiement d’une indemnité de l’article 700 d’un montant de 10 000 euros ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2023.

MOTIFS

SUR LA RECEVABILITE DES CONCLUSIONS DES APPELANTS SIGNIFIEES LE 9 AOUT 2023

La SCI La Grande Lande demande que les conclusions prises par les appelants le 9 août 2023 soient jugées irrecevables au visa de l’article 954 du code de procédure civile en ce que le siège société de la SAS Bateau [Localité 5] est faux, que les moyens nouveaux ne sont pas identifiés et distingués ce qui porte atteinte à la loyauté des débats, et que les conclusions ne comportent aucun bordereau récapitulatif des pièces visées.

Les appelants répliquent que leurs conclusions du 9 août 2023 sont recevables. En effet, ils ont régularisé le transfert du siège social de l’entreprise et produit le KBIS à jour au 31 août 2023 mentionnant la nouvelle adresse de celui-ci. Le bordereau récapitulatif de pièces a également été régularisé par sa transmission au greffe. De plus, la restitution des locaux, ne saurait être analysée comme concourant à la production d’un moyen nouveau.

***

L’article 954 du code de procédure civile dispose : « Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte’ »

La cour constate que postérieurement à ce débat les appelants ont pris de nouvelles écritures, le 8 septembre 2023 qui saisissent la cour et qui régularisent les critiques antérieures de l’intimée. En conséquence, cette discussion est désormais sans objet.

SUR LE FOND

Sur l’existence d’un bail commercial

Les appelants exposent notamment qu’en avril 2026, M. [R] convenait avec la SCI Grande Lande de la conclusion d’un bail commercial afin que M. [R] puisse occuper contractuellement les locaux de ladite SCI à partir du mois de septembre 2016. C’est dans ces conditions que M. [R] aurait donné congé à son ancien bailleur. En raison du retard pris dans les négociations, M. [R] aurait sollicité et obtenu de la SCI Grande Lande un document intitulé « pré-bail ». De la même manière, M. [R] aurait demandé et obtenu de ladite SCI une autorisation de domiciliation de la société qu’il envisageait de créer avec son associé, M. [Y]. Or la promesse de bail précisant les éléments essentiels du contrat de bail, à savoir la chose et le prix, vaut bail dès lors qu’elle a été acceptée par la SCI Grande Lande. Leur départ des lieux litigieux récemment ne saurait être interprétée comme un acquiescement aux prétentions de la SCI Grande Lande alors que cette dernière a rendu irréversible leur départ. Par ailleurs, les appelants affirment qu’ils ont subi un trouble de jouissance depuis leur entrée dans les locaux de la SCI grande Lande alors qu’ils n’étaient pas en mesure de pouvoir utiliser l’installation électrique équipant les locaux, et ils ne pouvaient bénéficier d’aucun circuit d’eau en état de fonctionnement, il était donc impossible de procéder au nettoyage intérieur et extérieur des bateaux ni assurer le remplissage des réservoirs d’eau de ces derniers. Il leur était donc impossible d’utiliser les locaux pour exercer l’activité de maintenance et de réparation navale. En raison de cette inexécution contractuelle de délivrance du bailleur, ils ont pu légitimement refuser de verser les loyers exigibles sur le fondement de l’article 1219 du code civil. De plus, par diverses actions, ils ont adopté un comportement loyal et tenté de trouver une issue amiable à la situation de blocage, en vain La société Grande Lande a commis une rupture abusive des pourparlers. Ils font valoir le caractère fautif de la rupture, dès lors, la réparation de leur préjudice est sollicitée.

La SCI Grande Lande soutient pour sa part qu’il n’existe aucun bail valable entre elle et les appelants. Il n’existe notamment aucune rencontre des volontés entre les parties. De plus, même si un accord des volontés était démontré, le bail serait rigoureusement nul. En effet, la seule occupation des locaux non accompagnés du paiement d’un loyer ne suffit pas à caractériser l’existence d’un bail commercial verbal qui suppose l’accord des parties sur la chose et le prix des loyers. Les éléments essentiels du bail ne sont donc pas établis. La preuve d’un quelconque consentement du propriétaire n’est pas rapportée par les défendeurs lesquels ne produisent aucun commencement de preuve pas écrit. La simple remise des clefs n’est pas suffisante à caractériser la volonté de conclure un bail, ni encore l’autorisation de domiciliation. Le prétendu bail n’a reçu aucun commencement d’exécution spontanée et volontaire. L’existence d’un accord de volonté ne peut en aucun cas résulter de l’occupation illicite des lieux laquelle ne caractérise en aucun cas un commencement d’exécution spontanée et volontaire. De plus, à la date prétendue par les appelants comme celle où un accord aurait eu lieu, la société n’était pas immatriculée et donc en cours de formation. Dès lors, l’acte conclu directement par la société en formation et non pour son compte est nul faut pour la société d’avoir acquis une personnalité juridique lui permettant de contracter. Par ailleurs, le fait que les appelants aient pris l’initiative de quitter spontanément les lieux en exécution du jugement entrepris, lequel n’était pas assorti de l’exécution provisoire, constitue un acquiescement au sens des dispositions des articles 408 et suivants du code de procédure civile. L’atteinte considérable au droit de propriété de l’intimée justifie le paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle à compter du 3 octobre 2016, date de début de l’occupation illicite jusqu’à la vidange effective des lieux. En outre, la rupture des négociations n’est pas fautive alors qu’elle a été motivée par une opposition sur le prix manifesté dès le début. En toute hypothèse, si les faits démontraient une convention de bail commercial, elle serait résiliée pour défaut de paiement du loyer et modification des lieux sans l’accord du bailleur au visa des article 1134 et 1184 du code civil.

***

A titre liminaire la libération des locaux litigieux par les appelants, en cause d’appel, alors que le jugement n’était pas assorti de l’exécution provisoire ne peut constituer un acquiescement au jugement déféré, et rendre ainsi leur appel irrecevable, alors que ce départ peut répondre à différentes injonctions, notamment économiques que la cour n’a pas à connaitre.

Par ailleurs, l’article 1359 du code civil, modifié par le décret du 10 février 2016, applicable aux faits de l’espèce dispose : « L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n’excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.

Celui dont la créance excède le seuil mentionné au premier alinéa ne peut pas être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande.

Il en est de même de celui dont la demande, même inférieure à ce montant, porte sur le solde ou sur une partie d’une créance supérieure à ce montant.”

En l’espèce, les appelants affirment rapporter la preuve de l’existence d’un bail commercial par la remise par la SCI Grande Lande d’un certain nombre de documents qui prouve une rencontre des volontés sur la chose et sur le prix, outre la remise des clefs de l’immeuble qui confirme le caractère parfait de l’accord qui permettait au bailleur de voir le preneur s’installer dans les locaux litigieux.

Notamment, ils ont communiqué un premier document dactylographié intitulé « bail commercial soumis au décret du 30 septembre 1953 » document non daté sur lequel quelqu’un a ajouté de façon manuscrite « Pré-bail ». Dans ce document la cour constate que le nom du preneur n’est pas indiqué, la désignation des locaux est raturée, la durée du bail n’est pas fixée et le loyer qui apparait en francs est barré et aucun nouveau loyer n’est fixé. Aussi, ce document apparait comme un ancien contrat de bail passé entre le bailleur et un tiers ou qui n’a jamais vu d’exécution, mais qui a servi de base de discussion entre les parties. En revanche, faute d’un accord sur la durée du bail ou le montant du loyer, il ne peut faire foi d’un quelconque accord entre les parties et ne démontre notamment pas l’existence d’une promesse de bail de la part du bailleur (cf : pièce n° 8 des appelants)

Les appelants versent encore au débat un document manuscrit qui fixerait les conditions essentielles du bail et notamment le montant du loyer (pièce n°9 des appelants). Toutefois un tel document signé par une seule personne dont l’identité est ignorée n’est pas daté et ne permet pas davantage d’y trouver l’expression d’une volonté commune.

Les appelants communiquent également une autorisation du gérant de la SCI Grande Lande de domiciliation de la société Bateau [Localité 5] en cours d’immatriculation dans les locaux litigieux à compter du 1er octobre 2016. (Pièce n° 10 des appelants). Cette autorisation démontre assurément l’existence de pourparlers entre les parties à l’automne 2016, et la perspective de signer par la suite avec cette société alors en formation un bail commercial, puisque par ce document administratif, ladite société Bateau [Localité 5] pouvait faire domicilier son siège social dans les locaux qu’elle envisageait de louer. En revanche, ce document ne démontre pas davantage au jour où il a été rédigé, soit le 1 er octobre 2016, l’existence d’un bail.

Les appelants croient par ailleurs trouver dans le courriel du notaire de la SCI Grande Lande, du 7 novembre 2016, l’existence d’un bail entre les parties. (Pièce n° 14 des appelants). Toutefois ce document témoigne seulement de pourparlers en cours alors que son rédacteur qui a pris la peine de rappeler qu’il travaille à la « préparation de l’acte de bail commercial » rappelle notamment que le bailleur exige la caution personnelle de Messieurs [R] et [Y]. Or, les appelants ne démontrent pas qu’il ait été répondu positivement à cette requête.

Par ailleurs, la cour constate également que la société Bateau [Localité 5] n’a versé de loyer à son prétendu bailleur qu’à partir du moment où celui-ci a saisi le tribunal le 10 mai 2017 pour voir cesser une occupation par celle-ci de ses locaux qu’il estimait irrégulière. (cf : signification à toutes fins du 16 juillet 2018, pièce n° 17 des appelants)

En outre tous les contrats souscrits auprès de tiers comme un contrat d’assurance des locaux ne permet pas de démontrer la volonté du bailleur de souscrire un contrat de bail.

De plus, les appelants qui affirment que les parties s’étaient entendues pour que le bail débute le premier octobre 2016, se plaignent contradictoirement dans le même temps que les travaux que devaient être exécutés par le candidat bailleur n’aient pas été réalisés par celui-ci, ce qui démontre sans doute un peu plus que les parties n’avaient pas trouvé d’accord sur les conditions essentielles du bail et notamment sur le loyer.

Dès lors, la seule occupation des lieux litigieux par les appelants, sans jamais démontrer l’accord du bailleur, est insuffisante à démontrer un accord de volonté entre les parties.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a jugé que les appelants occupaient sans droit ni titre les locaux litigieux. En conséquence en raison de cette occupation sans titre, la société Bateau [Localité 5] n’a pu subir de trouble de jouissance, et elle sera déboutée de cette demande qui est infondée. De même en l’absence de bail, elle ne peut se considérer fondée à avoir refusé d’exécuter son obligation de paiement des loyers au motif que son bailleur n’aurait pas lui-même exécuté son obligation de délivrance des locaux.

Sur la rupture fautive des pourparlers

Le tribunal a considéré que la société Bateau [Localité 5] et M. [R] ne caractérisaient pas une faute de nature extra contractuelle imputable au bailleur.

Les appelants affirment que la société la Grande Lande a commis une rupture abusive des pourparlers dont ils ont été gravement victimes.

L’intimée sollicite la confirmation du jugement. Elle fait valoir que la rupture des négociations est fautive si sa décision a été prise dans l’intention de nuire à l’autre partie ou de mauvaise foi, et il est capital d’observer que la faute ne trouve pas son siège dans la décision de ne pas contracter qui demeure libre. Il ne peut pas être jugée fautive, la rupture motivée par une opposition sur le prix du bail manifesté dès le début,

***

La cour d’appel, pas plus que le tribunal, ne trouvent à la lecture des pièces des parties l’existence d’une faute à l’occasion de la rupture des pourparlers précontractuels alors que notamment les parties n’ont jamais pu s’entendre sur le montant du bail alors qu’en outre le preneur ne démontre pas avoir fourni les garanties sollicitées par la SCI Grande Lande.

En conséquence, le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a débouté les appelants de leurs demandes au titre d’une prétendue rupture fautive des pourparlers précontractuels.

Sur le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle

Le tribunal a fixé à la somme de 2000 euros à compter du 1 er octobre 2016 l’indemnité d’occupation mensuelle due par les appelants jusqu’à leur départ effectif des lieux.

Les appelants demandent en tenant compte de l’état des locaux qu’ils jugent passables de voir fixer cette indemnité à la somme mensuelle de 1255,50 euros HT par mois.

L’intimée demande pour sa part de voir porter à la somme de 3807,27 euros ladite indemnité d’occupation sur la foi d’une note d’expertise réalisée par le cabinet Clos Letourneau.

***

Le tribunal a fait une juste appréciation des faits de l’espèce en fixant cette indemnité à la somme mensuelle de 2000 alors qu’elle se rapproche des discussions des parties à l’automne 2016, en tenant cependant compte du fait que les travaux qui étaient envisagés n’avaient pas été réalisés et que l’occupant n’a pu bénéficier de l’eau courante.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Les appelants succombant en leur appel seront condamnés aux dépens et à payer à l’intimée la somme de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris, y ajoutant :

Condamne la société par actions simplifiée Bateau [Localité 5] et M. [T] [R] aux dépens d’appel et à payer à la SCI Grande Lande la somme de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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