Location de matériel : 17 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02136

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Location de matériel : 17 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02136
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17 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02136

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 MAI 2023

N° RG 21/02136

N° Portalis DBV3-V-B7F-UTSL

AFFAIRE :

[E] [H] épouse [K]

C/

Société MODULFROID SERVICE

Décision déférée à la cour : Décision rendu le 1er juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MONTMORENCY

Section : C

N° RG : F19/00404

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Philippe HOUILLON

Me Mélissa PALMER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX-SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [E] [H] épouse [K]

née le 7 janvier 1971 à [Localité 5] (Maroc)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Philippe HOUILLON de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 100

APPELANTE

****************

Société MODULFROID SERVICE

N° SIRET : 950 571 174

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Mélissa PALMER, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [H], épouse [K], a été engagée en qualité de téléprospectrice, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 13 octobre 2006, par la société Modulfroid Service.

Cette société est spécialisée dans la location de matériel frigorifique pour professionnels. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale d’installation sans fabrication, y compris entretien, réparation, dépannage, de matériel thermique, frigorifique et connexes du 21 janvier 1986.

Le 15 février 2015, la société a engagé une nouvelle salariée, Mme [X], en qualité de chargée de communication.

Le 3 juillet 2015, Mme [K] a formé auprès de son employeur une demande de congé individuel de formation d’une année à compter du 19 octobre 2015, demande rejetée par la société.

Le 3 avril 2017, la salariée a fait l’objet d’un avertissement.

Par lettre du 5 avril 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 21 avril 2017, mise à pied à titre conservatoire.

Elle a été licenciée par lettre du 25 avril 2017 pour faute grave dans les termes suivants :

« Comme cela vous a été exposé au cours de l’entretien, nous avons à vous reprocher un comportement totalement inacceptable envers votre hiérarchie.

Le 3 avril dernier, après que vous m’ayez informé par mail d’une offre média, je vous rappelais une fois de plus que cela n’était pas de votre ressort et vous demandais de laisser vos collègues s’en charger.

Vous m’avez répondu que vous ne feriez pas ce que je vous demandais et lorsque j’ai souhaité vous en parler, en vous rappelant que vous vous deviez de suivre mes directives et que votre défiance et votre agressivité générale n’étaient plus acceptables, vous avez commencé à hurler et à faire preuve envers moi d’une agressivité totalement hors de propos, dont Monsieur [C] [U] a d’ailleurs été témoin et très choqué.

Vous m’avez ouvertement défié dans des termes très agressifs et adressé dans la foulée un nouveau mail me disant que je n’avais qu’à vous adresser un avertissement écrit.

Nous avons malheureusement largement dépassé le stade de l’avertissement et votre comportement au cours de l’entretien préalable ne fait que confirmer que vous êtes incapable de faire la part des choses et, plus encore, de vous remettre en question et d’accepter que vous êtes, comme tout salarié, tenue à respecter les directives de la direction.

Vous avez saisi l’occasion de l’entretien préalable pour vous répandre en accusations mensongères et inacceptables, refusant de m’écouter et m’interrompant constamment, de même d’ailleurs que Monsieur [V] lorsqu’il tentait de parler.

Vous avez ainsi affirmé que Modulfroid licenciait à tour de bras, que nous vous aurions refusé votre demande de formation de juriste ou encore que nous vous aurions retiré des missions, toutes accusations fausses et infondées.

Une fois de plus, votre objectif semblait être de semer la zizanie et de saper mon autorité.

Nous avons eu là une nouvelle illustration claire du comportement de défiance que vous adoptez depuis bien trop longtemps, que j’ai accepté bon gré mal gré par le passé pour tenter d’éviter les conflits, mais votre attaque à mon encontre le 3 avril dernier a été une manifestation d’agressivité de trop que je ne peux pas tolérer.

J’étais prêt à vous écouter et à vous donner une chance de vous excuser, ce que vous avez refusé de faire.

A aucun moment et malgré toutes les ouvertures que j’ai faites dans ce sens, avez-vous fait preuve d’une quelconque volonté d’apaisement.

Dans ces conditions, nous considérons que la poursuite de votre contrat de travail serait fortement préjudiciable à la bonne marche de l’entreprise et à l’environnement de travail de vos collègues.

La présente lettre est donc la notification de votre licenciement pour faute grave. »

Le 5 juin 2017, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency aux fins de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse, et en en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et de nature indemnitaire.

Une ordonnance de radiation a été prononcée le 19 novembre 2018 pour défaut de diligences des parties et l’affaire a été réinscrite au rôle le 13 décembre 2018.

Par jugement du 1er juin 2021, le conseil de prud’hommes de Montmorency (section commerce), en sa formation de départage, a :

– dit fondé le licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de Mme [H] épouse [K],

en conséquence,

– débouté Mme [K] des demandes indemnitaires subséquentes,

– débouté Mme [K] de sa demande tendant à voir dire qu’elle a été victime de harcèlement moral, celui-ci n’étant pas démontré,

par suite,

– débouté Mme [K] de ses demandes indemnitaires subséquentes,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif dont celle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [K] aux entiers dépens de l’instance,

– dit n’y avoir lieu d’assortir la présente instance de l’exécution provisoire.

Par déclaration adressée au greffe le 1er juillet 2021, Mme [K] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 7 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [K] demande à la cour de :

– infirmer ce jugement en ce qu’il a dit le licenciement justifié par une faute grave,

– l’infirmer également en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant à voir dire qu’elle a été victime de harcèlement moral,

– l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes indemnitaires subséquentes issues de la rupture abusive de son contrat de travail et du harcèlement moral dont elle a fait l’objet,

– l’infirmer encore en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de rectification de bulletins de salaire et statuant à nouveau,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a déboutée de sa demande indemnitaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et, statuant à nouveau,

– juger que les faits issus de l’incident du 3 avril avaient déjà fait l’objet d’un avertissement et que les mêmes faits ne peuvent servir de fondement subséquent à une mesure de licenciement,

– juger en tout état de cause que le licenciement dont elle a fait l’objet par lettre du 25 avril 2017 n’est pas justifié par une faute grave et qu’il revêt un caractère abusif,

en conséquence,

– condamner la société Modulfroid Service à lui verser les sommes ci-après aux titres ci-après :

. 6 537,54 euros indemnité compensatrice de préavis,

. 653,75 euros incidence congés payés sur préavis,

. 6 418,11 euros indemnité légale de licenciement,

. 54 000 euros dommages et intérêts pour rupture abusive,

. 760,46 euros rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,

. 76,04 euros incidence congés payés,

– juger qu’elle a fait l’objet depuis 2015 de faits de harcèlement moral,

– en conséquence, condamner la société Modulfroid Service à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

– condamner par ailleurs la société Modulfroid Service à lui remettre des bulletins de salaire rectifiés de telle manière qu’ils ne comportent pas l’existence d’acomptes qui n’ont jamais été demandés ni jamais versés, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir,et ce s’agissant des bulletins de salaire des 5 dernières années précédant le licenciement,

– condamner la société Modulfroid Service à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

– condamner la société Modulfroid Service à lui verser les intérêts au taux légal sur les sommes ci-dessus à compter de la date de la saisine du conseil, soit à compter du 12 juillet 2017, conformément aux dispositions des articles 1153 et suivants du code civil,

– condamner la société Modulfroid Service à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure devant la cour d’appel de Versailles.

– condamner la société Modulfroid Service aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Modulfroid Service demande à la cour de :

à titre principal,

– confirmer les termes dudit jugement en ce qu’il a dit le licenciement de Mme [H] justifié par une faute grave et par voie de conséquence en ce qu’il a débouté Mme [H] de l’intégralité de ses demandes en rapport avec son licenciement,

– confirmer les termes dudit jugement en ce qu’il a dit que Mme [H] n’apportait pas la preuve d’un quelconque harcèlement moral et par voie de conséquence en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour harcèlement,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Mme [H] de sa demande de remise de bulletins de paie rectifiés,

– confirmer le jugement dont appel en cas qu’il a débouté Mme [H] de sa demande indemnitaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

– constater, dire et juger que le licenciement de Mme [H] repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse,

– constater, dire et juger que Mme [H] ne démontre pas le préjudice qu’elle invoque,

en conséquence,

– limiter le quantum des dommages et intérêts à la somme de 19 612,62 euros,

en tout état de cause,

– condamner Mme [H] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant la cour d’appel de Versailles,

– condamner Mme [H] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 dans sa version applicable à l’espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, la salariée soumet à la cour les faits suivants :

. le refus qui lui a été opposé d’utiliser son droit individuel à la formation,

. le fait que depuis que Mme [X] a été engagée, ses tâches ont été réduites,

. la tentative de son isolement en installant une cloison dans l’open space,

. l’entreposage de cartons dans son bureau,

. le désabonnement de la société au guide Pharma.

S’agissant du refus qui lui a été opposé d’utiliser son droit individuel à la formation, il n’est pas contesté ‘ et il est au demeurant démontré ‘ que la salariée avait demandé un congé individuel de formation qui lui a été refusé courant juillet 2015. Elle avait préalablement formé auprès du Fongecif d’Île-de-France, le 17 juin 2015, une demande de prise en charge de congé individuel de formation, pour un DUT « carrières juridiques » devant commencer le 19 octobre 2015 et s’achever le 14 octobre 2016. Le refus de la société de laisser la salariée prendre un congé individuel de formation est établi.

S’agissant du fait que ses tâches auraient été réduites, la salariée se fonde sur l’attestation de Mme [X]. Il en ressort qu’initialement, la salariée réalisait les devis de M. [I] (directeur et gérant de la société), mais qu’à l’arrivée d’un nouveau commercial pour le remplacer dans cette tâche, elle n’a plus été amenée à le faire. En outre, cette attestation fait ressortir qu’alors que la salariée était chargée de la communication média et hors média, il avait été convenu, à l’arrivée de Mme [X] dans la société, « dans le but de décharger [la salariée] », que celle-ci « se chargerait désormais uniquement de ses appels de prospection ». La réduction des tâches attribuées à la salariée est donc établie.

S’agissant de ce que la salariée présente comme une « tentative d’isolement » par l’installation d’une cloison dans l’open space, il ne peut qu’être constaté qu’il n’est pas contesté ‘ confirmé par l’attestation de Mme [X] ‘ qu’effectivement, une cloison avait été installée dans l’open space entre la salariée et Mme [X]. Le fait est établi.

S’agissant de l’entreposage de cartons dans son bureau, ce fait, dépourvu d’offre de preuve, n’est pas démontré.

S’agissant du désabonnement de la société au guide Pharma, il ressort de l’attestation de Mme [X] que la salariée s’occupait initialement des commandes d’un support de communication appelé « guide Pharma ». L’abonnement à ce support de communication a été reconduit par Mme [X] l’année suivant sa venue mais, à partir de l’année 2017, en prévision du guide 2018, il a été décidé de ne pas reconduire l’abonnement en question. Mme [X] explique qu’en dépit de cette décision de ne pas reconduire cet abonnement, la salariée a pris l’initiative de solliciter Mme [M], commerciale de ce support, pour qu’elle présente un devis et que M. [I] ne l’a pas signé. Dès lors, le désabonnement de la société au guide Pharma est établi.

Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral susceptible de compromettre l’avenir professionnel de la salariée.

Il revient en conséquence à l’employeur d’établir que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En ce qui concerne le refus d’accorder un congé de formation à la salariée, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, il importe de rappeler que la salariée a renseigné les documents demandés par le Fongecif le 17 juin 2015 et les a remis au centre de formation le 1er juillet 2015, c’est-à-dire pendant une période estivale et donc, une période peu propice, pour une société, à pourvoir au remplacement d’un salarié qui allait s’absenter pendant un an à compter de la rentrée universitaire 2015/2016. Le refus de l’entreprise selon laquelle « la formation envisagée nous pose un problème et aura des conséquences sérieuses sur la production et la bonne marche de Modulfroid » s’explique donc par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

En ce qui concerne la réduction des tâches, l’employeur établit que Mme [X], chargée de communication, a été engagée pour occuper des fonctions différentes de celles de la salariée. Celle-ci était principalement en charge de la téléprospection, tâche dont elle n’a pas été dépossédée.

Le fait, pour l’employeur d’avoir confié à d’autres l’exécution de tâches marginales anciennement confiées à la salariée (la réalisation de devis pour M. [I] et la communication média et hors média) s’explique par deux faits : s’agissant de la communication, par le fait que Mme [X] avait spécialement été engagée pour traiter ce domaine de compétence et, s’agissant des devis pour M. [I] ‘ dont il convient de relever qu’il s’agissait d’une tâche marginale ‘ par le fait qu’il n’entrait pas dans ses missions (cf. pièce 1 de la salariée : contrat de travail et ses annexes) de la réaliser. Ces éléments suffisent à établir que la décision de l’employeur s’explique par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

En ce qui concerne la cloison dans l’open space, il ressort de l’attestation de Mme [X] que « afin de respecter l’espace de travail de chacune, M. [I] avait décidé d’acheter une cloison pour séparer nos deux bureaux et surtout pour apporter une isolation phonique de façon à ce que l’on ne se gêne pas lorsque l’une ou l’autre (voire les deux) était au téléphone. [La salariée] était malade le jour où la cloison a été livrée et installée. A son retour, elle a refusé que l’on installe cette cloison indiquant qu’elle devenait trop isolée et qu’elle n’avait plus de visibilité sur l’open space. Elle a donc fait désinstaller puis renvoyer la cloison, ce que M. [I] a accepté bien que cela soit à mon sens nettement moins confortable pour travailler au calme ». Non seulement, cette attestation établit que la décision de l’employeur est justifiée par un élément objectif étranger à tout harcèlement moral, mais en outre, elle montre que l’employeur a tenu compte de l’avis de la salariée en acceptant que la cloison litigieuse soit retirée.

En ce qui concerne le désabonnement au guide Pharma, la cour observe que ce domaine relevait de la compétence de Mme [X] en sa qualité de chargée de communication. La salariée explique dans ses écritures que ce guide était son outil habituel. Ce n’est cependant pas ce qui ressort du courriel qu’elle a adressé à M. [I] le 3 avril 2107 à 15h17 : dans ce courriel elle ne disait pas que l’abonnement en question lui était indispensable, mais seulement que « Mme [M] (‘) a de bons contacts avec les sociétés dans le secteur transport et pharmaceutique c’est un plus pour nous ». Cependant l’employeur n’explique pas les raisons pour lesquelles il a mis fin à l’abonnement litigieux.

En synthèse de ce qui précède, seul un fait n’est pas expliqué par l’employeur par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral. Or, l’article L. 1152-1 du code du travail exige des agissements répétés de harcèlement moral. Dès lors que seul un seul fait est retenu par la cour comme n’étant pas expliqué par des raisons objectives, il ne procède pas de la répétition exigée par la loi.

Il s’ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral.

Sur le licenciement

La salariée soutient que les faits du 3 avril 2017 ont déjà été sanctionnés par un avertissement ; que la lettre de licenciement est en grande partie motivée par ces faits et que, ne pouvant faire l’objet d’une nouvelle sanction, ils ne peuvent être retenus comme fondant le licenciement ; qu’il ne reste plus que les autres griefs dont elle conteste le caractère précis et la matérialité.

En réplique, la société affirme que le caractère agressif et colérique de la salariée est établi ; qu’il a perduré longtemps et que M. [I] a joué un rôle pacificateur ; que cependant, ce caractère agressif et colérique a culminé en avril 2017, s’est poursuivi après le 3 avril 2017 malgré l’avertissement délivré, ce qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail et a donc conduit à son licenciement.

***

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.

Par ailleurs, aucun salarié ne peut être sanctionné deux fois à raison des mêmes faits.

En l’espèce, la salariée a été sanctionnée par un avertissement par courriel du 3 avril 2017 à 16h57. En effet, dans ce courriel ayant pour objet « TON DE VOIX », le gérant de la société lui a indiqué : « Je ne tolère plus tes éclats de voix envers ma personne et ta façon de répondre à mon courriel est très déplacée ; Ce n’est pas parce qu’on se tutoie que tu dois te permettre d’élever la voix en me répondant de ton poste de travail d’un ton menaçant, je reste ton directeur. Considère ceci comme un avertissement ! »

Il s’ensuit que la salariée ne peut plus faire l’objet d’un licenciement pour des faits connus de l’employeur avant le 3 avril 2017 à 16h57.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche à la salariée un comportement inacceptable envers sa hiérarchie, ce qui est suffisamment précis.

Mais la salariée ayant été sanctionnée par un avertissement le 3 avril 2017 à 16h57, l’employeur doit apporter la démonstration de faits survenus et connus de lui postérieurement à ce moment précis, étant rappelé que la procédure de licenciement a été engagée le 5 avril 2017 par une convocation à l’entretien préalable assortie d’une mise à pied conservatoire.

A cet égard, il ressort des pièces 29 et 30 de la société qu’après le 3 avril 2017 à 16h57 la salariée a adressé à M. [I] :

. un courriel dans lequel elle lui indique : « ton email est très agressif à mon encontre ! Je ne comprends pas la proportion que cela prend. Lors de notre dernier échange tu m’avais dit clairement que je devais prendre contact avec Mme [M] pour lui demander la période de parution, de plus c’est elle qui m’a contacté. Par conséquent étant donné la virulence de ton email, je ne souhaite nullement prendre contact avec Mme [M] cela ne fait pas partie de mes prérogatives dorénavant. Cordialement » (courriel du 3 avril 2017 à 17h05),

. un courriel dans lequel elle lui indique : « Vos menaces et intimidation ne font pas peur. Si vous avez un avertissement à me formuler merci de m’adresser un courrier en AR. Cordialement » (courriel du 3 avril 2017 à 17h24).

Ces deux courriels, postérieurs à l’avertissement qui lui avait été adressé quelques minutes plus tôt, traduisent de la part de la salariée non seulement une insubordination puisque la salariée a refusé de prendre contact avec Mme [M] alors que cela lui avait été expressément demandé par le directeur (cf. pièce 26 E : « Merci (‘) de demander à Mme [M] de voir cela avec [O] ») mais en outre ils constituent une attitude de défiance incompatible avec sa qualité de subordonnée.

Les attestations de salariés produites par l’employeur – dont certaines sont, certes dactylographiées, mais signées de façon manuscrite et accompagnées d’une pièce d’identité de sorte qu’elles offrent suffisamment de garanties quant à l’identité de leur auteur – se corroborent et, pour certaines, sont précises. Elles ne sont donc pas dépourvues de caractère probant.

Il en ressort que la salariée entretenait depuis longtemps de mauvaises relations avec ses collègues et sa hiérarchie, qu’elle avait des accès de « violentes colères » ou de « colères disproportionnées » et que, depuis son licenciement, l’ambiance au sein de la société était beaucoup plus apaisée. Ces attestations accréditent donc le grief reproché à la salariée.

Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs, la cour retient que ce grief suffisait, à lui seul, à rendre impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit justifié le licenciement pour faute grave de la salariée et en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, la salariée sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il conviendra de condamner la salariée à payer à l’employeur une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE Mme [H] épouse [K] à payer à la société Modulfroid Service la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel,

CONDAMNE Mme [H] épouse [K] aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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