Apologie du nazisme au travail : la sanction du licenciement

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Apologie du nazisme au travail : la sanction du licenciement
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Pour être retenu contre le salarié le grief tenant à l’apologie du nazisme doit avoir été abordé lors de son  entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute.

Pour rappel, selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs qui y sont énoncés que s’apprécie le bien-fondé du licenciement.

Mais, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.


 

20 juin 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/01496

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01496 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IAMD

LR/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES

01 mars 2021

RG :19/00246

S.A.R.L. APOLLO (ARMURERIE FRANCAISE)

C/

[J]

Grosse délivrée le 20 JUIN 2023 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 20 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 01 Mars 2021, N°19/00246

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 30 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 20 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. APOLLO (ARMURERIE FRANCAISE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [H] [J]

né le 08 Juillet 1991 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d’AVIGNON

Représenté par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 14 Mars 2023, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l’audience avant l’ouverture des débats,

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 20 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [H] [J] a été engagé par la société Apollo (Armurerie française) à compter du 2 mars 2018 suivant contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de chargé de communication, employé, catégorie B, niveau maîtrisant de la convention collective nationale des entreprises de vente à distance.

Par courrier du 8 mars 2019, M. [J] était convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé au 18 mars 2019 et assorti d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 25 mars 2019, M. [J] était licencié pour faute grave.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre et soutenant avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires non réglées, le 6 mai 2019, M. [J] saisissait le conseil de prud’hommes de Nîmes en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 1er mars 2021, a :

– condamné la société Apollo à verser à M.[J] :

* 2861 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 286,10 euros de congés payés afférents

* 1255,45 euros brut au titre de la prime annuelle,

– déclaré le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Apollo à verser à M. [J] :

* 3766,34 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1883,17 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 188,32 euros de congés payés afférents,

* 478 euros d’indemnité légale de licenciement,

* 1448,60 euros de remboursement de mise à pied conservatoire,

* 500 euros au titre de la clause de non concurrence,

* 1000 euros au titre du droit à l’image

* 2040 euros au titre de l’article 700

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– ordonné l’exécution provisoire de plein droit (art. R.1454-28 du code du travail)

– dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s’établit à 1883,17 euros brut

– mis les dépens à la charge de la société Apollo.

Par acte du 15 avril 2021, la société Apollo a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 23 mars 2023, la SARL Apollo demande à la cour de :

– ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture en date du 14 mars 2023

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

* jugé le licenciement de M. [J] dénué de cause réelle et sérieuse,

* alloué à M. [J] les sommes suivantes :

° 2861 euros bruts à titre de rappel de salaires (heures supplémentaires), outre la somme de 286,10 euros bruts au titre des congés payés afférents

* 3766,34 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1883,17 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 188,32 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 1448,60 euros bruts à titre de rappel de salaires (mise à pied à titre conservatoire),

* 478 euros au titre de l’indemnité de licenciement

* 1000 euros au titre du droit à l’image

* 2040 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– confirmer le jugement pour le surplus,

– en conséquence,

– débouter M. [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions

– condamner M. [J] au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L’appelante soutient que :

-sur les heures supplémentaires : il n’a jamais été demandé au salarié d’en réaliser, M. [H] [J] se prévaut de décomptes ni sérieux, ni précis, signés par lui, qui n’ont jamais été établis sur des fiches de temps remises par l’employeur et approuvées par lui, en outre il ne pouvait travailler jusqu’à 19 heures puisque les relevés de mise sous alarme du site montrent qu’il était généralement fermé bien avant cette heure

-sur le licenciement :

-le salarié a refusé d’expliquer à une nouvelle recrue le fonctionnement de l’informatique et de la former à la création de fiches produit, sauf à obtenir une rupture conventionnelle, ce qui constitue une mesure de rétorsion et plus globalement un acte d’insubordination manifeste

-à la veille et au jour de son licenciement, M. [H] [J] a réitéré des idées personnelles intolérables qui n’ont pas leur place dans la vie de l’entreprise : ainsi que son ouvrage préféré était ‘Mein Kampf’

-sur le droit à l’image : une vidéo de M. [H] [J] était visible sur le site Internet de la société et suite à la demande de son conseil, elle a été retirée, de sorte qu’il n’y a aucune atteinte à l’image, ni préjudice.

En l’état de ses dernières écritures du 28 septembre 2021, contenant appel incident, M. [H] [J] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes le 1er mars 2021 en ce qu’il a condamné la société Apollo au paiement des sommes suivantes :

* 2.861 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et 286 euros de congés payés sur rappels de salaires,

* 1255,45 euros au titre de la prime annuelle,

* 478 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 1.448,60 euros au titre de la retenue injustifiée opérée pour la mise à pied à titre conservatoire du 8 au 27 mars 2019,

– l’infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau :

– dire nul le licenciement entrepris, à défaut sans cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la société Apollo à lui payer les sommes suivantes en sus des autres précitées :

* 11.472 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé,

* 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 6.000 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence

* 1.912 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 191 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 10.000 euros de dommages et intérêts pour utilisation illicite de son image et atteinte à sa vie privée

* 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en instance et appel

* entiers dépens.

M. [H] [J] fait valoir que :

-sur les heures supplémentaires :

-il apporte la démonstration irréfutable par des fiches de temps contradictoires qu’il a travaillé tout au long de la relation contractuelle non pas sur la base de 151,67 heures mais sur 169 heures et ses horaires de travail sont confirmés par sa collègue

-les pièces versées par l’employeur ne sont pas des relevés d’alarme et l’attestation produite est mensongère

-il a bien sollicité le paiement de ses heures même s’il ne s’agit pas d’une condition préalable à la réclamation

-la volonté de dissimulation caractérise l’infraction de travail dissimulé

-sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :

-le premier grief est formulé dans des termes vagues et imprécis, insusceptibles de vérification matérielle par les juges alors qu’en réalité, la seule tâche qu’il a refusé d’effectuer consiste à former son successeur tant que le formulaire de rupture conventionnelle n’avait pas été signé comme la société s’y était engagée

-s’agissant du second grief : il n’a jamais fait l’apologie du nazisme

-la société Apollo a utilisé illicitement son image postérieurement au licenciement, pendant plusieurs mois

-sur la clause de non concurrence : le conseil de prud’hommes a mal interprété le montant de l’indemnité forfaitaire.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 1er décembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 14 mars 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 29 mars 2023 puis déplacée à celle du 30 mars 2023.

MOTIFS

Les parties étant d’accord, l’ordonnance de clôture a été révoquée à la demande de l’appelante afin d’accueillir ses conclusions déposées le 23 mars 2023.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l’opposition à l’exécution de celle-ci de l’employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l’employeur de la réalisation d’heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l’absence d’opposition de l’employeur à la réalisation de ces heures.

M. [H] [J] verse aux débats :

-des feuilles intitulées « gestion des heures supplémentaires/complémentaires et comportant la signature de chacun des salariés, mentionnant pour chaque salarié le nombre d’heures effectuées chaque jour de la semaine, soit pour M. [H] [J] sur une base de 39 heures et non 35 heures, comportant la signature de chacun des salariés

-le planning horaire à la date du 31 août 2018, tamponné et signé par l’employeur pour chaque salarié, mentionnant pour M. [H] [J] : du lundi au jeudi de 9h à 12h et de 14h à 19h, le vendredi de 9h à 12h et de 14h à 18h, soit 39 heures par semaine

-l’attestation de sa collègue, Mme [Z] [U] qui déclare que « peu après son arrivée dans l’entreprise, M. [J] m’a dit lors d’une conversation avoir eu la consigne orale de la part de la direction de rester jusqu’à 19h le soir du lundi au jeudi pour des raisons de sécurité (…) »

-l’attestation de Mme [S] [E], ancienne salariée de l’entreprise qui déclare que M. [H] [J] faisait 39 heures par semaine « en témoigne la note de service inscrivant noir sur blanc les horaires de chaque personne au sein de la société. Celle-ci était affichée à la vue de tous, signé et tamponnée par la direction. Je travaillais souvent très tard le soir et j’ai pu constater à de nombreuses reprises que M. [J] respectait bien les horaires inscrits sur la note de service ».

Ces pièces versées et spécialement les fiches et le planning horaire constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en produisant ses propres éléments.

La SARL Apollo fait valoir que :

-M. [H] [J] qui n’effectuait que 35 heures par semaine et quittait son poste à 18 heures, ne rapporte aucun élément suffisant à l’examen de sa demande

-il se prévaut de décomptes signés par ses soins mais qui n’ont jamais été établis sur des fiches de temps remises par l’employeur et, a fortiori contre-signées par lui

-ces décomptes ne sont ni sérieux, ni précis : les heures de travail ne sont pas indiquées, seule une durée totale quotidienne de travail figure, la Cour de cassation refusant que le salarié procède à une estimation de son temps de travail par semaine sur des bases qu’il fixe unilatéralement

-Mme [E] est la compagne de M. [H] [J]

-Mme [G], responsable du bureau comptable et ressources humaines, atteste que « jamais [H] [J] n’est venu m’indiquer d’éventuelles heures supplémentaires qu’il aurait pu réaliser durant le mois écoulé. Il n’est jamais venu me voir pour me dire que des heures supplémentaires lui étaient dues »

-le salarié n’a adressé qu’un seul et unique courriel le 19 février 2019 et une relance le 7 mars 2019, cette demande apparaissant au soutien d’une demande de rupture conventionnelle que l’employeur refusera

-il ressort des relevés de mise sous alarme du site, que ce dernier était généralement fermé bien avant 19 heures, de sorte que M. [H] [J] ne pouvait être présent à son poste de travail

-M. [H] [J] n’occupait pas un poste de vendeur au sein du magasin, ni d’armurier en atelier, il était en charge de la communication, son contrat prévoyait une fin de poste à 18 heures et jamais l’employeur ne lui a demandé de réaliser une heure supplémentaire

-si M. [H] [J] a pu se maintenir sur son lieu de travail, après 18 heures, c’était pour discuter avec ses collègues

-en outre la surface de vente était fermée vers 18h30

-M. [D] [R], armurier en poste, atteste : « que l’entreprise ferme à 18 heures 30 le soir, dans la pratique les portes sont fermées entre 18 heures 30 et 18 heures 45. Il (M. [J]) terminé son travail à 18 heures et avez l’habitude de discuter après son travail. Il venait très souvent me voir à l’atelier pour discuter pendant que je travaillais sur une arme entre 18 heures et la fermeture. Il discutait aussi avec les vendeurs du comptoir amicalement sans travailler. Ce que je peux affirmer, c’est qu’il ne faisait pas d’heures supplémentaires entre 18h et 19h »

-la présence de M. [H] [J] n’était pas exigée par l’employeur et il n’effectuait aucune prestation de travail, comme l’indique M. [C] [X] dans l’attestation produite par le salarié

-M. [M] [B], directeur commercial atteste que l’horaire de travail de M. [H] [J] était de 9 heures à 12 heures puis de 14 heures à 18 heures, qu’il n’a jamais entendu dire qu’il faisait des heures supplémentaires et qu’il avait pour habitude après 18 heures de descendre au magasin discuter avec les vendeurs ainsi que l’armurier.

Toutefois, l’employeur ne peut sérieusement contester, même s’il ne les a pas contre-signés, avoir établi les tableaux intitulés « gestion des heures supplémentaires/complémentaires » qui étaient remplis par chacun des salariés, lesquels mentionnaient le nombre d’heures effectuées par jour avec leur signature dans une case « validation signature salarié ». Ces tableaux, remplis chaque semaine par les salariés, sont tout à fait probants et justifient de la réalité du nombre d’heures mentionnées par jour, d’autant que ces dernières correspondent au planning tamponné et signé par la SARL Apollo, planning sur lequel d’ailleurs l’appelante ne s’explique pas.

Contrairement à ce que prétend l’employeur, il ne s’agit pas d’une estimation du temps de travail puisque les heures sont inscrites chaque semaine et qu’elles correspondent aux horaires journaliers du planning.

Quant aux « relevés de mise sous alarme », s’il ressort du courriel de la société de sécurité que ces documents correspondent bien à l’historique des mises en marche et des mises à l’arrêt du dispositif d’alarme intrusion et non des relevés de vidéo-surveillance qui filmeraient en continu quatre zones, ils ne permettent cependant en rien de confirmer que M. [H] [J] terminait à 18 heures. Au contraire, il en ressort que les alarmes étaient arrêtées très souvent entre 18 heures 30 et 19 heures, de sorte que ces historisques ne confirment en rien un horaire de 35 heures et ne contredisent pas un horaire de 39 heures.

Les témoignages de M. [R] et M. [B] ne correspondent pas aux propres plannings établis par l’employeur.

Le seul fait que M. [X], armurier, indique avoir eu des discussions détendues avec M. [H] [J] lorsqu’il remplaçait « le vendeur ou M. [L] [I], pour fermer l’armurerie entre 18 heures 30 et 19 heures » ne démontre pas que la présence de M. [H] [J] n’était pas exigée et qu’il n’effectuait aucune prestation de travail alors que ce même témoin ajoute que « M. [J] était présent pour des raisons évidentes de sécurité ».

Enfin, le fait que M. [H] [J] n’ait réclamé les heures supplémentaires dues depuis le 5 mars 2018 qu’à compter du 19 février 2019 est sans incidence sur son droit à en obtenir le paiement.

Il convient donc, au regard des éléments produits par l’une et l’autre des parties, de faire droit en totalité à la demande de paiement d’heures supplémentaires et de confirmer, par ces motifs ajoutés, le jugement déféré.

Sur la prime annuelle 2018/2019

La SARL Apollo ne conteste pas le jugement sur ce point qui sera donc confirmé.

Sur le travail dissimulé

L’article L. 8221-5, 2° du code du travail dispose qu’est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie.

En application de l’article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il ressort suffisamment de ce qui précède que M. [H] [J] était présent 39 heures par semaine à la demande de l’employeur et qu’il n’a été rémunéré que sur la base de 35 heures, comme le mentionnent ses bulletins de paie.

L’intention de dissimulation est manifeste de sorte qu’il convient de faire droit à la demande d’indemnité à hauteur de 11 472 euros (1912 X 6).

Le jugement sera donc infirmé.

Sur le licenciement pour faute grave

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs qui y sont énoncés que s’apprécie le bien-fondé du licenciement.

Mais, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 25 mars 2019 est rédigée comme suit :

‘ Jeudi 7 mars 2019 à partir de 9h du matin, en refusant d’effectuer le travail qui vous était demandé de manière répétée par plusieurs personnels de la direction vous vous êtes placé en situation d’insubordination caractérisée et persistante.

De façon incongrue vous nous avez précisé pouvoir éventuellement accepter les tâches confiées à la condition que nous acceptions un licenciement conventionnel avec deux mois de salaire d’indemnité en sus de l’indemnité légale.

Bien entendu il est hors de question pour nous d’accepter la moindre tentative de chantage dans l’entreprise.

Par conséquent, vous avez été convoqué dans le bureau de la direction à 11h afin de vous signifier au minimum un avertissement.

Par ailleurs, ces derniers mois vous avez à plusieurs reprises affirmé ouvertement que votre livre préféré était ‘MEIN KAMPH’ d’Adolphe Hitler.

Il vous avait été demandé de façon claire quelque jour plutôt de cesser de faire l’apologie de l’idéologie Nazi dans l’entreprise.

Or, durant cet entretien du 7 mars 2019 à 11h, de manière très inquiétante, vous avez réitéré une fois de plus et sans doute une fois de trop les propos consistant à affirmer que MEIN KAMPH est votre livre préféré. Alors que je manifestais mon grand étonnement de vous voir tenir à nouveau de tel propos que vous avez eu l’outrecuidance de m’indiquer que je lisais des livres de musique et que cela ne faisait aucune différence avec MEIN KAMPH.

En outre, vous m’avez indiqué qu’il était de votre droit d’affirmer que MEIN KAMPH est votre livre préféré. En tant qu’employeur, nous n’avons aucun droit de regard sur vos lectures ou l’idéologie qui vous anime.

En revanche, il est pour nous inacceptable que vous puissiez faire l’apologie de la Shoah et de l’idéologie Nazi au sein de l’entreprise.

Face à ces deux fautes dont l’une est particulièrement grave nous avons pris la décision immédiate de vous mettre à pied à titre conservatoire.

Nous avons donc le regret de vous informer de notre décision de procéder à votre licenciement pour faute grave sans préavis, ni indemnité de licenciement, prenant effet à la date d’envoi du présent courrier (…)’.

L’employeur produit les attestations de trois salariés, Mme [K] [G], employée, M. [M] [B], directeur commercial et M. [D] [R], armurier, qui déclarent avoir entendu l’employeur dire à M. [H] [J] de cesser de faire l’apologie du nazisme en parlant de Mein Kampf et que celui-ci a répondu qu’il était en droit d’en parler ou de dire que c’était son livre préféré.

S’il n’y a pas lieu de considérer que ces trois personnes mentiraient toutes, pour autant plusieurs anciens salariés, Mme [Z] [U], Mme [W] [F], Mme [S] [E], Mme [P] [N] et M. [C] [X], ayant travaillé avec M. [H] [J], indiquent pour leur part ne l’avoir jamais entendu faire l’apologie du nazisme, ni tenir de propos antisémites.

Si l’employeur peut invoquer devant le juge tous les motifs mentionnés dans la lettre de licenciement, même ceux qui n’auraient pas été évoqués au cours de l’entretien préalable, force est de constater que, comme cela ressort du compte rendu du conseiller du salarié, lors de l’entretien du 18 mars 2019, il a été reproché à M. [H] [J] uniquement de ne pas avoir voulu former la nouvelle arrivante, Mme [V] [A] et d’avoir fait du chantage pour obtenir une rupture conventionnelle, de sorte que vraisemblablement l’employeur ne considérait pas que les propos tenus lors de la réunion du 7 mars 2019 étaient suffisamment graves.

Ainsi, le grief tenant à l’apologie du nazisme ne permet pas de justifier le licenciement intervenu, d’autant que, comme le conseil de prud’hommes, la cour s’étonne de la concomitance entre le licenciement et la demande de rappel d’heures supplémentaires formulée le 19 février 2019 et renouvelée le 7 mars 2019, en outre dans un contexte où manifestement, comme cela va être vu, l’employeur souhaitait se séparer du salarié.

En ce qui concerne le grief tenant à l’insubordination caractérisée et persistante, au refus d’accepter les tâches confiées ainsi qu’au chantage, la lettre de licenciement n’énonce pas précisément ce qui est reproché au salarié. En réalité, le seul comportement dont fait état l’employeur et admis par M. [H] [J], est celui consistant à avoir refusé de former Mme [V] [A] si le formulaire de rupture conventionnelle n’était pas signé.

Or, par courrier du 7 mars 2019, dont les termes ne sont pas utilement contestés, M. [H] [J] faisait référence à une discussion avec la direction, le 26 février 2019, au cours de laquelle il lui avait été proposé une rupture conventionnelle.

En outre, il ressort des pièces produites par M. [H] [J] que l’embauche de Mme [A] fait suite à l’annonce d’une offre d’emploi d’un community manager que la SARL Apollo avait fait paraître dès le 8 janvier 2019 sur le site de Pôle emploi, ce qui correspondait au poste de M. [J]. La page officielle de l’entreprise annonçait d’ailleurs, le 14 mars 2019, l’arrivée de sa nouvelle community manager alors encore que l’extrait du registre du personnel montre que Mme [A] a bien été embauchée en tant que chargée de communication et non en qualité d’aide comptable pour remplacer Mme [Z] [U].

Dès lors, si effectivement le salarié doit se conformer aux directives et instructions émanant de la direction ou de son représentant, comme le rappelle son contrat de travail, le fait d’avoir refusé de former la personne qui devait lui succéder sur son poste alors que l’employeur, à l’origine de la proposition de rupture conventionnelle, n’avait pas encore signé le formulaire correspondant, ne peut être considéré comme une faute justifiant un licenciement.

Il convient donc, par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, rien ne permettant de le considérer comme nul.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Subsidiairement, l’employeur ne conteste que le montant de l’indemnité accordée en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, sollicitant qu’elle soit limitée à un mois de salaire. Le salarié réclamant la somme de 6000 euros.

En application des dispositions de l’article L.1235-3 telles qu’issues de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 tenant compte du montant de la rémunération de M. [H] [J] (1912 euros en moyenne) et de son ancienneté en années complètes (un an), dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [H] [J] doit être évaluée à la somme de 3824 euros correspondant à l’équivalent de deux mois de salaire brut. Le jugement sera infirmé sur le montant.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a accordé la somme de 1448,60 euros au titre de la retenue sur salaire pour la mise à pied conservatoire du 8 au 27 mars 2019 ainsi qu’en ce qui concerne l’indemnité légale de licenciement de 478 euros, les montants n’étant pas contestés.

Il convient enfin de faire droit à la demande à hauteur de 1912 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, le salaire retenu devant tenir compte des heures supplémentaires sur la base de 39 heures hebdomadaires, outre 191 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l’atteinte au droit à l’image de M. [H] [J]

M. [H] [J] fait valoir que la SARL Apollo a utilisé illicitement son image postérieurement à son licenciement et ce, pendant plusieurs mois, comme le démontre la capture d’écran de la page officielle de l’armurerie française, qui constitue une vidéo, obligeant son conseil à adresser à celui de la société un courriel officiel le 20 décembre 2019, invitant sa cliente à faire cesser immédiatement ce trouble illicite. Il soutient que cette publication sans son accord, outre qu’elle est prohibée, est génératrice de préjudice puisqu’elle s’est prolongée pendant des mois.

La SARL Apollo fait valoir que pendant l’exécution de son contrat de travail, le salarié n’a rien trouvé à redire et suite au courrier du 20 décembre 2019, la vidéo a été retirée. Il n’y a donc selon l’employeur aucune atteinte à l’image de M. [H] [J] et a fortiori, aucun préjudice qu’il lui appartient de démontrer.

Il convient de rappeler que, selon l’article 9 du code civil, le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation. La seule constatation d’une atteinte ouvre droit à réparation.

L’employeur ne justifie d’aucune autorisation de son salarié à l’utilisation de son image pendant la relation contractuelle mais surtout postérieurement à la rupture du contrat de travail, l’image de celui-ci ayant été maintenue pendant près de neuf mois sur la page Facebook officielle de la société, ce qui constitue une atteinte au droit à l’image.

Le préjudice étant inhérent à l’atteinte au droit à l’image, il n’y a pas lieu d’exiger du salarié la démonstration d’un préjudice.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré, rien ne justifiant cependant d’accorder davantage que 1000 euros à M. [H] [J].

Sur la clause de non-concurrence

Le contrat de travail prévoit en son article 8 une interdiction de concurrence pendant un an à compter de la cessation effective du contrat, sur un rayon de 70 kilomètres autour de [Localité 4].

Il est précisé ensuite : « En contrepartie de l’obligation de non-concurrence prévue ci-dessus, M. [H] [J] percevra après la cessation effective de son contrat et pendant toute la durée de cette interdiction une indemnité spéciale forfaitaire égale à 500 €, représentant 26 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu par lui au cours de ses 3 derniers mois de présence dans la société Apollo.

Toute violation de l’interdiction de concurrence, en libérant la société Apollo du versement de cette contrepartie, rendra M. [H] [J] redevable envers elle du remboursement de ce qu’il aurait pu percevoir à ce titre ».

M. [H] [J] conteste le montant de 500 euros à titre forfaitaire octroyé par le premier juge, au motif que l’interdiction de concurrence pendant une année complète ne saurait être justement indemnisée par cette somme mais par celle de 6000 euros. Il sollicite, si la cour ne devait pas faire cette interprétation de la clause, sa nullité comme étant contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation au regard de la contrepartie financière purement symbolique insusceptible de dédommager le salarié de son entrave à la liberté de travail. Il ajoute apporter la démonstration de son préjudice en ce qu’il n’a pas travaillé pendant deux années dans le secteur de la vente d’armes et qu’il ne s’est installé en qualité d’auto-entrepreneur qu’à l’issue de la période d’interdiction.

La cour considère que la clause, en mentionnant que le salarié percevra en contrepartie de l’obligation de non-concurrence « une indemnité spéciale forfaitaire égale à 500 €, représentant 26 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu par lui au cours de ses 3 derniers mois de présence » et en précisant ensuite qu’en cas de violation, il devrait rembourser ce qu’il a pu percevoir, signifie bien que le salarié a droit à une indemnité de 500 euros par mois pendant les douze mois d’interdiction de concurrence.

M. [H] [J] a donc droit à la somme de 6000 euros au titre de l’indemnité contractuelle de non concurrence.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens d’appel seront mis à la charge de la SARL Apollo et l’équité justifie d’accorder à M. [H] [J] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Ordonne le rabat de l’ordonnance de clôture avec nouvelle clôture à la date de l’audience,

-Confirme le jugement rendu le 1er mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Nîmes en ce qu’il a :

– condamné la société Apollo à verser à M.[J] :

* 2861 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 286,10 euros de congés payés afférents

* 1255,45 euros brut au titre de la prime annuelle,

– déclaré le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Apollo à verser à M. [J] :

* 478 euros d’indemnité légale de licenciement,

* 1448,60 euros de remboursement de mise à pied conservatoire,

* 1000 euros au titre du droit à l’image

* 2040 euros au titre de l’article 700

– ordonné l’exécution provisoire de plein droit (art. R.1454-28 du code du travail)

– mis les dépens à la charge de la société Apollo.

-L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

– dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s’établit à 1912 euros brut

– condamne la société Apollo à verser à M. [J] :

*11 472 euros au titre du travail dissimulé

* 3824 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

*6000 euros au titre de la clause de non concurrence

-Condamne la SARL Apollo à payer à M. [H] [J] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-Rejette le surplus des demandes

-Condamne la SARL Apollo aux dépens de l’appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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