Location de matériel : 10 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17344

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Location de matériel : 10 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17344
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10 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/17344

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 10 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17344 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQTK

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Septembre 2022 -Tribunal de Commerce de SENS – RG n° 2022R00004

APPELANTE

S.A.S. BLN agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09, avocat postulant et Me Solen REMY-GANDON, avocat au barreau de l’Aube, avocat plaidant.

INTIMÉE

S.C.A. CAP VITAL SANTE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant et Me Justine GRANDMAIRE, de CAP VITAL SANTE, Toque P411, avocat plaidant.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Patricia LEFEVRE, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre

Patricia LEFEVRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

La société Cap vital santé a pour objet social l’achat, la vente, la location de tout article médical ainsi que tout produit informatique et logiciel de gestion médical, para-médical, et tous services se rapportant au médical et para-médical, en gros auprès des professionnels.

Elle propose à ces professionnels, un contrat de collaboration qui vient préciser que Concept Ambulancier Point M est un concept commercialisé par URGENCE 89, ayant pour objet la vente et la promotion de matériel médical auprès des transporteurs sanitaires, tant en France qu’a l’étranger. Le concept repose sur la collaboration étroite avec les Ambulanciers adhérents, indépendants, agissant pour leur propre compte. Ils bénéficient de l’aide commerciale et promotionnelle véhiculée à travers des dépliants ou autres documents de ventes mis à leur disposition. Elle négocie auprès des fournisseurs dont les produits figurent au dépliant afin de permettre leur acquisition au meilleur prix et définit la zone d’exploitation de chaque entreprise adhérente.

La société Alliance médical, le 30 septembre 1992 et la société Ambulances Levaltier (ancienne dénomination de la société Levaltier) le 15 octobre 1992 ont conclu un contrat de collaboration avec la société Urgence 89 adhérant ainsi au réseau de distribution de matériel médical avec la société Urgence 89- Guy Paulin. Ces conventions, passée une durée de douze mois pouvaient être dénoncées, sous réserve du respect d’un préavis de trois mois.

Au 31 décembre 2006, La société Levaltier a, dans le cadre d’un apport partiel d’actif, apporté son activité de vente et de location de matériel à la société Berthelon-Levaltier-[E]. Cette société désormais dénommée BLN est une société en commandite par actions et elle est détenue par la société [E] finances. Elle exploite quatre magasins (un à [Localité 5], deux à [Localité 6] et un à [Localité 4]).

Le 8 juin 2018, la société [E] finances a cédé le contrôle de la société Cap vital santé à une société créée à cet effet, la société Préaux médical, dont elle était actionnaire à hauteur de 14% du capital social.

M. [E] qui avait conservé son mandat social au sein de la société Cap vital santé en a démissionné et il a été immédiatement embauché, aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée en date du 8 novembre 2019, en qualité de directeur relations réseau et développement. Il a été licencié pour faute lourde, le 30 juillet 2020 et la société Cap vital santé a levé l’option figurant à la promesse unilatérale de cession de ses actions souscrite par M. [E] concomitamment à la signature de son contrat de travail. Licenciement et cession font l’objet de procédures judiciaires.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 16 et 21 décembre 2020, les sociétés BLN et Alliance médical (cette dernière a fait l’objet d’une fusion absorption par la société BLN, le 9 juillet 2021) ont notifié à la société Cap vital santé qu’elles mettaient un terme au partenariat existant sous l’enseigne CAP vital d'[Localité 4], de [Localité 6] et d'[Localité 5], partenariat qui prendra fin le 31 mars 2021.

Par lettres recommandées avec accusé de réception des 29 et 30 décembre 2020, la société Cap vital santé, rappelant l’ancienneté des relations entre les parties, a répondu qu’un préavis de 18 mois devait être respecté pour les magasins d'[Localité 4] et d'[Localité 5] et 17 mois pour le magasin de [Localité 6]. Par un courrier du 23 février 2021, la société BLN a précisé ses griefs à l’encontre de la société Cap vital santé, évoquant de multiples manquements dans l’exécution du contrat de partenariat justifiant la rupture du contrat au 31 mars.

Déniant toute pertinence à chacun des griefs allégués, la société Cap vital santé a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mars 2021 mis en demeure ses partenaires de l’indemniser des préjudices subis, courrier qui a appelé leur réplique, le 20 mai 2021.

C’est dans ce contexte que la société Cap vital santé a saisi le président du tribunal de commerce de Sens d’une requête afin d’être autorisée à effectuer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société BLN.

Par une ordonnance du 6 décembre 2021, le président du tribunal de commerce de Sens a autorisé, à titre conservatoire, la société Cap vital santé à procéder à une saisie conservatoire sur les comptes ouverts au nom de la société BLN dans les livres du Crédit agricole afin de garantir sa créance évaluée provisoirement à la somme de 168 249,27 euros correspondant, selon la requête à des factures impayées et à l’indemnisation de son manque à gagner durant le préavis non respecté.

Cette saisie pratiquée le 4 janvier 2022 a été dénoncée à la société BLN, le 5 janvier 2022.

Aux termes d’une assignation en date du 11 janvier 2022, la société BLN a engagé une action en responsabilité à l’encontre de la société Cap vital santé.

Par acte extra-judiciaire en date du 10 février 2022, la société BLN a fait assigner la société Cap vital santé devant le président tribunal de commerce de Sens en rétractation de l’ordonnance du 6 décembre 2021 et mainlevée de la saisie.

Par ordonnance contradictoire du 22 septembre 2022, le juge consulaire s’est déclaré compétent, a débouté la société BLN de l’intégralité de ses prétentions, a déclaré la société Cap vital santé recevable et partiellement bien fondée en ses demandes et a rejeté la demande de la société BLN de rétractation de l’ordonnance rendue le 6 décembre 2021 et de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée à la requête de Cap vital santé dès lors que les conditions posées par l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution sont remplies, a rejeté la demande de la société BLN au titre de la prétendue procédure abusive et l’a condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, renvoyant les parties à se pourvoir auprès du juge du fond, ainsi qu’elles aviseront.

Le 7 octobre 2022, la société BLN a interjeté appel et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 décembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société BLN demande à la cour, au visa des articles 32-1, 484, 493, 496 et 497 du code de procédure civile, L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, d’ordonner la rétractation de l’ordonnance rendue le 6 décembre 2021 et la levée immédiate de la mesure d’exécution engagée par la société Cap vital santé à son égard, sollicitant sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont ceux de première instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 janvier 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société Cap vital santé soutient, au visa des articles L. 511-1 et R. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution, la confirmation de l’ordonnance entreprise et en conséquence, le rejet des demandes de la société BLN et sa condamnation à lui payer la somme de 7000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE,

En application de l’article 874 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi.

Aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.

L’invocation par la société BLN des conditions de l’intervention du juge des référés énoncées à l’article 872 du code de procédure civile est inopérante, le président du tribunal de commerce intervenant en l’espèce, en tant que juge des requêtes.

La société BLN prétend que les conditions cumulatives de l’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution n’étaient pas remplies en l’espèce.

En premier lieu, elle fait valoir que la créance invoquée par la société Cap vital santé était fermement contestée en son principe et que malgré ses demandes puis sa sommation de communiquer, aucun justificatif n’est produit pour étayer l’allégation d’un préjudice. Elle affirme que la rupture du contrat n’était pas imprévisible, ni violente, ni brutale compte tenu du conflit opposant les parties et qu’elle n’a pas généré de droit à réparation, d’autant qu’elle fait suite aux défaillances de la société Cap vital santé, ce que conteste cette dernière.

Il résulte de l’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution que le requérant à une mesure conservatoire doit justifier d’une créance paraissant fondée dans son principe. Le juge n’a pas à rechercher un principe certain de créance mais seulement une créance paraissant fondée en son principe. La créance n’a donc pas à être certaine, ni en son principe ni en son montant.

En l’état des écritures de la société BLN, celle-ci n’élève aucune contestation argumentée s’agissant des factures impayées dont il est écrit dans la requête qu’elles s’élevaient à la somme de 32108,27 euros.

S’agissant de l’indemnisation au titre de la brutalité de la rupture de relations commerciales établies depuis 1992, la société Cap vital santé se prévaut dispositions de l’article L 442-1 du code de commerce.

Ce texte énonce que le préavis doit tenir compte de la durée de la relation commerciale, précise qu’en cas de litige entre les parties sur la durée de ce préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois et que ses dispositions ne font pas obstacle à la faculté de rupture sans préavis en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

L’absence de principe de créance ne saurait résulter de son caractère indemnitaire ou du seul fait qu’elle est vigoureusement contestée. En l’espèce, la société BLN ne conteste pas que les relations des parties entrent dans les prévisions de l’article L 442-1 du code de commerce, s’agissant de relations quasi trentenaires. Le préavis contractuel dont la société BLN a fait application lors de la rupture de ces relations est à l’évidence insuffisant, sauf pour la société BLN d’établir qu’elle pouvait, en application du dernier aliéna du texte sus-mentionné, se prévaloir d’une inexécution du contrat. Or la société BLN n’a excipé initialement d’aucun manquement contractuel, dénonçant le contrat en respectant le préavis conventionnel et pour l’essentiel, sa contestation repose sur les courriers qu’elle a adressés à la société Cap vital santé, qui a répondu à chacun des griefs qui y étaient développés. En l’état du dossier, ces contestations ne sont pas suffisamment étayées pour être de nature à priver la créance invoquée de l’apparence de sérieux qui est seule requise.

Enfin, la société BLN prétend que la société intimée ne justifie pas suffisamment du montant de sa créance, ajoutant qu’elle n’a pas satisfait à la sommation de communiquer délivrée dans le cadre de l’instance au fond. Mais le caractère brutal de la rupture, dès lors qu’il sera établi, est de nature à permettre à la société Cap vital santé de prétendre à l’indemnisation d’un préjudice égal au manque à gagner qui aurait été le sien pendant la durée retenue par la juridiction de fond, indéniable en son principe, puisque la convention initiale des parties prévoyait une redevance fixe dont le montant devait être réévaluée chaque année. Il convient d’ajouter que ce moyen est inopérant dès lors que la société BLN soutient uniquement la rétractation de l’ordonnance autorisant la saisie et non que le montant de la créance retenue soit minoré.

La société BLN avance en second lieu, qu’il n’est pas justifié de circonstances menaçant le recouvrement de la créance alléguée. La société Cap vital santé objecte que de telles menaces existent, eu égard à l’importance des sommes en cause, à l’endettement de la société débitrice et à la dégradation de ses relations avec la société appelante.

La société Cap vital santé se dispense de toute analyse de l’état de l’endettement de la société BLN qu’elle avait joint à sa requête et qui ne fait pas état d’inscription de privilèges du Trésor public, ni de gage, warrant ou protêt autre qu’un nantissement du fonds de commerce garantissant un prêt bancaire du 21 mai 2021. Il n’est argué d’aucun incident de paiement relatif aux différents contrats de crédit-bail ou de location souscrits par la société BLN dont, ainsi qu’il ressort de l’état d’endettement, que seuls deux des cinq contrats de crédit-bail n’étaient pas encore échus à la date de la requête et que seul un contrat de location avait un terme postérieur à 1er janvier 2022.

L’importance toute relative de sa créance au regard du chiffre d’affaires de la société BLN (5 millions d’euros) et du total du bilan (2,7 millions d’euros) attestés par son commissaire aux comptes comme le caractère conflictuel des relations des parties alors qu’il n’est pas allégué et encore moins démontré que la société BLN aurait l’intention d’organiser son insolvabilité ne suffisent à caractériser le péril dont fait état la société Cap vital santé.

La société Cap vital santé échoue dans la preuve qui lui incombe de circonstances mettant en péril le recouvrement de sa créance.

L’ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation de la société BLN. L’ordonnance du 6 décembre 2021 sera rétractée. En revanche, il n’y a pas lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée à la requête la société Cap vital santé, prétention qui excède les pouvoirs du juge (et donc de la cour) saisi d’un référé-rétractation, étant relevé que la rétractation de l’ordonnance du 6 décembre 2021 la prive de tout effet.

La société BLN prétend à l’allocation de dommages et intérêts arguant du caractère abusif de la saisie, sans pour autant caractériser le préjudice en résultant ni d’ailleurs de circonstances permettant de caractériser un abus de droit par une partie dont l’argumentation avait été retenue par le premier juge. La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a rejeté cette demande.

Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront infirmées. La société Cap vital santé sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer une indemnité au titre des frais exposés par  la société BLN pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS,

Dans la limite de l’appel dont elle est saisie

Infirme l’ordonnance du 22 septembre 2022 en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête en date du 6 décembre 2021 et en ce qu’elle a condamné la société BLN à payer à la société Cap vital santé la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

Rétracte, avec toutes les conséquences de droit, l’ordonnance autorisant la société Cap vital santé à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société BLN ouverts dans les livres du Crédit agricole ;

Condamne la société Cap vital santé à payer à la société BLN la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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