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18 janvier 2019
Cour d’appel de Paris
RG n°
17/14649
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 1
ARRÊT DU 18 JANVIER 2019
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/14649 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3Z2N
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16/07915
APPELANTS
Monsieur [B] [L]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
SAS MDB MADELEINE Prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
SIRET : 821 838 414
Représentés tous deux par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque: L0053
Ayant pour avocat plaidant Me David GORDON-KRIEF de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P261
INTIMÉE
SAS DU 15 MADELEINE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Adresse 3]
SIRET : 420 178 667
Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079
Ayant pour avocat plaidant, Me Thierry SCHWARZMANN de la SELAS ORSAY SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0253
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Dominique GILLES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Claude CRETON, Président
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M.Gilles DOMINIQUE, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Nadia TRIKI
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M.Claude CRETON, Président et par Mme Thi Bich Lien PHAM, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SCI du 15 Madeleine, devenue à compter du 1er janvier 2016 une SAS du même nom, est propriétaire d’un immeuble sis [Adresse 4]).
M. [L] a été en pourparlers avec le gérant de cette société, M. [P], pour l’achat de ce bien.
Reprochant à cette société propriétaire d’avoir, fautivement, le 31 mars 2016, refusé de lui consentir une promesse unilatérale de vente conforme à leurs accords, M. [L] a, par acte extrajudiciaire du 18 mai 2016, fait assigner la SAS du 15 Madeleine en vente forcée de l’immeuble au prix de 20 000 000 € et, à défaut, en dommages-intérêts pour rupture abusive de pourparlers.
En cours de procédure, les négociations ont repris en vue de l’acquisition du bien par une société MDB Madeleine, constituée pour les besoins de l’opération, moyennant le prix de 21 500 000 €.
Reprochant à la SAS du 15 Madeleine de s’être à nouveau rétractée dans des conditions fautives, ce qui a donné lieu à un procès verbal dressé par M. [W], notaire, le 25 juillet 2016, qui a été publié, M. [L] et la SAS MDB Madeleine ont demandé au tribunal déjà saisi d’ordonner la vente forcée au prix de 21 500 000 €, subsidiairement au prix de 20 000 000 € et, à défaut, de condamner la SAS du 15 Madeleine à leur payer des dommages-intérêts pour rupture abusive de pourparlers.
C’est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 14 juin 2017, a :
– donné acte à la société MDB Madeleine de son intervention volontaire,
– rejeté les fins de non recevoir tirées du défaut d’intérêt de M. [L] et de la société MDB Madeleine pour agir en réalisation forcée de la vente,
– débouté M. [L] et la société MDB Madeleine de leurs demandes en réalisation forcée de la vente et de leur demande en dommages-intérêts pour rupture abusive de pourparlers,
– débouté la SAS du 15 Madeleine de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– condamné M. [L] et la société MDB Madeleine, in solidum et à peine d’astreinte, à solliciter la radiation de la publication du procès verbal de carence du 25 juillet 2016,
– débouté la SAS du 15 Madeleine du surplus de sa demande,
– débouté M. [L] et la société MDB Madeleine de leur demande au titre des frais irrépétibles,
– condamné in solidum M. [L] et la société MDB Madeleine à payer à la SAS du 15 Madeleine la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [L] aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire.
Par dernières conclusions du 15 février 2018, M. [L] et la SAS MDB Madeleine, appelants, demandent à la Cour de :
– vu les articles 31, 126, 328 et 329 du code de procédure civile,
– vu les articles 1271, 1583 et 1240 du code civil,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les fins de non recevoir qui leur sont opposées et débouté la SAS du 15 Madeleine de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a déboutés de leur demande et a condamné le concluant aux dépens,
– statuant à nouveau :
– ordonner la vente forcée de l’immeuble au prix de 21 500 000 € et, à titre subsidiaire, au prix de 20 000 000 €,
– à défaut :
– condamner la SAS MDB Madeleine à payer au concluant une somme de 620 400 € et à la société concluante une somme de 2 739 047 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de pourparlers,
– en tout état de cause :
– débouter la SAS du 15 Madeleine de l’ensemble de ses prétentions,
– la condamner à payer 70 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 20 juillet 2018, la SAS du 15 Madeleine prie la Cour, au visa des articles 1134, 1582, 1583, 1589, 1382 et 1383 anciens du code civil, 32-1 du code de procédure civile, de :
– confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa fin de non recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de M. [L] et de la société MDB Madeleine,
– statuant à nouveau :
– dire M. [L] et la société MDB Madeleine irrecevables en leur action en vente forcée,
– les condamner in solidum à lui payer 150 000 € à titre de dommages-intérêts pour faute délictuelle,
– les condamner in solidum en tout état de cause à lui payer 30 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des entiers dépens.
SUR CE
LA COUR
Les moyens soutenus par M. [L] et la SAS MDB Madeleine au soutien de leur appel principal et ceux soutenus par la SAS du 15 Madeleine relatifs à l’appel incident, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connus et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.
A ces justes motifs, il sera ajouté ce qui suit.
– Sur les actions en vente forcée
Alors que M. [L] et la SAS MDB Madeleine démontrent seulement que les négociations en vue de la vente du bien litigieux par la SAS du 15 Madeleine ont, par deux fois et en dernier lieu en juillet 2016, échoué avant la signature par celle-ci d’une promesse unilatérale de vente qu’ils ont tenue pour un avant-contrat nécessaire à la vente, le jugement doit être approuvé d’avoir retenu que l’accord des parties sur la chose et sur le prix valant vente parfaite n’était nullement caractérisé.
N’étant pas prouvé en l’espèce que la SAS du 15 Madeleine ait jamais irrévocablement promis de vendre ni que M. [L] ou la SAS MD Madeleine aient jamais pu, de ce fait, exercer une option d’acquérir qui leur avait été préalablement consentie, le jugement doit être approuvé d’avoir débouté les appelants de leurs demandes en vente forcée.
– Sur les actions en dommages-intérêts de M. [L] et de la SAS MDB Madeleine
A l’appui de l’abus du droit qu’ils invoquent, M. [L] et la société MDB Madeleine soutiennent que M. [P], pendant trois années de négociation, a une première fois entretenu M. [L] dans la croyance que l’opération allait se faire avant de décider à l’ultime stade de tout annuler, puis s’est ensuite servi de l’intérêt de M. [L] pour le bien pour le reconduire dans les négociations et obtenir un prix plus élevé, avant de décider à la dernière minute de revenir sur sa décision de consentir une promesse de vente.
Toutefois, il n’est nullement établi que M. [P] s’est engagé, dès juillet 2013 et dès avant la vente de l’immeuble du [Adresse 5], à faire le nécessaire pour que la vente du 15, place de la Madeleine puisse avoir lieu, après celle du premier bien à une société proche de M. [L] laquelle a été réalisée par acte authentique du 30 juin 2015.
Il n’est pas prouvé non plus que M. [P] s’était engagé pour une vente conforme aux voeux de M. [L] du [Adresse 6], devant intervenir début 2016.
En revanche, il est établi que les négociations se sont intensifiées à partir de décembre 2015, M. [W], notaire de M. [L] expliquant dans une lettre du 21 mars 2016 qu’il avait eu accès à la “data room” le 4 décembre 2015 et que le 14 janvier 2016, avait était confirmé un accord aux conditions suivantes : prix de vente net vendeur de 20 000 000 €, signature de la promesse courant février, indemnité d’immobilisation de 5% versée et signature de l’acte de vente au plus tard le 15 octobre 2016. Ce notaire indique également que le 12 février 2016, le notaire de l’éventuel promettant avait confirmé la disponibilité de son client pour une signature le 24 mars à 16h30 et que le 18 mars 2016 il avait communiqué un projet de promesse de vente à l’autre notaire.
Le 7 janvier 2016 M. [P] a écrit à M. [L] qu’il pensait “débloquer le processus de la promesse à réception de la preuve du financement” ; il est établi que celui-ci avait préalablement transmis à M. [P] une lettre du 15 décembre 2015 du service des financements immobiliers de la Banque Populaire. Cette lettre, rassurante sur la perspective du financement, compte tenu des opérations déjà réalisées était toutefois dénuée d’engagement de la banque.
S’il est établi que M. [L] n’a pas demandé de condition suspensive de financement, et qu’il disposait, dès le 22 mars 2016, de perspectives de revente de l’immeuble à QNB Capital avec bénéfice, au prix de 22 000 000 € qui a été porté à 25 600 000 € le 23 mars 2016, le tribunal doit néanmoins être approuvé d’avoir retenu que rien ne prouve que les négociations se soient poursuivies entre le 12 février 2016 et le 23 mars 2016, date à laquelle le notaire du promettant a fait savoir que celui-ci ne se rendrait pas au rendez-vous de signature du lendemain.
Il est démontré, au contraire que par courriel du 8 mars 2016 adressé à M. [L], M. [P] s’est plaint auprès de celui-ci de l’absence de réponse à ses nombreuses relances et appels téléphoniques sans réponse depuis plusieurs semaines, expliquant qu’il avait cherché à le joindre pour lui faire part des raisons de sa décision. Or, compte tenu des relations des parties, cette décision était nécessairement celle de ne pas donner suite au projet de promesse de vente selon les conditions négociées jusqu’alors.
Jusqu’à cette date et nonobstant le refus de comparaître de M. [P] sur la sommation à délivrer à la société du 15 Madeleine le 25 mars 2016 pour le 31 mars 2016, la brusque rupture imputable au propriétaire de l’immeuble n’est donc pas établie.
Dès lors, il ne peut être imputé aucune faute au propriétaire de l’immeuble pour avoir renoué la négociation avec M. [L], en vue d’une promesse de vente à un prix supérieur, soit 21 500 000 €.
Cette seconde période de négociation s’est achevée le 25 juillet 2016, date à laquelle au cours d’un rendez-vous en vue de la signature de la promesse de vente la personne qui avait été chargée de représenter la société 15 Madeleine a fait savoir qu’elle ne pouvait pas signer.
Il est prouvé par les explications de Mme [H], notaire présent, que le mandataire de la société du 15 Madeleine, l’avocat Thierry Schwartzmann, a su que son mandat avait été révoqué le jour même, par courriel, à 15h52, soit quelques minutes avant 16 heures, l’heure convenue du début du rendez-vous, étant encore observé que M. [L] explique que le notaire les a reçus avec retard. Ainsi, il est établi que le mandat a été révoqué alors que ni M. [L] ni personne pour lui n’avait avisé la société du 15 Madeleine de ce que la société MDB Madeleine acceptait finalement la date de signature de la vente du 15 octobre 2016, qui avait fait l’objet d’une exigence de la société du 15 Madeleine jusqu’alors non acceptée.
Le caractère très sensible de ce point de la négociation est souligné par M. [L] et la SAS MDB Madeleine dans leurs conclusions, qui exposent que la date de réalisation de la vente était encore en discussion avant le rendez-vous de signature du 25 juillet. Ils écrivent : “Quoique frisant l’impossible, M. [L] qui avait la chance d’avoir noué des relations de confiance avec sa banque, acceptait cette date et prenait ainsi le risque de perdre le montant de l’indemnité d’immobilisation (soit 2 150 000 €) et de faire l’opération”.
Cependant, en présence de cette concession tardive, M. [L] et la SAS MDB Madeleine ne peuvent valablement reprocher à la société du 15 Madeleine d’avoir définitivement rompu les négociations avant qu’elle ne survienne.
Il s’en déduit que nul abus de la part de la société du 15 Madeleine n’est caractérisé du fait de la rupture des pourparlers survenue le 25 juillet 2016.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
– Sur la demande reconventionnelle
Le jugement entrepris doit être également confirmé pour avoir retenu que nul abus de droit n’était caractérisé du fait des mensonges au propriétaire et aux tiers reprochés à M. [L], s’agissant de ses droits sur le bien litigieux ou de la réalité de son projet d’achat pour revendre.
En particulier, ne caractérisent pas un abus de droit le fait de s’être à tort prévalu, dans une intention spéculative, de la qualité de bénéficiaire d’une vente parfaite, d’avoir accrédité cette idée auprès des tiers, y compris dans une assignation publiée, et d’avoir oeuvré en vue de revendre le bien avant même qu’il ne soit promis ni d’avoir versé le montant d’une indemnité d’immobilisation chez le notaire sans en informer le propriétaire du bien.
La publication préjudiciable invoquée par la SAS du 15 Madeleine est celle du procès verbal du 25 juillet 2016.
Il n’est pas davantage prouvé que la publication de l’assignation, un temps retenue, ait causé un dommage supplémentaire.
Le jugement entrepris doit être approuvé d’avoir retenu qu’en tout état de cause, le lien de causalité entre la publication au service de la publicité foncière et le préjudice allégué n’était pas démontré.
En cause d’appel, il ne l’est pas davantage, alors que le préjudice économique invoqué de manière forfaitaire est désormais de 150 000 €.
Ainsi, la dévalorisation de l’immeuble n’est pas démontrée par les pièces produites, faisant état des sollicitations de Valorim (un courriel), du “groupe promouvoir” (quelques messages “sms”), même à tenir pour établi le fait que des demandes téléphoniques supplémentaires aient été tentées par des tiers intéressés par le bien.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la SAS du 15 Madeleine, et la demande au titre d’un préjudice complémentaire en appel sera également rejetée.
– Sur les autres demandes
M. [L] et la SAS MDB Madeleine, qui succombent à titre principal, verseront à la SAS du 15 Madeleine une somme complémentaire de 9 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
Ils en seront tenus in solidum, ainsi que des dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Déboute la SAS du 15 Madeleine de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,
Condamne in solidum M. [L] et la SAS MDB Madeleine à payer à la SAS du 15 Madeleine une somme de 9 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [L] et la SAS MDB Madeleine aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
La Greffière Le Président