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16 février 2012
Cour d’appel de Paris
RG n°
10/13827
Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRET DU 16 FEVRIER 2012
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 10/13827
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2008071358
APPELANTE
S.A.R.L. ILLAS
ayant son siège : [Adresse 1]
représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125,
assistée de Me Grégoire BOUVIER, avocat au barreau de NANCY, plaidant pour la SCP BONNIN JACQUET ROYER PENCIRA,
INTIMEE
S.A.S. ATEXIS FRANCE anciennement dénommée S.A.S GROUPE CISIA INGENIERIE
ayant son siège : [Adresse 3]
représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY (Me Alain FISSELIER), avocats au barreau de PARIS, toque : L0044,
assistée de Me Julien MAIRE DU POSET de la AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : A 0167, substituant Me Isabelle SMITH MONNERVILLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Janvier 2012, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente et Madame Patricia POMONTI, Conseillère chargée d’instruire l’affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, présidente
Madame Patricia POMONTI, conseillère
Madame Irène LUC, conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris en vertu de l’article R312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRET :
– contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La SA Cisia Ingenierie, immatriculée au RCS de [Localité 5] B 439 045 550, et la SARL Illas ont signé, le 13 juillet 2007, à effet du 1er mai 2007, un contrat intitulé ‘contrat d’apporteur d’affaires’ pour une période de 12 mois, reconductible tacitement et avec une résiliation possible avec préavis de 3 mois par LRAR.
Ce contrat faisait suite à un précédent contrat, avec le même intitulé, signé entre les mêmes parties le 19 mai 2006, pour une durée de 12 mois.
Par LRAR du 17 janvier 2008, la SA Cisia Ingenierie, immatriculée au RCS de [Localité 6] B 422 383 547, filiale à 100 % de la SA Groupe Cisia Ingenierie, a dénoncé le contrat du 13 juillet 2007, qui arrivait à échéance le 30 avril 2008.
Après échanges de correspondances entre les parties, la SARL Illas a, par deux LRAR des 13 juin et 28 juillet 2008, contesté la validité de la résiliation notifiée le 17 janvier 2008 et la qualification du contrat signé le 13 juillet 2007 et a, en conséquence, réclamé le paiement d’indemnités et de commissions.
Par exploit en date du 26 septembre 2008, la SARL Illas a assigné la SAS Groupe Cisia Ingenierie devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 15 juin 2010, non assorti de l’exécution provisoire , le tribunal de commerce de Paris a débouté la SARL Illas de toutes ses demandes, débouté la SAS Groupe Cisia Ingenierie de toutes ses demandes et condamné les parties à supporter chacune la moitié des dépens.
Vu l’appel de cette décision interjeté par la SARL Illas le 5 juillet 2010.
Vu les dernières conclusions de la SARL Illas, signifiées le 4 janvier 2012, par lesquelles elle demande à la cour de :
-condamner la SA Groupe Cisia Ingenierie au paiement des sommes de :
*indemnité de clientèle……………………………………..349.803,00 €
*indemnité de remploi………………………………………116.589,00 €
*indemnité compensatrice de préavis…………………….43.725,30 €
-condamner la SA Groupe Cisia Ingenierie au paiement des sommes de :
*commission marché DCMAA…………………………..371.192,00 €
*commission sur le secteur d’activité dans 12 mois.174.901,00 €
*factures dues………………………………………………………….21.397,17 €
avec les intérêts de droit à compter de la demande, lesdits intérêts capitalisés par application de l’article 1154 du code civil,
-condamner la société Atexis France SA au paiement de la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SARL Illas soutient qu’elle doit bénéficier du statut d’ordre public d’agent commercial.
Elle considère que le contrat est très clair en ce qu’il a été conclu pour une durée de 12 mois, renouvelable par tacite reconduction d’année en année sauf résiliation par l’une ou l’autre des parties, avec respect d’un préavis de 3 mois et par LRAR, de sorte qu’il s’est renouvelé tacitement au 1er mai 2008 pour une nouvelle année.
Elle affirme, au vu des pièces produites par la société Atexis à la suite de l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 30 juin 2011, que le chiffre d’affaires TTC pour les deux années du 1er mai 2006 au 30 avril 2008 s’établit à la somme de 349.802,63 € TTC.
La SARL Illas demande donc le paiement des différentes indemnités auxquelles elle estime avoir droit en application des textes applicables aux agents commerciaux, outre la rémunération sur le marché DCMAA/CDTAA, les commissions sur le secteur d’activité pendant 12 mois et les factures dues.
Vu les dernières conclusions de la SAS Atexis France, venant aux droits de la SA Cisia Ingenierie elle-même issue de la fusion de Groupe Cisia Ingenierie, de Cisia Ingenierie et de Cisia Investissements, signifiées le 15 décembre 2011, par lesquelles elle demande à la cour de :
-dire l’appel de la SARL Illas irrecevable et mal fondé,
-en conséquence, la débouter de l’ensemble de ses demandes,
à titre principal :
-recevoir son appel incident,
-dire que le contrat d’apporteur d’affaires du 13 juillet 2007 est valablement arrivé à son terme extinctif le 30 avril 2008,
-débouter en conséquence la SARL Illas de toutes ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire :
-dire que le contrat d’apporteur d’affaires a pris fin, conformément aux dispositions contractuelles, le 30 avril 2008, et que la SARL Illas n’a plus droit à commissions au titre du marché public DCMAA à partir de cette date,
-débouter en conséquence la SARL Illas de toutes ses demandes, fins et conclusions,
à titre infiniment subsidiaire :
-dire que la SARL Illas ne pouvait prétendre qu’aux commissions sur commandes non récurrentes et non sur les règlements de factures,
-dire que les comptes devront être faits entre les parties afin de déterminer quelles sont les commandes qui doivent être considérées comme récurrentes ou pas et qu’en cas de difficultés, les parties devront demander la désignation d’un expert,
en tout état de cause :
-la dire bien fondée et condamner la SARL Illas au paiement de la somme de 4.909,57 € HT concernant les frais de déplacements engagés par elle pour le compte de cette dernière,
-dire n’y avoir lieu à la qualification d’agent commercial revendiquée par la SARL Illas,
-condamner la SARL Illas à lui payer la somme de 10.000 € pour action abusive,
-condamner la SARL Illas à lui payer la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SAS Atexis France conteste que les deux contrats successifs ‘d’apporteur d’affaires’ puissent être requalifiés en un contrat d’agent commercial.
Elle relève que la collaboration entre les parties a été très brève et qu’il y a disproportion entre les demandes de la SARL Illas et la durée de deux ans des relations contractuelles.
Elle affirme que le seul bénéficiaire du contrat d’apporteur d’affaires était la société filiale Cisia Ingenierie et non la société holding Groupe Cisia Ingenierie et que cette dernière a expressément reconnu le non-renouvellement de son contrat à son terme le 30 avril 2008, suite à la double dénonciation de sa tacite reconduction par les sociétés Groupe Cisia Ingenierie et Cisia Ingenierie de sorte qu’il ne peut y avoir d’indemnisation pour résiliation anticipée.
La SAS Atexis France considère, en conséquence, que la SARL Illas n’a pas droit au paiement de commissions sur le secteur d’activité et à une indemnité de préavis.
Elle estime qu’elle ne peut prétendre à paiement de commissions que pour la période initiale du marché public DCMMA et non pour les reconductions de ce marché.
Elle ajoute qu’en tout état de cause, le contrat a pris fin le 30 avril 2008 et que les commissions ne sont plus dues à partir de cette date et que la SARL Illas ne pouvait prétendre qu’aux commissions sur commandes, non récurrentes exclusivement, et non sur les règlements de factures.
Elle fait état de frais qui ont été engagés par la holding pour le compte de la SARL Illas pour lui faire profiter de tarifs préférentiels et elle en demande remboursement.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
-Sur la qualification du contrat :
Le contrat du 13 juillet 2007, tout comme celui du 19 mai 2006, est intitulé ‘contrat d’apporteurs d’affaires’.
Il indique que ‘Illas dispose d’un réseau relationnel et des compétences spécifiques pouvant intéresser Cisia Ingénierie’ et qu’elle lui a donc ‘proposé ses services en matière de recherche et de présentation de clientèle, en qualité d’apporteur d’affaire’.
Aux termes de l’article 1 du contrat : ‘Illas s’engage à faire ses meilleurs efforts et à déployer toutes les diligences nécessaires à l’effet de présenter à Cisia Ingénierie de nouveaux clients’ et ‘aura également pour missions de :
-définir la stratégie gagnante, identifier les prospects,
-réaliser toute activité de marketing, de support à la préparation des offres, à la négociation, à la vente depuis l’identification des prospects convenus et les plus intéressants,
-permettre à Cisia Ingénierie de signer de nouvelles commandes.’
Enfin, selon l’article 3 du contrat : ‘Illas s’engage à adapter ses méthodes, ses ressources et son savoir faire à l’évolution du métier dans lequel il évolue, de façon à toujours fournir à Cisia Ingénierie l’assistance la plus conforme à ses besoins et aux règles de l’art’…. ‘Illas sera libre d’exécuter les prestations de service et d’expertise de la manière qu’il estime la plus adaptée, sous réserve du strict respect des dispositions du présent contrat’…. ‘Illas rendra compte de sa mission à Cisia Ingénierie au moyen de rapports d’activités hebdomadaires détaillant toutes les actions menées’….. ‘en aucune manière, Illas n’aura la faculté de réclamer la qualité d’agent, de représentant ou d’employé de Cisia Ingénierie, ni d’engager Cisia Ingénierie à l’égard des tiers, au-delà des prestations prévues par les dispositions du présent contrat’.
Il résulte donc des termes du contrat que les parties ont expressément entendu exclure l’application du statut d’agent commercial à la société Illas.
Cependant, cette dernière, nonobstant les termes clairs du contrat, revendique ce statut d’agent commercial estimant que la réalité du travail qu’elle a effectué est celui d’agent commercial et que, ‘spécialement c’est elle qui, par le truchement de Monsieur [I], négociait seule les contrats’.
L’historique des contrats traités par la société Illas montre qu’elle est essentiellement intervenue pour les marchés publics où les notions de mandat de commerce, de clientèle et même de commissionnement heurtent l’ordre public. Ces marchés ont été signés par la société Cisia Ingénierie en son nom propre, conformément au code des marchés publics et jamais par Illas au nom de Cisia Ingénierie.
Si l’agent commercial intervient au nom et pour le compte d’autrui et est ainsi amené à négocier et à conclure des actes juridiques au nom et pour le compte de son donneur d’ordre, la société Illas n’a jamais été habilitée à contracter en direct avec la clientèle publique au nom et pour le compte de Cisia Ingénierie.
Il en est de même pour les quelques contrats clients privés dont elle peut se prévaloir.
Le fait que Monsieur [I], gérant de la société Illas, ait eu fonctionnellement, au sein de Cisia Ingénierie, le titre ‘d’ingénieur commercial groupe Cisia Ingénierie’ ou qu’il dispose d’une adresse e-mail ‘cisia’ n’implique nullement la qualité d’agent commercial.
Par contre la société Illas a bien eu une activité d’apporteur d’affaires qui, au contraire de l’agent commercial, n’est pas mandataire de commerce et se contente de faire se rapprocher les opérateurs et ne conclut pas d’opérations pour le compte d’autrui.
C’est bien ainsi que se définissait la société Illas dans un e-mail du 6 février 2008 : ‘Bien que n’étant pas salarié de Cisia, mais compte tenu de mon expérience de directeur de division Dassault/Sogitec pendant 15 années dans les domaines aéro et militaires, je dispose à côté de mon activité d’apporteur d’affaires, de compétences techniques dans le domaine (type et caractérisation des produits/process/ressources nécessaires) qui peuvent être utiles au groupe Cisia’.
Elle ne démontre pas qu’elle disposait de l’indépendance requise pour négocier des contrats. Elle ne prouve pas qu’elle avait la faculté de négocier les prix et le fait qu’elle puisse remettre des offres ou signer des bons de commande n’est pas suffisant pour justifier l’indépendance de négociation indispensable à la qualité d’agent commercial.
La société Illas produit à l’appui de sa revendication du statut d’agent commercial, des attestations d’anciens salariés de Cisia Ingénierie.
Cependant, outre que Monsieur [X] était en instance prud’homale avec Cisia Ingénierie, il apparaît que son affirmation de même que celle de Monsieur [U], rédigée en termes identiques, selon laquelle Monsieur [I] aurait eu le pouvoir de négocier et de conclure des contrats conformément aux procédures commerciales de Cisia Ingénierie est en contradiction avec la réalité.
En effet, la procédure de ‘Traitement des Offres et revue des Contrats’ en place depuis 2003 prévoit toutes les étapes à suivre pour la réalisation d’une vente de prestations par Cisia Ingénierie, de l’identification des besoins du client jusqu’à l’acceptation de la commande par la Direction de Cisia Ingénierie. Les ‘commerciaux’ sont chargés de faire remonter un besoin émanant d’un client dans le circuit commercial de Cisia pour faire réaliser une étude de faisabilité et donner les informations nécessaires à la Direction Générale pour décider des suites à donner à la consultation.
Les commerciaux Cisia, et encore moins les externes tels que la société Illas, n’ont pas le pouvoir de proposer des services en son nom et pour son compte. Tous les besoins des clients sont étudiés par une équipe de recherche qui doit valider la faisabilité technique du projet puis la direction doit donner son accord pour qu’une offre soit émise à destination du client.
Tel est le sens des e-mails produits par la société Illas pour tenter de justifier du statut d’agent commercial qu’il revendique.
Quant à Monsieur [P], il se contente de qualifier Monsieur [I] de ‘sous-traitant’ et précise ‘qu’à ce titre, il devait reporter ses activités auprès de la direction générale d’une façon homogène et identique aux autres ingénieurs commerciaux salariés de la société’, ce qui ne démontre pas, bien au contraire, l’indépendance de proposition et de négociation ainsi qu’un pouvoir de signature, pourtant indispensables à la reconnaissance du statut d’agent commercial.
D’ailleurs, Monsieur [I] communiquait avec les clients Cisia sous l’enseigne Cisia et non sous celle d’Illas et sur sa carte de visite il se présente comme ingénieur commercial de Cisia et jamais comme un mandataire indépendant.
Enfin, l’activité exercée à titre principal par la société Illas était liée au marché public DCMAA (en 2007 sur les 49.255,51 € de commissions versées à Illas, 43.403,39 € ont été versés au titre de ce marché), pour lequel elle n’a pas pu exercer une activité d’agent commercial. Or, lorsque l’activité d’agent commercial n’est pas exercée à titre principal, la clause excluant le statut d’agent commercial, telle que celle qui figure au contrat en cause, est valable.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Illas ne peut pas bénéficier du statut d’agent commercial et que le jugement dont appel doit être confirmé sur ce point.
-Sur les modalités de rupture du contrat :
Le contrat d’apporteur d’affaire du 13 juillet 2007 était conclu à compter du 1er mai 2007 pour une durée de 12 mois et est arrivé à son terme au 30 avril 2008 date à laquelle il pouvait être renouvelé par tacite reconduction pour une nouvelle période de 12 mois en application de son article 2.
Il pouvait cependant être résilié par l’une ou l’autre des parties sous réserve d’un préavis de trois mois notifié à l’autre par lettre recommandée avec accusé de réception.
C’est bien la procédure qui a été employée par la société Cisia Ingenierie dans la lettre ayant pour objet ‘Résiliation de contrat’ adressée à la société Illias le 17 janvier 2008 ainsi rédigée :
‘Je vous informe par la présente de notre décision de ne pas renouveler le contrat d’apporteur d’affaires, signé en 2007 entre Cisia Ingenierie et votre société Illas.
Ce contrat, qui avait pris effet le 1er mai 2007 pour une durée de 12 mois, arrive donc à échéance le 30 avril 2008.
Conformément à l’article 2 page 2 relatif à la durée et aux conditions de résiliation du contrat, nous vous informons dès aujourd’hui, afin de respecter le préavis contractuel de 3 mois, de notre décision de dénoncer la possibilité de tacite reconduction de ce contrat pour une nouvelle période de 12 mois et de le résilier définitivement à sa date d’échéance le 30 avril 2008.’
C’est donc de manière totalement artificielle que l’intimée fait une distinction entre la dénonciation de la tacite reconduction, qui ne nécessiterait aucune forme spéciale et la résiliation anticipée du contrat pour laquelle serait prévue une forme particulière, la lettre recommandée avec accusé de réception, et un délai particulier de trois mois.
Elle a bien entendu, conformément au contrat, dénoncé la tacite reconduction à l’échéance du 30 avril 2008, par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception, en respectant le délai de trois mois.
Il importe peu que la société Groupe Cisia Ingenierie ait préalablement, par e-mail du 20 janvier 2008 prévenu la société Illas de son souhait de mettre fin au contrat, dès lors qu’il lui appartenait de respecter les prescriptions contractuelles pour dénoncer la tacite reconduction.
La société Illas fait justement valoir que le contrat d’apporteur d’affaires du 13 juillet 2007 a été signé entre la SA Groupe Cisia Ingenierie ayant son siège à [Localité 2] et immatriculée au RCS de [Localité 5] et que la lettre du 17 janvier 2008 provient de la SA Cisia Ingenierie ayant son siège à [Localité 4] et immatriculée au RCS de [Localité 6].
C’est donc une personne morale distincte du signataire du contrat qui a notifié la volonté de mettre fin au contrat pour le 30 avril 2008.
Or, l’article 8 du contrat stipule qu’il est conclu intuitu personae et qu’il ne pourra en aucun cas être cédé par une partie sans l’accord exprès de l’autre partie.
Les premiers juges en ont à juste titre déduit que la SA Cisia Ingenierie, qui n’était pas signataire du contrat, ne pouvait valablement, pour le compte du groupe Cisia dénoncer la tacite reconduction de ce contrat et qu’il a donc été tacitement reconduit le 30 avril 2008 pour une nouvelle période de 12 mois.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juin 2008, la société Illas informait la SA Groupe Cisia Ingenierie du caractère inopérant de la lettre de résiliation du 17 janvier 2008 et la mettait en demeure de reprendre sans délai l’exécution du contrat, faute de quoi elle considérerait que le contrat se trouvait résilié abusivement par sa faute.
Malgré réitération de sa demande par la SARL Illas le 28 juillet 2008, la SA Groupe Cisia Ingenierie n’a répondu que le 18 août 2008 en rappelant seulement sa volonté de mettre fin au contrat, sans se prononcer sur la reprise de l’exécution du contrat.
Dès lors, la société Illas est en droit d’arguer d’un manquement de son cocontractant à ses obligations et de se prévaloir de la résiliation immédiate du contrat aux torts de la SA Groupe Cisia Ingenierie en application de l’article 15 du contrat. Les conséquences de la rupture anticipée du contrat sont régies par l’article 15-2 du contrat qui prévoit que ‘en cas de rupture du contrat Illas percevra les commissions prévues à l’article 6 du présent contrat sur les commandes qui seront la ‘suite directe’ de sa prestation. Les parties déclarent à cet égard que seront considérées comme la suite directe du travail de Illas, outre les affaires directes conclues avant l’interruption ou la cessation d’activité, toutes les affaires réalisées par Cisia Ingenierie dans le secteur d’activité prévu au cours des 12 mois suivants cette interruption ou cette cessation d’activité’.
-Sur les demandes pécuniaires de la société ILLAS :
Dans la mesure où le statut d’agent commercial n’est pas reconnu à la société Illas, elle ne peut réclamer d’indemnité de clientèle, de frais de remploi et d’indemnité de préavis.
S’agissant de cette dernière indemnité, il y a lieu d’observer que le contrat précise, à l’article 15-2 cité ci-dessus, les droits de Illas en cas de rupture anticipée et ne prévoit pas d’indemnité de préavis.
Au titre des commissions, la société Illas réclame :
-commission marché DCMAA………………………………….371.192,00 €
-commission sur le secteur d’activité dans 12 mois……….174.901,00 €
-factures dues………………………………………………………….21.397,17 €
Outre la rémunération fixe mensuelle de 3.700 € HT, l’article 6 du contrat prévoit :
‘6.2 Partie variable
La signature par Cisia Ingenierie de toute nouvelle commande, ouvrira droit pour Illas à une rémunération variable complémentaire dont les conditions de versement sont les suivantes :
-la signature de toute nouvelle commande (ou commande non récurrente*) Cisia Ingenierie ouvre droit à une commission de 4 % HT calculée sur le montant total de prise de commande HT.
-le règlement par les clients correspondants à l facturation des commandes apportées ouvre droit à une commission de 4 % HT calculée sur le montant desdits règlements.
*une commande récurrente est une commande qui est renouvelée, prorogée, ou étendue ou une commande qui a un objet identique ou similaire à celui de la commande initiale.
6.2.1
Dans le cadre du marché DCMAA/CDTAA de l’AAF sous le N° 06 14 111 les commandes ouvriront droit pour Illas à une rémunération variable, dont les conditions de calcul sont les suivantes :
-pendant la durée du marché : une commission de 2 % HT calculée sur la prise de commande HT.
-suivant les règlements faits à Cisia Ingenierie correspondant à la facturation de ce marché, à une commission de 4 % HT calculée sur le montant desdits règlements.
…………………………………………………………………………………………………………
*Définition de la notion de commande (cette définition est valable pour l’ensemble de ce contrat) : Une commande récurrente est une commande qui est renouvelée, prorogée, ou étendue ou une commande qui a un objet identique ou similaire à celui de la commande initiale.
Pour ce marché N° 06 14 111 il sera effectué un état des commandes récurrentes en fin de période contractuelle de ce marché, et il sera établi un décompte définitif des commissions dues sur les commandes. La SARL Illas établira un avoir ou une facture rectificative.’
Le contrat d’apporteur d’affaires précise donc clairement que les commissions ne seront dues que pour les commandes non récurrentes.
L’exclusion du droit à commissions de la société Illas également pour les commandes récurrentes relatives au marché public DCMAA résulte à l’évidence de la rédaction de l’article 6.2.1 ci-dessus rappelé.
Cependant, cette absence de droit à commissions de la société Illas ne s’applique qu’aux commandes récurrentes. Conformément à l’article 6.2.1, le commissionnement de 4 % sur le montant des règlements (facturation/encaissement) reste dû.
En effet, contrairement à ce que soutient la SA Groupe Cisia Ingenierie, l’article 6.2.1 ne limite pas ce droit à commissions à 12 mois et doit s’appliquer pendant toute la durée du marché, lequel a été reconduit en 2008, 2009, 2010 et 2011 et ce jusqu’au 30 avril 2011.
La société Illas a donc droit à la somme de 371.192 € qu’elle réclame à ce titre.
S’agissant des commissions sur le secteur d’activité pendant 12 mois, au titre desquelles la société Illas réclame une somme de 174.901,00 €, il convient de rappeler que l’article 15-2 du contrat prévoit qu’en cas de rupture du contrat Illas percevra les commissions sur les commandes qui seront la ‘suite directe’ de sa prestation, à savoir, outre les affaires directes conclues avant l’interruption ou la cessation d’activité, toutes les affaires réalisées par Cisia Ingenierie dans le secteur d’activité prévu au cours des 12 mois suivants cette interruption ou cette cessation d’activité.
Cette notion de ‘secteur d’activité est peu claire de sorte qu’il y a lieu d’admettre, pour le calcul de cette indemnisation de la rupture fautive du contrat aux torts de la SA Groupe Cisia Ingenierie l’évaluation faite par la société Illas correspondant au commissionnement moyen d’une année d’activité avec l’intimée.
Pour les deux années de collaboration entre les parties, du 19 mai 2006 au 30 avril 2008 les commissions versées représentent un total de 349.802 TTC, soit
-2006 …………………62.002,87 € HT
-2007………………..114.998,99 € HT
-2008………………..115.475,26 € HT
Le commissionnement moyen d’une année d’activité est donc de 174.901 €, montant qu’il convient d’allouer à la société Illas.
Enfin, s’agissant de la demande de la société Illas pour un montant de 21.397,17 €, elle se rapporte, d’une part, à des factures couvrant la période d’exécution contractuelle du 1er février au 30 avril 2008 pour des commissions sur les prises de commandes et sur les règlements reçus par la SA Groupe Cisia Ingenierie, d’autre part à des soldes sur factures et à une facture non réglée.
S’agissant des premières, soit les factures n° 40 à 49 s’élevant à 11.635,47 € TTC, établies sur la base des éléments produits par la SA Groupe Cisia Ingenierie suite à l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 30 juin 2011, elle ne sont pas contestées par cette dernière.
La facture n° 28/2008 du 20 juillet 2008 de 1.749,99 € TTC ne peut être contestée par la SA Groupe Cisia Ingenierie au seul motif qu’il s’agirait d’un marché passé avec une société du groupe Alten, auquel elle appartient.
Ce marché a cependant bien été obtenu par la SARL Illas, de sorte qu’elle a droit au commissionnement qu’elle réclame.
Par contre, force est de constater que la société Illas ne rapporte pas la preuve du solde sur factures qu’elle réclame à hauteur de 8.011,71 € au titre des exercices 2006/2007, de sorte qu’elle doit être déboutée de ce chef de demande.
Les sommes allouées à la SARL Illas doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 26 septembre 2008.
Il convient en outre d’ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil.
-sur la demande reconventionnelle de la SA Groupe Cisia Ingenierie :
La SA Groupe Cisia Ingenierie n’a présenté sur ce point en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, non contraires à l’ordre public, résultant d’une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.
En effet, la SA Groupe Cisia Ingenierie ne présente aucun élément pour démontrer que ces frais, dont l’existence et le montant ne sont pas contestables, n’auraient été engagés que pour le compte des activités de prospections commerciales de la société Illas.
****
L’appel de la société Illas étant, au moins pour partie, justifié, la SA Groupe Cisia Ingenierie ne peut être que déboutée de sa demande pour procédure abusive.
L’équité commande d’allouer à la SARL Illas une indemnité de 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Et ,adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a débouté la SARL Illas de sa demande tendant à la requalification du contrat d’apporteur d’affaire en contrat d’agent commercial, en ce qu’il a déclaré fondée la résiliation immédiate du contrat par la SARL Illas aux torts de la SA Groupe Cisia Ingenierie et en ce qu’il a débouté la SAS Atexis venant aux droits de la société Groupe Cisia Ingenierie de toutes ses demandes,
INFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SAS Atexis venant aux droits de la société Groupe Cisia Ingenierie à payer à la SARL Illas les sommes suivantes :
-commission marché DCMAA………………………………….371.192,00 €
-commission sur le secteur d’activité dans 12 mois……….174.901,00 €
-factures dues………………………………………………………….13.385,46 €
avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 26 septembre 2008,
ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil,
DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,
CONDAMNE la SAS Atexis venant aux droits de la société Groupe Cisia Ingenierie à payer à la SARL Illas la somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Atexis venant aux droits de la société Groupe Cisia Ingenierie aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier
A. BOISNARD
La Présidente
C. PERRIN