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COUR D’APPEL
de
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 DECEMBRE 2022
N° RG 21/00874
N° Portalis DBV3-V-B7F-UMHY
Madame [M] [L]
C/
S.A.S. VITALLIANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : AD
N° RG : 19/00396
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Xavier DUBOIS
Me Tristan HUBERT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [M] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par : Me Xavier DUBOIS, Plaidant/Constitué , avocat au barreau de PARIS, palais P563
APPELANTE
****
S.A.S. VITALLIANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par : Me Tristan HUBERT, Plaidant/Constitué , avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1178
INTIMEE
****
Composition de la cour
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 6 décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Alicia LACROIX, greffier lors des débats.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [M] [L] a été engagée à compter du 4 août 2014 en qualité de comptable, selon contrat de travail à durée indéterminée par la société Vitalliance, qui emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des services à la personne.
Convoquée le 8 janvier 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 16 janvier suivant, Mme [L] a été licenciée par lettre datée du 14 février 2019 énonçant une cause réelle et sérieuse et la dispensant d’effectuer le préavis.
Contestant son licenciement, Mme [L] a saisi, le 4 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société à la réintégrer ainsi qu’au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes de la requérante et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme d’un euro au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 9 février 2021, le conseil a statué comme suit :
Déboute Mme [L] de l’ensemble de ses demandes,
Déboute la société de sa demande reconventionnelle
Condamne Mme [L] aux entiers dépens.
Le 16 mars 2021, Mme [L] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Selon ses dernières conclusions notifiées le 8 novembre 2022, Mme [L] demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :
Fixer le salaire de référence à hauteur de 3 242,25 euros brut,
Juger le licenciement notifié le 14 février 2019 dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Juger le licenciement intervenu dans des conditions brutales et vexatoires,
Condamner en conséquence la société à lui verser les sommes suivantes :
– 12 969 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 9 726,75 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct en raison des conditions brutales et vexatoires dans lesquelles est intervenu la révocation pour faute grave,
Condamner la société à lui verser les sommes de :
– 941,13 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2018,
– 4 000 euros bruts à titre de rappel de prime annuelle pour l’année 2018,
Condamner la société à lui remettre l’ensemble des documents sociaux suivants, rectifiés conformes aux dispositions de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, à compter de la signification de la décision :
– bulletin de salaire,
– certificat de travail,
– attestation Pôle Emploi,
Condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal avec anatocisme (article 1343-2 du code civil), à compter de la saisine de la juridiction, soit le 4 avril 2019,
Condamner la société aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution.
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 5 novembre 2022, la société Vitalliance demande à la cour de :
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Dire et juger bien fondé le licenciement ;
Dire et juger que le licenciement n’est pas vexatoire ;
Partant :
Débouter Mme [L] de l’intégralité de ses demandes ;
La condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 9 novembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 6 décembre 2022.
MOTIFS
I ‘ sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :
‘Nous faisons suite par la présente à votre entretien préalable du 16 janvier dernier pour lequel vous avez été convoquée par courrier remis en main propre en date du 8 janvier 2019.
Vous vous êtes présentée accompagnée d’un représentant du personnel, déléguée syndicale.
Au cours de cet entretien nous vous avons exposés les faits suivants :
Par votre comportement et vos propos vous avez créé un climat délétère au sein de la Direction Administrative et Financière, service auquel vous êtes rattachée.
En effet, vous vous permettez à voix haute et en plein open space de remettre en cause le travail des collaborateurs de l’équipe et ce de manière régulière.
Les collaborateurs vous ont entendu tenir les propos suivants “[K] ne fout rien, il ne sait pas faire son travail” ; “personne ne fait rien à part moi”. Vous dénigrez également le travail de la comptable en charge de la trésorerie et du pôle comptable clients en disant qu’elle ne fait rien et qu’elle ne sait pas faire son travail.
Au-delà de ces propos désobligeants, vous avez été insultante vis-à-vis de vos collègues.
Devant plusieurs collaborateurs, vous avez qualifié l’assistant facturation et recouvrement de ‘nabot’ ou encore de “nain de jardin”, la contrôleuse de gestion de “salope du chef”.
Vous n’aviez pas de limite puisque vous tenez également des propos xénophobes toujours à voix haute devant les collaborateurs en précisant au sujet de la comptable en charge de la trésorerie et clients “mettre une arabe à la comptabilité, c’est faire entrer le loup dans la bergerie”.
Vous avez un comportement de nature à vous mettre systématiquement en opposition de vos collègues y compris sur de simples sujets de confort de travail.
Vous changez le thermostat de la climatisation juste après un autre collègue. Lorsqu’un collègue ouvre ou ferme la fenêtre vous vous empressez de faire l’inverse en la fermant ou en l’ouvrant.
Lorsqu’un collègue vous a fait la remarque que tout le service avait froid vous avez répondu “j’en ai rien à foutre des autres moi j’ai chaud”.
En plus des “agressions verbales” de vos collègues, vous avez eu un geste agressif envers la comptable en charge de la trésorerie et du pôle clients en lui jetant un dossier client semi-rigide.
La collaboratrice en question a dû demander suite à cet incident à changer de place au sein de l’open space.
Vous avez la concernant fait preuve d’acharnement s’apparentant à du harcèlement moral.
Vous n’avez eu de cesse de la dénigrer : “elle passe son temps à se balader” ; “elle brasse de l’air” “elle est incompétente” “tu n’as que ça à foutre de l’aider (en s’adressant à un autre salarié)” “il y en a qui ont de la chance, il y a des planqués dans ce service” “elle appuie juste sur un bouton” “elle fout le bordel dans les chéquiers” “Faux-cul, faux-cul, faux-cul (prononcé de manière répétée)” ; “je veux qu’elle dégage” ‘ “elle se croit en centre de vacances à toujours discuter”, “elle se prend pour une expert-comptable” Vous avez interdit aux salariés en apprentissage ou en contrat de professionnalisation de lui adresser la parole. Lorsque ces derniers ne respectaient pas votre interdiction, ils avaient le droit à des reproches de votre part.
Vous avez encore tenu les propos suivants la concernant : “j’ai négocié un déjeuner d’équipe avec [E], mais je pense qu’on va exclure [J] vu qu’elle travaille pour le recouvrement maintenant.” “je ne comprends pas qu’après plus d’une année en trésorerie, tu n’as toujours pas compris que les lettres chèques ne sont pas saisies manuellement”
Lorsqu’il s’agissait de collaborer toutes les deux, cela n’était tout simplement pas possible.
Pour exemple, en septembre 2018 après vous avoir signalé plusieurs erreurs de saisie en comptabilité fournisseurs, informations que vous saisissez ou votre équipe, vous lui avez répondu “Merci de ne pas perturber mes collaborateurs avec des tâches qui ne les concernent pas.”.
En novembre 2018, après avoir demandé la comptabilisation d’un avoir auprès de la comptabilité fournisseurs, la comptable en charge de la trésorerie et clients vous lui avez encore répondu : “quand on ne maîtrise pas la comptabilité, il faut éviter d’induire en erreur les apprentis”,
En date du 18 décembre dernier, vous lui avez transmis un courriel avec votre supérieur hiérarchique en copie assez incisif “pour info, c’est ton travail en tant que comptable client et trésorerie”.
Cette tâche relevait pourtant de vos missions et non des siennes.
Vous n’avez eu de cesse de dire à tout le monde que la comptable en charge de la trésorerie et clients “foutait la merde dans la compta”.
Vous en êtes arrivé à demander à vos interlocuteurs téléphoniques de rappeler le standard plutôt que d’effectuer un transfert d’appel, lorsque la demande concernait la comptable en charge de la trésorerie et clients.
Ce comportement délétère s’étendait également auprès des collaborateurs de l’entreprise.
Vous vous permettez de dire aux collaborateurs internes qui vous appelaient qu’ils vous “empêchaient de bosser” et “qu’ils ne savaient pas faire leur travail”.
Vous avez également dénigré l’entreprise en disant aux nouveaux collaborateurs au sujet de l’entreprise “qu’ils ne savent pas dans quoi ils s’engagent avec Vitalliance”.
Enfin, vous avez également ouvertement dénigré votre supérieur notamment auprès des commissaires aux comptes et auprès des collaborateurs de l’entreprise : “il n’en a rien à foutre de la compta, il ne met jamais le nez dans la compta, en open space je n’en ai rien à foutre de [E]”.
Vous avez même été jusqu’à avoir un comportement digne d’un enfant en jetant une araignée morte sur le bureau de [E] en son absence devant les autres collaborateurs en disant “Tiens [E]”.
Différents collaborateurs vous ont entendu tenir ces propos.
En parallèle, vous demandez à votre supérieur hiérarchique d’effectuer des tâches qui vous reviennent. Comme, en novembre dernier, lorsque vous lui avez demandé de répondre à une responsable d’agence qui vous interroge sur une saisie sur salaire dont les paiements doivent être effectués par vos soins. Vous vous adressez à la DRH pour demander des explications sur qui fait quoi dans votre service ou des informations que votre supérieur hiérarchique peut vous communiquer.
Vous avez même été jusqu’à interrompre une réunion CHSCT animée par la DRH pour poser une question dont vous pouvez aisément obtenir l’information auprès de votre supérieur hiérarchique.
Vous avez remis en cause la bonne foi d’un membre du Comex, Directrice Commerciale, concernant un justificatif de note de frais. La forme de votre intervention en open space et devant de nombreux collaborateurs était déplacée.
Lorsqu’en septembre 2018, une réunion d’équipe a été organisée avec votre supérieur hiérarchique et la DRH afin de recadrer un certain nombre de sujets y compris ce type comportement, vous avez répondu “je ne suis pas concernée”. Il a été demandé à l’ensemble des collaborateurs présents de ne plus adopter de comportement ou de tenir des propos inappropriés et qu’en cas de difficultés entre collaborateurs, il était nécessaire de solliciter directement son responsable hiérarchique.
En début d’année 2018, une réunion a pourtant été tenue avec votre supérieur hiérarchique et la DRH, vous faisant notamment part de votre comportement inadéquate en terme de relations de travail et de communication.
Il ne s’agit malheureusement pas des premiers écarts de conduites et propos de votre part dans la mesure où votre précédente responsable hiérarchique vous avait déjà fait part en 2016 de vos difficultés à développer et maintenir des relations sereines et constructives avec votre entourage professionnel, à construire, développer et maintenir une relation de travail saine, courtoise et constructive avec vos collègues.
Lors de l’entretien préalable vous avez répondu à l’ensemble des faits reprochés que tout est faux. Vous avez précisé “c’est votre version, j’ai la mienne”. Lorsque vous avez été invitée à vous exprimer vous avez refusé de le faire.
Vous avez donc nié les faits malgré la pluralité de collaborateurs ayant été témoins de votre comportement ou vos propos.
Nous ne pouvons laisser perdurer un tel comportement inadmissible qui nuit aux conditions de travail des collaborateurs de l’entreprise et n’est pas en adéquation avec nos valeurs d’entreprise.
En conséquence, après l’examen de votre dossier et le respect d’un délai de réflexion, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse’.
Sur la prescription des faits fautifs
Mme [L] relève l’absence de datation, sauf exception, des faits dénoncés, ni dans la lettre, ni dans les pièces, pour conclure que l’employeur n’établit pas qu’ils seraient advenus moins de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire. Elle note que les seuls faits qui ne seraient pas prescrits, ne sont par ailleurs pas établis.
La société Vitalliance se disant habile à exciper de faits antérieurs de 2 mois à l’engagement de la procédure dès lors qu’ils se sont ensuite poursuivis ou ont été réitérés, fait valoir les témoignages les datant et rapportant leur persistance jusqu’à la fin de la relation de travail.
L’article L. 1332-4 du code du travail énonce qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu parfaite connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites. Toutefois, ces dispositions ne s’opposent pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement fautif du salarié s’est poursuivi dans le délai, ou que ce fait antérieur relève d’un comportement fautif identique aux faits non prescrits donnant lieu à l’engagement des poursuites.
Cela étant, il ressort des attestations versées aux débats que Mme [L] tenait « quotidiennement » des propos désobligeants sur Mme [H], précisait « trois fois par jour » être la seule à travailler dans le service, à l’exclusion des autres, disait « constamment » à ses interlocuteurs au téléphone « qu’ils ne savaient pas faire leur travail et qu’ils l’empêchaient de travailler » (M. [G]), qu’elle agressait « quotidiennement » Mme [H] en lui tenant des propos désobligeants, en la dénigrant auprès des tiers, que le 8 novembre 2018, elle lui reprochait son incompétence en ces termes : « quand on ne maîtrise pas la comptabilité, il faut éviter d’induire en erreur les apprentis », que le 18 décembre 2018, elle lui demandait de réaliser une tâche qui lui incombait à elle (Mme [H]), qu’elle proférait de manière réitérée des mauvais propos sur autrui jusqu’au début de l’année 2019 (M. [X]), qu’elle tenait des propos « inadmissibles » dénigrant et insultant ses collègues jusqu’aux fêtes de Noël 2018 (M. [P] [I]).
Il s’en déduit que la tenue de propos désobligeants ou insultants à l’égard de ses collègues et plus particulièrement à l’égard de Mme [H] s’est poursuivie jusqu’au terme de la relation conventionnelle, si bien que ces faits même non autrement datés dans la lettre de licenciement ne sont pas prescrits comme étant advenus, selon ces attestations, dans les 2 mois ayant précédé la poursuite initiée le 8 janvier 2019.
Par ailleurs, divers mails versés aux débats viennent au soutien de sa contestation, le 14 novembre 2018 de la note de frais d’une directrice d’agence faute de justificatifs, et le 9 novembre 2018 de la demande faite à son supérieur hiérarchique de répondre à l’interrogation d’un collaborateur extérieur sur le destinataire de saisies sur salaire, ces deux faits, ainsi non prescrits, étant énoncés dans la lettre de licenciement.
Enfin, la lettre de licenciement se réfère à un fait du 18 décembre 2018, qui n’est pas prescrit, d’imputation à autrui d’une tâche incombant en propre à la salariée.
En revanche, le dénigrement de l’entreprise, du supérieur hiérarchique, la violence physique exercée contre une collègue ou son attitude systématiquement opposante aux autres sur la climatisation n’étant ni datés ni précisés dans la lettre ou par les pièces produites, la société Vitalliance ne rapporte pas la preuve d’avoir réagi dans le délai institué par l’article L. 1332-4 précité pour ces faits, qui doivent être considérés prescrits.
Sur le défaut d’une cause réelle et sérieuse
Mme [L] conteste la matérialité des faits et fait valoir la carence probatoire de son adversaire. Elle dispute la sincérité d’attestations rédigées par les subordonnés de l’employeur, pour les besoins de la cause, qui témoignent à l’occasion de propos rapportés. Elle fait valoir l’absence de tout antécédent, la perception ces mêmes années de primes exceptionnelles, la lenteur de la réaction de l’employeur, dispute l’adéquation entre les faits reprochés et la sanction entreprise.
La société Vitalliance fait valoir le comportement harcelant de la salariée à l’égard de Mme [H], son comportement agressif et méprisant à l’égard d’autres collègues ou de la direction, dès 2018, ainsi que son refus d’exécuter certaines tâches.
En vertu de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par un motif réel et sérieux, et l’article L.1235-1 du même code impartit au juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs fondés sur des faits précis et matériellement vérifiables invoqués par l’employeur et imputables au salarié, de former sa conviction en regard des éléments produits par l’une et l’autre partie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Contrairement à ce qu’énonce Mme [L], les attestations versées aux débats ne sauraient être écartées des seuls motifs que les témoins sont subordonnés à l’employeur et qu’elles sont produites pour les besoins de la cause, ce qui relève, sous cet aspect, d’une évidence. La circonstance qu’elle ait déposé plainte contre certains témoins, sans meilleures précisions, ne dit rien de leur valeur probante.
Il est acquis aux débats que les personnes occupées dans les services administratifs travaillaient dans un open space.
Les attestations versées aux débats énoncent :
que Mme [L] tenait des propos déplacés envers ses collègues sans les nommer distinctement, et que son comportement général nuisait à la bonne entente (M. [R], assistant de recouvrement),
qu’elle reprochait, devant lui et leur chef de service, à M. [G] sa paresse et son incompétence, marmonnait à son égard « qu’est-ce qu’il a lui ‘ » qu’elle dénigrait ouvertement Mme [H], en faisant le tour des services, notamment en disant « en plein open space : « mettre une arabe en compta, c’est comme mettre un loup dans la bergerie », refusait de transmettre les appels extérieurs adressés à Mme [H], disait que personne ne faisait rien à part elle, « agressait les personnes qu’elle avait au téléphone en disant qu’elles ne savaient pas faire leur travail et qu'[elles] l’empêchaient de travailler » (M. [G], chargé de facturation- recouvrement),
qu’elle faisait subir quotidiennement à Mme [H] des remarques désobligeantes, dévalorisantes ou racistes, qu’elle la dénigrait auprès des autres salariés, lui faisait des reproches de n’avoir pas compris, après une année de service, que les lettres chèques devaient être traitées manuellement, lui enjoignait de ne pas perturber ses collaborateurs avec des tâches ne les concernant pas, quand Mme [H] l’avisait d’erreur de saisies de ses propres services, l’intimait de ne pas induire ses apprentis en erreur « quand on ne maîtrise pas la comptabilité », proférait devant elle des propos discourtois sur d’autres collègues en ces termes : « nain de jardin », « salope du chef », adoptait des comportements non professionnels en transférant ses appels vers le standard, Mme [H] ajoutant avoir été extrêmement affectée par ces agissements répétés (Mme [H], comptable),
que son comportement était cause d’une « mauvaise ambiance au sein du service finance » où elle tenait « des propos plus que limite vis-à-vis de ses collègues du service », notamment M. [G] et Mme [H] (M. [X], responsable des ressources humaines),
qu’elle avait des agissements dénigrants et des propos agressifs, « et même insultant[s] » vis-à-vis de ses collègues du service de la comptabilité, notamment envers M. [G] et Mme [H], ce qui conduisit à une grande tension, qui empira vers les fêtes de fin d’année 2018 (M. [P] [I], juriste).
Si Mme [L] exprime n’avoir pas travaillé avec certains de ces témoins, cette considération est sans emport vu la configuration des lieux.
Les mails versés aux débats montrent que :
le 14 novembre 2018, par une correspondance, Mme [L] répondait à une directrice commerciale sollicitant le service financier pour avoir paiement de sa note de frais que n’ayant pas de justificatifs, elle ne serait pas remboursée, suite à quoi cette dernière s’émouvait de sa réponse publique et tendancieuse,
le 9 novembre 2018, elle demandait à son chef de service de répondre à l’interpellation d’un collaborateur sur la mise en place de saisies sur salaire en ces termes : « bonjour [E], tu es le directeur financier et responsable du service finance et tu peux apporter les explications à la chef d’agence », ce qu’il refusait en demandant à Mme [L] d’y pourvoir.
Ainsi, ces attestations, concordantes, à l’occasion précises, de témoins directs et qu’aucune pièce ne vient contredire rapportent l’attitude générale dévalorisante et discourtoise de l’intéressée envers ses collègues, notamment M. [G] et Mme [H] qu’elle humiliait et son comportement cavalier à l’égard d’autrui transparait dans le second échange de mails ci-avant.
Aussi, la matérialité des faits que la société Vitalliance est légitime à invoquer est-elle établie dans cette mesure.
Par ailleurs, vu l’effet délétère de son attitude dans le service, serait-ce hors de son équipe, dont plusieurs témoignent, comme le dévolu jeté surtout sur deux parmi tous interrogeant à leur égard l’obligation de sécurité de l’employeur envers ses collaborateurs, ou la persistance et la récurrence de ses agissements que plusieurs font remonter au moins à un an, et s’aggravant selon l’un des témoins, il y a lieu de considérer que la cause de son licenciement est sérieuse, Mme [L] n’aurait-elle reçu aucun reproche antérieur ou alerte, non établie, ou aurait-elle perçu la même année une prime exceptionnelle. Il importe peu par ailleurs que l’employeur qualifia ainsi le motif sans retenir ni faute grave, ni mise à pied conservatoire d’autant qu’en tout hypothèse, l’intéressée, ainsi qu’il est constant, fut mise d’emblée en disponibilité.
Les prétentions de Mme [L] seront rejetées par confirmation du jugement.
Sur le caractère vexatoire de la rupture
Mme [L] fait valoir la soudaineté de la rupture, dont elle fut avisée à son retour de congé quand elle fut sommée de déposer l’ensemble du matériel mis à sa disposition, et réclame, en réparation de son préjudice moral, 9.726,75 euros.
La société Vitalliance soutient avoir été conciliante.
Si l’intimée fait valoir la nouveauté de la demande en cause d’appel, elle n’exprime aucune fin de non-recevoir dans son dispositif et la cour n’en est pas saisie en application de l’article 954 du code de procédure civile.
Ce faisant, Mme [L] ne caractérise aucun fait fautif de l’employeur qui la mit en disponibilité au retour de ses congés de fin d’année, dès le 8 janvier 2018, et dès lors, il ne saurait avoir engagé sa responsabilité dans les termes de l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, dans le dommage dont se plaint l’intéressée, ni davantage dans ceux de l’article 1240 du même code.
Les prétentions de Mme [L] seront rejetées.
II ‘ sur l’exécution du contrat de travail
Sur les heures supplémentaires
Mme [L] sollicite 941,13 euros, correspondant à 45 heures faites en 2018 et non réglées, et la société Vitalliance conteste qu’elle apporte des éléments en démontrant l’existence.
L’article L.3171-4 du code du travail exprime qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Ce faisant, alors que la salariée est suffisamment précise pour évoquer n’avoir pu liquider en raison de son départ précipité les 45 dernières heures supplémentaires déposées sur le drive de la société, au titre de l’année 2018 dont elle réclama, en vain, la production aux débats, et qu’elle présente divers mails antérieurs de validation d’heures récupérées, en accréditant le principe, la société Vitalliance ne justifie nullement de ses horaires, qu’elle doit contrôler.
Dès lors, il sera fait droit à la demande en son intégralité et le jugement sera infirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef. Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal dès la saisine du conseil de prud’hommes, et seront capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil.
Sur la prime annuelle
Mme [L] évoque sa perception de 2015 à 2018 d’une prime annuelle exceptionnelle récompensant l’excellence de son travail, décorrélée de son comportement, qu’elle considère d’usage, et elle en réclame le versement pour la tâche accomplie en 2018, ce à quoi la société Vitalliance s’oppose en tant qu’elle relèverait de sa seule discrétion.
Il appartient au salarié qui s’en prévaut de démontrer l’usage, qui se caractérise par sa répétition, sa généralité et sa fixité.
Il est constant que le contrat de travail de Mme [L] ne stipule pas une telle prime.
Ses bulletins de paie établissent certes qu’elle perçut une « prime exceptionnelle » en janvier 2015 de 650 euros, en janvier 2016 de 1.000 euros, en janvier 2017, de 1.000 euros, en avril 2017 de 3.000 euros, en mai 2017 de 1.000 euros et en mai 2018 de 4.000 euros.
Néanmoins la variabilité de son exigibilité comme de ses montants démentent sa fixité. Au demeurant, Mme [L] n’établit pas qu’elle eut été générale. Dès lors que la prime fut payée à l’envi, elle ne procède pas d’un usage et la société Vitalliance n’est pas obligée.
La demande sera rejetée par confirmation du jugement.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [M] [L] en paiement de ses heures supplémentaires de l’année 2018 ;
Statuant sur le chef infirmé ;
Condamne la société par actions simplifiée Vitalliance à payer à Mme [M] [L] la somme de 941,13 euros bruts pour ses heures supplémentaires effectuées en 2018, non réglées, augmentés des intérêts au taux légal dès la saisine du conseil de prud’hommes ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
Y ajoutant ;
Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute Mme [M] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture vexatoire ;
Condamne la société par actions simplifiée Vitalliance à payer à Mme [M] [L] 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens, en ce non compris les frais d’exécution régis par le code des procédures civiles d’exécution.
– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,