15 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/15165

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15 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/15165
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

(n° , 24 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/15165 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHVW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juillet 2021 – Tribunal de Commerce d’Evry RG n° 2020L02070

APPELANT

Monsieur [B] [L]

né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 9] (03)

[Adresse 3]

[Adresse 5]

Représenté par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Représenté par Me Julien DUPUY, avocat au barreau de l’ESSONNE, avocat plaidant

INTIMEES

Madame [W] [P]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (95)

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Martial JEAN de la SELARL NABONNE-BEMMER-JEAN, avocat au barreau de l’ESSONNE, avocat postulant

Représentée par Me Dominique MARTIN, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, avocat plaidant

S.E.L.A.R.L. MJC2A, en la personne de Me [V] [T]

en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS BODYGUARD

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Julien ANDREZ de la SCP AyacheSalama, avocat au barreau de PARIS, toque : P334, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame Anne-France SARZIER, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Exposé des faits et de la procédure

La société BODYGUARD, spécialisée dans le domaine de la surveillance et du gardiennage, a été immatriculée le 24.03.1993. Sa forme juridique initiale était celle d’une SARL puis elle est devenue une SA en juillet 1999 et enfin une SAS selon décision des actionnaires publiée en février 2011.

Le 11 avril 2018, M. [RB] [O], alors dirigeant de la société Bodyguard a déposé une déclaration de cessation des paiements.

Par jugement en date du 16 avril 2018, le tribunal de commerce d’Évry a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société BODYGUARD. La date de cessation des paiements a été fixée au 16 octobre 2016 et la SELARL MJC2A, prise en la personne de Maître [V] [T], a été nommée mandataire liquidateur de la société.

La société BODYGUARD a eu comme dirigeants de droits successifs M. [B] [L] du 25 mars 2007 jusqu’au 31 mai 2015, puis Mme [W] [P] de 1er juin 2015 au 9 octobre 2017 et enfin M. [RB] [O] à partir du 9 octobre 2017 et jusqu’à la liquidation de la société.

Par jugement en date du 31 mars 2015, le tribunal correctionnel d’Évry a, pour des faits de recours à un travail dissimulé commis entre le 23.08.2008 et le 31.12.2009 et de blanchiment aggravé commis entre le 23.08.2008 et le 23.03.2013, entre autres personnes, condamné la société Bodyguard au paiement d’une amende de 150.000€ et à la confiscation d’un véhicule BMW et condamné Monsieur [L] à titre de peine principale à la confiscation d’une moto Ducati, une Ferrari Italia, une Ferrari Berlinetta, une Dodge Caliber, le solde d’un compte bancaire CE de 431.551€ et le solde d’un compte bancaire Barclays de 324.003,94€.

La Cour d’Appel de Paris a, par un arrêt en date du 28 février 2017, confirmé ce jugement et a en outre condamné la société Bodyguard à la peine complémentaire de deux ans d’exclusion des marchés publics et condamné M. [L] à une peine complémentaire de 5 ans d’interdiction de gérer.

Par arrêt en date du 16 janvier 2019, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.

Saisie sur renvoi, la Cour d’Appel de Paris a, par un arrêt en date du 11 janvier 2021, relaxé la société Bodyguard et M. [L] des faits de blanchiment en application du principe ” ne bis in idem ” et confirmé la culpabilité de la société Bodyguard et de M. [L] concernant l’infraction de travail dissimulé, condamnant la SAS Bodyguard à une peine de 10.000 euros d’amende au regard de sa liquidation judiciaire et Monsieur [L] à une peine de 30.000 euros étant précisé que les biens et sommes d’argent confisqués lui ont été restitués.

Par ordonnance en date du 30 juillet 2018, le Juge commissaire a désigné le cabinet d’expertise comptable In Extenso avec pour mission d’établir un historique sur les conditions dans lesquelles l’exploitation de la société Bodyguard s’est déroulée. Le cabinet In Extenso a établi son rapport le 27 mars 2019.

Aux termes des opérations de liquidation, le passif s’élevant à 13.174.171,13€, tandis que l’actif réalisé ou recouvré par le mandataire liquidateur a été de 4.420.473€, l’insuffisance d’actif s’est établie à un montant de 8.753.698€.

Par assignation en date des 8 et 14 octobre 2020, la SELARL MJC2A prise en la personne de Maître [V] [T] a assigné M. [B] [L] et Mme. [W] [P] devant le tribunal de commerce d’Évry pour responsabilité en insuffisance d’actif.

Par jugement en date du 30 juillet 2021, le tribunal de commerce d’Evry a :

– débouté la SELARL MJC2A de ses demandes à l’encontre de Mme [P]

– condamné M. [B] [L] à payer à la SELARL MJC2A prise en la personne de Maître [V] [T] es-qualités, la somme d’un million d’euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif, outre 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [B] [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 2 aout 2021.

La SELARL MJC2A, prise en la personne de Maître [T], a formé un appel incident aux fins de voir infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes concernant Mme [P] et en ce qu’il n’a condamné M. [L] qu’au versement d’1 million d’euros.

*****

Dans ses dernières conclusions, signifiées à la Cour par voie électronique le 15 mars 2022, M. [B] [L] demande à la Cour de :

Vu les articles L653-1 a’ L653-8 du Code de Commerce et 1240 du Code civil,

Vu les pièces versées au débat,

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce d’EVRY en date du 30 juillet 2021 en ce qu’il a :

– condamné Monsieur [B] [L] à payer à la SELARL MJC2A prise en la personne de Maître [V] [T] es qualité la somme de 1.000.000 d’euros

– condamné Monsieur [B] [L] à payer à la SELARL MJC2A prise en la personne de Maître [V] [T] es qualité la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC

Statuant à nouveau

– Débouter la SELARL MJC2, prise en la personne de Maître [V] [T], es qualité de liquidateur judiciaire de la société BODYGUARD de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de Monsieur [B] [L].

– Condamner la SELARL MJC2, prise en la personne de Maître [V] [T], es qualité de liquidateur judiciaire de la société BODYGUARD à payer à Monsieur [B] [L] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL TAZE-BERNARD ALLERIT, en la personne de Maître Éric ALLERIT, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, signifiées à la Cour par voie électronique le 6 janvier 2022, la SELARL MJC2A, prise en la personne de Maître [V] [T] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bodyguard, demande à la Cour de :

Vu les articles L.651-1 et suivants, L.653-4, L.653-8 du Code de commerce,

Vu les pièces versées au débat,

CONFIRMER le jugement rendu le 30 juillet 2021 par le Tribunal de commerce d’Evry en ce qu’il a :

– dit que Madame [P] avait la qualité de dirigeante de droit de la société Bodyguard de juin 2015 à octobre 2017 :

– dit que Monsieur [B] [L] avait la qualité de dirigeant de droit de la société Bodyguard jusqu’en mars 2015 puis de dirigeant de fait à compter de cette date ;

– dit que Monsieur [B] [L] a, par la commission d’infractions pénales, commis des fautes de gestion à l’origine de l’insuffisance d’actif et l’a condamné à supporter pour partie l’insuffisance d’actif de la société Bodyguard

RECEVOIR la Selarl MJC2A, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bodyguard et en son appel incident,

RÉFORMER le jugement rendu le 20 juillet 2021 pour le surplus et :

Constater l’existence de fautes de gestion à l’origine de l’insuffisance d’actif de la société Bodyguard imputables à Madame [P] seule, à savoir :

” Absence de suivi des formations du personnel faisant courir un risque de fermeture de la société en cas de contrôle,

” Mauvais suivi du recouvrement des créances clients de la société mettant la société en difficulté sur sa trésorerie et entrainant des coûts financiers conséquents,

” Dénigrement du nouveau président auprès du LCL à l’origine d’une rupture de relation avec cette banque,

” Absence de révision annuelle des prix pratiqués par la société qui a entrainé un manque à gagner alors que les salaires ont été revalorisés, accentuant les problèmes de trésorerie,

” Augmentation du salaire de Madame [P] de 6.301 à 7.900 euros par mois sans ratification des actionnaires et défaut du respect de l’article 15 des statuts de la société Bodyguard alors même que le chiffre d’affaires était en recul de 30%,

” Absence de réponse aux appels d’offre ou réponses incohérentes entrainant une baisse des marchés remportés et par conséquent du chiffre d’affaires,

” Mauvaise planification des agents dont certains étaient inoccupés tandis que d’autres étaient payés en heures supplémentaires, augmentant ainsi les coûts salariaux,

” Laxisme dans la gestion du personnel avec des remontées nombreuses d’insatisfaction des clients et pertes de marchés (par exemple la RATP)

” Choix délibéré de ne pas régler les cotisations URSSAF, ce qui aurait pu aboutir à la fin de l’activité de la société, cette dernière n’étant alors plus en mesure de fournir d’attestations URSSAF alors que son portefeuille clientèle était constitué à 95% de marchés publics,

” Prêt constitutif d’une convention interdite consenti à Madame [P] par la société Bodyguard

Constater l’existence de fautes de gestion à l’origine de l’insuffisance d’actif imputables tant à Madame [P] qu’à Monsieur [L], à savoir :

” Distribution de dividendes à hauteur de 1.943.000 euros,

” Paiements extérieurs à l’objet social,

” Tenue d’une comptabilité incomplète ;

EN CONSÉQUENCE :

Condamner Monsieur [B] [L] à payer à la Selarl MJC2A, prise en la personne de Maître [V] [T], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Bodyguard, la somme de 8.753.698 euros ou une somme moindre qu’il appartiendra à la Cour de fixer avec un minimum de 1.000.000 euros, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation ;

Condamner Madame [W] [P] à supporter solidairement avec Monsieur [B] [L] le comblement de l’insuffisance d’actif de la société Bodyguard dans des proportions qu’il appartiendra à la Cour de fixer ;

Condamner Madame [W] [P] et Monsieur [B] [L] à payer une somme de 3.000 euros à la Selarl MJC2A, prise en la personne de Maître [V] [T], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Bodyguard, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Et les condamner aux entiers dépens.

*****

Dans ses dernières conclusions, signifiées à la Cour par voie électronique le 16 mars 2022, Mme [W] [P] demande à la Cour de :

Déclarer M. [B] [L] recevable, mais mal fondé, en son appel ce qu’il conteste vainement sa qualité de dirigeant de fait.

Déclarer Maître [V] [T] ès qualités mal fondé en son appel incident.

Débouter le ministère public de ses demandes en ce qu’elle concerne la concluante.

Vu l’article L. 651-2 du code de commerce,

Confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu’il déboute la SELARL MJC2A, en la personne de Maître [V] [T], ès qualités, de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la concluante.

Condamner M. [B] [L] à payer la somme de 5 000 euros à Mme [P], par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens.

*****

Dans son avis en date du 18 février 2022, le ministère public demande à la Cour à titre principal de réformer la décision du 30 juillet 2021 rendue par le tribunal de commerce d’Évry et sollicite la condamnation solidaire de Madame [W] [P] et de Monsieur [B] [L] au comblement de l’insuffisance d’actif à hauteur d’un montant compris entre un million et 8.753.698€, selon l’appréciation de la Cour.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualité de dirigeant de droit de Monsieur [L]

Il n’est pas contestable ni contesté, que Monsieur [L] a été dirigeant de la société BODYGARD du 7 mars 2007 au 31 mai 2015.

Il était donc dirigeant au moment de la commission des faits délictuels qui ont entrainé sa condamnation et la condamnation de la société BODYGUARD pour des faits de travail dissimulé.

Sur la qualité de dirigeant de fait de Monsieur [L]

Le jugement de première instance a retenu que la gestion de la société BOGYGUARD avait été partagée entre juin 2015 et le 9 octobre 2017 entre Mme. [W] [P] et M. [B] [L], la première agissant en tant que dirigeante de droit, et le second en qualité de dirigeant de fait après avoir abandonné ses anciennes fonctions de dirigeant de droit.

M. [B] [L] conteste son statut de dirigeant de fait. Il rappelle que conformément à une jurisprudence constante, la qualification de dirigeant de fait doit se caractériser par l’exercice en toute liberté et indépendance, seul ou en groupe, de façon continue et régulière, d’activités positives de gestion et de direction engageant la société, et qu’aucune de ces conditions n’est caractérisée à son égard à compter du 31 mars 2015, date de sa démission de sa fonction de dirigeant de droit de la société BODYGUARD.

Sur sa participation à la prise de décision au sein de la société : M. [L] fournit plusieurs comptes rendus de réunions d’exploitation de la société de 2015 à 2017 desquels il ressortirait qu’il n’a jamais été présent ni associé à la moindre décision. Il soutient de plus que le fait que le service comptable lui ait adressé deux mails ” insignifiants ” sur la situation comptable de la société en 2017 sans qu’il ne l’ait demandé ne saurait constituer un acte positif de gestion de sa part

Sur la gestion du personnel et le pouvoir de décision sur les salariés : M. [L] affirme n’avoir ni embauché, ni licencié, ni participé à la moindre décision relative au personnel, s’appuyant sur plusieurs documents mettant en évidence que seule Mme. [P] était en relation avec les organisations syndicales.

Sur la signature de contrats et la relation avec les clients : M. [L] fait valoir qu’il n’entretenait plus à partir de mars 2015 la moindre relation directe avec des clients de la société BODYGUARD, et fournit à nouveau plusieurs documents visant à attester que seule Mme. [P] avait le pouvoir de prendre des engagements contractuels.

Sur le lien avec le service juridique de la société : M. [L] affirme que seule Mme. [P] était en contact avec le service juridique de la société. La partie adverse tend à contredire cette affirmation en s’appuyant sur un courriel en date du 22 septembre 2017 envoyé par le service à M. [L], ce que celui-ci conteste, affirmant que l’envoi de ce courriel n’avait pas été sollicité de sa part et constituait un cas isolé. Il ajoute que les courriels présentés par Mme [P] comme démontrant que le service juridique ne rendait des comptes qu’à M. [L] ne prouvent rien puisque l’adresse électronique utilisée n’était pas valide au moment des faits.

M. [L] insiste du reste sur les relations particulièrement délétères entre lui et Mme. [P], son ancienne compagne, et souligne que dans ce contexte, il semble invraisemblable que Mme [P] ait consenti la moindre délégation de pouvoir à son égard. M. [L] fournit en outre de très nombreux témoignages des salariés de la société Bodyguard, aux fins de confirmer que Mme [P] était bien la seule et unique dirigeante de la société. M. [L] s’appuie enfin sur une déclaration de M. [O], dirigeant de droit après la démission de Mme. [P], qui indique que M. [L] ne disposait pas de badge ou de clé et qu’il n’était jamais présent dans les locaux de la société.

Le ministère public rappelle que la jurisprudence a établi qu’un rôle de dirigeant de fait pouvait être révélé par la réunion d’un faisceau d’indices concordants comme la signature bancaire, la signature des documents commerciaux et administratifs ou la gestion effective de contrats d’importance avec les clients. Il estime que ce rôle de dirigeant de fait ne pose pas question dans le cas de M. [L] puisqu’il n’y a selon lui pas de doute que c’est bien M. [L] qui communiquait avec le service comptable, le service juridique et que c’est lui qui contrôlait la gestion effective des relations avec les syndicats ou l’inspection du travail.

Le mandataire judiciaire expose que Monsieur [L] a repris la présidence de la société Bodyguard en mars 2007 et n’a démissionné que du fait de sa condamnation par le tribunal correctionnel d’EVRY, qu’il a cependant continué à gérer la société comme l’a retenu la cour d’appel de PARIS dans son arrêt du 11.01.2021, que les éléments versés aux débats par Mme [P] démontre qu’elle intervenait sous le contrôle et la direction de Monsieur [L]. Il fait également référence à la délégation de pouvoir précitée au terme de laquelle les pouvoirs Madame [W] [P] sont fortement limités par Monsieur [B] [L], au fait que le service comptable et juridique ne communiquait qu’avec Monsieur [B] [L], celui-ci avait seul la gestion effective des relations avec les syndicats ou l’lnspection du travail et expose que si les documents importants ne sont pas signés par Monsieur [B] [L], cela ne démontre rien puisque c’est au dirigeant de droit qu’appartient le rôle de les signer.

Mme [P] fournit de nombreux témoignages visant à établir l’omniprésence de M. [L] dans les locaux de la société Bodyguard. Elle met en avant que M. [L] exigeait d’être en permanence tenu au courant du fonctionnement de la société et qu’il avait pour habitude de s’emporter lorsque cela n’était pas fait.

Sur ce

Il ressort des attestations établies soit par des salariés, soit par des cocontractants, et par les pièces produites que Monsieur [L] était présent de façon sinon permanente du moins très importante dans les locaux de la société après sa démission et a exercé des fonctions de direction en toute indépendance:

Monsieur [E] (pièce 9 de Mme [P]) directeur ” secteur privé ” de la société Bodyguard expose qu’il a travaillé pour la société de septembre 2015 à septembre 2016 et indique que Monsieur [L] prenait seul les décisions. Il relate un entretien en juin 2016 avec celui-ci, en l’absence de Mme [P], au cours duquel Monsieur [L] lui a indiqué qu’il était le seul patron de la SAS Bodyguard ;, que les employés du groupe LM et Fils étaient également les employeurs de Monsieur [E] et que celui-ci devait suivre leurs instructions. Il relate que le lendemain Monsieur [L] lui a reproché le non respect de ses consignes de la veille et a eu un geste physique à son encontre qui a eu pour conséquence son arrêt de travail, puis sa démission dans la mesure où la présence permanente de Monsieur [L] dans les locaux de la SAS Bodyguard et l’incapacité de Mme [P] à assurer sa sécurité ne lui permettaient de se présenter dans les locaux.

Madame [D] épouse [J] (pièce 11-6), qui était au service juridique de la société, indique dans son attestation que lors de ses fonctions chez Bodyguard de juin 2014 à décembre 2017 elle a pu constater à plusieurs reprises l’intervention de Monsieur [L] sur certains sujets majeurs de l’entreprise, qu’il est notamment intervenu lors de la négociation annuelle obligatoire de 2016 pour laquelle il lui avait demandé par courriel des informations sur le suivi de cette NAO précisant qu’il avait donné des conditions, à savoir rédiger ou modifier l’accord d’entreprise.

Elle expose qu’il est arrivé à Monsieur [L] de participer ou d’animer des réunions au sein de Bodyguard comme le 22.09.2017 où il a clairement indiqué que si nous n’étions pas d’accord avec sa gestion nous pouvions démissionner

S’agissant de l’intervention de Monsieur [L] dans les NAO cette intervention est établie par les mails produits (pièce 7 de Mme [P]) adressés à l’adresse [Courriel 11] qui existait à l’époque des envois et qui était utilisée selon l’attestation de Mme [M]:

– Le 15.11.2016 à 9h35 Monsieur [L] demande à Mme [J] où elle en est s’agissant des NAO

– Réponse de Mme [J] à 9h42 qui lui envoie la mouture quasi définitive en pièce jointe en lui précisant que l’accord doit être présenté au CE et au CHSCT le jour même et signé la semaine suivante

– Réponse de Monsieur [L] à 10h16 : merci pour ce retour rapide mais il me semble que ce protocole devait passer dans mes mains pour une formulation précise ‘ tant vous que Mme [P] étaient informées.

– Réponse de Mme [J] à 11h52 : il n’est pas encore définitif, je pensais vous le transférer après éventuelles modifications ou amendements cet après midi

– Réponse de Monsieur [L] à 12h15 : pensez vous un seul instant Madame que je peux modifier cela en une ou deux heures ‘ non, que l’on ne vienne pas me voir ensuite pour me dire que ” vous rencontrez ” des problèmes avec cette NAO’ nous semble quand vous avez rencontré des problèmes avec les heures supplémentaires j’ai été sollicité pour apaiser la situation et trouver une solution, sans être anorexique du cerveau il me semble que j’avais donné mes conditions à savoir que le protocole d’accord devait être rédigé ou modifié par moi.

Vous avez décidé de faire cavalier seul continuer maintenant sur ce sujet, me décharge complétement de ce dossier.’

Madame [X], responsable de la planification, indique dans son attestation qu’elle a été embauchée par Mme [P] mais que cependant il s’est avéré que Monsieur [L] donnait toutes les consignes pour le service dont elle avait la responsabilité, imposant sa présence au quotidien dans les bureaux il distillait toutes ses demandes à chaque service. A plusieurs reprises Monsieur [L] s’est installé en salle de réunion et a pris la place de Mme [P] pour présider la réunion hebdomadaire nous indiquant la marche à suivre et action à mener. A qui devions nous réellement rendre compte si mme [P] donnait des consignes et que Monsieur [L] pensait autrement nous avions l’ordre de ne pas tenir compte de la décision de Madame [P].

Monsieur [RX] [U], responsable d’exploitation, atteste que lors de son activité au sein de Bodyguard il a pu assister à des réunions animées par Monsieur [L] notamment la réunion du 21 septembre 2017 ou encore celle du 20 octobre 2017 après laquelle d’ailleurs Monsieur [L] l’a reçu en entretien individuel.

Monsieur [G], responsable d’exploitation, explique dans son attestation que Monsieur [L] était très présent au sein des bureaux de Bodyguard et venait assez souvent lors des réunions d’exploitations au cours desquelles il faisait des commentaires, qu’une fois qu’il avait montré que c’était bien lui le chef il partait dans son bureau et la réunion d’exploitation pouvait reprendre. Il expose par ailleurs que Mme [P] ne pouvait pas réellement diriger la société avec l’omniprésence de Monsieur [L].

Madame [S], hôtesse d’accueil, atteste de la présence régulière de Monsieur [L] dans les locaux de la société expliquant, ce qui accrédite de façon très forte son témoignage, que celui-ci lui demandait d’écrire sur des cartes postales à sa fille de 9 ans habitant dans le sud quotidiennement, pour son compte.

Elle atteste qu’après la démission de Madame [P] Monsieur [L] lui a demandé de lui passer les appels ” direction ” sur son portable le temps de la nomination d’un nouveau président, que Monsieur [L] a alors effectué tous les entretiens d’embauche, collectifs et individuels, les candidats lui ayant demandé ensuite qui était la personne qui les avait reçu en entretien puisqu’il ne s’était pas présenté. Elle atteste que suite à nomination de Monsieur [O] Monsieur [L] venait dans les bureaux pour expliquer à celui-ci les démarches à suivre.

Enfin Monsieur [Y] qui était dirigeant d’une société de conseil qui a effectué plusieurs mission de conseil en ressources humaines pour le compte de Bodyguard expose dans son attestation que les premiers contrats ont été signés en 2012 avec Monsieur [B] [L] agissant en qualité de PDG, que de nombreuses réunions se sont tenues jusqu’à la dernière intervention de sa part et de la part de son associé, en mars 2017 qui a vu l’interruption de leurs prestations à la demande de Monsieur [L].

Il ajoute qu’il leur semblait évident que Monsieur [L] dirigeait effectivement la société Bodyguard en qualité de président prenant les décisions importantes et que Mme [P] assurait le fonctionnement au quotidien comme le fait un directeur général.

Il résulte de ces différentes attestations la preuve que Monsieur [L] s’est comporté comme le dirigeant de la société Bodyguard après sa démission le 31.05.2015 : il a continué à être présent régulièrement sinon quotidiennement dans les locaux de la société et s’est présenté à divers responsables de la société comme étant le dirigeant, et leur imposant de suivre ses directives si elles étaient contraires à celles de Mme [P] (attestations [E], [J], [X]).

La preuve est également rapportée qu’il exerçait des prérogatives relevant de la direction de la société s’agissant d’intervenir dans des réunions de direction, voire de les présider (attestations [X], [U] et [G]), de mettre fin à des contrats avec des prestataires (attestation [Y]), de s’immiscer dans le processus de négociation annuelle des salaires (attestation [J]) et de procéder au recrutement des salariés (attestations [S]) ou de se positionner en tant qu’autorité hiérarchique des salariés (attestations [U] et [E]).

Ce comportement de dirigeant s’est poursuivi après la démission de Mme [P] puisqu’il a procédé aux entretiens de recrutement des salariés et a présidé des réunions d’exploitation.

Les attestations que Monsieur [L] versent aux débats pour rapporter la preuve contraire ne résistent pas à l’examen :

Pour une partie elles sont établies par des personnes qui n’avaient pas de fonctions de responsabilité mais étaient des agents d’exécution s’agissant de Monsieur [Z], de Madame [N], et de Mme [A] qui n’étaient donc pas en relation directe avec les membres de la direction mais étaient sous l’autorité de Mme [X].

Par ailleurs s’agissant des attestations :

– de Monsieur [F] qui était chargé d’établir l’ensemble des comptes rendus des réunions d’exploitation et qui atteste que Monsieur [L] n’a jamais pris part auxdites réunions

– de Monsieur [K], de Mme [C] et de Mme [I] qui participaient aux réunions d’exploitation

elles sont en complète contradiction avec les attestations établies par Monsieur [E], Monsieur [G], et Mme [X] qui assistaient aux mêmes réunions et qui ont indiqué le contraire. Or il convient d’interpeller la validité des faits ainsi attestés au regard de l’attestation de Mme [S] qui retrace une réunion organisée par Monsieur [L] au cours de laquelle celui-ci a menacé tout le personnel de payer 2.000.000 euros d’indemnités si on portait plainte contre lui.

Il convient également d’examiner la véracité de ces attestations au regard du comportement de Monsieur [L] qui est décrit comme humiliant, dénigrant, moqueur, voire agressif à la lecture des attestations des mesdames [S] et [X] et de messieurs [E] et [G], Mme [J] pour sa part faisant part de propos tenus par Monsieur [L], après le départ de Mme [P], qui indiquait que les salariés qui n’étaient pas d’accord avec sa gestion pouvaient démissionner.

Le comportement difficile de Monsieur [L] est enfin attesté par Monsieur [H] responsable des moyens généraux dans la société IFSTTAR, client de Bodyguard, qui explique que Mme [P] assurait uniquement les relations commerciales et avait toujours été à l’écoute de leurs demandes professionnelles qu’elle s’efforçait de satisfaire avec diligence et professionnalisme et que la relation avec Monsieur [L] était très tendue et il était difficile d’échanger avec lui.

Par ailleurs la rédaction des attestations établies par Monsieur [K], Mme [C] et Madame [I] est quasi identique et ne traite que de la présence de Monsieur [L] aux réunions d’exploitation et au fait qu’il ne donnait pas d’ordre direct alors que les attestations établies par Mesdames [X], [J], [S] et Messieurs [E], [U], et [G] sont détaillées, font en partie état de faits similaires (la présence régulière et intempestive dans les réunions d’exploitation, le fait qu’il s’est positionné comme étant le dirigeant en lieu et place de Mme [P]) mais également relate de nombreux faits qui ont été vécus par chacun des attestants, ce qui accrédite leur véracité.

S’agissant de l’attestation de Monsieur [R] [PF] comptable qui explique que Monsieur [L] a quitté la présidence de la société au 1er semestre 2015 et depuis cette date n’a jamais donné d’instruction directe ou indirecte concernant la société Bodyguard elle vient en contradiction flagrante :

– d’une part avec le versement aux Ecuries [L] Racing de la somme de 27540 euros le 20.09.2017, somme sur laquelle Madame [P] a demandé des explications à Monsieur [R] le 3.10.2017, démontrant qu’elle n’était pas à l’origine de ce virement, et qui a été remboursé par les Ecuries [L] Racing ainsi que l’indique Monsieur [L] le 10.10.2017,

– d’autre part avec le fait que Monsieur [R] [PF] a adressé le 2.10.2017 un point sur la trésorerie, ce qui démontre a minima que Monsieur [L] continuait à avoir des relations avec les salariés de la société alors même qu’il n’y exerçait plus aucune responsabilité de droit.

Il convient donc de l’écarter.

L’organisation du virement de la société Bodyguard aux Ecuries [L] Racing contesté par Mme [P] démontre par contre que Monsieur [L], seul intéressé dans la réalisation de ce virement pour le compte d’une société qui n’avait pas de lien contractuel avec la société Bodyguard, ni de lien capitalistique, avait des pouvoirs de direction financier de la société puisqu’il pouvait ordonner des virements à des tiers.

Enfin s’agissant de l’attestation de Monsieur [O] sa rédaction est à charge concernant Mme [P] alors qu’aucun élément factuel ne vient établir la réalité de ce qu’il indique comme il sera vu ci-dessous. Au regard de son caractère non probant concernant Mme [P] il existe un doute concernant la partie attestant du comportement de Monsieur [L] imposant dans ces conditions que l’attestation soit écartée.

En conséquence les éléments versés aux débats par Monsieur [L] ne combattent pas utilement les éléments produits permettant d’établir que Monsieur [L] s’est comporté comme le dirigeant de la société à compter de sa démission jusqu’au 20.10.2017 dernière date pour laquelle des éléments attestant de l’immixtion de Monsieur [L] dans la gestion de la société ont été versés.

Il convient donc de retenir la direction de fait de Monsieur [L] du 1.06.2015 au 20.10.2017.

Sur la qualité de dirigeant de droit de Mme [P]

Mme [W] [P] ne conteste pas son statut de dirigeante de droit de juin 2015 au 9 octobre 2017, mais estime néanmoins avoir eu des pouvoirs extrêmement restreints.

Elle affirme notamment qu’elle ne pouvait engager des dépenses d’investissement que dans la limite du budget validé par M. [L] et qu’elle ne pouvait encaisser sur les comptes de la société aucune somme due à la société ni payer les sommes dues que dans une limite de 150.000€ mensuelle, ce qui atteste selon elle de ses pouvoirs restreints.

Elle ajoute avoir été volontairement tenue à l’écart par M. [L] sur de nombreux points de gestion de la société. Elle affirme notamment que le service comptable ne remettait ses travaux d’analyse et ses prévisions qu’à M. [L], et qu’elle n’avait donc aucune emprise sur tous les éléments comptables de la société, de sorte qu’il est impossible de lui imputer la moindre faute de gestion dans ce domaine.

Le liquidateur expose que Mme [P] était dirigeante de droit et exerçait a minima ses fonctions de PDG.

Le ministère public expose que la qualité de dirigeante de droit de Mme [P] n’est pas contestée même si celle-ci avait de pouvoirs limités puisque la délégation de pouvoir qui lui avait été consenti plafonnait ses dépenses d’investissement dans la double limite du budget prévisionnel validé annuellement par Monsieur [L] et à un million d’euros et l’empêchait d’encaisser sur les comptes de la société aucune somme due à la société, ni payer celles qu’elle devait dans la limite de 150.000 euros par mois.

Sur ce

La qualité de dirigeante de droit de Mme [P] ne fait pas débat et le fait qu’elle ait été limitée dans sa direction au regard de la délégation de pouvoir qui lui a été accordée et de la direction de fait de Monsieur [L] n’est pas de nature à la dispenser de sa responsabilité pour les éventuelles fautes commises dans le cadre de son mandat de dirigeante de droit.

Sur les fautes de gestion reprochées conjointement à M. [B] [L] et Mme [W] [P]

Sur la comptabilité incomplète

Le tribunal de commerce a écarté cette faute.

Le ministère public affirme que l’expert du cabinet In Extenso n’a disposé que de très peu de documents pour réaliser son expertise, et estime que cette non-communication de documents provient du fait que la comptabilité n’a jamais été réalisée, que d’ailleurs aucune comptabilité n’a été produite par les dirigeants à quelque moment de la procédure.

Le mandataire judiciaire ajoute que l’expert n’a pas pu récupérer les fichiers informatiques de la comptabilité et qu’aucune édition ne figurait dans les archives.

Mme [P] souligne que le rapport d’expert ne fait aucune mention d’une comptabilité incomplète. Elle ajoute que Maître [T] ne produit aucune preuve tendant à démontrer l’incomplétude de la comptabilité. Elle rappelle également avoir été tenue à l’écart par M. [L] de la gestion comptable de la société et qu’un éventuel manquement aux obligations comptables ne pouvaient donc pas lui être imputé.

M. [L] met quant à lui en avant le fait que la société Bodyguard disposait d’un service comptable autonome ainsi que d’un commissaire aux comptes dont le rôle était de certifier la régularité et la sincérité des comptes, ce qu’il n’a pas manqué de faire, et que rien ne pouvait donc suggérer que les comptes pouvaient être erronés, incomplets ou insincères.

Sur ce

Le rapport du cabinet In Extenso fait valoir des difficultés pour récupérer les archives comptables de la société, et expose que l’expert s’est adressé au cabinet d’expertise comptable qui lui a indiqué qu’il n’avait qu’une mission de révision des comptes et non de tenue comptable et ne disposait donc pas de l’intégralité des livres comptables.

Cependant le cabinet In Extenso a pu travailler sur les plaquettes et détails des comptes, les liasses fiscales, les journaux, ce qui démontre qu’une comptabilité était tenue et que celle-ci était suffisamment complète pour permettre d’avoir une image fidèle de la société.

Madame [P] et Monsieur [L] ne sont pas responsables de la disparition après l’ouverture de la procédure collective, des pièces comptables de la société, dont en outre ils ne pouvaient assurer la transmission n’étant plus dirigeants.

En conséquence cette faute n’est pas caractérisée.

Sur la distribution de dividendes à hauteur de 1.943.000€ au bénéfice notamment de la société LM & FILS :

Le tribunal a rejeté cette faute.

Le ministère public estime que cette distribution s’apparente à un remboursement de compte courant d’associé et rappelle qu’il est de jurisprudence constante que le retrait d’un compte courant d’associé qui a connaissance des difficultés financières de la société et privilégie sa situation personnelle peut constituer une faute de gestion, qu’en l’espèce, la société Bodyguard était détenue à 87,5% par la société LM & FILS, elle-même détenue à 75% par Monsieur [B] [L]. Celui-ci a donc bien favorisé ses intérêts personnels au détriment de la société.

Le mandataire judiciaire explique qu’il ressort du rapport d’expertise que la société Bodyguard versait à la société LM & Fils des sommes qui servaient à financer le fonds de roulement de cette dernière, qu’il semblerait qu’une convention de trésorerie existait entre les sociétés Bodyguard et LM & Fils, qu’il résulte toutefois du rapport d’expertise que les fonds versés par Bodyguard n’étaient ni placés, ni rémunérés, ce qui est normalement l’objet d’une convention de trésorerie dans un groupe de société, que la société LM & Fils disposait ainsi au sein de la société Bodyguard d’un compte courant à hauteur de 609.397 euros au 31/12/2014, 1.165.567 euros au 31/12/2005, 1.690.567 euros au 31/12/2016, que le 29 juin 2017, soit au cours de la période suspecte, la société LM & Fils a bénéficié d’une distribution de dividendes à hauteur de 1.700.125 euros, que cette écriture de distribution de dividendes extrêmement élevée a opportunément permis de solder les comptes entre les sociétés Bodyguard et LM et Fils qui grâce à ce versement a pu ne pas rembourser les sommes dont elle avait bénéficié.

Il ajoute que la provenance des fonds versés pose question dans la mesure où la société Bodyguard avait bénéficié quelques mois plus tôt d’un versement de la part du Trésor public de la somme de 1.887.911,40€ au titre du CICE, somme qui n’avait nullement vocation à être reversée sous forme de dividendes.

Mme [P] rappelle que par application des dispositions de l’article L.232-12 du Code de commerce, le dirigeant d’une société ne peut être tenu responsable des décisions de distribution de dividendes, même fautives, prises par l’assemblée des associés et relevant de la compétence exclusive de ladite assemblée. Elle précise également que cette décision a été prise contre sa volonté.

M. [L] ajoute que les dividendes en question ont été inscrits aux comptes courants de la société Bodyguard et de la société LM & FILS et que la trésorerie n’a donc en rien été affectée par cette transaction comptable, de sorte qu’aucun préjudice n’en a résulté.

Sur ce

Le procès-verbal de l’assemblée générale au cours de laquelle les actionnaires ont voté la distribution des dividendes n’est pas produit aux débats.

Cependant aucune des parties ne remet en cause cette distribution de dividendes qui a eu lieu le 29.06.2017.

La distribution de dividendes a fait l’objet d’une écriture comptable mais il est erroné de retenir que la trésorerie n’en a pas été affectée.

En effet il ressort du rapport d’expertise que des avances de trésorerie très importantes ont été effectuées par la société Bodyguard à la société LM ET FILS, sa holding en 2014, 2015 et 2016, avances qui n’étaient pas compensées par les factures de prestation émises par la société LM ET FILS dans le cadre de la convention de recherche de clients et de prospection qu’elle avait passé avec Bodyguard. Ces avances de trésorerie ont diminué la trésorerie de la société Bodyguard alors même que d’une part celle-ci en avait besoin et a été dans l’obligation de financer sa trésorerie en recourant à divers moyens onéreux et d’autre part ces avances n’ont pas fait l’objet de rémunération.

Ainsi en page 39 de son rapport le cabinet IN EXTENSO expose qu’en 2014 et 2015 la société versait de la trésorerie à la holding en dépit d’une position nette négative auprès de ses banques, qu’en 2016 la trésorerie s’est redressée du fait de la réduction du compte client, du versement du CICE pour 1.888.000 euros et de l’augmentation du passif circulant.

En 2017 la distribution de dividendes a eu pour effet de régulariser les avances qui avaient été consenties à la holding pendant les années précédentes.

La société LM Holding est la société mère de Bodyguard dans la mesure où elle en détenait 87,5% des parts, et est elle-même détenue à hauteur de 75% par Monsieur [L] et de 25% par Mme [FP].

Comme il a été rappelé ci-dessus les avances de trésorerie ont débuté lorsque Monsieur [L] était dirigeant de droit .

En qualité d’actionnaire de la société LM Holding Monsieur [L] avait un intérêt direct à ce que Bodyguard effectue des avances sur trésorerie à sa société mère puis à régulariser le versement de celles-ci par une décision de versement de dividendes ;

Or ces avances de trésorerie n’étaient pas de l’intérêt de Bodyguard au regard des problèmes de trésorerie que celle-ci connaissait.

Il ressort clairement du rapport d’expertise que l’absence de trésorerie a participé directement à la liquidation de la société qui n’a pas pu amortir la baisse de son activité et le décalage avec la diminution équivalente de sa masse salariale. Ainsi Monsieur [O], le dernier dirigeant, indique dans la déclaration de cessation des paiements deux raisons pour expliquer les difficultés de la société s’agissant de difficultés de trésorerie et d’une très mauvaise gestion du personnel.

En mettant en place ces avances de trésorerie, sans même prévoir une rémunération de celles-ci, puis en faisant adopter par l’assemblée générale des actionnaires la distribution des dividendes à l’avantage de la société mère dont il était associé à 75% Monsieur [L] a favorisé ses intérêts personnels au détriment de la société et a commis une faute de gestion qui a participé à la liquidation de la société.

S’agissant de Mme [P] elle n’est pas à l’origine du système d’avance de trésorerie qui existait avant son arrivée à la direction de la société. Sous sa direction elle a réduit celles-ci en 2016. Elle n’avait pas d’intérêt à ce que des avances de trésorerie soient consenties à la société mère et à ce que des dividendes soient versées puisqu’elle n’est pas actionnaire de la société LM et Fils. La faute s’agissant d’avoir, par la distribution des dividendes couvrant les avances de trésorerie, favorisé dans la gestion de la société ses intérêts personnels, ne peut donc lui être reprochée.

Sur les paiements extérieurs à l’objet social

Le tribunal a rejeté cette faute.

Le ministère public reproche à M. [L] la location d’une loge à l’AccorHotels Arena pour les sommes de 187.700€ et 201.800€ respectivement en 2016 et 2017, le versement de loyers à Ferrari Financement et des virements non justifiés à des sociétés gérées par M. [L].

Le ministère public ne reproche pas à Mme [P] d’être directement responsable de ces actes mais plutôt d’avoir manqué à ses obligations de contrôle que lui impose son statut de dirigeante.

Le mandataire judiciaire fait valoir la location d’une loge annuelle à l’AccordHotel Arena pour un montant de 201.837,60 euros HT pour la saison 2017/2018 et d’un montant de 187.680 euros HT pour la saison 2016/2017, les loyers versés à Ferrari Financement à hauteur de 31.771 euros jusqu’au 31.12.2016 et d’un solde de 38.989,04 euros le 31.12.2016 et de versements injustifiées : au profit de la SCI EBA d’un montant de 5480 euros effectués sur les années 2016 et 2017 et au profit des sociétés Ecuries [L] Racing sur les années 2015 et 2017 à hauteur de 97.540 euros.

Il expose que la conformité à l’intérêt social des dépenses effectuées apparait douteuse et que la faute de Monsieur [L] est ainsi caractérisée, que concernant Mme [P] elle a fait preuve de négligence dans le contrôle des opérations litigieuses, ce qui constitue une faute de gestion.

Mme [P] affirme avoir ignoré l’existence de ces paiements, qu’elle n’aurait découverts qu’à la lecture du rapport d’expert. Mme [P] admet donc tout au plus avoir fait preuve de négligence en n’ayant pas contrôlé certains paiements de la société Bodyguard à l’égard des tiers mais rappelle qu’au visa de l’article L.651.2 du Code de Commerce, la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée sur le fondement de la négligence.

M. [L] affirme qu’il est parfaitement habituel pour une société au chiffre d’affaires aussi important de louer une loge dans le cadre de sa politique commerciale et des relations publiques. Il ajoute que la somme de 27.450€ a été versée par erreur par la société Bodyguard à la société Ecuries [L] Racing et qu’elle a été remboursée le mois suivant.

Sur ce

S’agissant de la location de la loge à l’AccorHotels Arena pour les sommes de 187.700€ et 201.800€ respectivement en 2016 et 2017, cette dépense constitue une dépense effectuée dans le cadre des relations publiques de la société et il n’est pas rapporté la preuve que Monsieur [L] ou Mme [P] ont conservé pour le seul bénéfice l’usage de cette loge.

En conséquence la location de celle-ci ne constitue pas une faute. Au contraire l’attestation de Monsieur [H] rapporte la preuve que les clients étaient invités.

S’agissant des versements à Ferrari Financement ils ont été effectués à une époque où la société ne rencontrait pas de difficultés d’une part et pour l’acquisition d’un véhicule qui sauf preuve contraire, appartenait à la société, de telle sorte que cette acquisition ne peut caractériser une faute de gestion.

S’agissant des versements à la SCI EBA aucun élément ne rapporte la preuve qu’il s’agit d’une société gérée par Monsieur [L]. Le seul fait que les factures n’aient pu être retrouvées par le cabinet In Extenso qui n’a pas eu, pour des raisons indépendantes de sa volonté mais également non reprochables aux dirigeants, accès à toute la comptabilité ne permet pas de retenir l’existence d’une faute du seul fait des versements.

S’agissant des versements à la société Ecurie [L] Racing, qui est détenue en partie par la société LM et FILS, il ressort de l’expertise In Extenso et des relevés de compte qui sont annexés:

– Qu’un virement de 10.000 euros a été effectué en février 2015 et un virement de 15.000 euros a eu lieu le 30.04.2015, c’est-à-dire sous la gérance de droit de Monsieur [L]

– qu’un virement de 45.000 euros a eu lieu le 15.10.2015 sous la gérance de Mme [P].

Enfin un virement de 27450 euros a eu lieu le 20 septembre 2017.

S’agissant de la somme de 27450 euros Mme [P] a demandé des explications au comptable de la société, Monsieur [R], par mail le 3 octobre 2017 démontrant qu’elle n’était pas à l’origine de ce virement et la dite somme a été remboursée le 10 octobre 2017.

Aucune facture n’a été retrouvée pour les autres versements dans les documents qui ont été remis à l’expert-comptable commis.

Dans le cadre de la présente instance ni Monsieur [L], ni Mme [P] n’ont fourni les factures expliquant le versement de ces sommes alors que Monsieur [L] est toujours associé de la société Ecurie [L] Racing, par l’intermédiaire de la société LM ET FILS, et est donc en capacité de produire l’ensemble des factures.

La preuve que ces sommes ont été versées dans l’intérêt de la société n’est donc pas rapportée.

Le versement de ces 3 sommes, de 10.000, 15.000 et 45.000 euros doit être retenue comme une faute commise par Monsieur [L] qui a ordonné des versements qui n’étaient pas effectués dans l’intérêt de la société.

S’agissant de Mme [P] seul le versement de 45 .000 euros peut lui être reproché. Cependant au regard des conditions dans lesquelles le versement de 27.450 euros a été réalisé deux ans après, c’est-à-dire à l’évidence sans information de Mme [P], il existe un doute concernant le fait que celle-ci ait ordonné le virement litigieux en octobre 2015. C’est pouquoi le ministère public et le liquidateur reprochent à Mme [P] d’avoir manqué à ses obligations de contrôle. Cependant le fait de ne pas s’être rendue compte de la réalisation du virement litigieux ne peut être qualifié de faute dans le contrôle de la trésorerie de la société au regard de la taille de la société qui comprenait 1000 salariés à cette époque mais également plusieurs sous-traitants et des très nombreux virements qui en découlaient. Il ne convient donc pas de retenir cette faute à l’encontre de Madame [P].

Sur les fautes de gestion imputables à M. [L] seul :

Le Tribunal a retenu la faute de travail dissimulé.

Le ministère public et le liquidateur judiciaire estiment que bien que M. [L] n’ait finalement pas été condamné pour blanchiment d’argent, il ne s’agit en rien de la reconnaissance de la cour de l’absence de commission de cette infraction, mais que cette non-condamnation résulte uniquement du principe ” ne bis in idem “.

Par ailleurs, ils exposent que la condamnation de M. [L] par la Cour d’Appel pour travail dissimulé constitue assurément une faute de gestion, qu’en raison des infractions commises par Monsieur [L] en sa qualité de dirigeant de la société Bodyguard celle-ci a été condamnée à diverses sommes, que par ailleurs les condamnations prononcées ont nui à la réputation de la société, Mme [P] confirmant cette analyse en mettant en avant que les pertes de marché ont été essentiellement dues aux effets très négatifs des condamnations de M. [L].

Le liquidateur ajoute que les infractions pénales commises par Monsieur [L] caractérisent des fautes de gestion en ce que, perpétrées dans son intérêt personnel afin de

se procurer d’importants revenus, elles ont eu pour conséquence la condamnation pénale de la société Bodyguard et le dépôt de bilan de cette dernière.

M. [L] affirme que le jugement rendu par la Cour d’Appel de Paris le 12 janvier 2021 ayant autorité de la chose jugée, il est impossible de continuer à retenir des faits de blanchiment à son encontre.

Concernant les faits de travail dissimulé, M. [L] se prévaut du délai qui s’est écoulé entre les faits et la liquidation de la société Bodyguard pour faire valoir que les faits sont bien trop anciens pour avoir pu être à l’origine de la liquidation de la société. Au contraire, il estime que c’est le mauvais traitement médiatique de l’affaire de blanchiment aggravé qui a causé du tort à la société Bodyguard, et ce alors qu’il a finalement été relaxé.

Sur ce

La condamnation prononcée par la Cour d’Appel de Paris le 28 février 2017, qui confirmait les peines prononcées en première instance à l’encontre de Bodyguard et de Monsieur [L] et rajoutait des sanctions s’agissant d’une peine complémentaire de deux ans d’interdiction des marchés publics pour la société et d’une interdiction de gérer de 5 ans pour Monsieur [L] a été largement médiatisée.

Quand bien même le pourvoi formé suspendait l’exécution de la condamnation complémentaire d’interdiction d’accès au marché public pendant une durée de deux ans, la perte de 25% de la clientèle au cours de l’année 2017 est directement reliée au prononcé de l’arrêt.

Ainsi Mme [P] dans son rapport de gestion de l’exercice clos le 31.12.2016 rappelle ainsi que la société a principalement pour client des organismes du secteur public.

Monsieur [O] indique dans la déclaration de cessation des paiements que le redressement est impossible, entre autre, du fait du dossier Urssaf qui a gravement touché la réputation de Bodyguard.

Or la condamnation de la société est le résultat direct des fautes de Monsieur [L] dont l’ensemble des décisions rendues ont souligné, dans des motivations circonstanciées et détaillées, le rôle essentiel dans le montage et le fonctionnement du système de sous traitance des prestations de sécurité qui a été qualifié de travail dissimulé par les juridictions successives.

C’est pourquoi les juridictions pénales ont donc à chaque fois retenu la responsabilité tant de la SAS Bodyguard que de Monsieur [L] dans la commission des faits délictueux.

Le fait que la Cour d’Appel n’ait pas condamné la SAS Bodyguard et Monsieur [L] pour des faits de blanchiment s’explique par l’application du principe Non bis in idem, mais la dernière décision rendue ne permet nullement à Monsieur [L] de soutenir qu’il a été relaxé, bien au contraire.

Le fait que les fautes commises soient anciennes est tout aussi inopérant dans la mesure où les conséquences desdites fautes ne se sont révélées qu’à partir du prononcé de la décision de la cour d’appel le 28 février 2017 et où c’est la condamnation alors prononcée qui a entrainé la baisse d’activité. Celle-ci est donc le résultat direct des fautes commises plusieurs années avant dont les conséquences ont été décalées.

La liquidation de la société est ainsi le résultat de la condamnation prononcée par les juridictions pénales pour des faits de travail dissimulés, tant à l’encontre de la société BODYGUARD que de Monsieur [L] qui avait, en sa qualité de dirigeant de droit de la société au moment de la commission des faits, organisé le système de sous-traitance qualifié de travail dissimulé.

Il convient donc de retenir la faute de gestion de Monsieur [L].

Sur les fautes de gestion imputables à Mme [P] seule :

Le tribunal a rejeté l’ensemble des fautes reprochées à Mme [P].

Sur le refus d’assurer un ” tuilage ” avec le nouveau dirigeant malgré les demandes formulées, le refus de communiquer les mots de passe des systèmes informatiques et l’effacement de certaines données des serveurs informatiques ;

Le tribunal n’a pas statué sur cette faute.

Le liquidateur expose que les fautes reprochées relèvent des reproches formulés par le nouveau gérant Monsieur [RB] [O] suite à sa prise de fonction à la fin de l’année 2017.

Mme [P] estime que la partie adverse n’a en rien démontré la réalité de ces fautes et qu’en tout état de cause, ces faits, s’ils étaient avérés, seraient postérieurs à sa démission de son rôle de dirigeante et que de ce fait, ils ne pourraient en aucun cas caractériser une faute de gestion.

Le ministère public est taisant.

Sur ce

Cette faute d’une part est une faute commise après la cessation des fonctions de Mme [P], même si on peut estimer que la passation des pouvoirs fait partie du mandat confié comme étant le dernier acte de direction que doit effectuer le dirigeant qui cesse ses fonctions, et d’autre part et surtout est fondée sur les seules déclarations de Monsieur [O] qui a pris la suite de Mme [P]. En l’absence de toute preuve objective constatée par le mandataire judiciaire lorsque celui-ci est intervenu dans le cadre de la procédure collective et documentée, la preuve de cette faute n’est pas rapportée.

Sur les actes de dénigrement du nouveau président auprès du commissaire aux comptes de et d’autres personnes externes et internes à l’entreprise, ce qui aurait créé une ambiance délétère au sein de la société :

Le liquidateur expose que les fautes reprochées relèvent des déclarations du nouveau gérant Monsieur [RB] [O] suite à sa prise de fonction à la fin de l’année 2017.

De même, Mme [P] affirme que rien ne tend à démontrer ces faits, qui, s’ils sont avérés, interviennent de toute façon postérieurement à sa démission et ne caractérisent donc pas une faute de gestion.

Le ministère public est taisant.

Sur ce

De la même façon que la faute précédente, cette faute, pour autant qu’elle ait été commise l’aurait été après la cessation de ses fonctions par Mme [P], ne repose que sur les déclarations de Monsieur [O] et n’est documentée par aucun élément objectif constaté et produit par le mandataire judiciaire.

Il convient donc de rejeter cette faute.

Sur le dénigrement du nouveau président auprès du LCL à l’origine d’une rupture de relation avec cette banque

Le liquidateur expose que les fautes reprochées relèvent des déclarations du nouveau gérant Monsieur [RB] [O] suite à sa prise de fonction à la fin de l’année 2017.

Le ministère indique, comme les juges de première instance, qu’il est peu probable que les relations contractuelles entre LCL et la société Bodyguard aient pu être rompues sur la seule base de ces propos indélicats

Mme [P] ajoute que ces faits ne sont en rien prouvés, qu’ils sont postérieurs à sa démission et que même s’ils étaient avérés, rien ne démontre leur impact sur le passif de la société Bodyguard.

Sur ce

De la même façon que les deux fautes précédentes celle-ci ne repose que sur les déclarations de Monsieur [O] et en conséquence est insuffisamment documentée pour être retenue.

Sur l’absence de suivi des formations du personnel de la société par l’ancienne présidente qui aurait fait courir le risque de fermeture de la société en cas de contrôle et le fait que cent quarante agents de sécurité n’étaient pas a’ jour de leur formation, faisant courir le risque de retrait d’agrément de la société dans l’hypothèse d’un contrôle du CNAPS ou de toute autre autorité habilitée :

Le liquidateur expose que les fautes reprochées relèvent des déclarations du nouveau gérant Monsieur [RB] [O] suite à sa prise de fonction à la fin de l’année 2017.

Mme [P] estime à nouveau que ces faits ne sont pas démontrés par Maître [T] et que même s’ils étaient avérés, rien ne prouve leur impact sur le passif de la société Bodyguard.

Le ministère public est taisant.

Sur ce

Cette faute ne repose que sur les déclarations de Monsieur [O] qui a pris la suite de Mme [P] dans les fonctions de dirigeant de la société liquidée mais n’est établie par aucun élément objectif et documenté s’agissant en particulier d’une liste tenue à jour au sein de la société récapitulant les mises à jour au titre de la formation, des agents de sécurité employés. En outre il n’apparait pas que l’absence de mise à jour des formations, qui est contestée, ait eu un quelconque impact sur l’activité de la société.

Il ne convient donc pas de retenir cette faute.

Sur le mauvais suivi du recouvrement des créances clients de la société fragilisant la trésorerie et entraînant des coûts financiers substantiels :

Le liquidateur expose que les fautes reprochées relèvent des déclarations du nouveau gérant Monsieur [RB] [O] suite à sa prise de fonction à la fin de l’année 2017. Il indique que l’expert missionné a constaté une diminution de l’encours client mais a précisé que cette diminution peut s’expliquer par deux facteurs : une meilleure gestion des recouvrements en 2016 et 2017 et une écriture de régularisation des soldes clients passée en charges exceptionnelles pour 252.000 euros et qu’en ce qui concerne le résultat financier de la société le rapport d’expertise relève que le résultat financier reflète les difficultés de trésorerie de la société s’agissant d’un recours au financement par mobilisation de créances auprès de OESO, BPI, NATIXIS et des frais d’agios bancaires.

Mme [P] rappelle que le rapport d’expert a mis en avant que l’encours client avait fortement baissé entre 2015 et 2017 au motif d’une meilleure gestion des recouvrements en 2016 et 2017.

Le liquidateur et le ministère public contestent cette affirmation, rappelant que le rapport mettait en avant une autre raison possible de cette baisse, à savoir une écriture de régularisation des soldes clients passée en charge exceptionnelle pour 252.000€.

Sur ce

Le rapport d’expertise établit une baisse importante des créances clients qui sont passées de 4.983.000 euros en 2014 à 2.180.000 euros en 2017, qui s’explique à la fois par une meilleure gestion des recouvrement et par la passation d’une écriture de régularisation des soldes des clients en charges exceptionnelles pour 252.000 euros (soit moins de 10% de la différence 2014-2017).

Il ressort donc du rapport un meilleur recouvrement des créances clients, sans que la passation d’une écriture de régularisation de 252.000 euros puisse remettre en cause cette appréciation, et la faute reprochée à Mme [P] n’a donc aucun fondement.

Sur l’absence de révision annuelle des prix pratiqués par la société qui a entraîné un manque à gagner alors que les salaires ont été revalorisés, accentuant les problèmes de trésorerie :

Le ministère public et Maître [T] reprochent à Mme [P] de ne pas avoir révisé les prix alors qu’elle en avait elle-même souligné la nécessité.

Mme [P] nie ces accusations, affirmant que les révisions tarifaires ont bien été mises en application et que le liquidateur judiciaire ne produit aucune preuve démontrant le contraire.

Sur ce

Aucun élément n’est produit aux débats pour rapporter la preuve de cette faute.

Cette faute est donc écartée.

Sur l’augmentation du salaire de Mme [P] de 6 301 a’ 7 900 euros par mois sans ratification des actionnaires et défaut du respect de l’article 15 des statuts de la société Bodyguard alors même que le résultat était en recul de 30% :

Le mandataire judiciaire reproche à Mme [P] une augmentation de son salaire de 6.301 à 7.900 euros par mois sans ratification des actionnaires et le défaut du respect de l’article 15 des statuts de la société Bodyguard alors même que le résultat était en recul de 30%..

Il conteste l’affirmation de Madame [P] qui soutient que le chiffre d”affaires n’aurait pas diminué de 30% mais aurait en contraire augmenté de 7,62 %en 2016 en faisant valoir que le chiffre d’affaires est passé de 24.094 k€ à 19.453 k€ entre 2015 et 2017 mais que surtout le résultat net est passé de 364 k€ en 2015 à 197 k€ en 2016 et à – 1.366 k€ en 2017.

Mme [P] nie une baisse de 30% du chiffre d’affaires de la société Bodyguard, affirmant au contraire que celui-ci a enregistré une hausse de 7,2% entre 2016 et 2017. Elle estime que l’analyse de Maître [T], qui compare les chiffres d’affaires de 2015 et 2017, est erronée puisque la hausse de salaire en question a eu lieu en 2016. Elle ajoute que rien ne permet d’affirmer que ces faits, s’ils étaient avérés, puissent caractériser une faute de gestion, ni qu’ils aient eu un impact sur le passif de la société Bodyguard.

Sur ce

Le liquidateur ne produit pas aux débats le procès verbal de l’assemblée générale des actionnaires s’étant tenue en 2016 pour approuver les comptes 2015, pour rapporter la preuve que l’augmentation de salaire n’a pas été ratifiée par les actionnaires.

Par ailleurs cette augmentation de salaire a eu lieu en 2016 à un moment où l’activité de la société était en hausse. C’est donc à tort que le liquidateur se réfère à l’année 2017 et à l’évolution 2015-2017.

Entre 2015 et 2016 l’activité de la société ayant augmenté l’augmentation de la dirigeante ne constitue pas une faute de gestion.

Sur l’absence de réponse aux appels d’offres ou réponses incohérentes entrainant une baisse des marchés remportés et par conséquent du chiffre d’affaires :

Le liquidateur judiciaire reproche à Mme [P] une absence de réponse aux appels d’offre ou des réponses incohérentes.

Mme [P] se défend sur ce point en avançant que les pertes de marché évoquées sont majoritairement dues aux condamnations pénales de M. [L] ayant conduit à l’exclusion de la société Bodyguard de tous les marchés publics alors même que la clientèle de la société était essentiellement constituée d’établissements et entreprises publiques.

Sur ce

Aucune pièce n’est versée aux débats pour rapporter la preuve de cette faute à l’encontre de Mme [P] alors qu’il ressort des éléments de la procédure et en particulier de la déclaration de cessation des paiements déposée par le dernier dirigeant que la perte de chiffre d’affaire est le résultat de la condamnation pénale de la société.

Cette faute est rejetée.

Sur la mauvaise planification des agents engendrant des coûts salariaux supplémentaires:

Le ministère public fait état d’un rapport d’expertise soulignant une forte hausse de la part des frais du personnel et de sous-traitance dans le chiffre d’affaires de la société Bodyguard.

Le mandataire judiciaire fait également valoir le rapport d’expertise aux termes duquel en 2017, le chiffre d’affaires a fortement reculé de 25% et la société a réduit ses frais de sous-traitance de – 56 % mais n’a pas su adapter sa masse salariale qui n’a diminué que de 5%.

Mme [P] fait valoir que rien ne montre qu’une gestion ” mauvaise ” des agents puisse caractériser une faute de gestion. Elle rappelle par ailleurs que ses pouvoirs de dirigeante étaient restreints et que la planification des agents ne faisait pas partie de ses responsabilités mais plutôt de celles de M. [L].

Sur ce

Le fait que la masse salariale n’ait pas pu être adaptée immédiatement à la baisse rapide de l’activité en relation avec les condamnations prononcées par la cour d’appel le 28.02.2017 s’explique aisément par la difficulté d’ajuster immédiatement baisse d’activité et ressources en personnel dans le cas de contrats en CDI au regard des délais et du coût des licenciements. Aucune faute ne peut découler en conséquence d’une absence de réduction de la masse salariale correspondant au recul d’activité, les deux indicateurs en outre n’étant disponibles avec certitude qu’en fin d’année.

Par ailleurs le fait que des erreurs de planification aient été commises qui ont amené des charges salariales plus importantes qu’elles n’auraient dues être n’est pas documenté, de telle sorte que cette faute doit être rejetée.

Sur le laxisme dans la gestion du personnel engendrant la perte de certains marchés (RATP notamment) :

Le mandataire judiciaire soutient cette faute.

Le ministère public indique ne disposer d’aucun élément attestant d’un laxisme envers le personnel susceptible d’entrainer la perte de certains marchés.

Rien ne montre selon Mme [P] que ces faits caractérisent une faute de gestion, ni que ces faits puissent lui être imputés. Elle souligne à nouveau la responsabilité de la condamnation pénale de M. [L] dans la perte de certains marchés.

Sur ce

Aucun élément n’est versé aux débats rapportant la preuve d’un laxisme dans la gestion du personnel et le fait que ce laxisme aurait entrainé la perte de certains marchés.

Cette faute est écartée.

Sur la diminution du recours à la société LM & FILS pour répondre aux appels d’offre dans le cadre de la convention d’assistance et l’embauche d’un salarie’ inefficace pour gérer les appels d’offre :

Le mandataire judiciaire expose que Madame [P] a fait le choix d’embaucher une personne en interne pour répondre aux appels d’offres, mais que la personne embauchée par Madame [P] s’est avérée moins performante que la société LM & Fils pour remporter des appels d’offres.

Mme [P] soutient que la diminution du chiffre d’affaires de LM & FILS doit s’analyser comme une diminution des apports d’affaire de LM & FILS au profit de Bodyguard, et non comme une diminution des recours à ses services. Elle estime par ailleurs que l’embauche d’un salarié, même inefficace, ne représente en rien une faute de gestion qui puisse lui être imputable.

Le ministère public ne soutient pas cette faute.

Sur ce

La société LM & FILS est la société holding de la SAS Bodyguard.

Elle avait conclu avec la société Bodyguard une convention d’assistance pour effectuer de la prospection commerciale.

Mme [P] a souhaité internaliser la prospection commerciale de la société, ce qui constitue a priori une décision de bonne gestion car moins couteuse pour la société et permettant à celle-ci de piloter son développement commercial.

Le fait que la personne recrutée n’ait pas été compétente d’une part n’est pas établi, aucun élément n’étant versé aux débats, et d’autre part ne constituerait pas une faute de gestion sauf à ce que la preuve soit rapportée que Mme [P] a commis des fautes caractérisées dans le recrutement de ladite personne, par exemple en recrutant un salarié ne disposant pas des compétences recherchées, preuve qui n’est pas non plus rapporté.

Il convient donc d’écarter cette faute.

Sur le choix délibéré de ne pas régler les cotisations sociales, susceptibles d’aboutir a’ la fin de l’activité de la société, cette dernière n’étant alors plus en mesure de fournir d’attestation URSSAF alors que son portefeuille clientèle était constitué a’ 95 % de marchés publics :

Le mandataire judiciaire expose que le rapport d’expertise relève sur ce point que les dettes fiscales et sociales sont en très forte augmentation alors que les frais de personnel sont relativement stables

Le solde avec l’URSSAF aurait, selon le ministère public, triplé entre 2016 et 2017 malgré un léger recul de la masse salariale.

Mme [P] rétorque que le liquidateur judiciaire ne démontre pas en quoi le fait de ne pas payer l’URSSAF ou le Trésor, en l’absence d’une trésorerie suffisante, constituerait une faute de gestion. Elle ajoute ne pas avoir eu accès à l’ensemble des informations comptables, juridiques ou financières de la société, celles-ci étant restées sous la mainmise de M. [L].

Sur ce

Comme il a été rappelé à de nombreuses reprises dans la présente décision la société a connu en 2017 une baisse très importante de son activité et partant de son chiffre d’affaire. Par ailleurs la trésorerie était en tension du fait des avances très importantes effectuées depuis de nombreuses années et bien avant l’arrivée de Mme [P] à la société LM & FILS par la SAS Bodyguard. La conjonction de ces deux éléments et du fait que l’adaptation de la masse salariale n’a pu s’effectuer immédiatement expliquent que la société ait présenté des impayés qui ont concerné entre autres les sommes dues à l’Urssaf sans cependant que cela ne caractérise une faute de gestion de la gérante, sinon celle de ne pas avoir déposé le bilan en constatant l’impossibilité de la société à faire face à son passif exigible.

Cette faute est donc rejetée.

Sur le prêt consenti à Mme [P] :

Maître [T] reproche à Mme [P] d’avoir bénéficié en novembre 2015 d’une avance sur salaire à hauteur de 46.600€ alors qu’il s’agissait d’une convention interdite dans la mesure où elle était alors présidente de la société.

Mme [P] se défend en affirmant qu’elle ne savait d’abord pas qu’une telle convention était interdite et qu’elle s’est attachée à rembourser ce prêt dès qu’elle a appris qu’il était interdit. Elle ajoute que l’impact de cet acte, qu’elle ne conteste pas, sur le passif est nul.

Le ministère public est taisant sur cette faute.

Sur ce

Ce prêt a été inscrit en comptabilité sous la rubrique ” immobilisation financière – prêt au personnel ” et a été intégralement remboursé par Mme [P] qui a d’abord versé la somme de 150 euros par mois avant de rembourser fin 2017 le capital restant du.

Cependant ce prêt relève d’une convention interdite et constitue donc une faute de la part de Mme [P].

Sur la contribution de ces fautes à l’insuffisance d’actif :

Le liquidateur judiciaire et le ministère public estiment que la comptabilité incomplète et irrégulière a empêché les dirigeants de s’apercevoir de l’état réel de la société.

Ils considèrent par ailleurs que les condamnations pénales de M. [L] ont entrainé une perte de clientèle, et que les fautes de Mme [P] ont augmenté le passif et empêché une augmentation de l’actif, favorisant l’émergence d’une insuffisance d’actif. Ils ajoutent que le versement de dividendes d’un montant significatif réalisé dans des circonstances douteuses et alors que la société se portait déjà mal a largement contribué à fragiliser la situation financière de la société.

Le liquidateur soutient qu’eu égard au montant extrêmement élevé de l’insuffisance d’actif et de la gravité des agissements imputables à M. [L], la condamnation de celui-ci par le tribunal de commerce d’Évry au versement de seulement 1 million d’euros est insuffisant. Il estime par ailleurs que les fautes commises par Mme [P] étant avérées, et son rôle de dirigeante de droit non discutable, c’est à tort que le tribunal de commerce n’a pas retenu sa responsabilité pour insuffisance d’actif.

Mme [P] soutient qu’aucun des griefs qui lui sont reprochés, s’ils sont avérés, n’ont pu avoir d’incidence sur l’état du passif de la société Bodyguard. Elle cite à cet égard le rapport d’expert qui admet notamment que la distribution de dividendes en 2017 n’a pas eu d’impact sur la dégradation de la trésorerie. Elle ajoute que le montant de l’insuffisance d’actif au jour de sa démission, date à laquelle l’insuffisance d’actif doit être appréciée, reste inconnu, et que cette situation rend impossible l’établissement d’un lien entre les éventuelles fautes commises et l’insuffisance d’actif.

Monsieur [L] expose qu’il n’est pas démontré en quoi les faits de travail dissimulés commis 10 années avant la liquidation judiciaire ont contribué à l’insuffisance d’actif.

Il expose que le passif est la conséquence directe de la perte de chiffre d’affaires qui résulte de la perte de confiance des clients pour la plupart ressortant de la commande publique, suite aux poursuites engagées contre lui pour des faits de blanchiments dont il sera in fine relaxé 6 ans plus tard et que sans cela la société n’aurait pas été confrontée à de telles difficultés et aurait connu un sort tout à fait différent qu’une liquidation ” sèche “, qu’il est d’ailleurs permis de se demander pour quelles raisons une procédure de redressement judiciaire n’a pas été ouverte par le tribunal de commerce de Evry alors qu’il est évident que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire voire de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité aurait pu éviter de devoir licencier l’ensemble des salariés dont le coût pèse aujourd’hui très lourd dans le passif et donc l’insuffisance d’actif, qu’en effet la structure du passif laisse apparaitre une somme de 5.300.000 euros au titre du règlement des salariés et charges sociales, que de même la liquidation sans poursuite d’activité n’a pas permis la reprise des marchés et donc des personnels augmentant le passif.

Sur ce

Concernant Mme [P]

Une seule faute a été retenue à l’encontre de Mme [P] s’agissant de s’être fait consentir un prêt de 45.000 euros par la société.

Cependant Mme [P] a intégralement remboursé la somme empruntée qui n’a donc été ni à l’origine de la déconfiture de la société, ni ne contribue à l’insuffisance d’actif.

Il convient donc de constater que la faute commise n’a pas participé à l’insuffisance d’actif et de rejeter la demande de condamnation de Mme [P] à l’insuffisance d’actif.

La décision est donc confirmée.

Concernant Monsieur [L]

Il a été retenu à l’encontre de Monsieur [L] trois fautes :

– Le versement d’une somme non due à la société Ecurie Racing [L] pour une somme totale de montant de 70.000 euros en 2015

– Les avances de trésorerie sur les années 2014,2015, 2016 à la société LM ET FILS qui ont été compensées par le versement de dividendes effectuées dans l’unique intérêt de la société mère et dans l’intérêt de Monsieur [L], actionnaire à 75% de celle-ci, et au détriment de la société liquidée

– La faute pénale de travail dissimulé.

Ces trois fautes ont participé à l’insuffisance d’actif :

– La société a été privée d’une somme de 70.000 euros qui a été versée indument à un tiers

– La société n’a pas bénéficié de sa trésorerie ce qui a participé à sa liquidation.

Il ressort du rapport In Extenso qu’au 31.12.2017 la structuration financière de la société était fragile puisque ses capitaux propres étaient à – 1.715.000 euros pour trois raisons :

– La perte de l’exercice 2017 : 1.366.000 euros (liée à la baisse d’activité et à l’absence d’ajustement immédiat de la masse salariale)

– La distribution de dividendes de 1.943.000 euros

– L’accumulation des dettes pour combler le manque de trésorerie.

Cette structuration financière fragile n’a pas permis à la société de faire face à la diminution drastique de son activité puisque faute de trésorerie Bodyguard n’a pas pu faire face au paiement de ses charges.

– La diminution de l’activité en 2017 par la perte de clients est la conséquence des fautes pénales confirmées par la cour d’appel, le fait qu’ensuite la faute de blanchiment ait été écartée importe peu puisque la faute de travail dissimulée a été confirmée en 2021.

Le montant de l’insuffisance d’actif que Monsieur [L] doit être condamné à régler ne peut cependant, comme le demande le liquidateur, s’établir au montant de l’insuffisance d’actif. En effet une partie de cette insuffisance d’actif découle de la décision de liquidation judiciaire sans maintien de l’activité prise par le tribunal. Cette décision n’a pas permis de céder les contrats de sécurité en cours et d’assurer ainsi la reprise des contrats de salariés en application de la convention collective et a augmenté de façon très importante le coût social de la liquidation puisque la société comportait 430 salariés selon la déclaration de cessation des paiements régularisée par Monsieur [O] et 1000 salariés selon Monsieur [L].

C’est donc à juste titre que le tribunal a condamné Monsieur [L] à payer une somme de 1 million d’euros au titre de sa responsabilité dans l’insuffisance d’actif de la société.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Le liquidateur judiciaire demande à la Cour de condamner M. [L] et Mme [P] aux entiers dépens, et de les condamner, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, au versement de 3000€ à la SELARL MJC2A prise en la personne de Maître [T] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Bodyguard.

Mme [P] demande à la Cour de condamner M. [L] aux entiers dépens et de le condamner à lui verser la somme de 5000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

M. [L] demande à la Cour de condamner la SELARL MJC2A prise en la personne de Maître [V] [T], ès qualité de liquidateur judiciaire, à lui verser la somme de 5000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce

Il y a lieu de condamner Monsieur [L] à payer à la SELARL MJC2A prise en la personne de Maître [T] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Bodyguard la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700.

Il ne convient pas de condamner Mme [P] sur le même fondement.

Il n’y a pas lieu de faire application au bénéfice de Mme [P] des dispositions de l’article 700.

Les dépens sont mis à la charge de Monsieur [L].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de commerce d’Evry en date du 30.07.2021 sauf en ce qu’il a écarté la faute de contraction d’un prêt par Mme [P] auprès de la société

Statuant à nouveau

Retient à l’encontre de Mme [P] la faute de s’être fait consentir un prêt par la société alors qu’elle était dirigeante

Constate que cette faute n’a pas participé à l’insuffisance d’actif de la société et confirme le jugement en ce qu’il a débouté le liquidateur de sa demande de condamnation de Mme [P]

Et y ajoutant

Condamne Monsieur [L] à payer à la SELARL MJC2A prise en la personne de Maître [T] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Bodyguard la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Déboute la SELARL MJC2A prise en la personne de Maître [T] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Bodyguard de sa demande articulée sur le même fondement à l’encontre de Mme [P]

Déboute Mme [P] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Dit que les dépens de la procédure d’appel seront supportés par Monsieur [L].

La greffière La présidente

 


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