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N° RG 20/03522 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KTPQ
C8
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL ACO
la SELARL L. LIGAS-RAYMOND – JB PETIT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 24 NOVEMBRE 2022
Appel d’un jugement (N° RG 2018J131)
rendu par le Tribunal de Commerce de VIENNE
en date du 09 juillet 2020
suivant déclaration d’appel du 10 novembre 2020
APPELANTE :
La SELARL ALLIANCE MJ, représentée par Maître [L] [B], immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 793 239 211, ayant son siège social [Adresse 3], es-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SCAT, société à responsabilité limitée au capital social de 7.500 €, immatriculée au RCS de VIENNE sous le n445 027 105, dont le siège social est situé [Adresse 2], désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de VIENNE du 31 août 2021
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE
INTIMÉE :
S.A.S.U. BOUYGUES ENERGIES & SERVICES (anciennement dénommée
ETDE), société anonyme au capital de 50.574.368 €, immatriculée au RCS de
VERSAILLES sous le n°775 664 873, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siege social
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Jean-Bruno PETIT de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND- JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me James Alexandre DUPICHOT de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffière et en présence de Mme Clémence RUILLAT et Sophie CAPITAINE, Greffières stagiaires.
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 septembre 2022, Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions.
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré.
Exposé du litige
En 2016, la société Bouygues Energies et Services a été chargée par la société EDF de divers travaux sur le site de la centrale nucléaire de [Localité 6].
La société Bouygues Energies et Services s’est adressée à la société SCAT en vue de lui confier en sous-traitance des travaux de serrurerie et la pose d’une clôture.
Suivant bon du 17 novembre 2016, la société Bouygues Energies et Services a passé commande auprès de la société SCAT pour la conception et la pose de 2 portails 2 battants et la conception et la pose d’une clôture au prix de 15.160 euros HT.
Par mail du 22 novembre 2016, la société SCAT a adressé à la société Bouygues Energies et Services les plans de fabrication des portails pour les faire valider par la société EDF.
Les travaux ont démarré.
Par mail du 2 février 2017, la société Bouygues Energies et Services a fait remarquer à la société SCAT l’existence de nombreuses anomalies en lui demandant comment elle envisageait de les traiter et en sollicitant une réponse pour le 3 février 2017 au plus tard.
Par courriel du 2 février 2017, la société SCAT a répondu que les problèmes évoqués seraient résolus d’ici la fin des travaux et a attiré l’attention de la société Bouygues Energies et Services sur le fait que le chantier était arrêté en raison de sa faute, le pilier central n’étant pas de niveau.
Par lettre du 10 février 2017, la société Bouygues Energies et Services a mis en demeure la société SCAT de lui transmettre par écrit sous 48 heures les solutions et délais de mise en oeuvre pour le traitement de l’ensemble des malfaçons.
Un constat d’huissier a été établi le 28 février 2017.
Par courrier du 3 mars 2017, la société Bouygues Energies et Services a notifié à la société SCAT avoir mandaté une autre société pour reprendre l’ensemble des malfaçons listés dans son courrier du 10 février aux frais de la société SCAT.
Par courrier du 10 mars 2017, la société Bouygues Energies et Services a notifié à la société SCAT la résiliation de son contrat.
Un nouveau constat d’huissier était dressé le 14 mars 2017 en présence de la société SCAT.
Par courrier du 15 mars, la société SCAT contestait la volonté de la société Bouygues Energies et Services de résilier unilatéralement le bon de commande et proposait de finir le chantier après avoir reçu le Plan de Prévention.
La société Bouygues Energies et Services a confié à la société MIG les travaux de reprise.
Statuant sur l’assignation délivrée par la société SCAT en paiement de ses factures, le juge des référés du tribunal de commerce de Vienne a condamné la société Bouygues Energies et Services à payer à la société SCAT les sommes provisionnelles de 720 € et 2.400 € et a invité les parties à mieux se pourvoir pour le surplus de la demande et les demandes reconventionnelles de la société Bouygues Energies et Services.
Statuant sur l’assignation délivrée par la société SCAT, le tribunal de commerce de Vienne a par jugement du 9 juillet 2020 :
– jugé non fondées les demandes de la société SCAT,
– débouté la société SCAT de sa demande en paiement au titre des factures n°02-02-2017 et n°03-06-2017,
– débouté la société SCAT de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,
– jugé que la société SCAT a manqué à ses obligations contractuelles et que ces manquements ont causé des préjudices à la société Bouygues Energies et Services,
– condamné la société SCAT à payer à la société Bouygues Energies et Services la somme de 4.200 euros au titre des travaux supplémentaires que la société Bouygues Energies et Services a dû faire réaliser, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
– condamné la société SCAT à payer à la société Bouygues Energies et Services la somme de 7.187 euros en indemnisation d’un surcoût lié au prix de l’intervention d’une entreprise tierce, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur la société Bouygues Energies et Services de restitution des sommes provisionnelles accordées à la société SCAT en exécution de l’ordonnance du tribunal de commerce de Vienne en date du 22 février 2018,
– donné acte à la société Bouygues Energies et Services de ce qu’elle se réserve le droit de solliciter à terme l’indemnisation de ses entiers préjudices au-delà des sommes sollicitées dans le cadre de l’instance,
– condamné la société SCAT à payer à la société Bouygues Energies et Services la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société SCAT aux dépens.
Par déclaration du 10 novembre 2020, la société SCAT représentée par son liquidateur amiable, monsieur [R] [T], a interjeté appel du jugement en ce qu’il a :
– jugé non fondées les demandes de la société SCAT,
– débouté la société SCAT de sa demande en paiement au titre des factures n°02-02-2017 et n°03-06-2017,
– débouté la société SCAT de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,
– jugé que la société SCAT a manqué à ses obligations contractuelles et que ces manquements ont causé des préjudices à la société Bouygues Energies et Services,
– condamné la société SCAT à payer à la société Bouygues Energies et Services la somme de 4.200 euros au titre des travaux supplémentaires que la société Bouygues Energies et Services a dû faire réaliser, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
– condamné la société SCAT à payer à la société Bouygues Energies et Services la somme de 7.187 euros en indemnisation d’un surcoût lié au prix de l’intervention d’une entreprise tierce, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
– condamné la société SCAT à payer à la société Bouygues Energies et Services la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société SCAT aux dépens.
Par jugement du 31 août 2021, le tribunal de commerce de Vienne a prononcé la liquidation judiciaire de la société SCAT et a désigné la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [B], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par lettre recommandée du 27 octobre 2021, la société Bouygues Energies et Services a déclaré sa créance à hauteur de 18.695,64 euros à titre chirographaire auprès du liquidateur judiciaire.
Prétentions et moyens de la Selarl Alliance MJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT,
Dans ses conclusions remises et notifiées le 24 février 2022, la Selarl Alliance MJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT, demande à la cour de :
– déclarer recevable l’intervention volontaire formée par la Selarl Alliance MJ, représentée par Maître [L] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT,
– débouter la société Bouygues Energies et Services de l’intégralité de ses prétentions et demandes,
– infirmer le jugement rendu le 9 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Vienne sauf en ce qu’il a rejeté la demande de la société Bouygues Energies et Services tendant à obtenir la restitution des sommes prévisionnelles accordées à la société SCAT par ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Vienne du 22 février 2018,
Statuant à nouveau,
– condamner la société Bouygues Energies et Services à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Maître [L] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT:
* 15.600 euros au titre de la facture n°02-02-2017, outre intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2017,
* 2.592 euros au titre de la facture n°03-07-2017, outre intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017,
* 4.200 euros au titre de de la facture n°03-06-2017, outre intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017,
– condamner la société Bouygues Energies et Services à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Maître [L] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT, une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamner la société Bouygues Energies et Services à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Maître [L] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Bouygues Energies et Services aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle fait valoir que la décision unilatérale de la société Bouygues Energies et Services de résilier le contrat de sous-traitance est fautive dès lors que la société SCAT n’a pas manqué à ses obligations contractuelles, que le document transmis le 13 septembre 2016 par la société Bouygues Energies et Services ne contenait aucun descriptif précis des ouvrages à réaliser, que la première version des plans d’implantation des portails et de la clôture n’a été transmise que le 28 novembre 2021 pour un ouvrage qui devait être achevé au plus tard le 31 décembre 2016, que ces plans ont été modifiés à plusieurs reprises, que le tribunal a considéré à tort que les éléments fournis par la société Bouygues Energies et Services ont été suffisants pour permettre à la société SCAT la réalisation de ses prestations.
Elle ajoute que mi-décembre, la société Bouygues Energies et Services a fait déplacer le pilier central sur lequel les portails devaient être fixés sans toutefois remettre à niveau ce pilier et sans poser d’équerre ce qui l’a placée dans l’impossibilité d’achever la pose et de régler les ouvrages, que finalement la société Bouygues Energies et Services l’a missionnée pour remettre à niveau ce pilier, que la preuve du déplacement du pilier par la société Bouygues Energies et Services et de son incapacité à le remettre à niveau est rapportée contrairement à ce qu’a retenu le tribunal.
Elle relève que la société Bouygues Energies et Services avait décidé de résilier le contrat dès le 10 février 2017, en lui donnant un délai extrêmement court pour répondre à sa mise en demeure, alors même que le chantier était arrêté depuis plusieurs semaines en raison de l’incapacité de la société Bouygues Energies et Services à fixer le pilier central; que celle-ci a d’ailleurs signé un contrat de sous-traitance avec la société MIG dès le 14 février 2017 pour réaliser les plans de l’ouvrage à fabriquer, les travaux de reprise étant confiés par avenant à ce contrat daté du 17 mars 2017; que la société Bouygues Energies et Services n’a pas laissé à la société SCAT la possibilité d’achever sa prestation ce qui constitue une résiliation fautive; que la résiliation n’était motivée que par la crainte de voir la société EDF recourir à une entreprise de substitution et visait à masquer les propres défaillances de la société Bouygues Energies et Services.
Elle indique par ailleurs que la société Bouygues Energies et Services l’a placée dans l’impossibilité d’intervenir sur le chantier en ne lui remettant pas le plan de prévention 2017 et qu’elle n’a jamais été convoquée en vue d’une telle remise contrairement à ce que soutient la société Bouygues Energies et Services.
Enfin, elle fait observer que les anomalies dont se plaignait la société EDF pouvaient facilement être reprises et que la société Bouygues Energies et Services en a exagéré l’importance; que les corrections des prétendues malfaçons constatées par l’huissier de justice nécessitaient à peine 3 jours de travail; que la cause du non-achèvement du chantier résulte exclusivement des carences de la société Bouygues Energies et Services et de son incompétence à gérer le chantier.
Sur le paiement des factures, elle indique qu’alors que la société Bouygues Energies et Services a accepté les devis, elle n’a procédé à aucun paiement; qu’en outre, elle doit la régler de son intervention en urgence le 28 janvier 2017 en prévision d’une visite du service de sûreté nucléaire.
Sur la demande en restitution formée par la société Bouygues Energies et Services, elle fait remarquer que celle-ci ne peut demander la restitution de sommes qu’elle n’a pas payées et qu’en outre, ces sommes étaient fondées.
Enfin, elle souligne que la seule responsable de la nécessité de démolir les trottoirs est la société Bouygues Energies et Services qui a réalisé elle-même les plans d’implantation de la clôture et des portails et qu’elle ne peut donc solliciter l’indemnisation de ce coût de démolition.
Sur le surcoût générée par l’intervention de la société MIG, elle fait valoir que la société Bouygues Energies et Services en est la seule responsable, ayant résilié abusivement le contrat de sous-traitance; qu’il n’est pas démontré que la société MIG a effectivement remplacé 3 des 4 battants des portails, ni les charnières ou tout autre matériel
Elle s’oppose à toute compensation au motif que cela la priverait de toute indemnisation alors que la société Bouygues Energies et Services a résilié fautivement son contrat.
Prétentions et moyens de la société Bouygues Energies et Services
Par conclusions remises et notifiées le 14 décembre 2021, elle demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société SCAT de l’ensemble de ses demandes et en ce qu’il a jugé que la société SCAT a manqué
à ses obligations contractuelles et que ces manquements ont causé des préjudices à la société Bouygues Energies et Services,
– confirmer le jugement en ce qu’il a fait droit aux demandes reconventionnelles de la société Bouygues Energies et Services à l’encontre de la société SCAT,
– juger la société Bouygues Energies et Services recevable en son appel incident,
– infirmer le jugement en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de la société Bouygues Energies et Services de restitution des sommes provisionnelles accordées à la société SCAT en exécution de l’ordonnance du tribunal de commerce de Vienne du 2 février 2018,
Statuant à nouveau,
– juger que la société Bouygues Energies et Services n’a pas à supporter les heures d’attente facturées par la société SCAT compte tenu de sa défaillance,
– constater l’existence d’une créance de restitution des sommes provisionnelles d’un montant de 3.120 euros versées par la société Bouygues Energies et Services en exécution de l’ordonnance du tribunal de commerce de Vienne du 2 février 2018,
– fixer le montant de la créance de restitution au passif de la liquidation judiciaire de la société SCAT,
– confirmer le jugement pour le surplus,
A titre subsidiaire,
– constater la créance de la société Bouygues Energies et Services d’un montant équivalent à la condamnation qui serait éventuellement prononcée à son encontre au profit de la société SCAT correspondant à la réparation du préjudice lié à l’augmentation de la charge financière résultant de la réattribution des travaux à une nouvelle entreprise,
– fixer le montant de la créance de dommages et intérêts dus à la société Bouygues Energies et Services au passif de la liquidation judiciaire,
– prononcer la compensation entre la créance de la société SCAT, s’il était fait droit à sa demande au titre de la commande du 17 novembre 2016, et la créance de dommages et intérêts de la société Bouygues Energies et Services à son encontre en réparation du préjudice mentionné au point précédent,
En tout état de cause,
– constater la créance de la société Bouygues Energies et Services d’un montant de 7.000 euros correspondant aux frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers d’appel lesquels pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
– fixer la créance correspondant aux frais irrépétibles d’appel et dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société SCAT,
– débouter la société SCAT de ses demandes.
Sur la demande en paiement des factures, elle fait remarquer que la société SCAT est mal fondée à réclamer le paiement d’un contrat qu’elle n’a pas exécuté conformément à ses obligations, les ouvrages affectés de malfaçons ayant dû être intégralement repris par une autre entreprise et la société SCAT n’ayant pas exécuté l’intégralité des prestations prévues.
Elle relève que la société SCAT s’étant vue confier une mission de conception des portails et de la clôture et devant prendre les cotes sur le site, elle est responsable de tout défaut de conception des ouvrages et qu’en outre tenue d’un devoir de conseil, elle devait prévenir de toute éventuelle difficulté relative à leur implantation ce qu’elle n’a pas fait.
Elle indique que contrairement à ce qui est soutenu par la société SCAT, elle lui a communiqué les extraits du CCTP le 13 septembre 2016 et le plan de prévention 2016 au demeurant signé par la société SCAT et qu’en conséquence, cette société ne peut arguer d’une absence de communication pour justifier les non-conformités. Elle ajoute que la société SCAT est mal venue à faire état
d’un problème de niveau du pilier central alors qu’elle était chargée d’une telle pose et qu’elle ne démontre pas que la société Bouygues Energies et Services l’a déplacé.
Elle fait observer que l’ampleur des travaux de reprise illustre l’étendue de l’inexécution de la société SCAT ; qu’eu égard à cette inexécution et à ces malfaçons, elle a valablement résilié le contrat aux torts exclusifs de la société SCAT ; qu’aucun élément ne permet de décider qu’elle a décidé de résilier le contrat dès la lettre de mise en demeure du 10 février 2017 ; que le recours à un autre fournisseur n’a été envisagé à cette date que comme ‘plan B’; que les travaux de reprise n’ont été confiés à la société MIG que le 17 mars 2017, soit postérieurement à la notification de la résiliation en date du 10 mars 2017.
Sur la somme de 4.200 euros sollicitée au titre d’une prétendue intervention d’urgence, la société Bouygues Energies et Services fait valoir qu’elle n’a jamais sollicité une telle intervention, étant observé que la facture est libellée au nom de la société EDF.
Sur sa demande reconventionnelle au titre des travaux confiés à des entreprises tierces, elle expose :
– qu’en raison de la défaillance de la société SCAT, elle a été obligée de recourir à une entreprise tierce pour reprendre l’intégralité des ouvrages et livrer au maître de l’ouvrage un ouvrage conforme aux prescriptions contractuelles,
– que devant agir dans l’urgence, elle n’a pu négocier le prix de l’intervention de la société MIG s’élevant à 22.347 euros,
– qu’elle est bien fondée à être indemnisée du surcoût lié à l’intervention de la société MIG, soit la somme de 7.187 €,
– qu’en outre, elle a dû faire réaliser la démolition des trottoirs pour un montant de 4.200 euros pour remédier aux défauts d’exécution de la société SCAT.
Subsidiairement, si la cour la condamne au paiement des factures présentées par la société SCAT, elle demande à être indemnisée de l’intégralité des frais d’intervention des entreprises tierces rendus nécessaires du fait de l’ampleur des désordres.
Sur la demande de restitution des sommes versées à titre provisionnel, elle fait valoir que le fait qu’elle n’a pas interjeté appel de l’ordonnance de référé du 22 février 2018 ne saurait la priver dans le cadre de l’instance au fond de solliciter la restitution des provisions qu’elle a été condamnée à verser; que le fait qu’elle n’a pas exécuté l’ordonnance ne l’empêche pas de solliciter cette restitution; que le tribunal a méconnu l’étendue de ses pouvoirs; que sur le fond, elle n’entend pas supporter la charge des prétendues heures d’attente.
Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction est intervenue le 7 juillet 2022.
Motifs de la décision
1) Sur l’intervention volontaire de la Selarl Alliance MJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT
La société SCAT ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du 31 août 2021 et la Selarl Alliance MJ ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT, l’intervention volontaire du liquidateur doit être déclarée recevable.
2) Sur la demande de la Selarl Alliance MJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT en paiement des factures
En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Il est établi que le 17 novembre 2016, la société Bouygues Energies et Services a passé commande auprès de la société SCAT pour la conception et la pose de 2 portails 2 battants et la conception et la pose d’une clôture au prix de 15.160 euros HT.
Il ressort des constats d’huissier établis les 28 février et 14 mars 2017 la présence d’un portail deux vantaux, le premier à droite pour l’entrée sur le site et le second à gauche pour la sortie du site et la réalisation d’une clôture constituée d’un petit muret en béton en partie basse sur lequel un grillage est fixé par des cavaliers métalliques.
Il appartient à celui qui invoque une exception d’inexécution de justifier que son co-contractant n’a pas exécuté son obligation et que cette inexécution est suffisamment grave.
Les constats d’huissier visés ci-dessus font état d’un certain nombre de malfaçons dans la réalisation des travaux consistant en :
– une impossibilité d’ouverture des portails à 90°,
– une absence de contre écrous dans la fixation du portail,
– une porte du portail de sortie voilée,
– des rayures et éclats de peinture sur les barreaux du portail,
– un écart supérieur à 11 cm entre la partie fixe et la partie mobile de l’ouverture, non conforme aux normes de sécurité imposées par EDF.
Ils mentionnent aussi s’agissant de la clôture différentes malfaçons (un seul cavalier au lieu de 2 entre chaque poteau, scellé à l’intérieur et non à l’extérieur, un grillage distendu, un raccordement avec l’ancien grillage mal effectué et un débord métallique ne permettant de fixer trois rangs de fil barbelé au lieu de quatre).
Il résulte de ces éléments que les ouvrages commandés ont été réalisés au moins à 80 % ainsi que l’indique la société SCAT dans sa facture du 8 février 2017 même s’ils sont affectés de plusieurs malfaçons.
La description des désordres tels qu’effectuée dans les constats d’huissier ne permet pas de considérer que ceux-ci nécessitaient une réfection totale, ni qu’il était impossible de procéder par voie de reprise, en l’absence de toute analyse par un homme de l’art.
En conséquence, il n’est pas établi que les malfaçons relevées sont suffisamment graves pour justifier l’absence de tout règlement par la société Bouygues Energies et Services.
Au demeurant, dans un premier temps, la société Bouygues Energies et Services a invité par mail des 2 et 8 février 2017 à proposer des solutions techniques pour remédier aux problèmes.
La société SCAT expose qu’elle a été placée dans l’impossibilité d’intervenir sur le chantier pour achever la pose et le réglage des portails et clôture.
S’agissant de l’absence de transmission d’un descriptif précis des ouvrages à réaliser invoqué par la société SCAT, il ressort d’un mail du 13 septembre 2016 que la société Bouygues Energies et Services lui a adressé des informations techniques relatives aux portails et clôture.
Par mail du 14 septembre 2016, la société SCAT a indiqué que suite au cahier des charges transmis, elle communiquait sa meilleure offre. Elle ne peut dès lors soutenir qu’elle ne disposait pas d’éléments précis alors même qu’elle a considéré avoir en sa possession les éléments nécessaires pour élaborer son offre.
Par ailleurs, par mail du 17 novembre 2016, la société Bouygues Energies et Services lui a transmis le plan de principe du portail. En réponse, le 22 novembre 2016, la société SCAT lui a adressé les plans de fabrication des portails aux fins qu’il soit soumis à la société EDF. Dès lors, même si dans l’offre de prix, il était mentionné que les plans de fabrication restaient à la charge du client, la société SCAT a pris l’initiative de les réaliser et ne peut invoquer sérieusement une absence de transmission des plans de fabrication.
La société SCAT invoque également le déplacement du pilier central par la société Bouygues Energies et Services qui en raison d’un défaut de niveau aurait entraîné une interruption du chantier. La cour relève que l’édification du pilier central relevait de la société SCAT aux termes de son offre de prix du 14 septembre 2016. Il n’est pas établi qu’après édification, ce pilier a fait l’objet d’un déplacement par la société Bouygues Energies et Services. Dans son mail du 3 février 2017, celle-ci rappelait en effet que le pilier central a été posé et fourni par la société SCAT et qu’il lui appartenait d’en traiter le faux aplomb tout en lui indiquant que celui-ci était négligeable et ne bloquait pas le traitement des malfaçons. Si dans un mail du 8février 2017, elle sollicitait la société SCAT pour prendre en charge la remise à l’équerre du poteau central et demandait la transmission d’une offre complémentaire, elle précisait qu’une telle demande était effectuée pour faire avancer le chantier. Cela ne peut donc constituer la reconnaissance par la société Bouygues Energies et Services qu’elle est à l’origine du faux aplomb du poteau central par un déplacement de celui-ci.
En revanche, s’il est établi que le plan de prévention 2016 a été remis à la société SCAT, il n’est pas démontré que la société Bouygues Energies et Services lui a communiqué le plan de prévention 2017, la société Bouygues Energies et Services ne justifiant pas d’une convocation de son sous-traitant pour une telle remise contrairement à ce qu’elle prétend. La société Bouygues Energies et Services a donc placé son sous-traitant dans l’impossibilité d’accéder au site pour procéder à la reprise des désordres.
En outre, son courrier de mise en demeure envoyé le vendredi 10 février 2017 rappelant les différents désordres a donné à la société SCAT un délai extrêmement court de 48 h pour lui remettre les solutions techniques détaillées et délais de mise en oeuvre pour le traitement des malfaçons sous peine de faire appel à une entreprise de substitution à ses frais.
Il ressort d’ailleurs du contrat de sous-traitance du 14 février 2017 qu’elle a confié dès cette date à la société Métallerie Industrielle Giraud une mission de réalisation des plans d’ensemble de serrurerie des deux portails et du poteau central et la réalisation et fourniture des plans de fabrication des parties à remplacer, ce contrat ayant été complété par un avenant du 17 mars 2017 confiant à la même société des travaux de fabrication du portail et de reprise et fabrication concernant la clôture. Il en résulte que dès avant la lettre du 10 mars 2017 notifiant à la société SCAT la résiliation du contrat, la société Bouygues Energies et Services avait fait le choix de recourir à une autre entreprise.
Dés lors, ces éléments confirment que la société Bouygues Energies et Services ne peut valablement opposer l’exception d’inexécution pour s’opposer à tout règlement.
Dans sa facture du 8 février 2017, la société SCAT réclame la somme de 13.000 euros Ht (15.600 euros Ttc) au regard de l’état d’avancement des travaux à hauteur de 80%.
Il doit être fait droit à sa demande de règlement de cette facture.
En revanche, alors que la société SCAT ne justifie pas d’une intervention postérieure au 8 février 2017, la facture n° 03-07-2017 du 30 mars 2017 correspondant au solde restant dû sur la commande du 17 novembre 2016 ne peut être admise.
S’agissant de la facture n°03-06-2017 du 30 mars 2017, elle est adressée à la société EDF suite à la demande urgente de cette société pour travailler le samedi 28 janvier 2017. Cette prestation n’a donc pas été commandée par la société Bouygues Energies et Services et son paiement ne peut lui être imputée.
En conséquence, il convient de condamner la société Bouygues Energies et Services à payer à la Selarl Alliance MJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT, la somme de 15.600 euros Ttc au titre de la facture n°02.02.2017, outre intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2017.
3) Sur la demande en indemnisation du préjudice subi
Dès lors, qu’il a été fait droit au moins partiellement à la demande de la société SCAT, représentée par son liquidateur, en paiement de factures, il convient d’examiner la demande subsidiaire de la société Bouygues Energies et Services en indemnisation de son préjudice à hauteur du montant de la condamnation prononcée à son encontre au profit de la société SCAT au titre des travaux effectués selon commande du 17 novembre 2016.
Le sous-traitant est tenu d’une obligation de résultat à l’égard de l’entrepreneur. Il est établi que les travaux réalisés par la société SCAT sont affectés de désordres qui ne résultent pas uniquement d’une absence de finition des travaux mais de malfaçons dans leur réalisation.
Même si la société SCAT n’a pu procéder à la reprise des travaux en raison notamment de la résiliation du contrat, il ne peut être imposé une réparation en nature d’autant que la SCAT est en liquidation judiciaire.
La reprise des désordres doit être indemnisée.
Les avenants au contrat font apparaître la fabrication et la pose de trois battants de portails par la société Métallerie Industrielle Giraud sans que cette reprise ne soit justifiée au regard des désordres décrits précédemment, un seul battant ayant été mentionné comme étant voilé et la société Bouygues Energies et Services ne produisant aucune analyse technique décrivant la nature des travaux à entreprendre.
Les avenants mentionnent un montant de 21.464 euros Ht (16.145 et 5.319) .
Le montant figurant sur le contrat portant sur la réalisation des plans d’ensemble et des plans de fabrication ne peut être retenu dès lors que la société Bouygues Energies et Services était nécessairement déjà en possession de ces éléments et qu’en outre, la proposition initiale de la société SCAT les laissait à sa charge.
De même, il ne peut être pris en compte la somme de 4.200 euros versée à la société BAUCHIERO suivant devis du 19 janvier 2017 portant sur une découpe des pavés et enrobé béton dès lors qu’il n’est pas établi que ces travaux sont dus à un défaut de réalisation de la société SCAT, d’autant que l’offre de la société SCAT laissait à la charge de la société Bouygues Energies et Services les prestations de génie civil.
Au vu de ces éléments, la reprise des désordres comprenant la réfection d’un battant sera indemnisé à hauteur de 11.000 euros.
En application de l’article L 622-7 du code de commerce, il y a lieu de prononcer la compensation des créances réciproques des parties à hauteur de leur quotité respective, celles-ci étant connexes comme découlant d’un même contrat.
4) Sur la demande de la société SCAT pour résistance abusive
Une discussion légitime pouvant naître entre les parties et eu égard à la compensation intervenue, la résistance abusive de la société Bouygues Energies et Services n’est pas caractérisée.
5) Sur l’existence d’une créance de restitution des sommes provisionnelles allouées à la société SCAT par ordonnance de référé du 22 février 2018
Par ordonnance du 22 février 2018, le juge des référés a condamné la société Bouygues Energies et Services à payer à la société SCAT les sommes provisionnelles de 720 euros et 2.400 euros.
La société SCAT indique que ces sommes ne lui ont pas été réglées. La société Bouygues Energies et Services ne justifie pas d’un tel règlement et reconnaît au contraire dans ses écritures que cette ordonnance n’a pas été exécutée.
Elle est donc particulièrement mal fondée à réclamer la restitution de sommes qu’elle n’a pas réglé.
De surcroît, sur le fond, il résulte d’un mail du 8 février 2017 que la société Bouygues Energies et Services a confirmé à la société SCAT la prise en charge de ses heures d’attente pour un montant de 2.400 euros Ht.
Dès lors, la société Bouygues Energies et Services ne peut qu’être déboutée de sa demande tendant à voir fixer une créance de restitution à hauteur de 3.120 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il s’est reconnu incompétent pour statuer sur cette demande.
6) Sur les mesures accessoires
La société Bouygues Energies et Services sera condamnée aux dépens de 1ère instance et d’appel.
En équité, il n’y a pas lieu d’allouer aux parties une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare recevable l’intervention volontaire de la Selarl Alliance MJ en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT.
Confirme le jugement rendu le 9 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Vienne en ce qu’il a débouté la société SCAT de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive et en ce qu’il a jugé que la société SCAT a manqué à ses obligations contractuelles et que ces manquements ont causé un préjudice à la société Bouygues Energies et Services.
L’infirme pour le surplus des dispositions.
Statuant à nouveau,
Condamne la société Bouygues Energies et Services à payer à la Selarl Alliance MJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT, la somme de 15.600 euros Ttc au titre de la facture n°02.02.2017, outre intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2017.
Déboute la Selarl Alliance MJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCAT de sa demande en paiement de la somme de 2.592 euros au titre de la facture n° 03-07-2017 du 30 mars 2017 et de celle en paiement de la somme de 4.200 euros au titre de la facture n°03-06-2017 du 30 mars 2017.
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société SCAT la créance de dommages et intérêts correspondant à la reprise des désordres à la somme de 11.000 euros.
Ordonne la compensation des créances réciproques des parties à hauteur de leur quotité respective, celles-ci étant connexes comme découlant d’un même contrat.
Déboute la société Bouygues Energies et Services de sa demande tendant à voir fixer une créance de restitution à hauteur de 3.120 euros.
Condamne la société Bouygues Energies et Services aux dépens de 1ère instance et d’appel.
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente