30 novembre 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01375

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30 novembre 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01375
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COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 30 Novembre 2022

N° RG 20/01375 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FO45

FK

Arrêt rendu le trente Novembre deux mille vingt deux

Sur APPEL d’une décision rendue le 08 Septembre 2020 par le Tribunal judiciaire de MOULINS (RG n°18/00779)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Monsieur François KHEITMI, Magistrat honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [I] [U]

Lieu-dit ‘[Localité 8]’

[Localité 1]

Représentant : Me Jean-Louis DESCHAMPS, avocat au barreau de MOULINS

APPELANTE

ET :

La société GAN ASSURANCES

SA immatriculée au RCS de Paris sous le n° 542 063 797 03356

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL CLF, avocats au barreau de TOULOUSE (plaidant)

EARL HARAS DU CHATEAU D’YGRANDE

EARL immatriculée au RCS de Cusset sous le n° 447 907 064 00029

Lieudit [Localité 7]

[Localité 2]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL CLF, avocats au barreau de TOULOUSE (plaidant)

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DÔME

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-Louis BAFFELEUF, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

ordonnance de caducité partielle en date du 10 juin 2021 confirmée par arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour d’appel du 30 novembre 2021

INTIMÉES

DEBATS : A l’audience publique du 05 Octobre 2022 Monsieur KHEITMI a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 30 Novembre 2022.

ARRET :

Prononcé publiquement le 30 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure – demandes et moyens des parties :

Le 12 mars 2016, Mme [I] [U] a été victime d’une chute de cheval dans les locaux de l’EARL Haras du Château d’Ygrande, alors qu’elle prenait un cours d’équitation organisé par cette entreprise. Ayant subi un traumatisme rachidien lombaire, elle a été transportée en urgence au CHU de Clermont-Ferrand, où une intervention chirurgicale a été réalisée.

Sur assignation de Mme [U], le juge des référés du tribunal de grande instance du Moulins, suivant une ordonnance du 29 novembre 2016, a prononcé une mesure d’expertise médicale, au contradictoire notamment de l’EARL Haras du Château d’Ygrande et de son assureur la SACA GAN Assurances. Par la même ordonnance, le juge des référés a rejeté une demande de provision présentée par Mme [U].

Le médecin expert le docteur [J] a établi son rapport d’expertise le 26 janvier 2017 ; il décrit et évalue les différents préjudices corporels subis par Mme [U].

Suivant acte extra-judiciaire du 30 novembre 2018, Mme [U] a fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Moulins, l’EARL Haras du Château d’Ygrande (l’EARL) et la société GAN Assurances, ainsi que la CPAM du Puy-de-Dôme en déclaration de jugement commun, aux fins d’obtenir la condamnation de l’EARL organisatrice du cours d’équitation et de son assureur à l’indemniser de ses préjudices.

Le tribunal judiciaire de Moulins, suivant jugement contradictoire du 8 septembre 2020, a débouté Mme [U] et la CPAM de l’ensemble de leurs demandes, a condamné Mme [U] aux dépens et au paiement de deux sommes de 1 000 euros à l’EARL et à son assureur, par application de l’article 700 du code de procédure civile, et a rejeté le surplus des demandes.

Le tribunal a énoncé, dans les motifs du jugement, que Mme [U] ne rapportait pas la preuve que le moniteur qui la dirigeait ne lui avait pas donné les directives et instructions appropriées, et qu’elle-même avait d’ailleurs pris l’initiative de débuter l’exercice hors la présence de ce moniteur.

Par déclaration reçue au greffe le 19 octobre 2020, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions.

À la suite d’un incident de procédure soulevé devant le magistrat de la cour d’appel chargé de la mise en état, la première chambre civile de la cour, à qui était déférée une ordonnance de ce magistrat du 10 juin 2021, a suivant un arrêt du 30 novembre 2021 confirmé la dite ordonnance en ce qu’elle avait prononcé la caducité de l’appel de Mme [U] à l’égard de la CPAM du Puy-de-Dôme, et dit que cette caducité ne s’étendait pas à l’appel formé à l’encontre de l’EARL et de son assureur, mais infirmé l’ordonnance en ce qu’elle avait déclaré recevable l’appel incident de la CPAM, et a déclaré cet appel incident irrecevable.

Mme [U] demande à la cour de réformer le jugement déféré, et de déclarer l’EARL entièrement responsable de l’accident, par application de l’article 1231-1 du code civil. Elle fait valoir qu’au moment de l’accident, le moniteur de l’EARL qui donnait le cours, M. [M] [G], l’avait laissée seule avec un autre élève, pendant qu’il accompagnait deux autres clients aux écuries et les aidait à desseller leurs chevaux, que cette absence du moniteur constitue une faute, et que d’ailleurs le cheval monté par Mme [U], dénommé Mac Milord, avait un comportement imprévisible, ayant déjà fait chuter un autre cavalier quelques jours auparavant. L’appelante demande à la cour de reconnaître son droit à réparation, et de renvoyer l’affaire devant le premier juge afin qu’il fixe le montant des indemnités ; à titre subsidiaire, elle demande à la cour de fixer elle-même ces indemnités, et de condamner l’EARL à les lui payer, sous la garantie de son assureur.

L’EARL et la société GAN Assurances concluent à la confirmation du jugement, et subsidiairement à un partage de responsabilité, selon lequel Mme [U] serait déclarée responsable de son préjudice à hauteur de 90 %. Elles exposent que l’EARL n’était tenue que d’une obligation de moyens, que son moniteur n’a commis aucune faute puisqu’il avait demandé à Mme [U] et à un autre élève de l’attendre pendant son absence momentanée, que c’est de sa propre initiative que Mme [U], sans respecter la consigne reçue, a mis son cheval au trot, provoquant son galop et la chute de la victime.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées sur le fond, le 24 juin 2021 et le 22 mars 2022.

Motifs de la décision :

Il convient, conformément à l’article 784 du code de procédure civile, auquel renvoie l’article 907 du même code, de révoquer l’ordonnance de clôture et de fixer la clôture des débats au jour de l’audience, vu l’élément nouveau constitué par un certificat de non pourvoi (contre l’arrêt du 30 novembre 2021), établi par le greffe de la cour de cassation le 25 août 2022, soit après l’ordonnance de clôture du 14 avril 2022.

Sur le fond  : ainsi que l’a énoncé le premier juge, l’EARL Haras du Château d’Ygrande, en sa qualité d’entreprise organisant des activités de sports équestres, n’était tenue que d’une obligation de sécurité de moyens.

Mme [U] reproche à l’EARL intimée de l’avoir laissée, le jour des faits, seule et sans encadrement, alors qu’elle était une cavalière débutante, et qu’elle montait un cheval au comportement imprévisible. Elle produit en ce sens, en photocopie, une attestation de M. [D] [E], autre cavalier client de l’EARL qui était présent lors de l’accident, et qui donne le témoignage suivant : « [M] [G] a pris quatre clients en balade de soixante minutes à 16 heures le 12 mars. Il y avait deux clients du Château et deux clients du club, Mme [U] et moi-même, nous prenions régulièrement les cours depuis six mois. Après la balade on est passés tous les cinq dans la grande carrière. [M] a accompagné les clients du Château aux écuries pour desseller leurs chevaux. Les écuries se trouvent à une cinquantaine de mètres de la carrière. Dans la grande carrière j’ai trotté et galopé mon cheval. [I] était derrière moi lorsque je l’ai aperçue tomber. »

Mme [U] verse aux débats d’autres attestations sur les circonstances et le déroulement de l’accident : celle du moniteur M. [M] [G] : « Après la balade il était prévu que je donnerais un cours à [I] et [D]. Donc en passant la grande carrière j’ai demandé à [I] et [D] de m’y attendre le temps que je puisse accompagner les autres clients aux écuries et desseller leurs chevaux avant de commencer le cours. Les écuries se trouvent à une cinquantaine de mètres de la carrière. Depuis là, j’étais étonné de voir les deux cavaliers mettent [sic] leurs deux chevaux au galop sans aucune autorisation de ma part. Avant que je puisse rien faire [I] était tombée à terre » ; et une seconde attestation de M. [E], souhaitant « apporter des précisions » : « ‘ ce samedi après la chute j’ai appelé [M] [G] (sur son téléphone portable) qui était hors de ma vue car il était aux écuries pour raccompagner les cavaliers qui étaient avec nous ce jour. Il a mis plusieurs minutes avant de nous rejoindre (il n’avait pas vu [I] tomber car trop loin de la carrière) et est retourné aux écuries pour chercher la voiture d'[S] [B] [‘] Je confirme également qu’au moment où [M] [G] est parti raccompagner les cavaliers qui étaient en balade avec nous, il nous a laissés dans la carrière sur nos chevaux sans consignes particulières. […] ».

L’appelante produit d’autre part le témoignage écrit de Mme [H] [A], autre cliente de l’EARL, qui déclare avoir vu, « le samedi suivant la chute de Mme [I] [U] », le cheval Mac Milord se coucher soudain au sol en faisant tomber son cavalier, avoir fait la remarque à la monitrice prénommée [O] que ce cheval était décidément dangereux, et s’être entendu répondre qu’il n’était « pas méchant mais imprévisible avec un caractère entêté », de sorte qu’il « valait mieux ne pas le faire monter par un débutant ».

Les intimées produisent de leur part deux attestations de Mme [W] [F] et de M. [K] [C], qui exposent qu’ils connaissent bien Mac Milord pour le monter régulièrement depuis des années, qu’il est « très bien dressé, très confortable et très gentil » (Mme [F]), « calme, doux et facile à monter car très obéissant », « très bien dressé » (M. [C]).

Mme [U], dans une lettre du 23 avril 2016, versée elle aussi par les intimés, a relaté les faits comme suit : « le moniteur [M] [G] nous avait laissé, [D] (un autre cavalier) et moi, seuls dans la carrière afin que nous puissions nous exercer à mieux maîtriser notre cheval, exercices impossibles à faire lors d’une balade et qui sont pour moi le motif de mon inscription au haras. Ce jour, une promenade s’était faite avec un couple peu habitué à l’équitation et de retour au haras, [M] l’a raccompagné aux écuries, et [D] et moi avions commencé quelques exercices, seuls dans la carrière avec notre cheval. Le mien, Mac Mylord, s’est mis au trot à ma demande puis au galop spontanément et est devenu ensuite incontrôlable, et en fin de de ligne au moment du virage, a fait une ruade et m’a éjectée de ma monture ».

Il ressort de ces éléments de preuve, malgré certaines discordances (notamment sur le point de savoir si M. [G] a ou non assisté à la chute de Mme [U], et s’il a ou non expressément demandé à celle-ci d’attendre son retour avant toute action), que c’est de leur propre initiative que Mme [U] et M. [E] ont mis leur cheval respectif en mouvement, en l’absence du moniteur, provoquant ainsi l’emballement du cheval monté par Mme [U], et la chute de celle-ci ; les deux cavaliers, qui détenaient déjà une certaine expérience puisqu’ils pratiquaient l’équitation depuis environ six mois, ne pouvaient ignorer que le cours ne pouvait commencer qu’en présence du moniteur : ils se devaient d’attendre le retour de M. [G], qui n’avait pas l’obligation de rester constamment en leur présence, et qui n’était pas non plus tenu de leur donner de consigne particulière ‘ celle notamment d’attendre son retour, mesure de sécurité qui s’imposait d’elle-même -, d’autant que, selon les témoignages produits par les intimés, contraires à ceux versés par l’appelante, le comportement du cheval Mac Mylord ne présentait pas de risque particulier.

C’est à bon droit que le tribunal, considérant que Mme [U] avait eu elle-même un comportement imprudent en débutant les exercices de son propre chef, malgré les risques inhérents à la pratique de l’équitation, a énoncé que l’EARL n’avait pas manqué à son obligation de sécurité, et que sa responsabilité n’était pas engagée. Il convient de confirmer le jugement, en toutes ses dispositions.

Il n’est pas contraire à l’équité de laisser à chacune des parties la charge des frais d’instance non compris dans les dépens, exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS, et par ceux du premier juge :

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition des parties au greffe ;

Révoque l’ordonnance de clôture, et fixe la clôture des débats au 5 octobre 2022 ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions déférées à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [U] aux dépens d’appel ;

Rejette le surplus des demandes.

Le greffier, La présidente,

.

 


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