Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 5 septembre 2022 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00161

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Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 5 septembre 2022 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00161
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5 septembre 2022
Cour d’appel de Nancy
RG n°
22/00161

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2022 DU 05 SEPTEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00161 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E5AI

Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NANCY, R.G.n° 20/03019, en date du 21 décembre 2021,

APPELANTE :

S.A.S. FDC – FAÏENCERIE DE CHAROLLES, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Ermelle VALENCE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Jérôme DELIRY, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

Madame [V] [Z], épouse [L]

née le 31 Juillet 1971 à [Localité 2] (59)

domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Guillaume BEAUDOIN de la SELARL BEAUDOIN, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Mai 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2022, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 05 Septembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [V] [Z] épouse [L] indique être créatrice de modèles de faïences qu’elle a réalisés au profit de la société Faïencerie de Charolles (FDC) dont son mari était le dirigeant. Cette société a été placée en redressement judiciaire 3 janvier 2019. Cette procédure a abouti à un plan de cession au bénéfice de la société CP3E par jugement du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône du 9 mai 2019. La SAS FDC, société nouvelle autrement dirigée, s’est par la suite substituée à la société CP3E.

Par acte du 1er décembre 2020, Madame [V] [L] a fait assigner la SAS FDC devant le tribunal judiciaire de Nancy, au visa de l’article 1131 du code civil, des articles L. l13-1, L. 122-1, L. 333-1-3, L. 511-1, L. 511-9 du code de la propriété intellectuelle aux fins de dire qu’elle est propriétaire des 16 moules et modèles qu’elle a créés et déposés, de dire qu’elle est titulaire des droits patrimoniaux et moraux sur ses créations, moules et modèles, de mettre fin et de sanctionner les actes de contrefaçon de droits d’auteur réalisés par la SAS FDC.

La SAS FDC a transmis par voie électronique le 8 mars 202l des conclusions d’incident tendant à titre principal, à prononcer la nullité de l’assignation, subsidiairement à dire Madame [V] [L] irrecevable en son action, en tout état de cause, à la condamner à lui payer la somme de 10000 euros pour procédure abusive, outre la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 21 décembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nancy, a :

– rejeté l’exception de nullité de l’assignation,

– rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de Madame [V] [L],

– déclaré Madame [V] [L] irrecevable à agir en revendication des moules, meubles corporels détenus par la SAS FDC pour cause de forclusion,

– déclaré Madame [V] [L] recevable en son action en contrefaçon,

– débouté la SAS FDC de ses autres demandes,

– dit que les dépens de l’incident suivront le sort de l’instance au principal,

– enjoint à la SAS FDC de conclure avant le 20 février 2022,

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état électronique du 22 février 2022 à 9 heures.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a relevé qu’en plusieurs énoncés de son assignation du 1er décembre 2021, Madame [V] [L] a bien identifié les ‘uvres en cause ainsi que les fondements de ses demandes. Le juge de la mise en état lui a reconnu qualité à agir en contrefaçon des dessins déposés en son nom par son mari sous les enveloppes SOLEAU à l’INPI, ainsi qu’un intérêt à agir reposant sur la démonstration que la SAS FDC détient les moules revendiqués et exploite les ‘uvres dont Madame [L] se réclame être l’auteur.

Le juge de la mise en état a retenu la forclusion de l’action en revendication des moules, biens meubles corporels en l’absence d’action en revendication diligentée dans le cadre de la procédure collective dans le délai de trois mois prévu par l’article L 624-9 du code de commerce. Il a en revanche dit que l’action en contrefaçon pouvait être introduite dans le délai de droit commun dans la mesure où il n’était justifié d’aucun contrat de cession à titre exclusif de droits à son profit par la SAS FDC qui pourtant les exploite.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 12 janvier 2022, la SAS FDC – Faïencerie de Charolles a relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 22 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS FDC demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance sur incident rendue par le pôle civil section 7 le 21 décembre 2021, en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité de l’assignation de Madame [V] [L],

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Madame [V] [L],

– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a déclarée Madame [V] [L] irrecevable à agir en revendication des moules, meubles corporels détenus par elle, pour cause de forclusion,

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré Madame [V] [L] recevable en son action en contrefaçon,

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle l’a déboutée de ses autres demandes,

Et, statuant à nouveau,

– constater que l’assignation de Madame [V] [L] délivrée à la société FDC est nulle,

En conséquence,

– prononcer l’extinction de l’instance,

A titre subsidiaire,

– constater le défaut d’intérêt et de qualité à agir de Madame [V] [L],

En conséquence,

– déclarer irrecevables les demandes formulées par Madame [V] [L],

A titre infiniment subsidiaire,

– constater forcloses les demandes de Madame [V] [L], celles-ci n’ayant pas été présentées dans le délai de 3 mois pour l’action en revendication prévue par l’article L.624-9 du code de commerce,

En conséquence,

– déclarer irrecevables les demandes formulées par Madame [V] [L],

En tout état de cause,

– condamner Madame [V] [L] à lui verser la somme de 10000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

– condamner Madame [V] [L] à lui payer la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Madame [V] [L] en tous les dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 16 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [V] [L] demande à la cour, au visa des articles L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, des articles L. 624-9, L. 624-10, L. 624-16 du code de commerce, des articles 32-1, 54, 56, 122,700,789-1 du code de procédure civile, de :

– débouter la SAS FDC de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

– débouter la SAS FDC de sa demande de nullité de l’assignation délivrée par la concluante et de l’extinction de l’instance,

En conséquence,

– juger recevable et bien fondée l’assignation délivrée,

– débouter la SA FDC de sa demande d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt et de qualité à agir de Madame [V] [L],

En conséquence,

– juger recevables et bien fondées les demandes formulées par la concluante,

– débouter la partie adverse de ses demandes relatives à la forclusion invoquée de l’action en contrefaçon,

A titre reconventionnel,

– condamner la SAS FDC à lui verser la somme de 10000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– en tout état de cause,

– débouter la SAS FDC de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– débouter la SAS FDC de sa demande formulée au visa de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SAS FDC à lui verser la somme de 3500 euros au visa des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 4 avril 2022.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 25 avril 2022, puis renvoyée au 23 mai 2022 et le délibéré au 5 septembre 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l’assignation

Cette demande est fondée sur les dispositions de l’article 56 2° du code de procédure civile qui prévoient que l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54, un exposé des moyens en fait et en droit ;

S’il est exact comme le relève l’appelante, que l’intimée se prévaut des textes régissant le droit des dessins et modèles sans pourtant fournir les dépôts correspondants, il est patent que l’action et les moyens développés sont exclusivement fondés sur le droit d’auteur, de sorte que le visa des articles L 511-1 et L511-9 du code de la propriété intellectuelle sont surabondants sans avoir pour effet de vicier l’acte introductif d’instance ;

L’assignation précise que 16 enveloppes Soleau ont été déposées à l’INPI comportant chacune les dessins correspondant aux objets dont Madame [L] affirme être l’auteur et qui auraient servi de base à la réalisation des moules destinés à la fabrication en série opérée par l’appelante.

Il n’existe dès lors aucune incertitude sur les oeuvres qui fondent l’action de sorte que l’appelante est à même de développer ses moyens de défense, tant sur l’originalité et la titularité des droits que sur la contrefaçon ;

L’ordonnance sera donc confirmée sur ce point.

Sur la qualité à agir

L’action en contrefaçon de droits d’auteur appartient à l’auteur lui-même ou à ses ayants droits. En ce sens, il s’agit bien d’une action dédiée. Cependant, la reconnaissance du droit d’auteur n’étant liée à aucun formalisme, son existence ne peut à l’évidence résulter d’un titre visé ou non dans l’acte introductif d’instance.

L’appelante se prévaut de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée, soit elle-même, et reproche à l’intimée de ne pas produire démontrer la titularité de ses droits.

Le point de savoir si la présomption de titularité, qui est une présomption simple, sera utilement combattue par la thèse soutenue et les pièces produites par Madame [L], en l’état, le contenu des enveloppes Soleau déposées en son nom par son époux, relève du débat de fond et non de celui de la recevabilité de l’action au soutien duquel ces documents sont produits.

Il sera relevé en outre que l’appelante ne développe aucun moyen tenant à un défaut d’intérêt à agir.

L’ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur la forclusion

L’appelante fonde cette exception sur les dispositions de l’article L 624-9 du code de commerce selon lesquelles la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant le jugement d’ouverture de la procédure collective.

Il est de jurisprudence constante que cette forclusion s’applique à tous les biens meubles qu’elle qu’en soit la nature, corporelle ou incorporelle, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre les moules et les droits d’auteur ainsi que l’a fait le premier juge ;

Il est de même constant que cette disposition n’a pas pour effet d’entraîner la privation du ou des droits en cause mais seulement de les rendre inopposables aux organes de la procédure collective ;

Or, la présente action est engagée par Madame [L] sur le fondement de la contrefaçon des droits d’auteur dont elle se prévaut, dirigée contre la société nouvelle FDC, cessionnaire et non contre un organe de la procédure collective ;

il s’ensuit que le texte visé est sans application dans le cas d’espèce, de sorte que la forclusion invoquée n’est pas encourue. 

Il sera observé en outre que si l’intimée a, dans le corps de ses écritures, acquiescé à l’ordonnance en ce que sa demande portant sur les moules a été déclarée forclose, il n’est pas fait mention de cet acquiescement dans leur dispositif de sorte qu’il est sans effet ;

L’ordonnance sera donc partiellement réformée sur ce point et l’exception entièrement rejetée.

Sur les autres demandes

Les demandes principales et reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive seront rejetées, aucune faute ne pouvant être retenue dans l’exercice du droit d’agir ou de se défendre en justice ;

Les frais irrépétibles et les dépens suivront le sort de l’instance au fond.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 21 décembre 2021 sauf en ce que la revendication des moules objets corporels a été jugée forclose ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la demande en contrefaçon en ce qu’elle porte sur les moules est recevable,

Rejette la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,

Dit que les dépens et les frais suivront le sort de l’action au principal,

Renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nancy.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en six pages.

 


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