Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 16 juin 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-24.631

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Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 16 juin 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-24.631
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16 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-24.631

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 437 F-D

Pourvoi n° R 19-24.631

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2021

La société Fashion B. Air, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 19-24.631 contre l’arrêt rendu le 20 septembre 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant à la société XXX, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Fashion B. Air, et de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société XXX, et l’avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l’audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2019), la société XXX (la société XXX), déclarant être investie des droits d’auteur sur un dessin de dentelle qu’elle commercialise depuis 2012 sous le n° 970120 après que la société XXX, filiale, comme elle-même, de la société XXX, l’eut divulgué et commercialisé sous le n° 78184, et soutenant avoir constaté que la société Fashion B. Air (la société Fashion) proposait à la vente des vêtements confectionnés dans une dentelle qui reproduisait les caractéristiques de son dessin, l’a assignée en contrefaçon de droits d’auteur et en concurrence déloyale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société Fashion fait grief à l’arrêt de dire que le dessin référencé 970120 de la société XXX est original et qu’elle a commis des actes de contrefaçon et de prononcer à son encontre différentes condamnations, alors :

« 1°/ qu’en l’absence de revendication du ou des auteurs, seule l’exploitation de l’oeuvre par une personne physique ou morale sous son nom fait présumer, à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre du droit de propriété incorporelle d’auteur ; qu’en jugeant que la titularité du droit d’auteur sur le dessin litigieux devait être reconnue à la société XXX tout en ayant relevé que cette exploitation avait été faite au moins pour partie sous le nom de la société XXX, au motif inopérant que la société XXX justifie être titulaire de deux marques verbales XXX, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que la société Fashion rappelait, page 7 de ses conclusions d’appel, que par un arrêt du 29 janvier 2019, la cour d’appel de Paris avait jugé, à propos du même dessin ayant porté la référence 78184 et aujourd’hui la référence 970120, que « la persistance de l’usage de ce nom (XXX) et de cette référence 78184 pour justifier de l’exploitation de ce dessin, moins de deux ans avant les faits de contrefaçon allégués (?) révèle une équivoque quant à la détermination de la personne morale exploitant l’oeuvre », de sorte que « la société XXX, qui n’est pas à l’origine de la création du dessin de dentelle et n’a pas été la première à le commercialiser, ne peut bénéficier de la présomption de titularité de droit d’auteur, faute de commercialisation sous son nom sans équivoque » ; qu’en jugeant que la titularité du droit d’auteur sur le dessin litigieux devait être reconnue à la société XXX sans accorder aucun motif à sa précédente décision du 29 janvier 2019, portant sur le même dessin et statuant en sens exactement contraire, et sans permettre à la société Fashion de comprendre la différence de jugement qu’elle a ainsi subi, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile, ensemble l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que nul ne peut se constituer un titre à soi-même ;qu’en jugeant que « M. [L] [N], président de la société XXX, atteste par ailleurs que depuis 2006 la société XXX est propriétaire des sociétés XXX et XXX, que la société XXX a divulgué et commercialisé le dessin de dentelle litigieux à compter du 19 septembre 2008 et jusqu’en 2011 sous la référence 78184 et que la propriété du dessin a ensuite été transférée à la société XXX qui l’a exploité sous une nouvelle référence 970120 pour permettre la mise en production sur ses propres machines » et que « son témoignage ne peut être rejeté du seul fait qu’il serait partie au litige, la société XXX étant présidente des sociétés XXX et XXX, dès lors qu’il est corroboré par les autres éléments produits aux débats » (ibid.), et en retenant parmi ces autres éléments produits aux débats des faits d’exploitation du dessin litigieux sous le nom de la société XXX, qui contredisaient la titularité du droit d’auteur invoquée par la société XXX, la cour d’appel a violé l’article 1315, devenu 1353, alinéa 1er, du code civil ;

4°/ que, pour établir que le dessin litigieux appartenait toujours à la société XXX, la société Fashion soulignait, page 15 de ses conclusions d’appel, que le commissaire au compte de la société XXX avait pu établir une attestation « relative au chiffre de d’affaires de l’article 78184 pour la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2016 » produite aux débats et que « si le commissaire aux comptes de la société XXX est capable d’attester quant au chiffre d’affaires réalisé par la société XXX sur « l’article 78184 », c’est bien que cet article 78184 figure encore dans le patrimoine et la comptabilité de la société XXX », peu important que ce chiffre d’affaires puisse être nul ; qu’en ne répondant pas aux conclusions de la société Fashion sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments produits et en l’absence d’application à la preuve d’un fait juridique du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, que la cour d’appel, qui n’était pas tenue par une appréciation des droits de la société XXX portée antérieurement, lors d’une instance distincte, et n’avait pas à répondre à des prétentions que ses constatations rendaient inopérantes, a estimé que la société XXX avait cessé la commercialisation du dessin de dentelle litigieux et que la société XXX justifiait, par plusieurs éléments concordants, d’une exploitation non équivoque du dessin de dentelle n° 970120 sous son nom et sous ses marques verbales française et internationale, antérieurement aux actes de contrefaçon allégués, et qu’elle était dès lors recevable à agir en contrefaçon.

4. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société Fashion fait le même grief à l’arrêt, alors « que pour établir le défaut d’originalité du dessin litigieux, la société Fashion exposait que l’on retrouvait ses caractéristiques, à savoir une composition associant deux compositions florales différentes, composées de fleur et de feuillage sur des lignes horizontales, une impression de profusion et de densité des motifs floraux et la mise en valeur des espaces vides en espaçant les traits séparant chaque motif, dans plusieurs autres dentelles dont les dessins étaient également produits, parmi lesquelles la dentelle Angèle Giniaux composée de lignes répétées alternant fleurs et branchages, avec deux types de fleurs différentes et une composition florissante fastueuse créant une impression de profusion et de densité des motifs floraux, ainsi qu’un espacement net des traits avec une mise en valeur d’espaces vides, la dentelle Chanty Spitzenfabrik, composée également sur des lignes horizontales alternant fleurs et branchages, avec un effet de profusion de motifs floraux, et également une partie importante laissée aux espaces vides notamment pour le coeur des fleurs, avec une fleur similaire aux fleurs de la dentelle revendiquée, accompagnée de branchages également exécutés de façon identique, la dentelle robe Jacques Heim, composée de lignes alternant deux fleurs de type différent avec des branchages, comme sur le modèle de dentelle revendiquée, la dentelle Robert Attenbourgh, identique ou la dentelle Tianhai Lace, qui présente une fleur similaire à celle de la dentelle revendiquée, sur un ensemble composé d’une alternance de fleurs et de branchages sur une ligne horizontale ; qu’en jugeant que « la prétendue banalité du motif de dentelle opposé n’est aucunement avérée au vu des éléments versés aux débats par la société Fashion qui montrent des motifs de dentelle différents quoique relevant d’un même genre de dentelles
florales, aucune des dentelles préexistantes produites ne présentant dans une même combinaison les compositions florales revendiquées », sans examiner, même sommairement, les pièces produites aux débats, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

 


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