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11 juillet 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/07646
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4ID
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 JUILLET 2023
N° RG 22/07646
N° Portalis DBV3-V-B7G-VSS3
AFFAIRE :
[U] [F] ÉPOUSE [Z]
C/
LE PROCUREUR GENERAL
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Décembre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2018J00847
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Banna NDAO
Me Oriane DONTOT
MP
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [U] [F] ÉPOUSE [Z]
née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 6] (92)
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 3]
Représentant : Me Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 – N° du dossier 22/187
Représentant : Me Margaux SPORTES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
LE PROCUREUR GENERAL
POLE ECOFI – COUR D’APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 4]
[Localité 5]
S.C.P. BTSG² mission conduite par Me [N] [L] en qualité de liquidateur judiciaire de la société FIDUCIAIRE M2A
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20230053
Représentant : Me Olivier PECHENARD de la SELARL PBM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0899
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et Madame Delphine BONNET, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Monsieur Philippe VANDINGENEN, président de chambre,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l’avis du 06/02/2023 a été transmis le 07/02/2023 au greffe par la voie électronique.
La Sarl Fiduciaire M2A, créée en 2013, exerçait une activité de conseil en droit fiscal et social. Son capital social, d’un montant de 20 000 euros était détenu par moitié par Mme [U] [F] épouse [Z] (Mme [F]), dirigeante de droit, et par Mme [V] [G], sa soeur.
La société Fiduciaire M2A a été mise en sommeil en juin 2015.
Par jugement du 16 octobre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi à la requête du ministère public, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre, désigné la SCP BTSG², prise en la personne de maître [N] [L], en qualité de liquidateur judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 17 avril 2017.
Par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 7 décembre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre, sur assignation en sanctions patrimoniale et personnelle délivrée par le liquidateur judiciaire, a :
– prononcé à l’égard de Mme [F] une interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit tout entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de six ans ;
– condamné M. [F] à payer à maître [L], ès qualités, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [F] aux dépens.
Pour prononcer cette sanction, le tribunal a retenu une absence de déclaration de cessation des paiements de la société Fiduciaire M2A dans le délai légal. Dans les motifs de sa décision, le tribunal a débouté le liquidateur de sa demande au titre de l’insuffisance d’actif tout en omettant de reprendre ce chef dans son dispositif.
Par déclaration en date du 20 décembre 2022, Mme [F] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 20 mars 2023, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement ;
statuant à nouveau,
– rejeter toute demande de condamnation à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif ;
– confirmer le jugement pour le surplus ;
– rejeter toute demande de condamnation à une interdiction de gérer ;
– condamner la société BTSG² à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La société BTSG², ès qualités, dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 février 2023, demande à la cour de :
– déclarer Mme [F] mal fondée en toutes ses demandes et l’en débouter ;
– juger que les fautes de gestion relevées à l’encontre de Mme [F] ont contribué à l’insuffisance d’actif de la société Fiduciaire M2A ;
en conséquence,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [F] à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la société Fiduciaire M2A ;
statuant à nouveau,
– condamner Mme [F] à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la société Fiduciaire M2A ;
– confirmer le jugement pour le surplus ;
en tout état de cause,
– condamner Mme [F] à payer à maître [L], ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [F] aux dépens de l’appel, dont distraction pour ceux la concernant au profit de maître Oriane Dontot, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans son avis notifié par RPVA le 7 février 2023, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement aux motifs que les premiers juges ont à juste titre retenu deux griefs à l’encontre de l’appelante, à savoir l’absence de déclaration de cessation des paiements ainsi qu’une non coopération avec les organes de la procédure. Le ministère public poursuit en indiquant qu’il serait inopportun de ne pas condamner Mme [F] à une interdiction de gérer d’une durée six ans, mesure qui de surcroît la protégerait contre elle-même, soulignant que l’insuffisance d’actif est de 454 123,72 euros. A l’audience, il a indiqué s’en rapporter à la sagesse de la cour sur la responsabilité pour insuffisance d’actif.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 avril 2023.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1) sur la sanction pécuniaire
L’article L. 651-2 du code de commerce dispose notamment que ‘lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut pas être engagée’.
La qualité de dirigeant de Mme [F] n’est pas contestée même si celle-ci explique qu’elle était étrangère à la gestion de la société et qu’elle a servi de prête-nom à sa soeur, ce qui ne peut en aucun cas être exonératoire de responsabilité.
* sur l’insuffisance d’actif
Mme [F] fait valoir que le Trésor public qui a déclaré une créance d’un montant total de 400 943,94 euros a déjà obtenu un titre exécutoire puisque Mme [G] a été condamnée par le tribunal correctionnel de Nanterre à payer, solidairement avec la société Fiduciaire M2A, le montant des impôts et TVA éludés et les pénalités afférentes. Elle souligne à cet égard que le montant réclamé devant le tribunal correctionnel était de 277 409 euros, soit une différence de 123 534,94 euros avec le montant déclaré dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire. Elle précise que l’avis à tiers détenteur qui a été délivré
à l’encontre de Mme [G] auprès de son employeur fait état d’un montant de 353 947 euros, précisant que la vérification du passif n’a pas eu lieu dans le cadre de la liquidation judiciaire. Elle soutient que la créance de la DDFIP des Hauts de Seine résultant de l’action civile menée devant la juridiction pénale et celle retenue dans le cadre de l’action en insuffisance d’actif menée par le liquidateur sont identiques dès lors que ce sont les mêmes dettes qui sont visées. Elle demande donc que la créance de 401 993,94 euros déclarée par la DDFIP des Hauts de Seine soit intégralement écartée de l’insuffisance d’actif engagée à son encontre.
Le liquidateur répond que la solidarité édictée par l’article 1745 du code général des impôts prononcée à l’égard d’un dirigeant coupable de fraude fiscale ne fait nullement obstacle à sa condamnation dans le cadre d’une action en comblement de passif intégrant le montant de la créance fiscale objet de la solidarité, rappelant que la solidarité fiscale, prévue par l’article 1745 du code général des impôts, n’est pas une action en responsabilité qui tend à la réparation d’un préjudice mais constitue une garantie de recouvrement de la créance fiscale à l’inverse de l’action en comblement de passif qui est destinée à faire contribuer le dirigeant au préjudice subi par l’intégralité des créanciers, à savoir l’insuffisance d’actif, le produit de cette action étant réparti au marc le franc entre tous les créanciers. Il souligne qu’en l’espèce la question du cumul ne se pose même pas puisque l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est dirigée contre Mme [F] tandis que la solidarité fiscale vise Mme [G]. Il rappelle par ailleurs que le juge pénal n’est pas compétent pour se prononcer sur le montant de l’impôt et qu’il ne s’est prononcé que sur la période visée par la prévention. Il ajoute enfin que Mme [F] n’est pas recevable à contester le montant du passif dans la présente instance, lequel a été admis à titre définitif.
L’insuffisance d’actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l’actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s’apprécie à la date à laquelle le juge statue.
En l’espèce, selon les deux états des créances signés par le juge-commissaire désigné dans la procédure collective de la société Fiduciaire M2A les 26 novembre 2019 et 8 juin 2021, le passif définitivement admis, qui s’impose à l’ensemble des parties, s’élève à la somme totale de 454 123,72 euros, dont 401993,94 euros de créances fiscales. Il n’est pas contesté qu’aucun actif n’a pu être recouvré.
Mme [F] ne peut sérieusement demander que la créance déclarée par le Trésor public soit écartée de l’insuffisance d’actif alors d’une part qu’elle n’est pas concernée par la solidarité fiscale prononcée par le juge pénal qui vise Mme [G] et d’autre part que la solidarité prononcée contre le dirigeant social en application de l’article 1745 du code général des impôts, qui constitue une garantie de recouvrement de la créance fiscale et ne tend pas à la réparation d’un préjudice, ne fait pas obstacle à la condamnation de ce dirigeant à supporter, à raison de la faute de gestion consistant à soustraire la société à l’établissement et au paiement de l’impôt et à omettre de passer des écritures en comptabilité, tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la société, comprenant la dette fiscale, objet de la solidarité.
C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu que l’insuffisance d’actif s’élève à 454 123,72 euros.
* sur l’absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal
Mme [F] soutient d’une part que la mise en sommeil de la société n’est pas une faute de gestion et que d’autre part l’absence de déclaration de l’état de cessation de paiement dans les quarante-cinq jours ne peut être retenue dès lors qu’elle n’a pas entraîné une augmentation du passif. Elle relève qu’aucune
dette nouvelle n’a été créée postérieurement à la mise en sommeil de la société le 1er juin 2015, ce que reconnaît d’ailleurs l’intimée puisque les dettes fiscales concernent l’impôt sur les sociétés 2013 ainsi que la TVA du 1er mars 2013 au 28 février 2015 et que la créance déclarée par l’Urssaf concerne l’année 2014.
Le liquidateur rappelle que la date de cessation des paiements a été reportée de dix-huit mois avant le jugement d’ouverture en sorte que le manquement est caractérisé. Il admet que la majeure partie des dettes de la société Fiduciaire M2A était antérieure à la date de cessation des paiements mais il fait valoir que pour autant la société se trouvait dans une situation latente de cessation des paiements bien avant la date fixée dans le jugement d’ouverture, expliquant que la société Fiduciaire M2A a été mise en sommeil à compter du 1er juin 2015 alors qu’elle avait déjà de nombreuses dettes fiscales et sociales en sorte qu’il est avéré que le passif exigible dépassait dès le mois de juin 2015 l’actif disponible. Il affirme que cette mise en sommeil, qui a excédé la durée maximale de cessation temporaire d’activité autorisée pour deux ans, poursuivait donc un but illicite, à savoir faire échapper la société au paiement de ses dettes fiscales et sociales. Il souligne que la vérification de comptabilité initiée le 5 mai 2015 s’est rapidement achevée par une proposition de vérification en date du 18 septembre 2015 et qu’à cette date Mme [F] aurait dû mettre fin à la situation de sommeil en raison de l’absence de capacité financière de la société à survivre temporairement sans exploiter son activité et à régler son passif fiscal et social. Enfin, il prétend que Mme [F] ne pouvait ignorer la situation irrémédiablement compromise de la société Fiduciaire M2A puisque l’état des inscriptions laisse apparaître une inscription de privilège du Trésor public datant du 22 août 2016 pour un montant de 552 241 euros.
Selon l’article L.640-4 du code de commerce, l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours s’apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report.
Si l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal est susceptible de constituer une faute de gestion, le juge ne peut décider de faire à ce titre supporter, en tout ou partie, le montant de l’insuffisance d’actif sur le dirigeant que si cette abstention fautive a contribué à aggraver le montant du passif de la société.
En l’espèce, le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Fiduciaire M2A, rendu le 16 octobre 2018 sur requête du ministère public, a fixé la date de cessation des paiements au 17 avril 2017. Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal est donc établi.
Toutefois, l’état du passif et les déclarations de créance montrent que l’ensemble du passif déclaré est antérieur à la date de cessation des paiements en sorte que l’abstention fautive du dirigeant n’a pas eu de conséquences sur l’insuffisance d’actif, étant observé que le contentieux avec le Crédit coopératif a été introduit par la banque le 21 mars 2017.
Le liquidateur ne peut invoquer la mise en sommeil de la société pendant plus de deux ans pour établir que la faute reprochée à Mme [F] tirée de l’absence de déclaration de la cessation des paiements est caractérisée dès lors que la mise en sommeil est antérieure à la date de cessation des paiaments.
C’est donc à bon droit que le tribunal n’a pas retenu cette faute en l’absence d’aggravation du passif pendant la période suspecte et donc de lien avec l’insuffisance d’actif.
* sur le non-respect des obligations fiscales et sociales
Mme [F] soutient qu’elle était étrangère à la gestion de la société, ayant laissé sa soeur seule gérer la société Fiduciaire M2A, ce qui a d’ailleurs été reconnu par la cour d’appel dans son arrêt du 4 octobre 2019. Elle fait valoir que l’inscription de privilège n’est pas un indice de sa connaissance de l’état d’endettement de la société dans la mesure où les inscriptions de privilège par le Trésor public ne sont pas dénoncées au débiteur. Elle estime que la complicité dans la mise en place d’une fraude fiscale qui lui est reprochée doit résulter d’une action positive, ce qui n’est pas le cas. S’agissant du non paiement de la créance de l’Urssaf qui représente 6 % de la dette totale, elle soutient qu’il s’agit d’une simple négligence, relevant que la créance de l’Urssaf ne comporte pas de pénalité. Elle estime que c’est à juste titre que le tribunal a rejeté cette faute au motif que le liquidateur judiciaire ne rapportait pas la preuve d’un lien de causalité nécessaire entre la faute et l’aggravation du passif.
Le liquidateur fait valoir que le passif définitif de la société Fiduciaire M2A est essentiellement composé de créances fiscales et sociales, le passif fiscal de 400 943,94 euros étant relatif à l’absence de règlement de l’impôt sur les sociétés de l’exercice 2013, de la TVA des exercices 2013, 2014 et 2015 et de la cotisation foncière des entreprises des exercices 2015 et 2016. Le liquidateur souligne que des pénalités ont été appliquées par le Trésor public à hauteur de 100 210 euros. Il ajoute que Mme [F] ne pouvait ignorer l’existence de ces manquements dans la mesure où une inscription de privilège a été prise par le Trésor public le 22 août 2016 pour un montant de 552 241 euros. Il souligne également que la déclaration de créance de l’Urssaf montre que la part salariale, pour un montant de 10 441 euros, au titre de l’année 2014 n’a pas été reversée. Il estime que ces contraventions aux obligations fiscales et sociales sont constitutives d’une faute de gestion qui a contribué directement à l’insuffisance d’actif de la société Fiduciaire M2A.
La société Fiduciaire M2A a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour la période du 1er mars 2013 au 31 décembre 2013 et s’agissant de la TVA jusqu’au 28 février 2015, ce qui a donné lieu à une proposition de rectification et à l’application de pénalités. La lecture de l’arrêt rendu le 4 octobre 2019 par la cour d’appel statuant sur appel du jugement du tribunal correctionnel de Nanterre, qui certes concerne Mme [G] et non pas Mme [F], montre que les déclarations mensuelles de TVA ont été minorées et que le dirigeant a omis de souscrire dans les délais la déclaration de résultats au titre de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2013.
Le manquement est ainsi caractérisé et Mme [F], dirigeante de droit, qui s’est totalement désintéressée de la gestion de la société, ne peut s’exonérer de sa responsabilité en se retranchant derrière le fait qu’elle n’était que gérante de paille et que c’était sa soeur qui dirigeait de fait la société. Cette faute ne peut s’analyser en une simple négligence eu égard à la nature et au caractère répétitif des manquements relevés par l’administration fiscale.
Il résulte de la déclaration de créance du PRS que des pénalités de 100 210 euros ont été appliquées pour les manquements au titre des déclarations de TVA pour la période du 1er mars 2013 au 28 février 2015. De même, la déclaration de créance de l’Urssaf révèle le non-reversement des précomptes salariaux à hauteur de 10 441 euros.
Ainsi, tant la faute de gestion que sa contribution à l’aggravation de l’insuffisance d’actif sont établies, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal.
* sur le manquement aux obligations comptables
Mme [F] soutient que les comptes de la société Fiduciaire M2A ont nécessairement été réalisés puisque c’est sur leur base que le redressement fiscal a eu lieu. Elle estime que cette faute ne peut être retenue à son encontre, ce d’autant que le lien de causalité entre l’absence de dépôt des comptes et l’aggravation de l’insuffisance d’actif n’est pas démontrée.
Le liquidateur soutient qu’aucun document comptable ne lui a été remis et que les comptes sociaux de la société n’ont jamais été déposés au greffe. Il précise que l’absence de comptabilité a contraint l’administration fiscale à reconstituer le chiffre d’affaires de l’entreprise. Il prétend que le manquement de Mme [F] aux obligations comptables a participé à l’augmentation de l’insuffisance d’actif.
Les articles L. 123-12 à L. 123-28 et R.123-172 à R.123-209 du code de commerce imposent aux commerçants personnes physiques et personnes morales la tenue d’une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise, au moyen de la tenue d’un livre journal et d’un grand livre. Les mouvements doivent être enregistrés chronologiquement au jour le jour et non en fin d’exercice, seuls les comptes annuels étant établis à la clôture de l’exercice.
En l’espèce, la vérification de comptabilité pour la période du 1er mars 2013 au 31 décembre 2013 et s’agissant de la TVA jusqu’au 28 février 2015 qui a donné lieu à une proposition de rectification a révélé des manquements dans la tenue de la comptabilité de la société puisque l’administration fiscale a dû reconstituer le chiffre d’affaires à partir des encaissements bancaires, ce qui résulte de la motivation de l’arrêt précité.
Le défaut de tenue d’une comptabilité complète, sincère et régulière est dès lors caractérisé et ne peut pas s’analyser en une simple négligence au regard de sa récurrence, étant observé qu’aucun document comptable n’a été remis au liquidateur et qu’aucun n’est produit par Mme [F] dans le cadre de la présente instance. Là encore, l’appelante ne peut sérieusement soutenir qu’elle est étrangère aux irrégularités comptables commises par sa soeur alors qu’en tant que dirigeante de droit il lui incombait de s’assurer de la bonne tenue de la comptabilité de la société.
Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, l’absence d’une comptabilité complète, sincère et régulière qui a entraîné un redressement fiscal avec application de pénalités est en lien direct avec l’accroissement du passif et donc l’insuffisance d’actif contrairement à ce qu’a retenu le tribunal.
Mme [F], hormis le fait qu’elle vit en Tunisie, n’a donné aucune information sur sa situation personnelle, financière et professionnelle, précisant seulement qu’elle ne perçoit aucune ressource sur le territoire français, ne bénéficie d’aucune d’aide sociale et ne paie pas d’impôt.
Compte tenu du nombre et de la gravité des manquements retenus à l’encontre de Mme [F], il convient de la condamner à payer à la SCP BTSG² ès qualités la somme de 100 000 euros.
2) sur la sanction personnelle
* sur l’omission de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal
Après avoir rappelé le texte de l’article L. 653-8 alinéa 3 du code de commerce, Mme [F] affirme qu’il n’y a pas une intention délibérée de sa part de ne pas déclarer la cessation des paiements. Elle rappelle qu’aucun préjudice n’en est résulté pour les créanciers.
Le liquidateur estime que c’est sciemment que Mme [F] n’a pas procédé à la déclaration de cessation des paiements afin de cacher la situation réelle de l’entreprise aux tiers, ayant fait le choix de mettre abusivement la société en sommeil.
L’article L 653-8, alinéa 1 du code de commerce permet au tribunal, dans les cas prévus aux articles L.653-3 à L.653-6, de prononcer à la place de la faillite personnelle une interdiction de gérer une entreprise. L’alinéa 3 du même article précise qu’une telle mesure peut également être prononcée à l’encontre d’un dirigeant qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
En l’espèce, si l’extrait Kbis de la société Fiduciaire M2A montre que celle-ci a été mise en sommeil à compter du 1er juin 2015, à une période où la société faisait dejà l’objet d’une vérification de comptabilité, cet élément est insuffisant pour caractériser l’omission volontaire de la dirigeante de déclarer la cessation des paiements de la société Fiduciaire M2A dont la date a été fixée par le tribunal au 17 avril 2017, étant observé que Mme [F], sans être contredite par le liquidateur, a indiqué être partie vivre en Tunisie dès l’année 2013. Il en est de même de l’inscription de privilège du Trésor public en date du 22 août 2016. Dans ces conditions ce grief n’est pas suffisamment caractériser et ne peut être retenu contre Mme [F].
* sur l’abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure, faisant obstacle à son bon déroulement
L’appelante n’a pas fait d’observation particulière sur ce point.
Le liquidateur indique que Mme [F] n’a pas coopéré avec lui ce qui a fait obstacle au bon déroulement des opérations de liquidation judiciaire, précisant que la défaillance de la dirigeante a empêché le recouvrement des actifs de la société puisque le commissaire-priseur a dressé un procès-verbal de carence. Il ajoute que Mme [F] n’a soulevé aucune contestation sur le passif déclaré.
Selon l’article L.653-5-5° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L.653-1 contre laquelle a été relevé le fait d’avoir fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure.
En l’état de la seule affirmation du liquidateur judiciaire, en l’absence de production de mail ou de lettre de convocation du dirigeant, le défaut de coopération ainsi que son caractère volontaire ne sont pas suffisamment caractérisés. Ce grief doit donc être écarté contrairement à ce qu’a retenu le tribunal.
En l’absence de grief caractérisé retenu à l’encontre de Mme [F], il convient, infirmant le jugement, de rejeter la demande de la SCP BTSG² ès qualités de prononcer une sanction personnelle.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irréptibles ;
Statuant de nouveau,
Condamne Mme [U] [F] épouse [Z] à payer à la SCP BTSG² ès qualités la somme de 100 000 euros en comblement d’une partie de l’insuffisance d’actif de la société Fiduciaire M2A ;
Rejette la demande de sanction personnelle dirigée contre Mme [U] [F] épouse [Z] ;
Condamne Mme [U] [F] épouse [Z] aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés directement par maître Oriane Dontot, avocat, pour ceux dont elle aurait fait l’avance, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [U] [F] épouse [Z] à payer à la SCP BTSG² ès qualités la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,