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16 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
21-10.294
CIV. 1
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 février 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10177 F
Pourvoi n° Y 21-10.294
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022
1°/ M. [P] [L], domicilié [Adresse 1],
2°/ la société Play Bac presse, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° Y 21-10.294 contre l’arrêt rendu le 15 septembre 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [V] [C], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Editions Jean-Claude Lattès, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. [L] et de la société Play Bac presse, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Editions Jean-Claude Lattès, après débats en l’audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [L] et la société Play Bac presse aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et la société Play Bac presse et les condamne à payer à M. [C] et la société Editions Jean-Claude Lattès la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. [L] et la société Play Bac presse
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [L] et la société Play Bac Presse font grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à préciser que l’absence d’originalité est une cause de débouté et non d’irrecevabilité de l’action en contrefaçon et d’avoir ainsi déclaré les demandes en contrefaçon de droits d’auteur présentées par la société Play Bac Presse irrecevables et rejeté celles présentées par M. [L].
1°/ ALORS QUE l’article L. 132-36 du code de la propriété intellectuelle institue une cession automatique à l’entreprise de presse des droits d’exploitation des oeuvres du journaliste professionnel réalisées dans le cadre du titre de presse ; que la reproduction, sans autorisation, par un tiers, de l’oeuvre publiée dans le titre de presse est susceptible de porter atteinte aux droits ainsi cédés et détenus par l’entreprise de presse ; que celle-ci a en conséquence qualité à agir en contrefaçon en invoquant les droits qu’elle détient et auxquelles elle estime qu’il a été porté atteinte ; qu’en retenant en l’espèce que la société Play Bac Presse était irrecevable à agir en contrefaçon dès lors qu’était incriminée la « reproduction de la composition comme de l’expression de l’article de M. [L] dans le livre de M. [C], livre qui ne relève pas du titre de presse de la société Play Bac Press », la cour d’appel a violé l’article L. 132-36 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ ALORS EN OUTRE QUE la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts mais seulement la forme originale sous laquelle ils sont exprimés ; qu’il en découle que l’originalité d’une oeuvre de l’esprit doit être recherchée dans la forme d’expression et non dans les idées ; que, pour juger que l’article de M. [L] n’était original ni dans sa composition ni dans son expression, la cour d’appel a retenu qu’étaient dépourvus d’originalité le recours à l’anaphore, la présentation d’idées reçues dont la fausseté est ensuite dénoncée, le choix de ces idées reçues, l’articulation d’idées circulant très largement, relayées dans les médias et la classe politique, le fait que la définition de certains mots de l’article soit ensuite présentée dans un cartouche vert, l’utilisation d’un style écrit simple et épuré, le recours à un style concis et à un vocabulaire simple, comme l’expression des idées par des phrases courtes pour présenter des faits relevant de l’actualité et la présentation de données d’actualité publiques ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, l’article étant constitué par 548 mots et 32 phrases, en l’état du nombre considérable de combinaisons différentes de mots possibles pour signifier la même chose, les choix opérés par M. [L] entre ces innombrables combinaisons n’exprimaient pas la personnalité de son auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ ALORS EN OUTRE QUE la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts mais seulement la forme originale sous laquelle ils sont exprimés ; qu’il en découle que l’originalité d’une oeuvre de l’esprit doit être recherchée dans la forme d’expression et non dans les idées ; que l’originalité d’une oeuvre droit être appréciée dans son ensemble au regard la combinaison des différents éléments même banals la composant ; qu’en l’espèce, pour juger que l’article de M. [L] n’était original ni dans sa composition ni dans son expression, la cour d’appel a retenu qu’étaient dépourvus d’originalité le recours à l’anaphore, la présentation d’idées reçues dont la fausseté est ensuite dénoncée, le choix de ces idées reçues, l’articulation d’idées circulant très largement, relayées dans les médias et la classe politique, le fait que la définition de certains mots de l’article soit ensuite présentée dans un cartouche vert, l’utilisation d’un style écrit simple et épuré, le recours à un style concis et à un vocabulaire simple, comme l’expression des idées par des phrases courtes pour présenter des faits relevant de l’actualité et la présentation de données d’actualité publiques ; qu’en statuant ainsi sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la combinaison d’une composition à partir d’une division en cinq sections cohérentes avec le titre « Rectifions 5 idées reçues sur les boat people », de l’énonciation en tête de chaque section de l’idée reçue à rectifier en une formule courte et claire suivie du mot « Faux » écrit en gras et en majuscules pour introduire les développements qui réfutent chacune de ces cinq idées reçues, d’un cartouche vert nettement visible en bas à droite intitulé « écodico » fournissant aux lecteurs des définitions de certains mots les moins courants employés dans l’article, et de l’utilisation de l’anaphore cinq fois dans des titres courts pour introduire des explications dans un certain ordre, ne constituait pas une oeuvre originale portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société Play Bac Presse fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
1°/ ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu’en l’espèce, la société Play Bac Presse faisait valoir dans ses conclusions d’appel qu’en publiant un ouvrage dont plusieurs pages constituent le plagiat de l’article de M. [L], M. [C] et la société JC Lattes ont contrevenu aux prescriptions de la charte éthique professionnelle des journalistes du SNJ (N°1918-38-2011) et commis en conséquence une faute constitutive de concurrence déloyale (cf. conclusions, p. 21 et 22) ; qu’en écartant toute concurrence déloyale commise par M. [C] et la société JC Lattes au motif que les points de contact entre les deux textes sont induits par le thème commun et la banalité des termes employés (cf. jugement, p. 11, § 5), que « les appelants font état de la reprise « quasiment à l’identique » de dix-neuf phrases de l’article par le livre de M. [C], ces phrases portant sur la présentation dans des termes communs de données publiques, ce qui contribue à expliquer cette proximité » (cf. arrêt, p. 9, avant-dernier §) et que tout risque de confusion était exclu sans rechercher, comme elle y était invitée, si la reprise formelle de façon quasi identique de dix-neuf phrases de l’article de M. [L] ne constituait pas, indépendamment de tout risque de confusion, un plagiat constitutif d’une faute déontologique sanctionnable au titre de la concurrence déloyale, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QU’ une situation de concurrence directe ou effective entre les parties n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale ou parasitaire ; qu’en retenant en l’espèce, pour exclure toute concurrence déloyale, que les sociétés Play Bac Presse et JC Lattes ne sont pas en situation de concurrence directe, la société Play Bac Presse éditant des ouvrages pour la jeunesse alors que la société JC Lattes édite des ouvrages littéraires, la cour d’appel a statué par un motif inopérant en violation de l’article 1240 du code civil ;
3°/ ALORS QUE le parasitisme consiste pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis par elle ; que la publication par une société de presse d’un article écrit par l’un des journalistes dont il est l’employeur représente nécessairement pour elle un investissement ; qu’en retenant, en l’espèce, pour écarter toute concurrence parasitaire, que la société Play Bac Presse n’établissait pas la réalité de ses investissements, la fourniture des bulletins de paie de M. [L] montrant « qu’il a perçu pour les mois correspondant un salaire de la société Play Bac Presse n'(étant) pas suffisante » puisque n’est versé « qu’un simple courriel listant des dates auxquelles monsieur [L] se serait rendu à Lampedusa pour y rédiger son article sans autre pièce justificative, alors que quatre des onze voyages qui y figurent sont postérieurs à l’article » (cf. arrêt, p. 10, § 1), quand le fait même que M. [L] ait rédigé son article en tant que salarié de la société Play Bac Presse, ce qui n’était pas contesté, faisait nécessairement la preuve que l’article dont la reproduction était incriminée était le fruit d’investissements de celle-ci, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1240 du code civil.
Le greffier de chambre