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N° RG 20/01004 – N° Portalis DBV2-V-B7E-INYW
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES D'[Localité 4] du 14 Janvier 2020
APPELANTE :
Société LES ECURIES DE JEUFOSSE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Pierre CHAUFOUR de l’AARPI AARPI CCVH, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
Madame [G] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Matthieu ROUSSINEAU, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 22 Juin 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 22 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 Septembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 01 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [G] [X] a été engagée le 28 mars 2007 par la société Les écuries de Jeufosse en contrat à durée indéterminée en qualité de cavalier-soigneur-moniteur, coefficient 130, catégorie 2.
Elle a été licenciée pour faute grave le 1er juin 2018 dans les termes suivants :
(…) Lors d’un rendez-vous auprès de la MSA d'[Localité 4] le 11 avril 2018, nous avons découvert que parallèlement à vos activités au sein de notre société, vous occupiez un autre emploi auprès de l’un de nos concurrents, à savoir le village équestre de [Localité 3]. Cela va à l’encontre de l’article n°8 de votre contrat de travail qui stipule expressément que vous deviez travailler exclusivement pour notre société et ne pas exercer d’activité concurrente à la nôtre et ce, durant toute la durée de votre contrat de travail.
Vous avez donc manqué à vos obligations en ne respectant pas une clause essentielle de votre contrat de travail. En outre, vous n’avez jamais porté à notre connaissance cette seconde activité et avez donc manqué de loyauté vis-à-vis de notre société. Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n’ont pas permis de modifier cette appréciation.
Pour ces raisons, nous n’avons d’autre choix que de vous licencier pour faute grave. (…)’
Par requête reçue le 11 décembre 2018, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes d'[Localité 4] en contestation du licenciement, ainsi qu’en rappel de salaires et indemnités.
Par jugement du 14 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a :
– dit que le licenciement de Mme [X] ne reposait pas sur une faute grave et était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Les écuries de Jeufosse à payer à Mme [X] les sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 4 245 euros
congés payés afférents : 424,50 euros
indemnité légale de licenciement : 6 249, 58 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2 346 euros
dommages et intérêts en réparation du préjudice moral : 4 500 euros
indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 700 euros
– ordonné à la société Les écuries de Jeufosse de fournir à Mme [X] une attestation destinée à Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à l’issue d’un délai de 21 jours suivant la notification du jugement, le conseil se réservant la possibilité de liquider l’astreinte,
– débouté Mme [X] du surplus de ses demandes et la société Les écuries de Jeufosse de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la société Les écuries de Jeufosse aux entiers dépens.
La société Les écuries de Jeufosse a interjeté appel de cette décision le 26 février 2020.
Par conclusions remises le 17 avril 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Les écuries de Jeufosse demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement, de dire que le licenciement de Mme [X] est intervenu pour faute grave et la débouter en conséquence de ses demandes liées au licenciement ainsi que des autres demandes qu’elle a formées et la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 16 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Mme [X] demande à la cour de :
– débouter la société Les écuries de Jeufosse de l’ensemble de ses demandes,
-confirmer le jugement en ce qu’il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Les écuries de Jeufosse à lui payer 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
-infirmer le jugement pour le surplus,
-dire que son poste de travail était celui d’enseignant responsable pédagogique coefficient 167, et à titre subsidiaire celui d’enseignant coefficient 150,
-condamner la société Les écuries de Jeufosse à lui payer les sommes suivantes :
à titre principal, rappel de salaire au titre du coefficient 167 : 20 763,66 euros, outre 2 076,37 euros au titre des congés payés afférents
à titre subsidiaire, rappel de salaire au titre du coefficient 150 : 11 251,12 euros, outre 1 125,11 euros au titre des congés payés afférents,
à titre infiniment subsidiaire, rappel de salaire au titre du coefficient 130 : 427,39 euros, outre 42,74 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
-condamner la société Les écuries de Jeufosse à lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, des bulletins de salaire conformes pour la période du 1er juin 2015 au 31 mai 2018,
– dire que son licenciement est nul, ou sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Les écuries de Jeufosse à lui verser les sommes suivantes :
– à titre principal (coefficient 167) :
indemnité compensatrice de préavis : 5 458,94 euros
congés payés afférents : 545,89 euros
indemnité légale de licenciement : 8 036,76 euros
dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse : 32 754 euros
-à titre subsidiaire (coefficient 150) :
indemnité compensatrice de préavis : 4 904,76 euros
congés payés afférents : 490,47 euros
indemnité légale de licenciement : 7 220,90 euros
dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse : 29 429 euros
-à titre infiniment subsidiaire (coefficient 130) :
indemnité compensatrice de préavis : 4 245 euros
congés payés afférents : 424,50 euros
indemnité légale de licenciement : 7 220,90 euros
dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse : 25 470 euros
-condamner la société Les écuries de Jeufosse à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
– condamner la société Les écuries de Jeufosse à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et dire qu’ils pourront être recouvrés directement par Me Yannick Enault, avocat au barreau de Rouen, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 2 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de reclassification
Engagée en 2007 au coefficient 130 en qualité de cavalier-soigneur-moniteur après avoir obtenu un BEES 1 équitation-activités équestres en août 2003, Mme [X] soutient qu’au regard de son expérience, des responsabilités qui lui étaient confiées et de son autonomie, elle devait bénéficier du statut d’enseignant responsable pédagogique coefficient 167, et à tout le moins du statut enseignant coefficient 150, sachant qu’elle n’exerçait absolument pas les fonctions de cavalière compte tenu de ses problèmes de dos.
La qualification du salarié se détermine en référence aux fonctions réellement exercées et au regard de la convention collective applicable, laquelle peut édicter un seuil d’accueil en fonction des diplômes obtenus et la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle appliquée.
En l’espèce, il résulte de la convention collective nationale des centres équestres que la qualification d’animateur-enseignant, catégorie 130 consiste en un emploi exigeant des connaissances générales et techniques qualifiées ainsi qu’une expérience professionnelle permettant au titulaire de prendre des initiatives pour adapter, dans les situations particulières, ses interventions pédagogiques vis-à-vis des publics et en fonction des moyens dont il dispose.
Le titulaire de l’emploi inscrit sa démarche professionnelle dans le but de fidéliser et développer sa clientèle. A ce titre, et dans le cadre de consignes pédagogiques strictes et précises, il s’assure de la sécurité physique et morale des pratiquants dont il a la charge. Il organise ses séances en conséquence et selon sa spécificité : équitation, tourisme équestre, attelage, voltige …
En cas d’incident, le salarié doit en rendre compte auprès de l’employeur dans le but d’en identifier les causes et d’adapter les conduites préventives qui s’imposeront. D’une manière générale, en matière de prévention des risques inhérents à la pratique équestre, le titulaire comprend et met en ‘uvre la relation : « dressage de l’équidé d’école – niveau et motivation du pratiquant – définition d’un objectif – environnement de travail ».
Il possède un début de maîtrise professionnelle dans le travail des équidés. Il porte une attention particulière à l’accompagnement des publics jeunes (des enfants notamment) dans le but de réduire la « zone d’incertitude » qui caractérise les premiers contacts de l’enfant au sein de l’établissement équestre et d’augmenter le « capital confiance » pour que l’enfant puisse évoluer sans aide directe et permanente.
Il possède un début de méthode dans l’organisation et la gestion des séances pédagogiques, et ce en relation avec le travail des équidés. Son projet pédagogique s’inscrit dans la volonté de faire progresser, de manière individualisée, chaque pratiquant dans le but de le rendre plus autonome, confiant et responsable dans l’utilisation de son équidé.
L’intéressé peut être appelé à conseiller et à accompagner – tutorat – des personnes de catégorie 1. Il peut, également, selon son expérience, ses compétences, ses aptitudes et ses connaissances, participer à la formation de stagiaires de catégorie 1.
Cet emploi est accessible au titulaire du BEES1 activités équestres, et après 5 années d’expérience, et à l’issue d’un entretien avec l’employeur, le salarié peut accéder à l’emploi « d’enseignant », catégorie 3.
S’agissant de cet emploi, la convention collective précise que la mise en oeuvre des travaux composant la fonction de l’enseignant catégorie 3, coefficient 150, tels que définis dans la grille de classification est laissée à l’initiative du titulaire de l’emploi qui est placé sous la responsabilité d’un supérieur hiérarchique chargé notamment du contrôle des résultats.
Le salarié a une vision globale et cohérente des situations. Il réagit face aux situations particulières. Sait décider ce qu’il doit faire pour atteindre un objectif tout en sachant prendre des décisions raisonnées en fonction d’un diagnostic. Il a confiance en ses capacités et connaissances acquises.
Il possède une maîtrise professionnelle dans l’organisation et la gestion du travail des équidés d’école, à savoir, choix appropriés dans l’attribution des équidés auprès de la clientèle en prenant en considération les aspects suivants : taille, poids, force, tempérament et dressage de l’équidé, et progression prenant en considération les différentes phases du travail : détente, exercices d’assouplissements, décontraction, activité, répartition des efforts en termes de fréquence et d’intensité, récupération, repos et calme.
Il possède une maîtrise professionnelle dans l’organisation, la gestion et l’animation d’une séance pédagogique, à savoir, définition d’un objectif en cohérence avec les moyens structurels et les équidés mis à disposition, le niveau, les capacités et le nombre des pratiquants, programmation des actions de manière progressive et individualisée, interventions adaptées pour aménager le milieu – régulation – à l’aide de dispositifs pédagogiques dans le but de faciliter les apprentissages psychomoteurs et la réussite, sources de motivation, création de conditions favorisant la résolution de difficultés croissantes par l’auto-évaluation, vérification des acquis par répétition. Faciliter l’expression sur le ” ressenti et le vécu” (compréhension et représentation) et enfin installation des conditions développant la relation pédagogique par notion de ” feed-back ” et par des échanges réciproques et variés.
Le projet pédagogique du titulaire de l’emploi s’inscrit dans le développement des capacités d’action (physiques) et de réflexion (intellectuelles) des pratiquants dans le but de les responsabiliser durablement dans l’utilisation de leur équidé. Dans ses interventions, l’intéressé peut être appelé à innover et à adapter, compte tenu des contraintes constatées et des besoins exprimés par ceux à qui il apporte des services. Il participe à l’amélioration et à l’actualisation des enseignements.
S’il exerce une activité de formation, il se verra confier des programmes à enseigner auprès des publics de catégorie 1 et 2.
Cet emploi est accessible au titulaire d’un BEES 1 activités équestres et, après 5 années d’expérience et à l’issue d’un entretien avec l’employeur, le salarié peut accéder à l’emploi “d’enseignant-responsable pédagogique catégorie 4 “.
Les responsabilités assumées par l’enseignant responsable pédagogique coefficient 167 exigent une autonomie de jugement et d’initiative se situant dans le cadre des attributions fixées à l’intéressé. Il assure par délégation directe du directeur ou de l’employeur la charge d’un ou plusieurs services et dispose d’une large autonomie d’action.
Il possède des connaissances élargies et fondamentales et une expérience étendue dans une ou plusieurs spécialités. Il possède un début d’expertise professionnelle. Peut agir très vite et anticiper. Est immédiatement opérationnel. Très grande régularité de la compétence et forte capacité d’intuition. Il possède une autonomie et sait en fixer les limites. Sait donner de nouvelles interprétations aux règles. Capacité à court-circuiter les étapes d’une procédure. Stratégie globale plutôt qu’analytique.
Ses compétences l’amènent à mettre en oeuvre une politique d’achat et de valorisation des équidés d’école qui répond à la typologie et aux besoins de la clientèle.
Son projet pédagogique s’inscrit dans une recherche du développement global et autonome du pratiquant en le rendant acteur de sa propre progression. Il se tient informé des évolutions sociales et éducatives qui environnent les pratiquants dans la perspective d’améliorer ses interventions pédagogiques et d’en expérimenter d’autres.
Dans le cadre de la formation, il fait acquérir des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être et des savoir-devenir inscrits dans une progression pédagogique au moyen de techniques éducatives appropriées, en s’adaptant, en permanence, au public et en appréciant ses besoins.
Il oriente, sélectionne les personnels dans le cadre de formations soit individualisées, soit en alternance, soit associées à une insertion professionnelle et sociale. Dans le cadre de directives fixées par l’employeur, il peut entretenir des relations avec l’environnement institutionnel dans le but de rechercher des moyens nécessaires au développement de l’entreprise.
A l’appui de sa demande, Mme [X] produit quelques attestations d’élèves ou de propriétaires de chevaux évoquant les responsabilités qu’elle exerçait.
Ainsi, Mme [V], expose que, licenciée aux écuries [P] depuis 2008, Mme [X] est devenue sa monitrice quelques années plus tard, en 2011, qu’elle s’occupait, du temps où elle y était, des cours d’équitation, du poney club, de l’entretien des écuries et éventuellement des stages.
Mme [M] indique quant à elle avoir mis son cheval en pension d’août 2013 à octobre 2015 aux écuries [P], que durant ces deux années, elle a pu constater que Mme [X] s’occupait de la partie club des écuries (inscriptions, gestion des cours, distribution de la cavalerie..), de l’enseignement et des soins aux chevaux (foin et traitements le cas échéant). Elle précise qu’elle était présente lors de l’organisation des concours et ce, dès 8 heures du matin afin de garantir les conditions d’utilisation de l’espace d’échauffement des cavaliers et chevaux et de s’assurer du respect de l’ordre de passage aux épreuves. Elle indique encore qu’elle avait manifestement la confiance de Mme [P] qui lui confiait la gestion des écuries pendant son absence, ce qui fait qu’elle était régulièrement seule et effectuait des tâches en toute autonomie.
Enfin, Mme [C] explique, qu’étant élève au club depuis 2010 et propriétaire d’un cheval depuis 2012, elle est aux écuries [P] tous les jours, que Mme [X] y était monitrice, gérant les fiches clients et les encaissements des cours, chef de paddock et coach lors des concours, qu’elle s’occupait aussi des boxes, des écuries en général, des prés et de la gestion des stocks nourriture, foin et paille.
De manière manifeste, il ne résulte d’aucune de ces attestations que Mme [X] justifierait avoir bénéficié de l’autonomie et des responsabilités confiées à un responsable pédagogique enseignant telles que définies dans la convention collective précitée à défaut, pour exemple, de tout élément sur l’expérience étendue qu’elle aurait eue dans une ou plusieurs spécialités, ou encore de toute précision quant à l’inscription de son projet pédagogique dans une recherche du développement global et autonome du pratiquant en le rendant acteur de sa propre progression, ou de ce qu’elle se serait tenue informée des évolutions sociales et éducatives qui environnent les pratiquants dans la perspective d’améliorer ses interventions pédagogiques et d’en expérimenter d’autres.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de classification au coefficient167, étant relevé que si la convention collective nationale des centres équestres envisage la possibilité de passer à la catégorie supérieure après un certain nombre d’années dans un coefficient, il n’existe néanmoins aucune automaticité et ce sont les fonctions réellement exercées qui doivent conduire à retenir ou non le coefficient revendiqué.
S’agissant même du coefficient 150, s’il est certain que Mme [X] donnait des cours d’équitation et encadrait certaines journées de compétition, les attestations produites sont cependant particulièrement imprécises en ce qui concerne la pédagogie utilisée et ce, alors même qu’il résulte de la convention collective que le passage au coefficient 150 implique une maîtrise particulière de celle-ci puisque le projet pédagogique doit s’inscrire dans le développement des capacités d’action (physiques) et de réflexion (intellectuelles) des pratiquants dans le but de les responsabiliser durablement dans l’utilisation de leur équidé, avec pour exemple, la création de conditions favorisant la résolution de difficultés croissantes par l’auto-évaluation, la vérification des acquis par répétition, la programmation des actions de manière progressive et individualisée ou encore l’installation des conditions développant la relation pédagogique par notion de ” feed-back ” et par des échanges réciproques et variés.
Aussi, à défaut pour Mme [X] d’apporter plus d’éléments sur le déroulement effectif des cours qu’elle pouvaient donner, il convient de retenir qu’elle a été justement classé au coefficient 130, lequel comprend l’animation de séances pédagogique dans la volonté de faire progresser, de manière individualisée, chaque pratiquant dans le but de le rendre plus autonome, confiant et responsable dans l’utilisation de son équidé, peu important à cet égard que Mme [X] n’ait plus monté des chevaux que de manière très accessoire au regard de ses problèmes de santé, cette fonction n’étant pas caractéristique du coefficient 130.
Mme [X] sollicite néanmoins un rappel de salaire sur le coefficient 130 en raison d’un taux horaire inférieur à celui devant être conventionnellement perçu sur certains mois et d’une prime d’ancienneté mal calculée à compter d’avril 2016, sans aucune argumentation contraire de la part de la société Les écuries de Jeufosse.
A cet égard, s’il résulte d’un mail du cabinet comptable que la date prise en compte pour augmenter le taux horaire conventionnel de Mme [X] est celle du lendemain de la publication de l’arrêté d’extension, il n’est cependant apporté aucune contradiction à l’argumentation de Mme [X] consistant à soutenir que la société Les écuries de Jeufosse était adhérente à l’un des syndicats patronaux signataires, ce qui impliquait que l’augmentation du taux horaire conventionnel s’applique dès la signature de l’avenant.
Il convient en conséquence de retenir les sommes sollicitées par Mme [X], soit 427,39 euros, outre les congés payés afférents, tant au titre du taux horaire conventionnel qu’au titre de la prime d’ancienneté, sachant qu’elle fait justement valoir qu’elle avait neuf ans d’ancienneté à compter d’avril 2016 et pouvait donc prétendre à une prime d’ancienneté de 9% à compter de cette date, puis de 10% à compter d’avril 2017.
Sur le licenciement
Tout en invoquant la nullité de la clause d’exclusivité prévue à son contrat de travail, Mme [X], qui était en arrêt de travail pour accident du travail au moment du licenciement, conteste la gravité de la faute invoquée dès lors que Mme [P] était parfaitement informée des cours d’anglais qu’elle dispensait au sein du village équestre de [Localité 3], qu’elle avait d’ailleurs aménagé ses plannings pour qu’elle puisse exercer cette double activité, laquelle a en tout état de cause cessé en 2017, soit plus d’un an avant le licenciement.
En réponse, la société Les écuries de Jeufosse considère qu’en tout état de cause la clause prévue au contrat de travail est superfétatoire dans la mesure où un salarié est tenu de ne pas concurrencer son employeur et qu’en indiquant qu’elle exerçait les fonctions de professeur d’anglais dans un village équestre, Mme [X] reconnaît qu’elle contrevenait à l’obligation de non-concurrence, ce qui est constitutif d’une faute grave.
Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et l’employeur qui l’invoque doit en rapporter la preuve.
Selon l’article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.
En l’espèce, alors qu’elle était placée en arrêt de travail suite à un accident du travail survenu le 26 février 2018, Mme [X] a été licenciée pour faute grave pour avoir occupé un emploi auprès d’un concurrent, le village équestre de [Localité 3], en contravention avec l’article 8 de son contrat de travail.
Néanmoins, selon l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Aussi, une clause d’exclusivité rédigée en termes généraux et imprécis ne spécifiant pas les contours de l’activité complémentaire qui serait envisagée par le salarié, activité bénévole ou lucrative, professionnelle ou de loisirs et ne permettant pas dès lors de limiter son champ d’application ni de vérifier si la restriction à la liberté du travail était justifiée et proportionnée, doit être déclarée nulle.
Or, il résulte du contrat de travail de Mme [X] qu’elle s’engageait à observer la plus grande discrétion sur toutes les informations, connaissances et techniques qu’elle aurait connues à l’occasion de son travail dans l’entreprise mais aussi qu’elle s’engageait à travailler exclusivement pour la société Les écuries de Jeufosse et à n’exercer aucune activité concurrente à celle de la société pendant toute la durée de son contrat de travail.
Il s’ensuit qu’en prévoyant une activité exclusive pour la société Les écuries de Jeufosse, cette clause, rédigée en termes généraux et imprécis, qui ne peut être justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, s’agissant d’un centre équestre dans lequel Mme [X] exerçait de simples fonctions d’animatrice-enseignante, doit être déclarée nulle, étant relevé que l’interdiction d’exercer une activité concurrente n’est visée que dans un second temps et n’est qu’une mention complémentaire qui ne limite pas l’obligation de travailler exclusivement pour la société Les écuries de Jeufosse.
Néanmoins, au-delà de la nullité de cette clause, il convient d’apprécier si Mme [X] a loyalement exécuté son contrat de travail, cette obligation générale régissant en tout état de cause la relation contractuelle.
A cet égard, s’il n’est pas contesté qu’elle a effectivement travaillé dans une structure exerçant des activités concurrentes à la société Les écuries de Jeufosse, Mme [X] produit cependant l’attestation de la directrice du village équestre de [Localité 3], laquelle indique qu’elle a été employée de fin mai 2015 à juin 2017, uniquement pour enseigner l’anglais, les cours étant regroupés sur une matinée, et l’attestation de M. [K] qui explique avoir été salarié de la société Les écuries de Jeufosse de juillet 2008 à septembre 2015 et pouvoir attester que Mme [P] avait connaissance de l’emploi de Mme [X] en tant que professeur d’anglais au village équestre de [Localité 3] dès fin mai 2015 puisque le planning horaire avait été modifié pour que ce soit possible.
Si la société les écuries de Jeufosse conteste la force probante de cette dernière attestation en faisant valoir que M. [K] travaillerait en lien avec le conjoint de Mme [X], aucun élément, au-delà de cette proximité des parties, ne permet de remettre en cause la sincérité des propos qui y sont rapportés et il convient en conséquence, alors que l’activité exercée n’avait aucun lien avec les fonctions occupées par Mme [X] au sein de la société Les écuries de Jeufosse, laquelle avait même accepté cette double activité, de ne retenir aucune faute et de dire le licenciement nul pour avoir été prononcé durant l’arrêt de travail de Mme [X], étant précisé que la société Les écuries de Jeufosse n’apporte aucune pièce permettant d’affirmer qu’elle aurait découvert cette double activité lors de la consultation du dossier MSA de Mme [X].
Surabondamment, à supposer même que, par principe, l’exercice d’une activité quelle qu’elle soit dans une entreprise concurrente, serait constitutif d’une faute, il est certain que ce seul élément, sans que soit apporté la preuve de l’exercice d’une activité directement concurrente et actuelle au moment du licenciement, ne peut, en soi, empêcher la poursuite immédiate du contrat de travail et ne peut constituer une faute grave.
Dès lors, et alors que Mme [X] était en arrêt de travail au moment du licenciement suite à un accident du travail, son licenciement ne peut qu’être déclaré nul.
Compte tenu du salaire de Mme [X], et en l’absence de toute contestation sur le salaire retenu, il convient de confirmer le jugement ayant condamné la société Les écuries de Jeufosse à lui payer la somme de 4 245 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 424,50 euros au titre des congés payés afférents.
Il convient également, en retenant une ancienneté de onze ans et quatre mois, de condamner la société Les écuries de Jeufosse à lui payer la somme de 6 249,58 euros calculée conformément à l’article R. 1234-2 du code du travail.
Enfin, alors qu’au regard de la nullité du licenciement, il ne peut être alloué à Mme [X] des dommages et intérêts inférieurs aux six derniers mois de salaire et qu’elle justifie par ailleurs avoir perçu des allocations de retour à l’emploi jusqu’en janvier 2019, il convient d’infirmer le jugement et de condamner la société Les écuries de Jeufosse à lui payer la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme [X] soutient avoir été victime de mesures vexatoires, d’une rétrogradation à compter de juin 2017, d’une absence d’affichage de ses horaires de travail et ce, en raison des horaires très larges effectués, notamment pour encadrer les concours organisés les week-ends, d’une violation par l’employeur de son obligation d’assurer sa sécurité en la faisant monter à cheval en violation des préconisations du médecin du travail et enfin d’un refus de prise en charge de ses demandes de formation et d’une résiliation de son contrat santé au jour de son licenciement, sachant qu’elle est traitée depuis octobre 2018 pour une dépression.
En réponse, la société Les écuries de Jeufosse se contente d’indiquer que, dans la mesure où le licenciement repose sur une faute grave, il ne peut être question de réparer un préjudice moral inexistant.
S’il résulte des attestations produites que Mme [X] était régulièrement présente pour encadrer les concours organisés les week-ends et qu’elle pouvait alors effectuer des horaires débutant à 8h du matin pour se terminer à l’issue des épreuves en fin de journée, il n’est cependant justifié d’aucun préjudice, sachant que Mme [X] ne sollicite aucune heure supplémentaire et qu’il n’est nullement établi que ce travail le dimanche lui causait un préjudice particulier.
Il n’est par ailleurs pas justifié de la réalité de mesures vexatoires, l’engagement d’une procédure de licenciement économique en 2010, arrêtée en raison du départ d’un autre salarié permettant le maintien de son poste, ne constituant pas, à défaut d’autres éléments, un mesure vexatoire.
Il est au contraire justifié que Mme [X] a souhaité suivre une formation de reconversion en 2014, laquelle n’a cependant pu être mise en oeuvre en raison de l’absence de cotisations versées par la société Les écuries de Jeufosse, ce qui, au regard des problèmes de santé rencontrés par Mme [X], dont elle justifie par la production des différents avis d’aptitude avec restrictions mais aussi par le biais d’attestations, lui a causé préjudice.
Il est encore établi que son contrat santé a été résilié le 4 juin 2018, étant néanmoins relevé que s’il est fait mention d’une impossibilité de la rembourser pour des soins dispensés le 31 juillet 2018, il n’est apporté aucun autre élément permettant de déterminer la réalité de sommes restées à sa charge en raison de cette résiliation.
Enfin, il est attesté par Mme [B] que le 24 février 2018, alors qu’elle était présente au manège, elle a vu Mme [X] sur un des chevaux avec sa ceinture dorsale et son gilet airbag, ce qui l’a surprise car elle ne montait plus à cheval. Elle précise qu’elle le faisait sur les consignes de Mme [P] qui lui faisait enchaîner les sauts, l’enjoignant à reprendre l’exercice sans répit, le ton sec et l’attitude de Mme [P] l’ayant choquée.
Aussi, et alors qu’elle a été placée en arrêt de travail le 26 février 2018 et qu’il résulte d’autres attestations qu’il était de notoriété que Mme [X] rencontrait des problèmes de dos, il convient, au vu de ces divers éléments, de condamner la société Les écuries de Jeufosse à payer à Mme [X] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Sur la remise de documents
Il convient d’ordonner à la société Les écuries de Jeufosse de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifié, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Les écuries de Jeufosse aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [X] la somme de 2 300 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile, aux dépens, en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [G] [X] tendant à sa classification au coefficient 167 et 150 et les rappels de salaires subséquents mais aussi sur le montant alloué au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement prononcé à l’égard de Mme [G] [X] est nul ;
Condamne la SARL Les écuries de Jeufosse à payer à Mme [G] [X] les sommes suivantes :
rappel de salaire : 427,39 euros
congés payés afférents : 42,74 euros
indemnité légale de licenciement : 6 249,58 euros
dommages et intérêts pour licenciement nul : 13 000,00 euros
dommages et intérêts en réparation de son
préjudice moral: 1 000,00 euros
Ordonne à la SARL Les écuries de Jeufosse de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifié conformément à la présente décision ;
Dit n’y avoir lieu à astreinte ;
Condamne la SARL Ecuries de Jeufosse à payer à Mme [G] [X] la somme de 2 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL Ecuries de Jeufosse de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Ecuries de Jeufosse aux entiers dépens.
La greffièreLa présidente