Scénographie : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01272

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Scénographie : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01272
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25 janvier 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/01272

N° RG 21/01272 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IXET

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 25 JANVIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/00354

Tribunal judiciaire d’Evreux du 12 janvier 2021

APPELANTS :

Madame [G] [O] veuve [F]

agissant tant en son nom personnel qu’ès qualités d’ayant droit de [L] [F]

née le [Date naissance 6] 1932 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 9]

représentée par Me Erick LECOEUR de la SELARL LECOEUR & DUMONTIER-SERREAU, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Alice DUPONT BARRELLIER, avocat au barreau de Caen

Madame [I] [F]

agissant tant en son nom personnel qu’ès qualités d’ayant droit de [L] [F]

née le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 16]

représentée par Me Erick LECOEUR de la SELARL LECOEUR & DUMONTIER-SERREAU, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Alice DUPONT BARRELLIER, avocat au barreau de Caen

Monsieur [A] [H]

né le [Date naissance 12] 1957 à [Localité 21]

[Adresse 7]

[Localité 16]

représenté par Me Erick LECOEUR de la SELARL LECOEUR & DUMONTIER-SERREAU, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Alice DUPONT BARRELLIER, avocat au barreau de Caen

Monsieur [R] [H]

né le [Date naissance 5] 1988 à [Localité 18]

[Adresse 13]

[Localité 16]

représenté par Me Erick LECOEUR de la SELARL LECOEUR & DUMONTIER-SERREAU, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Alice DUPONT BARRELLIER, avocat au barreau de Caen

INTIMEES :

SA PACIFICA

RCS de Paris 352 358 865

[Adresse 15]

[Localité 14]

représentée et assistée par Me Marie LEPRETRE de la SCP MESNILDREY LEPRETRE, avocat au barreau de l’Eure

MSA HAUTE-NORMANDIE

[Adresse 11]

[Localité 8]

non constituée bien que régulièrement assignée par acte d’huissier de justice délivré à personne habilitée le 7 mai 2021

GROUPAMA CENTRE MANCHE

RCS de Chartres 383 853 801

[Adresse 1]

[Localité 10]

non constituée bien que régulièrement assignée par acte d’huissier de justice délivré à personne habilitée le 7 mai 2021

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 19 octobre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l’audience publique du 19 octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 janvier 2023.

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 25 janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 25 février 2016, M. [L] [F], piéton âgé de 87 ans, a été percuté par un véhicule automobile appartenant au Gaec du Helley, assuré auprès de la Sa Pacifica.

Lors de l’hospitalisation de M. [L] [F], ont été diagnostiqués initialement une fracture déplacée multi-fragmentaire du tibia et de la fibula gauche nécessitant la réalisation d’une ostéosynthèse, un traumatisme crânien sans perte de connaissance avec une plaie du scalp, des douleurs abdominales et une dysurie.

Durant sa convalescence en mars 2016, il a été hospitalisé pour une pneumopathie hypoxémiante.

Le 10 juin 2016, il a été procédé à un changement de clou du fait de la pseudoarthrose de la fracture de sa jambe gauche.

Cette fracture s’est surinfectée et a nécessité une amputation transfémorale de

M. [L] [F] le 30 octobre 2016.

La Sa Pacifica a versé les provisions suivantes :

– 15 000 euros à M. [L] [F],

– 2 500 euros à Mme [G] [O] épouse [F] pour ses frais de déplacement,

– 2 000 euros à Mme [I] [F], fille de M. [L] [F], pour ses frais de déplacement.

Par ordonnance du 30 août 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Evreux, saisi le 28 juin 2017 par la Sa Pacifica, a ordonné la réalisation d’une expertise médicale de M. [L] [F] au contradictoire de la Msa Haute-Normandie et a désigné à cet effet le Dr [U] [Y].

Il a condamné la Sa Pacifica à payer les provisions suivantes :

– 15 000 euros à M. [L] [F] à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel,

– 10 000 euros à Mme [G] [O] épouse [F] à valoir sur son préjudice d’affection,

– 5 000 euros à Mme [I] [F] à valoir sur son préjudice d’affection,

– 1 500 euros à M. [A] [H], compagnon de Mme [I] [F], à valoir sur son préjudice d’affection,

– 2 000 euros à M. [R] [H], fils de Mme [I] [F] et de M. [A] [H], à valoir sur son préjudice d’affection.

M. [L] [F] est décédé le [Date décès 4] 2018. Il a laissé pour lui succéder son épouse et sa fille.

L’expert judiciaire a établi son rapport d’expertise le 8 avril 2019 aux termes duquel il a fixé la consolidation au 7 avril 2017, date du retour à domicile de M. [L] [F] après sa rééducation.

Par actes d’huissier de justice des 30 décembre 2019, 8 et 15 janvier 2020, Mmes [G] et [I] [F] et MM. [A] et [R] [H] ont fait assigner la Msa Haute-Normandie et Groupama Centre Manche, tiers payeurs, ainsi que la Sa Pacifica devant le tribunal judiciaire d’Evreux aux fins d’indemnisation des préjudices de

M. [L] [F] et de leurs préjudices personnels.

Par jugement du 12 janvier 2021, ledit tribunal a :

– fixé l’indemnisation du préjudice corporel souffert par M. [L] [F] par suite de l’accident de la circulation du 25 février 2016 à la somme de 351 489,21 euros,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mmes [G] [F] et [I] [H], en leur qualité d’ayant droit de M. [L] [F], les indemnités suivantes :

. 602,92 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

. 7 524,35 euros au titre des frais divers,

. 13 612 euros au titre de la tierce assistance temporaire,

. 305,02 euros au titre des dépenses de santé futures,

. 82 000 euros au titre de la tierce assistance permanente,

. 4 057,84 euros au titre des frais d’adaptation du logement et du véhicule,

. 7 228 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

. 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

. 19 704,49 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

. 22 000 euros au titre des souffrances endurées,

. 6 305,44 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

. 2 812,86 euros au titre du préjudice d’agrément,

– débouté Mmes [G] [F] et [I] [H] du surplus de leurs demandes indemnitaires, formées en leur qualité d’ayant droit de M. [L] [F],

– dit qu’il y a lieu de déduire des sommes allouées les provisions qui ont été servies à M. [L] [F] à hauteur de 30 000 euros,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mmes [G] [F] et [I] [H], en leur qualité d’ayant droit de M. [L] [F], les intérêts au double du taux légal sur la somme de 351 489,21 euros à compter du 25 octobre 2016 et jusqu’au jour où la présente décision aura un caractère définitif,

– dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mme [G] [F] les indemnités suivantes, en réparation de son préjudice personnel :

. 3 800 euros au titre des frais divers,

. 12 000 euros au titre de son préjudice d’affection,

– dit qu’il y a lieu de déduire des sommes allouées les provisions qui ont été servies à Mme [G] [F] à hauteur de 12 500 euros,

– dit que l’indemnité revenant à Mme [G] [F] portera intérêts au taux légal à compter du jugement, qui seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– débouté Mme [G] [F] du surplus de ses demandes indemnitaires,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mme [I] [F] la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice tiré des frais divers qu’elle a dû supporter du fait de l’accident du 25 février 2016,

– dit que cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du jugement et que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mme [I] [F] la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice d’affection souffert du fait de l’accident du 25 février 2016,

– dit qu’il y a lieu de déduire des sommes allouées les provisions qui ont été servies à Mme [I] [F] à hauteur de 7 000 euros,

– débouté Mme [I] [F] du surplus de ses demandes indemnitaires,

– dit que l’indemnité revenant à Mme [I] [F] portera intérêts au taux légal à compter du jugement, qui seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamné la Sa Pacifica à payer à M. [A] [H] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice d’affection souffert du fait de l’accident du 25 février 2016,

– dit qu’il y a lieu de déduire des sommes allouées les provisions qui ont été servies à M. [A] [H] à hauteur de 1 500 euros,

– débouté M. [A] [H] du surplus de ses demandes indemnitaires,

– dit que l’indemnité revenant à M. [A] [H] portera intérêts au taux légal à compter du jugement, qui seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamné la Sa Pacifica à payer à M. [R] [H] les indemnités suivantes, en réparation du préjudice souffert au titre de l’accident du 25 février 2016 :

. 1 000 euros au titre des frais divers

. 5 000 euros au titre du préjudice d’affection,

– dit qu’il y a lieu de déduire des sommes allouées les provisions qui ont été servies à M. [R] [H] à hauteur de 2 000 euros,

– débouté M. [R] [H] du surplus de ses demandes indemnitaires,

– dit que l’indemnité revenant à M. [R] [H] portera intérêts au taux légal à compter du jugement, qui seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– débouté Mmes [G] [F], [I] [H], M. [A] [H] et M. [R] [H] de leur demande tendant à la condamnation de la Sa Pacifica au paiement de l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mme [G] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mme [I] [F] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sa Pacifica à payer à M. [A] [H] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sa Pacifica à payer à M. [R] [H] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sa Pacifica aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire diligentée par le docteur [Y], qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire à hauteur des deux tiers des condamnations prononcées,

– déclaré le jugement commun à la Msa de Haute Normandie et à la société Groupama Centre Manche,

– rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 24 mars 2021, Mmes [G] et [I] [F] et MM. [A] et [R] [H] ont formé un appel contre ce jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2022, Mmes [G] et [I] [F] tant ès noms qu’en qualité d’ayants droit de M. [L] [F], et MM. [A] et [R] [H] demandent de voir en application de la loi du 5 juillet 1985, des articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances, 1231-7 du code civil, et L.141-6 du code de la consommation :

– débouter la Sa Pacifica de son appel incident,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

. condamné la Sa Pacifica à payer à Mmes [G] et [I] [F] en leur qualité d’ayants droit de M. [L] [F] :

* 602,92 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

* 7 524,35 euros au titre des frais divers,

* 13 612 euros au titre de la tierce personne temporaire,

* 305,02 euros au titre des dépenses de santé futures,

* 82 000 euros au titre de la tierce personne permanente,

* 4 507,84 euros au titre des frais d’adaptation du logement et du véhicule,

* 7 228 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 19 704,49 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* les intérêts au double du taux légal sur la somme de 351 489,21 euros,

. rejeté la demande d’indemnisation de Mmes [G] et [I] [F] en leur qualité d’ayants droit de M. [L] [F] au titre de l’incidence professionnelle et au titre du préjudice sexuel,

. condamné la Sa Pacifica à payer à Mme [G] [F] la somme de 3 800 euros au titre des frais divers et rejeté la demande d’indemnisation du préjudice extrapatrimonial exceptionnel,

. débouté Mmes [G] et [I] [F], MM. [A] et [R] [H], de leur demande d’application des dispositions des articles L.211-9 et suivants du code des assurances,

– confirmer le jugement pour le surplus s’agissant des indemnités allouées à Mme [I] [F], MM. [A] et [R] [H],

en conséquence, statuant à nouveau,

– condamner la Sa Pacifica à verser à Mmes [G] et [I] [F], ès qualités d’ayants droit de M. [L] [F], provisions de 30 000 euros déduites, une indemnité de 363 891,59 euros ou, subsidiairement 342 801,53 euros, se décomposant comme suit :

POSTES

EVALUATION

PRIORITÉ VICTIME

TIERS PAYEURS

PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

DSA

186 367,89 €

7 376,42 €

178 991,47 €

DSF

47 990,83 €

41 017,57 €

6 973,29 €

FD

9 386,21 €

9 386,21 €

0,00 €

FLA

35 232,60 €

35 232,60 €

0,00 €

FVA

28 108,57 €

28 108,57 €

0,00 €

TP temporaire principal

66 359,42 €

66 359,42 €

0,00 €

TP temporaire subsidiaire

59 115,25 €

59 115,25 €

0,00 €

TP permanente principal

124 363,70 €

124 363,70 €

0,00 €

TP permanente subsidiaire

110 517,81 €

110 517,81 €

0,00 €

IP temporaire principal

2 720,00 €

2 720,00 €

0,00 €

IP temporaire subsidiaire

0,00 €

0,00 €

0,00 €

IP permanente principal

3 333,33 €

3 333,33 €

0,00 €

IP permanente subsidiaire

0,00 €

0,00 €

0,00 €

PRÉJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX

DFT principal

15 656,00 €

15 656,00 €

0,00 €

DFT subsidiaire

18 376,00 €

18 376,00 €

0,00 €

DFP principal

22 500 €

22 500 €

0,00 €

DFP subsidiaire

25 833,33 €

25 833,33 €

0,00 €

SE

22 000 €

22 000 €

0,00 €

PA

2 812,86 €

2 812,86 €

0,00 €

PE temporaire

5 000,00 €

5 000,00 €

0,00 €

PE permanent

6 305,44 €

6 305,44 €

0,00 €

PS

1719,49 €

1719,49 €

0,00 €

TOTAL

579 856,35 €

393 891,59 €

185 964,76 €

subsidiairement

566 786,36 €

372 801,53 €

185 964,76 €

provisions à déduire

– 30 000 €

TOTAL DÛ

363 891,59 €

subsidiairement

342 801,53 €

– condamner la Sa Pacifica à verser à Mme [G] [F] une indemnité de

33 728,86 euros se décomposant comme suit :

POSTES DE PRÉJUDICES

INDEMNITÉ A REVENIR A LA VICTIME

Frais divers

8 259,30 €

Préjudice d’affection

12 000,00 €

Préjudice extrapatrimonial permanent

13 469,36 €

TOTAL

33 728,86 €

– dire et juger que le total des préjudices produira intérêts au double du taux légal, avant imputation des créances des tiers payeurs et sans tenir compte des provisions versées, à compter du :

. 25 octobre 2016 jusqu’au jour où le jugement à intervenir aura un caractère définitif pour le préjudice subi par M. [L] [F],

. 21 novembre 2016 jusqu’au jour où la décision aura un caractère définitif pour Mme [G] [F],

.1er mars 2017 jusqu’au jour où la décision aura un caractère définitif pour Mme [I] [F],

. 23 août 2017 jusqu’au jour où la décision aura un caractère définitif pour MM. [A] et [R] [H],

– dire que ces condamnations emporteront intérêts à compter du 15 janvier 2020 et que les intérêts ayant plus d’un an d’ancienneté seront eux-mêmes productifs d’intérêts à compter du 15 janvier 2021,

– condamner la Sa Pacifica à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

. aux ayants droit de M. [L] [F] 5 000 euros,

. à Mmes [G] et [I] [F] 2 000 euros à chacune,

. à MM. [A] et [R] [H] la somme de 1 000 euros à chacun,

– condamner la Sa Pacifica aux entiers dépens et à l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution en cas d’inexécution de l’arrêt à intervenir dans un délai d’un mois à compter de sa signification.

Par dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2021 et signifiées à Groupama Centre Manche le 17 septembre 2021 et à la Msa Haute-Normandie le 23 septembre 2021, la Sa Pacifica demande de voir :

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a :

. appliqué une actualisation sur les dépenses de santé, les frais divers, les frais d’adaptation du logement et les frais de véhicule adapté,

. condamné la Sa Pacifica à payer des intérêts au double du taux légal sur l’indemnisation concernant le préjudice personnel de M. [L] [F],

. capitalisé les intérêts,

en conséquence,

– débouter les appelants de leurs demandes d’actualisation des préjudices et de doublement des intérêts par rapport au taux légal, pour le préjudice personnel de

M. [L] [F] comme pour celui des victimes par ricochet,

– subsidiairement, limiter le doublement des intérêts à l’assiette de l’offre transmise le 3 juin 2019 et dire que les intérêts ne peuvent être dûs que du 25 octobre 2016 au 3 juin 2019,

– dire n’y avoir pas lieu à capitalisation des intérêts,

– confirmer pour le surplus le jugement dont appel,

– débouter les appelants de leurs plus amples demandes.

Groupama Centre Manche et la Msa Haute-Normandie, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 7 mai 2021 à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 28 septembre 2022.

Par note en délibéré du 12 janvier 2023, la cour d’appel a invité les parties à faire part de leurs éventuelles observations au plus tard pour le 20 janvier 2023 sur le fait que l’appel formé par les consorts [F]-[H] n’opérait pas d’effet dévolutif sur les dispositions du jugement relatives aux frais d’adaptation du logement et du véhicule et qu’elle était seulement saisie de l’appel incident formé par la Sa Pacifica sur l’actualisation des indemnités allouées à ce titre.

Par correspondance notifiée le 20 janvier 2023, l’avocat de la Sa Pacifica a précisé que la déclaration d’appel ne faisait effectivement pas mention des frais d’adaptation du logement et du véhicule, de sorte que la cour d’appel n’était donc pas saisie de l’appel s’agissant de ces frais, mais uniquement de son appel incident sur l’actualisation des indemnités allouées à ce titre.

L’avocat des appelants n’a transmis aucune observation.

MOTIFS

Sur les préjudices de M. [L] [F]

A- Les préjudices patrimoniaux

Les appelants font valoir que, contrairement à ce que soutient la Sa Pacifica, les dépenses de santé futures et les frais divers n’échappent pas à la règle de l’actualisation des préjudices au jour où le juge rend sa décision en fonction de la dépréciation monétaire sur la base de l’indice des prix à la consommation pour l’année en cours et indépendamment des provisions versées aux victimes avant la liquidation de leurs dommages.

La Sa Pacifica répond que l’actualisation des préjudices des victimes directes et indirectes au jour de la décision judiciaire n’est admise par la Cour de cassation que pour les pertes de gains professionnels futurs, et non pour les autres dépenses qui doivent être remboursées sur la base des factures réglées selon le principe de la réparation intégrale du préjudice, que cette actualisation est d’autant moins justifiée que M. [F] avait perçu des provisions importantes et que les provisions ordonnées par le juge des référés ont été versées le 26 septembre 2017, de sorte que la demande d’actualisation doit être rejetée.

En application du principe d’une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, le juge procède à l’actualisation de l’indemnité allouée en réparation des préjudices patrimoniaux au jour de sa décision en fonction de la dépréciation monétaire.

Dès lors, les bases d’indemnisation retenues ci-dessous seront, conformément à la demande de Mmes [G] et [I] [F], ès qualités d’ayants droit de

M. [F], actualisées à la date de cette décision en fonction de l’indice des prix à la consommation en vigueur au jour de cet arrêt.

I – Les préjudices patrimoniaux temporaires

a) Les dépenses de santé actuelles

Le tribunal a alloué une indemnité actualisée de 602,92 euros. Il a considéré que les ayants droit de M. [F] ne justifiaient pas de l’acquisition d’un fauteuil roulant dès lors qu’elles ne produisaient qu’un simple devis.

Mmes [G] et [I] [F] font valoir que l’expert judiciaire a retenu la nécessité d’équiper M. [F] d’un fauteuil roulant ; que son prix d’acquisition, justifié par un devis du 5 janvier 2017, doit être indemnisé même si cette dépense n’a pas été effectivement engagée ; que le total de l’indemnisation doit être actualisé au jour de l’arrêt à intervenir.

La Sa Pacifica répond que la dépense d’un fauteuil roulant n’a pas été effectuée et n’a donc pas à être remboursée et que celui-ci a seulement été loué. Elle conclut à la confirmation du montant de 589,68 euros arrêté par le tribunal (200 euros +

22,11 euros + 29,30 euros + 10 euros + 39,78 euros + 94,54 euros + 6,30 euros + 187,65 euros) sans actualisation de celui-ci.

Le relevé définitif du 9 mai 2019 de la Msa Haute-Normandie mentionne des débours d’un montant de 166 289,71 euros au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, d’hospitalisation, d’appareillage, de prothèse et de transport.

La somme prise en charge par la mutuelle Groupama s’élève à 12 701,76 euros selon son décompte daté du 2 août 2019.

Mmes [G] et [I] [F] indiquent dans leurs écritures que l’achat d’un fauteuil roulant n’a pas été effectué en raison d’un manque de moyens à l’époque. Elles produisent uniquement un devis de la Sas Equipmedical du 5 janvier 2017 d’un montant total de 6 321,25 euros mentionnant un reste à charge pour l’assuré de

5 762,26 euros.

Cette dépense n’a pas été effectivement exposée de sorte que la réclamation faite à ce titre sera écartée. Au surplus, il ressort du relevé des débours définitifs de la Msa Haute-Normandie qu’un fauteuil roulant a été loué par M. [F] pendant seize mois et que le coût correspondant a été remboursé pour un montant total de 741,17 euros. Les appelantes ne justifient pas de l’existence d’un reste à charge pour cette location, aucune somme n’étant d’ailleurs réclamée à ce titre.

En définitive, sera allouée la somme actualisée de 652,89 euros (200 euros +

22,11 euros + 29,30 euros + 10 euros + 39,78 euros + 94,64 euros (et non 94,54 euros comme retenu par le tribunal) + 6,30 euros + 187,65 euros = 589,78 euros x 1,107). La décision du premier juge sera infirmée en son montant.

b) Les frais divers

– au titre de la tierce personne

Le tribunal a alloué une indemnité de 13 612 euros. Il a considéré que les éléments versés aux débats ne justifiaient pas d’un besoin en tierce assistance dérogeant aux estimations expertales. Il a retenu un tarif horaire prestataire actualisé de 20 euros pour l’aide active (6 heures) et de 11 euros pour l’aide passive (4 heures) pour la période de 83 jours du 27 juillet au 17 octobre 2016.

Mmes [G] et [I] [F] exposent que, durant son hospitalisation, l’état de M. [F] a requis qu’il soit aidé pour l’ensemble des actes de la vie quotidienne non pris en charge par le personnel hospitalier, tels que la gestion de son courrier, l’entretien de son linge et de sa maison, les démarches administratives engendrées par l’accident qu’elles évaluent à trois heures par semaine, outre le temps de trajet qu’elles ont consacré pour se rendre à l’hôpital.

Elle ajoutent que les tarifs horaire retenus par le tribunal sont inférieurs au salaire minimum légal ; que le tribunal, qui a opéré une distinction artificielle entre les heures passives et actives, a méconnu le principe indemnitaire. Elles sollicitent une indemnisation sur la base d’un tarif horaire de 23,99 euros tel que pratiqué par l’Admr et, subsidiairement sur la base d’un tarif horaire mandataire de 21,22 euros. Pour l’entretien du jardin, elles demandent l’application d’un tarif de 3 222 euros par an.

La Sa Pacifica conclut à la confirmation du jugement, aux motifs que la demande d’indemnisation de l’assistance par tierce personne pendant l’hospitalisation de

M. [F] et pour l’entretien de son jardin est injustifiée et que le tarif horaire de 23,99 euros sollicité est excessif.

L’indemnisation de ce poste de préjudice est fixée en fonction des besoins de la victime. Le tiers responsable est tenu d’indemniser le recours à un tiers pour l’assistance de la victime dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne. Celle-ci n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille.

L’expert judiciaire a retenu, pour la période du 27 juillet au 17 octobre 2016 lors de laquelle M. [F] était à son domicile, une aide active par une tierce personne (toilette, habillage, alimentation, courses, entretien du jardin) au rythme de six heures par jour et une aide passive, dite de sécurité, de quatre heures par jour, dans l’hypothèse où M. [F] chuterait. Il a ajouté que les frais de déplacement pour se rendre au chevet de celui-ci seraient pris en charge sur justificatifs.

Dans sa réponse au dire de l’avocate de la Sa Pacifica du 19 octobre 2018, il a précisé que M. [F] était très dépendant dans ses déplacements, que les transferts lit-fauteuil devaient être périlleux, et, qu’en cas de chute, l’épouse de celui-ci était incapable de le relever alors que ce risque était élevé.

Eu égard à l’ensemble des besoins de M. [F], y compris durant son hospitalisation du 25 février au 26 juillet 2016, et à la nature de l’aide apportée par son épouse et/ou par sa fille pour compenser la perte d’autonomie de ce dernier, ce poste de préjudice sera indemnisé dans les proportions suivantes :

– une heure par semaine du 25 février au 26 juillet 2016 sur la base d’un tarif horaire de 21 euros, soit 1 heure x 21,86 semaines x 21 euros = 459,06 euros,

– six heures par jour pour l’aide active sur la base du même tarif horaire du 27 juillet au 17 octobre 2016, soit 6 heures x 83 jours x 21 euros = 10 458 euros,

– quatre heures par jour pour l’aide passive sur la base d’un tarif horaire de 12 euros du 27 juillet au 17 octobre 2016, soit 4 heures x 83 jours x 12 euros = 3 984 euros.

Une indemnité totale de 14 901,06 euros sera allouée à ce titre. La décision du premier juge sera infirmée en son montant.

Les frais de déplacement de Mme [G] [F] pour rendre visite à son époux durant son hospitalisation seront examinés ci-dessous.

– au titre des autres frais

Le tribunal a alloué une indemnité actualisée de 7 524,35 euros et a rejeté la demande de remboursement de draps et d’une couette car aucun des éléments aux débats ne le justifiait.

Mmes [G] et [I] [F] exposent qu’à son retour à domicile le 27 juillet 2016, M. [F], qui a dû aménager sa chambre au rez-de-chaussée, bénéficiait d’un lit médicalisé justifiant l’achat d’une literie adaptée.

La Sa Pacifica sollicite de son côté la confirmation du montant de 7 414,25 euros arrêté par le tribunal (1 296 euros + 2 016 euros + 495 euros + 70 euros +

441,95 euros + 501 euros + 294,30 euros + 2 300 euros) sans actualisation de celui-ci.

Il est constant qu’un lit médicalisé a été installé lors du retour de M. [F] à son domicile le 27 juillet 2016. Ce changement de literie a nécessité l’achat de draps et d’une couette adaptés aux dimensions du lit médicalisé. La somme justifiée de

32,97 euros (11,98 euros + 8,99 euros + 12 euros) sera accordée à ce titre aux appelantes.

En définitive, sera allouée la somme actualisée de 8 071,10 euros :

1 296 euros x 1,095

+ 2 016 euros x 1,075

+ 456,73 euros (et non 495 euros comme retenu par le tribunal) x 1,107

+ 70 euros x 1,075

+ 32,97 euros x 1,107

+ 460,75 euros (et non 441,95 euros comme retenu par le tribunal) x 1,107

+ 501 euros x 1,095

+ 336,28 euros (et non pas 294,30 euros comme retenu par le tribunal) soit

66,55 euros x 1,107 et 239,83 euros x 1,095

+ 2 300 euros x 1,075.

La décision du premier juge sera infirmée en son montant.

II – Les préjudices patrimoniaux permanents

a) Les dépenses de santé futures

Le tribunal a retenu à ce titre une indemnité actualisée de 305,02 euros. Il a écarté le remboursement des dépenses d’acquisition d’une batterie 12 V et de deux prothèses uniquement justifiées par des devis et qui ne seront pas engagées du fait du décès de M. [F]. Il a également rejeté la réclamation au titre des participations forfaitaires et des franchises de soins exposées pour des séances de kinésithérapie et des consultations chez un spécialiste qui n’ont pas été justifiées.

Mmes [G] et [I] [F] font valoir que, lorsque la victime décède avant la liquidation de son préjudice, ses préjudices postérieurs à la consolidation doivent être arrêtés à la date de son décès ; qu’il faut prendre en compte ses besoins établis par l’expert judiciaire et justifiés même si la dépense n’a pas été effectuée en raison de l’insuffisance des provisions versées.

La Sa Pacifica conclut à la confirmation du montant de 299,21 euros arrêté par le tribunal (122,30 euros + 35,80 euros + 10,10 euros + 27,87 euros + 27,90 euros + 13,44 euros + 29,30 euros + 32,50 euros) sans actualisation de celui-ci.

Le relevé définitif du 9 mai 2019 de la Msa Haute-Normandie mentionne des débours d’un montant de 6 873,29 euros au titre des frais futurs occasionnels.

L’expert judiciaire a notamment prévu deux prothèses définitives et leur revêtement esthétique.

Cependant, les dépenses d’acquisition de ces deux prothèses et d’une batterie de vélo électrique n’ont pas été effectivement exposées avant le décès de M. [F] le [Date décès 4] 2018. Les réclamations présentées à ce titre seront rejetées.

Le sera également la demande de remboursement de participations forfaitaires et de franchises de soins exposées pour des séances de kinésithérapie et des consultations chez un spécialiste et d’achat de crème Lipikar postérieurement au 27 avril 2018, qui ne sont pas justifiées.

En définitive, sera allouée la somme actualisée de 325,57 euros (122,30 euros x 1,095) + (35,80 euros x 1,095) + (10,10 euros x 1,095) + (27,87 euros x 1,095) + (27,90 euros x 1,075) + (13,44 euros x 1,075) + (29,30 euros x 1,075) + (32,50 euros x 1,075).

La décision du premier juge sera infirmée en son montant.

b) Les frais de logement et de véhicule adaptés

L’article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction actuelle applicable aux instances en cours précise que la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité, notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

L’article 542 du même code mentionne que l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

En vertu de l’article 562 du même code, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que, lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité sollicitée de ladite déclaration n’a pas été prononcée.

Dans le cas présent, aux termes de leur déclaration du 24 mars 2021, les consorts [F]-[H] n’ont pas formé un appel sur les dispositions du jugement du12 janvier 2021 relatives aux frais d’adaptation du logement et du véhicule.

De son côté, aux termes du dispositif de ses dernières écritures, la Sa Pacifica a demandé la réformation dudit jugement notamment en ce qu’il a appliqué une actualisation sur les frais d’adaptation du logement et les frais de véhicule adapté et le débouté des appelants de leurs demandes d’actualisation dudit préjudice.

L’appel formé par les consorts [F]-[H] n’opère pas d’effet dévolutif sur les dispositions du jugement relatives aux frais d’adaptation du logement et du véhicule. La cour d’appel est seulement saisie de l’appel incident formé par la Sa Pacifica sur l’actualisation des indemnités allouées à ce titre dont elle sollicite le rejet.

Pour les motifs explicités dans les développements ci-dessus, sera confirmée la décision du premier juge ayant arrêté une indemnité actualisée de 4 057,84 euros.

c) L’incidence professionnelle

Le tribunal a rejeté la réclamation présentée à ce titre aux motifs qu’aucun des éléments versés aux débats n’établissait le caractère professionnel de l’activité d’élevage de bovins de M. [F] retraité, n’ayant conservé cette activité qu’à titre d’occupation distractive, et qu’il n’était pas démontré l’existence d’un préjudice distinct du déficit fonctionnel temporaire ou permanent.

Mmes [G] et [I] [F] avancent que M. [F], quoique retraité, avait maintenu un élevage d’une vingtaine de vaches destinées à la vente dans un cadre professionnel qui lui permettait en outre de lui procurer des revenus complémentaires et d’avoir une vie sociale, un sentiment d’utilité sociale, et une estime de soi qui lui étaient précieux ; qu’il a subi une dévalorisation sociale du fait de son exclusion définitive du monde du travail agricole, justifiant une indemnisation au titre de l’incidence professionnelle ; que ce désoeuvrement socio-professionnel de M. [F] n’est pas réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire ou permanent.

Elles sollicitent l’octroi d’une indemnité de 2 720 euros avant consolidation et de

3 333,33 euros après consolidation.

La Sa Pacifica conclut à la confirmation du jugement. Elle indique que les ayants droit de M. [F] ne justifient pas des revenus qu’il aurait tirés de l’élevage immédiatement avant l’accident, ni que celui-ci, âgé de 88 ans, s’occupait seul des bovins, que les appelantes admettent d’ailleurs qu’il s’agissait pour M. [F] de conserver une vie sociale et un sentiment d’utilité sociale, lequel n’est pas indemnisable au titre de l’incidence professionnelle.

Au titre de ce poste de préjudice, sont indemnisées les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, mais également la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

L’expert judiciaire a conclu à l’absence d’incidence professionnelle tout en notant que l’arrêt de l’élevage d’une vingtaine de vaches avait eu pour M. [F], même s’il était à la retraite, un retentissement professionnel.

Néanmoins, si M. [F] avait souscrit une assurance responsabilité civile professionnelle pour les années 2015 et 2016 et était titulaire de la carte grise d’un tracteur agricole, il est établi qu’en réalité, son épouse avait la qualité d’exploitante agricole après la prise de la retraite de ce dernier en 1988 et que les ventes de bovins intervenues les 12 avril, 26 septembre, et 14 novembre 2013, ainsi que de fruits en 2013, et l’obtention d’une aide PAC en 2016, l’ont été au nom de celle-ci.

Une incidence professionnelle de l’accident du 25 février 2016 n’est pas démontrée. Ne l’est pas davantage la dévalorisation sociale alléguée.

En conséquence, la décision du premier juge ayant rejeté cette réclamation sera confirmée.

d) La tierce personne

Le tribunal a alloué une indemnité de 82 000 euros. Il a considéré que les éléments versés aux débats ne justifiaient pas d’un besoin en tierce assistance dérogeant aux estimations expertales. Il a retenu un tarif horaire prestataire actualisé de 20 euros pour l’aide active (6 heures) et de 11 euros pour l’aide passive (4 heures) pour la période de 500 jours du 8 avril 2017 au 19 août 2018.

Mmes [G] et [I] [F] et la Sa Pacifica exposent les mêmes moyens que ceux explicités dans le paragraphe précité relatif aux frais divers au titre de la tierce personne temporaire.

L’expert judiciaire a retenu, à l’instar de la période du 27 juillet au 17 octobre 2016, une aide active par une tierce personne (toilette, habillage, alimentation, courses, entretien du jardin) au rythme de six heures par jour et une aide passive, dite de sécurité, de quatre heures par jour, dans l’hypothèse où M. [F] chuterait.

Pour les motifs développés ci-dessus dans le paragraphe relatif aux frais divers au titre de la tierce personne temporaire, ce poste de préjudice sera indemnisé dans les proportions suivantes pour la période du 8 avril 2017 au 19 août 2018 :

– six heures par jour pour l’aide active sur la base du tarif horaire de 21 euros :

6 heures x 500 jours x 21 euros = 63 000 euros,

– quatre heures par jour pour l’aide passive sur la base d’un tarif horaire de 12 euros : 4 heures x 500 jours x 12 euros = 24 000 euros.

Une indemnité totale de 87 000 euros sera allouée à ce titre. La décision du premier juge sera infirmée en son montant.

B- Les préjudices extrapatrimoniaux

I – Les préjudices extrapatrimoniaux temporaires : le déficit fonctionnel temporaire

Le tribunal a accordé une indemnité de 7 228 euros calculée sur la base d’une somme de 20 euros par jour à taux plein.

Mmes [G] et [I] [F] sollicitent l’application d’un tarif journalier de

40 euros à taux plein, pour indemniser l’atteinte au droit objectif à l’intégrité physique et psychique de M. [F], mais également l’ensemble des privations qu’il a subies dans ses activités personnelles quotidiennes et ménagères, d’agréments y compris spécifiques, et dans sa vie familiale, sociale et sexuelle. Elles précisent qu’il a été privé pendant 14 mois de la totalité de sa vie et de liberté.

Elles demandent, à titre subsidiaire, si la cour d’appel devait considérer que le désoeuvrement socio-professionnel subi par M. [F] pendant la maladie traumatique relevait du déficit fonctionnel temporaire, que l’indemnité de

2 720 euros sollicitée au titre de l’incidence professionnelle avant consolidation s’ajoute au montant calculé.

La Sa Pacifica s’oppose au tarif journalier excessif de 40 euros. Elle précise que la réduction des activités d’agrément de M. [F] et de sa vie sexuelle, s’ils sont caractérisés, font l’objet d’une indemnisation distincte.

Le déficit fonctionnel temporaire inclut, pour la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique de la victime, le préjudice temporaire d’agrément, ainsi que le préjudice sexuel temporaire.

L’expert judiciaire a retenu un déficit fonctionnel temporaire total du 25 février au 26 juillet 2016 et du 18 octobre 2016 au 7 avril 2017, ainsi qu’un déficit fonctionnel temporaire partiel de 80 % du 27 juillet au 17 octobre 2016.

Une indemnité de 25 euros par jour sera accordée aux ayants droit de M. [F].

Sur cette base, l’indemnisation est égale à la somme totale de 9 785 euros (25 euros x 153 jours = 3 825 euros) + (25 euros x 172 jours = 4 300 euros) + (25 euros x

80 % x 83 jours = 1 660 euros).

La décision du premier juge sera infirmée en son montant.

II – Les préjudices extrapatrimoniaux permanents

a) Le déficit fonctionnel permanent

L’expert judiciaire a retenu un taux de 50 % compte tenu de l’amputation transfémorale du membre inférieur gauche et d’un syndrome anxio-dépressif réactionnel.

A la page 13 de son rapport d’expertise, il a précisé qu’avant l’accident, M. [F] pratiquait la marche à pied au rythme de 1 à 8 kilomètres par jour, le vélo avec son épouse, et conduisait son véhicule, et qu’il était désormais très dépendant de son entourage. Il a ajouté que M. [F] déplorait très amèrement le fait de devoir rester à la maison, de ne plus prendre sa voiture, ni voyager simplement, faire son jardin, du vélo ou de la marche.

Eu égard à l’âge de M. [F] à la date de sa consolidation, du taux de 50 %, et du décès de ce dernier, le tribunal a fixé ce poste de préjudice sur la base d’un point valorisé à 1 375 euros à la somme de 19 704,49 euros.

Mmes [G] et [I] [F] font valoir que la méthode de calcul sur la base d’un point d’incapacité ne permet pas une indemnisation complète de la victime dès lors que les souffrances pérennes (lombalgies basses, douleurs du membre fantôme) et les troubles quotidiens subis dans ses conditions d’existence par M. [F] (doit désormais rester confiné, ne peut plus conduire, voyager, se promener, prendre le café tous les matins chez ses amis après sa promenade) ne sont pas pris en compte. Elles sollicitent à titre principal l’octroi d’une indemnité journalière de 45 euros, représentant une valeur du point de 1 950 euros, jusqu’au décès de M. [F].

Elles demandent, à titre subsidiaire, si la cour d’appel devait considérer que le désoeuvrement socio-professionnel subi par M. [F] pendant la maladie traumatique relevait du déficit fonctionnel permanent, que l’indemnité de

3 333,33 euros sollicitée au titre de l’incidence professionnelle après consolidation s’ajoute au montant calculé.

La Sa Pacifica conclut à la confirmation du jugement et s’oppose au calcul de l’indemnisation sur une base journalière.

Eu égard au taux d’incapacité de 50 %, aux douleurs du membre fantôme évoquées par l’expert judiciaire à la page 12 de son rapport d’expertise et aux troubles dans les conditions d’existence de M. [F] âgé de 88 ans, la somme de 21 500 euros sera retenue. La décision du premier juge sera infirmée en son montant.

b) Le préjudice sexuel

Le tribunal a rejeté la réclamation présentée à ce titre en l’absence d’éléments justifiant l’existence d’un tel préjudice non retenu par l’expert judiciaire.

Mmes [G] et [I] [F] font valoir que l’expert judiciaire en a au contraire retenu l’existence, dans sa réponse au dire, du fait de la gêne fonctionnelle évoquée par M. [F] lors de l’expertise.

La Sa Pacifica conclut à la confirmation du jugement.

L’expert judiciaire n’a pas retenu l’existence d’un préjudice sexuel. Il n’a pas évoqué de doléance de M. [F] à ce titre. Dans sa réponse au dire de l’avocate de celui-ci du 24 octobre 2018, il a indiqué que ce dernier ne présentait pas d’atteinte à sa capacité de procréation et que la gêne fonctionnelle était incluse dans le déficit fonctionnel permanent.

Les appelantes ne justifient pas de l’existence d’un préjudice sexuel distinct de

M. [F].

Cette demande est rejetée. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

* * *

En définitive, la Sa Pacifica sera condamnée à payer à Mmes [G] et [I] [F], ès qualités d’ayants droit de M. [F], la somme totale de 112 235,62 euros, n’incluant pas l’indemnisation des préjudices esthétiques temporaire et permanent, d’agrément, des souffrances endurées, et des frais de logement et de véhicule adaptés, arrêtée par le premier juge et qui n’a pas fait l’objet d’un appel, et après déduction de la provision de 30 000 euros versée par la Sa Pacifica.

Sur les préjudices de Mme [G] [F]

A- Les préjudices patrimoniaux : les frais divers

Le tribunal a indemnisé ce poste de préjudice conformément à l’offre de la Sa Pacifica égale à 3 800 euros, à défaut de pièces justificatives de la fréquence et du coût des trajets allégués.

Mme [G] [F] fait valoir que le tribunal, qui n’a pas tenu compte des pièces qu’elle a versées aux débats, a violé l’article 1353 du code civil, que le coût des trajets qu’elle a effectués doit être calculé sur la base du barème des indemnités kilométriques en vigueur au jour de la liquidation du préjudice.

La Sa Pacifica conclut à la confirmation du jugement, Mme [G] [F] ne produisant pas de nouveaux éléments en cause d’appel.

Les dépenses engagées par les proches de la victime, notamment pour lui rendre visite à l’hôpital, sont remboursées sur justificatifs.

Sont justifiés les déplacements suivants de Mme [G] [F] depuis son domicile à [Localité 9] :

– les 19 et 26 juin 2016, les 3, 10 et 17 juillet 2016, lors des autorisations de sortie de M. [F] du SSR [22] à [Localité 21] :16,4 kms x 2 x 5 trajets x tarif de 0,575 euros selon le barème kilométrique 2022 pour un véhicule 4 CV = 94,30 euros,

– 7 visites au CH de [Localité 19] du 21 mars au 1er avril 2016 fixées sur la base de 4 trajets aller-retour par semaine tels que mentionnés par M. [W] [D] dans son attestation : 34,2 kms x 2 x 7 trajets x 0,575 euros = 275,31 euros,

– 9 visites au SSR de [Localité 21] du 1er au 14 avril 2016 fixées sur la base de 4 trajets aller-retour par semaine tels que mentionnés par M. [W] [D] dans son attestation : 16,4 kms x 2 x 9 trajets x 0,575 euros = 169,74 euros,

– 17 visites au CHU de [Localité 16] du 14 avril au 11 mai 2016 fixées sur la base de 4 trajets aller-retour par semaine tels que mentionnés par M. [W] [D] dans son attestation : 62 kms x 2 x 17 trajets x 0,575 euros = 1212,10 euros,

– 19 visites au SSR de [Localité 21] du 11 mai au 9 juin 2016 fixées sur la base de 4 trajets aller-retour par semaine : 16,4 kms x 2 x 19 trajets x 0,575 euros =

358,34 euros,

– 4 visites au CHU de [Localité 16] du 9 au 13 juin 2016 : 62 kms x 2 x 4 trajets x

0,575 euros = 285,20 euros,

– 26 visites au SSR de [Localité 21] du 13 juin au 27 juillet 2016 fixées sur la base de 4 trajets aller-retour par semaine : 16,4 kms x 2 x 26 trajets x 0,575 euros =

490,36 euros,

– 4 visites au SSR de [Localité 20] du 17 au 23 octobre 2016 : 20,2 kms x 2 x 4 trajets x 0,575 euros = 92,92 euros,

– 25 visites au CHU de [Localité 16] du 23 octobre au 2 décembre 2016 fixées sur la base de 4 trajets aller-retour par semaine : 62 kms x 2 x 25 trajets x 0,575 euros =

1782,50 euros,

– 12 visites au CRF de [Localité 17] du 2 au 16 décembre 2016 fixées sur la base de 4 trajets aller-retour par semaine : 26,4 kms x 2 x 12 trajets x 0,575 euros =

364,32 euros,

Une indemnité totale de 5 125,09 euros sera accordée à Mme [G] [F] avec intérêts au taux légal à compter de cette décision. La décision du premier juge sera infirmée en son montant.

B – Les préjudices extrapatrimoniaux : le préjudice extrapatrimonial exceptionnel

Le tribunal a débouté Mme [G] [F] de sa demande à ce titre, considérant que celle-ci visait l’indemnisation déjà sollicitée au titre des troubles dans les conditions d’existence qui avait été rejetée faute de justificatifs, ainsi que l’indemnisation sollicitée au titre du préjudice d’affection indemnisé par ailleurs.

Mme [G] [F] avance que le tribunal, qui a constaté au vu des attestations produites qu’elle avait été fortement touchée par les séquelles physiques et psychologiques subies par son époux, a dénaturé les pièces et violé le principe de réparation intégrale ; que le préjudice d’affection n’a pas pour objet d’indemniser depuis l’existence du dommage et à la suite de celui-ci les troubles et les perturbations engendrés par le handicap dans les conditions d’existence d’un proche qui partageait habituellement une communauté de vie affective et effective avec la victime ; que l’aggravation rapide de l’état de son époux et son amputation l’ont faite basculer au rang des aidants, que les changements et les troubles dans ses conditions d’existence ont été très importants, qu’elle a subi un préjudice sexuel.

La Sa Pacifica conclut à la confirmation du jugement.

Les troubles graves dans les conditions d’existence des proches causés par le handicap de la victime directe, y compris le cas échéant le préjudice sexuel du conjoint, sont indemnisés au vu des justificatifs produits.

Or, dans le cas présent, Mme [G] [F], qui affirme subir ce préjudice, ne produit aucune pièce pour en justifier.

Sa demande sera donc rejetée. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

* * *

En définitive, la Sa Pacifica sera condamnée à payer à Mme [G] [F] la somme de 5 125,09 euros au titre de ses frais divers avec intérêts au taux légal à compter de cette décision.

Sur le doublement des intérêts

L’article L.211-9 du code des assurances prévoit que, quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n’est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n’est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n’a pas été entièrement quantifié, l’assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint. L’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre provisionnelle, comme l’offre définitive, doit être suffisante et comporter le détail de tous les postes de préjudice indemnisables. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.

Selon l’article L.211-13 du même code, lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L.211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur.

Enfin, l’article R.211-40 du même code précise que l’offre d’indemnité doit indiquer, outre les mentions exigées par l’article L.211-16, l’évaluation de chaque chef de préjudice, les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui reviennent au bénéficiaire. Elle est accompagnée de la copie des décomptes produits par les tiers payeurs. L’offre précise, le cas échéant, les limitations ou exclusions d’indemnisation retenues par l’assureur, ainsi que leurs motifs. En cas d’exclusion d’indemnisation, l’assureur n’est pas tenu, dans sa notification, de fournir les indications et documents prévus au premier alinéa.

La sanction du doublement des intérêts a pour assiette le montant de l’indemnité allouée par le juge à la victime avant imputation des créances des tiers payeurs et avant déduction des provisions versées.

– pour la réparation des préjudices de M. [F]

Le tribunal a fait droit à cette demande sur la somme de 351 489,21 euros à compter du 25 octobre 2016 jusqu’au jour où sa décision aura un caractère définitif, au motif que les offres initiales d’indemnisation provisionnelles faites par l’assureur dans le délai de l’article L.211-9 étaient incomplètes et manifestement insuffisantes.

Mmes [G] et [I] [F] concluent à la confirmation du jugement sur le principe du doublement des intérêts. Elles précisent que la Sa Pacifica n’a adressé aucune offre provisionnelle détaillée et suffisante dans les cinq mois, ni dans les huit mois, de l’accident, que l’offre définitive du 3 juin 2019 n’était pas complète, que la Sa Pacifica n’a pas interrogé M. [F] pour compléter ses offres d’indemnisation.

La Sa Pacifica répond que :

– dès le 26 mai 2016, soit dans les huit mois de l’accident, elle a adressé une offre provisionnelle à M. [F], ainsi qu’une deuxième qui lui a été versée le 18 août 2016 ; que cette provision totale de 3 500 euros était suffisante au regard du certificat médical du 14 mars 2016 dont elle disposait qui faisait état d’une incapacité temporaire totale de 6 semaines,

– les provisions suivantes ont été versées les 21 novembre 2016, 7 mars et 30 août 2017, soit dans les délais de l’article L.211-9,

– une offre définitive d’indemnisation a été adressée le 3 juin 2019, soit dans le délai légal de cinq mois, qu’elle n’était pas incomplète car le seul poste qui n’était pas visé était celui des frais de véhicule adapté pour lequel aucun justificatif n’avait été transmis, que cette offre était satisfaisante,

– à titre très subsidiaire, la sanction devra être limitée à l’assiette du montant de l’offre formulée le 3 juin 2019 et les intérêts ne pourront courir que du 25 octobre 2016 au 3 juin 2019.

En l’espèce, la Sa Pacifica devait formuler une offre d’indemnité avant le 25 octobre 2016, laquelle pouvait avoir un caractère provisionnel dès lors que l’état de M. [F] n’avait été consolidé que le 7 avril 2017.

Elle a adressé à M. [F] :

– le 26 mai 2016, un procès-verbal de transaction contenant offre d’une indemnité provisionnelle de 2 000 euros (1 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire + 1 000 euros au titre des souffrances endurées),

– le 19 août 2016, un procès-verbal de transaction contenant offre d’un solde d’indemnité provisionnelle de 1 500 euros (1 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire + 1 000 euros au titre des souffrances endurées + 1 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent – provision de 2 000 euros déjà versée).

Alors que la Sa Pacifica avait en sa possession le certificat médical initial du 14 mars 2016 qui mentionnait une fracture de la jambe droite ouverte cauchoix 2 ostéosynthésée par clou, un traumatisme crânien et une plaie de scalp suturé, et prévoyait une ITT de six semaines, elle n’a pas proposé une offre provisionnelle au titre d’un préjudice esthétique temporaire.

Ces deux offres étaient donc incomplètes.

Ultérieurement, la Sa Pacifica a adressé à M. [F] :

– le 24 novembre 2016, un procès-verbal de transaction contenant offre d’un solde d’indemnité provisionnelle de 5 000 euros (1 500 euros au titre des frais divers (assistance tierce personne temporaire) + 3 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire + 4 000 euros au titre des souffrances endurées – provisions de

3 500 euros déjà versées),

– le 7 mars 2017, un procès-verbal de transaction contenant offre d’un solde d’indemnité provisionnelle de 6 500 euros (1 500 euros au titre des frais divers +

3 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire + 4 500 euros au titre des souffrances endurées + 4 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent +

2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent – provisions de 8 500 euros déjà versées).

Ces deux offres ne prévoyaient pas davantage une réparation provisionnelle d’un préjudice esthétique temporaire, alors même que, s’il n’était pas retenu par les experts amiables dans leur rapport d’expertise adressé à l’assureur dès le 5 septembre 2016, ils avaient constaté que M. [F] présentait des sutures de la plaie du scalp et devait se déplacer en fauteuil roulant. De plus, alors que ledit rapport visait un besoin en aide humaine temporaire d’au moins deux heures par jour et des souffrances endurées évaluées à 4,5/7, aucune offre complémentaire n’a été formulée par la Sa Pacifica avant le 25 octobre 2016.

A l’issue de la réception du rapport d’expertise judiciaire, la Sa Pacifica a adressé le 3 juin 2019 une offre d’indemnisation définitive.

Toutefois, malgré la réception de ce rapport d’expertise et du courrier de la Msa Haute-Normandie daté du 27 novembre 2018 contenant le montant définitif de ses débours, elle n’a pas visé la créance de ce tiers payeur et n’a fait aucune proposition de réparation des dépenses de santé et des frais divers alors qu’elle disposait des pièces justificatives de la partie adverse visées dans ledit rapport d’expertise, ni des frais de véhicule et de logement adaptés et du préjudice d’agrément alors qu’ils avaient été retenus par l’expert judiciaire.

En l’absence d’émission d’une offre provisionnelle complète et/ou suffisante dans les conditions requises par l’article L.211-9, la Sa Pacifica sera condamnée au paiement des intérêts courant, sur l’indemnité de 368 276,52 euros allouée à M. [F] avant imputation des créances des tiers payeurs et avant déduction des provisions versées, au double du taux légal à compter du 25 octobre 2016 jusqu’au jour où la présente décision sera devenue définitive. La décision du tribunal ayant appliqué cette sanction sera confirmée.

– pour la réparation des préjudices des victimes indirectes

Le tribunal a rejeté cette demande au motif que l’article L.211-9 du code des assurances ne bénéficie qu’à la réparation du préjudice des victimes directes d’accidents de la circulation.

Les appelants soutiennent que la Cour de cassation rappelle au visa de l’article 6 de la loi du 5 juillet 1985 que les dispositions de l’article L.211-9 entrent dans son champ d’application dès lors que les victimes indirectes se sont fait connaître à l’assureur, ce qui était leur cas, que la Sa Pacifica ne leur a adressé aucune offre d’indemnisation.

La Sa Pacifica conclut à la confirmation du jugement. Elle indique que MM. [A] et [R] [H] ne se sont manifestés qu’à l’occasion de la procédure de référé-expertise qu’elle a initiée et ont obtenu une provision à cette occasion, qu’elle n’avait pas l’obligation antérieure de leur transmettre une offre, que Mmes [G] et [I] [F] ont obtenu une provision.

Le premier alinéa de l’article L.211-9 ne distingue pas la nature du dommage, ni la qualité de victime directe ou indirecte, pour faire obligation à l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée.

En revanche, l’alinéa 2, qui prévoit le délai maximum de huit mois à cet effet, n’est applicable qu’à la victime qui a subi une atteinte à sa personne.

En l’espèce, par un courrier daté du 23 décembre 2016, l’avocate des appelants a demandé à la Sa Pacifica de lui adresser, pour les préjudices subis par les victimes par ricochet (épouse, fille, gendre et petit-fils de M. [F]), une indemnité provisionnelle à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice de 15 000 euros pour Mme [G] [F], 10 000 euros pour Mme [I] [F], 8 000 euros chacun pour MM. [A] et [R] [H].

La Sa Pacifica avait donc jusqu’au 23 mars 2017 pour leur présenter une offre.

Selon quittances provisionnelles datées du 7 mars 2017, elle a versé à Mmes [G] et [I] [F] respectivement des provisions de 2 500 euros et de 2 000 euros.

La demande de doublement des intérêts présentée par ces dernières sera donc rejetée. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

En revanche, la Sa Pacifica ne prouve pas qu’elle a répondu au courrier du 23 décembre 2016 et a présenté une offre à MM. [A] et [R] [H] dans le délai de trois mois. Conformément à leur demande, cette absence d’offre sera sanctionnée par le doublement des intérêts, à compter du 23 août 2017 jusqu’au jour où la présente décision sera devenue définitive, sur les indemnités qui leur ont été allouées par le premier juge respectivement de 5 000 euros et de 6 000 euros, et avant déduction des provisions versées.

Le jugement du tribunal ayant rejeté cette demande sera infirmé.

Sur la capitalisation des intérêts

La Sa Pacifica critique la décision du premier juge qui a accordé le bénéfice de la capitalisation des intérêts aux motifs que la loi du 5 juillet 1985 consacre un régime autonome et dérogatoire prévoyant des pénalités spécifiques pour absence d’offre ou offre insuffisante, qu’elle justifie avoir respecté l’ensemble des obligations imposées par cette loi, de sorte que la capitalisation des intérêts ne sera pas ordonnée.

Les appelants répondent que l’article 1343-2 du code civil s’applique en plus des articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances.

L’article 1343-2 du code civil précise que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Il s’agit d’une disposition d’ordre public qui s’applique en l’espèce alors même qu’il a été fait application de la sanction prévue par l’article L.211-13 du code des assurances.

Le bénéfice de la capitalisation des intérêts moratoires sera accordé. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

– Sur le paiement des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement

L’article R.631-4 du code de la consommation précise que, lors du prononcé d’une condamnation, le juge peut, même d’office, pour des raisons tirées de l’équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution.

Aucune circonstance n’impose que cette faculté laissée au juge soit ordonnée dans le cas présent. La Sa Pacifica a exécuté les décisions de condamnation à paiement prononcées jusqu’à maintenant contre elle dans le cadre de ce litige.

Cette demande sera rejetée. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

– Sur les frais de procédure

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.

Partie perdante, la Sa Pacifica sera condamnée aux dépens d’appel.

Il n’est pas inéquitable de la condamner également à payer aux appelants les frais non compris dans les dépens qu’ils ont exposés pour cette procédure à hauteur de

2 500 euros chacune à Mmes [G] [F] et [I] [F], ès qualités d’ayants droit de M. [F] et en leur nom personnel, et de 1 000 euros chacun à MM. [A] et [R] [H].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

Constate l’absence d’effet dévolutif de l’appel de Mmes [G] et [I] [F], en leur qualité d’ayants droit de M. [L] [F], sur les dispositions du jugement relatives aux frais d’adaptation du logement et du véhicule,

Dans les limites de l’appel formé,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– fixé l’indemnisation du préjudice corporel souffert par M. [L] [F] par suite de l’accident de la circulation du 25 février 2016 à la somme de 351 489,21 euros,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mmes [G] et [I] [F], en leur qualité d’ayants droit de M. [L] [F], les indemnités suivantes :

. 602,92 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

. 7 524,35 euros au titre des frais divers,

. 13 612 euros au titre de la tierce assistance temporaire,

. 305,02 euros au titre des dépenses de santé futures,

. 82 000 euros au titre de la tierce assistance permanente,

. 7 228 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

. 19 704,49 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

– dit qu’il y a lieu de déduire des sommes allouées les provisions qui ont été servies à M. [L] [F] à hauteur de 30 000 euros,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mmes [G] et [I] [F], en leur qualité d’ayants droit de M. [L] [F], les intérêts au double du taux légal sur la somme de 351 489,21 euros à compter du 25 octobre 2016 et jusqu’au jour où la présente décision aura un caractère définitif,

– condamné la Sa Pacifica à payer à Mme [G] [F] une indemnité de 3 800 euros au titre des frais divers,

– dit que l’indemnité revenant à M. [A] [H] portera intérêts au taux légal à compter du jugement,

– dit que l’indemnité revenant à M. [R] [H] portera intérêts au taux légal à compter du jugement.

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la Sa Pacifica à payer à Mmes [G] et [I] [F], en leur qualité d’ayants droit de M. [L] [F], la somme totale de 112 235,62 euros,

Condamne la Sa Pacifica à payer à Mmes [G] et [I] [F], en leur qualité d’ayants droit de M. [L] [F], les intérêts au double du taux légal, à compter du 25 octobre 2016 jusqu’au jour où la présente décision sera devenue définitive, sur l’indemnité de 368 276,52 euros,

Condamne la Sa Pacifica à payer à Mme [G] [F] en son nom personnel une indemnité de 5 125,09 euros au titre de ses frais divers avec intérêts au taux légal à compter de cette décision,

Condamne la Sa Pacifica à payer à M. [A] [H] les intérêts au double du taux légal, à compter du 23 août 2017 jusqu’au jour où la présente décision sera devenue définitive, sur l’indemnité de 5 000 euros,

Condamne la Sa Pacifica à payer à M. [R] [H] les intérêts au double du taux légal, à compter du 23 août 2017 jusqu’au jour où la présente décision sera devenue définitive, sur l’indemnité de 6 000 euros,

Condamne la Sa Pacifica à payer à Mmes [G] et [I] [F], ès qualités d’ayants droit de M. [L] [F] et en leur nom personnel, chacune la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

Condamne la Sa Pacifica à payer à MM. [A] et [R] [H] chacun la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la Sa Pacifica aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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