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15 décembre 2010
Cour d’appel de Paris
RG n°
10/01872
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 1
ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 10/01872
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 08/02790
APPELANT
Monsieur [L] [I] [O] [Z]
né le [Date naissance 4] 1931 à [Localité 9] (Yonne)
[Adresse 6]
[Localité 10]
représenté par la SCP AUTIER, avoués à la Cour
assisté de Me Guillaume LE FOYER DE COSTIL, avocat au barreau de PARIS,
toque : P0019
INTIMÉ
Monsieur [E] [Z] dit [Z]
né le [Date naissance 5] 1935 à [Localité 11]
[Adresse 7]
[Localité 9]
représenté par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assisté de Me Laurent SCHRAMECK du cabinet de Me Thierry LEVY et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P507
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 09 novembre 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président,
Madame Isabelle LACABARATS, conseiller
Madame Dominique REYGNER, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats : Madame Marie-France MEGNIEN
lors du prononcé de l’arrêt : Madame Christine BESSE-COURTEL
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Christine BESSE-COURTEL, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
[T] [Z], poète et aquarelliste, est décédé le [Date décès 3] 1967 en laissant pour lui succéder [X] [Z], son épouse commune en biens, et leurs cinq enfants, [C], [F], [L], [E] et [S] [Z].
Par testament olographe daté du 29 août 1947, il avait notamment pris la disposition suivante : ‘Je laisse à ma femme avec tout mon amour l’usufruit de tous mes biens meubles et immeubles. Je lui laisse le soin de délivrer quand et comme elle voudra les legs suivants…’
Dans un codicille daté du 23 août 1961, il avait écrit : ‘je laisse à ma femme […] la totalité de mes manuscrits vers et prose’.
[X] [Z] est décédée le [Date décès 8] 1992 en laissant pour lui succéder ses cinq enfants.
Par testament olographe daté du 10 mars 1986, elle avait notamment pris la disposition suivante : ‘Je laisse à [E] tous les manuscrits et les écrits de son Père sur la famille [Z] et littéraires les laissant plus tard à celui qui s’y intéressera. qu’on essaye de les publier […] A mes enfants qui n’ont pas de descendance je voudrais que tout ce qui vient de nos familles y demeure. Si aucun ne s’y intéresse (aux papiers de famille) et aux écrits de [T] [Z], il faudrait les déposer aux archives d’Auvergne et de Bourgogne’.
[C] [Z] est décédé le [Date décès 2] 1993 en laissant pour lui succéder ses deux enfants, [A] et [Y].
[S] [Z] est décédé le [Date décès 1] 2003 en laissant pour lui succéder ses trois enfants, [K], [N] et [R].
S’agissant des oeuvres de son père, M. [E] [Z] a fait publier des manuscrits inédits, fait éditer des cartes postales reproduisant des aquarelles, organisé des expositions picturales et envisagé de remettre des manuscrits et des aquarelles à un musée.
Par acte du 14 février 2008, M. [L] [Z] a assigné M. [E] [Z] dit [Z] aux fins notamment de voir :
– constater que la disposition testamentaire de [X] [Z] évoquée précédemment est nulle,
– en conséquence, condamner sous astreinte M. [E] [Z] à déposer entre les mains d’un mandataire de justice les manuscrits de [T] [Z] demeurés en sa possession,
– faire défense à M. [E] [Z] de procéder à la publication ou à la remise des aquarelles de [T] [Z] ou de toute oeuvre non divulguée de celui-ci à un musée sans l’accord de tous les héritiers de l’artiste,
– lui donner acte de ce qu’il est prêt à concourir au dépôt des manuscrits litigieux aux Archives Départementales de l’Yonne ou aux Archives Nationales si le contrat de dépôt respecte les dispositions du code de la propriété intellectuelle et si tous les ayants droit sont appelés à y concourir.
Par jugement du 10 décembre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a débouté M. [L] [Z] de son action, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [L] [Z] aux dépens, avec bénéfice de l’article 699 du même code.
Par déclaration du 1er février 2010, M. [L] [Z] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées le 20 octobre 2010, il demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
– juger que [X] [Z] veuve [Z] et ses cinq enfants, ‘à défaut d’avoir déposé le testament et le codicille de [T] [Z] au rang des minutes d’un notaire comme le prescrit l’article 1007 du code civil, de n’avoir procédé à l’exécution d’aucune des dispositions prises par le testateur notamment concernant l’usufruit, de n’avoir pas fait établir l’inventaire prévu à l’article 600 du code civil, de n’avoir pas liquidé la succession et d’avoir pris des mesures autres que celles prévues par ces dispositions’, ont renoncé au testament et au codicille de [T] [Z],
– juger en conséquence que [X] [Z] n’avait plus que des droits moraux sur les manuscrits de son défunt mari et qu’elle ne pouvait en disposer,
– juger que M. [E] [Z] n’est pas propriétaire de ces manuscrits et qu’il les détient sans droit ni titre,
– faire défense à M. [E] [Z] de procéder à la divulgation ou à la remise à un musée des manuscrits et des aquarelles de [T] [Z] sans l’accord de tous ses ayants droit,
– juger que M. [E] [Z] devra remettre les manuscrits de [T] [Z] en sa possession, sous une astreinte de cent euros par jour de retard, entre les mains d’un mandataire de justice qu’il plaira à la cour de désigner, lequel aura pour mission de prendre possession desdits manuscrits, d’en dresser la liste, de la communiquer aux ayants droit, de délivrer à ceux qui le demanderaient et à leur frais de photocopie tout ou partie de ces manuscrits, d’entendre les ayants droit en leurs dires et explications, notamment sur les propositions qu’ils pourraient faire sur leur conservation, leur gestion et, le cas échéant, leur publication, concilier les parties si faire se peut sur ces différents points,
– lui donner acte de ce qu’il est prêt à concourir au dépôt des manuscrits de [T] [Z] aux Archives Départementales de l’Yonne ou aux Archives Nationales, en présence de tous les ayants droit ou eux dûment appelés, dans le cadre d’un contrat de dépôt respectant les dispositions du code de la propriété intellectuelle,
– très subsidiairement et uniquement pour le cas où, par impossible, la cour estimerait que [X] [Z] était propriétaire des manuscrits,
– juger que l’attribution des manuscrits à M. [E] [Z] par [X] [Z] par son testament daté du 10 mars 1986 est assortie de restrictions qu’il a l’obligation de respecter,
– juger que l’attribution des manuscrits n’a pas emporté transmission de la propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, notamment du droit de divulgation,
– juger, conformément aux dispositions de l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, que tous les droits découlant de la propriété incorporelle, notamment le droit de divulgation, appartiennent conjointement et indivisément à tous les héritiers de l’auteur ou à leurs représentants,
– faire défense à M. [E] [Z] de procéder à la divulgation ou à la remise à un musée des manuscrits et des aquarelles de [T] [Z] sans l’accord de tous ses ayants droit,
– juger que M. [E] [Z] devra communiquer les manuscrits de [T] [Z] en sa possession, sous une astreinte de cent euros par jour de retard, à un mandataire de justice qu’il plaira à la cour de désigner, lequel aura pour mission de dresser la liste desdits manuscrits, d’en remettre une copie aux ayants droit et de délivrer photocopie des manuscrits à ceux qui le demanderaient et ce, à leur frais,
– condamner M. [E] [Z] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec bénéfice de l’article 699 du même code.
Dans ses dernières conclusions déposées le 12 octobre 2010, M. [E] [Z] demande à la cour de :
– débouter M. [L] [Z] de toutes ses demandes,
– confirmer le jugement entrepris,
– condamner M. [L] [Z] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec bénéfice de l’article 699 du même code.
SUR CE, LA COUR,
– sur le legs des manuscrits
Considérant que, dès lors que, par codicille daté du 23 août 1961, [T] [Z] a ‘laissé’ à [X] [Z] ‘la totalité de [s]es manuscrits vers et prose’ et que, par testament olographe daté du 10 mars 1986, [X] [Z] a ‘laissé’ à son fils [E] ‘tous les manuscrits et les écrits de son Père sur la famille [Z] et littéraires’, le terme ‘laisser’ signifiant ici, dans le contexte des dispositions testamentaires, ‘léguer’, il y a lieu de décider que les manuscrits de [T] [Z] ont été légués à M. [E] [Z] ;
Considérant que M. [L] [Z] ne démontre pas que, comme il le prétend, les héritiers auraient renoncé aux dispositions testamentaires de [T] [Z] ; qu’en effet, d’un commun accord avec [X] [Z], les enfants de [T] [Z] ont pu décider de ne pas procéder à la liquidation et au partage de la succession de leur père durant la vie de leur mère, sans pour autant qu’il s’en déduise une renonciation au testament et au codicille ; que le fait que [X] [Z] n’ait prétendument pas fait publier une oeuvre de [T] [Z], contrairement à la volonté exprimée par celui-ci dans son testament, ne saurait signifier que celle-ci considérait le testament comme étant dépourvu de valeur juridique ;
Considérant que, par ailleurs, il ne peut être admis qu’en signant l’acte de partage de la succession de leur mère dans lequel le notaire précise que la de cujus ‘a pris diverses dispositions concernant la répartition entre ses descendants de divers objets mobiliers et souvenirs de famille’, les héritiers auraient ainsi reconnu qu’il n’existait aucun legs à leur profit, le terme ‘prendre des dispositions’, loin d’être antinomique avec celui de ‘legs’, étant même en parfaite concordance avec celui-ci, étant observé que M. [L] [Z] a lui-même accepté le legs qui lui a été conféré, après avoir indiqué dans une lettre du 11 décembre 1992 qu’il entendait respecter les volontés de sa mère ;
Considérant que les dispositions prises par [X] [Z], selon lesquelles ‘Je laisse à [E] tous les manuscrits et les écrits de son Père sur la famille [Z] et littéraires les laissant plus tard à celui qui s’y intéressera. qu’on essaye de les publier […] A mes enfants qui n’ont pas de descendance je voudrais que tout ce qui vient de nos familles y demeure. Si aucun ne s’y intéresse (aux papiers de famille) et aux écrits de [T] [Z], il faudrait les déposer aux archives d’Auvergne et de Bourgogne’, ne recèlent pas une charge grevant les attributions ou encore une restriction au droit de propriété, mais expriment seulement le voeu de la testatrice de voir, après son fils [E] (‘plus tard’), les oeuvres de [T] [Z] remises à un membre de la famille qui s’y intéressera et, à défaut seulement, confiées à des archives régionales ;
– sur le droit moral de [T] [Z]
Considérant que tant le droit de divulgation des oeuvres posthumes de [T] [Z], en vertu de l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, que le droit au respect de son oeuvre, en vertu des règles successorales, sont exercés par ses descendants ;
Que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, la transmission des oeuvres de [T] [Z] à son fils [E] n’a pas emporté la transmission du droit de divulgation ;
Considérant toutefois que M. [L] [Z] ne démontre pas que M. [E] [Z] ait fait un usage abusif, au sens de l’article L. 121-3 du code précité, du droit de divulgation ou qu’il ait porté atteinte au respect de l’oeuvre ; qu’en effet, d’une part, au contraire, M. [E] [Z] a participé activement à la promotion et à la mise en valeur des manuscrits et des aquarelles de [T] [Z], exerçant ainsi le droit de divulgation au service de l’oeuvre, en accord avec la personnalité, la volonté et les convictions de l’auteur telles que révélées et exprimées de son vivant ; que, d’autre part, celui-ci n’est pas contredit lorsqu’il affirme n’avoir jamais refusé à ses frères et soeur l’accès aux oeuvres de leur père et n’avoir jamais reçu une demande en ce sens de son frère [L], alors que sa soeur [F] et son frère [S] ont consulté à leur demande les archives de [T] [Z] ; que, dans ces conditions, la remise des oeuvres à un mandataire de justice serait dépourvue de toute justification ;
Considérant en conséquence qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [L] [Z] et le condamne à verser à M. [E] [Z] la somme de 4 000 euros,
Condamne M. [L] [Z] aux dépens,
Accorde à Me Melun, avoué, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,