Production musicale : 13 décembre 1990 Cour de cassation Pourvoi n° 87-91.789

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Production musicale : 13 décembre 1990 Cour de cassation Pourvoi n° 87-91.789
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize décembre mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire NIVOSE, les observations de la société civile professionnelle LESOURD et BAUDIN et de la société civile professionnelle RICHE, BLONDEL et THOMAS-RAQUIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général RABUT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

X… Jean,

LA SOCIETE ” SCANNER’S CLUB “,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, en date du 9 novembre 1987 qui a condamné le premier à 5 000 francs d’amende pour contrefaçon, a déclaré la seconde civilement responsable et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation ainsi rédigé : le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé que l’action intentée par la SACEM au nom des auteurs qui sont ses adhérents serait recevable ;

” aux motifs que l’article 65 alinéa 2 de la loi du 11 mars 1957 n’aurait pas été modifié par la loi du 3 juillet 1985 et que cette loi reconnaitrait également dans son article 38 alinéa 2 le droit aux sociétés de perception et de répartition des droits d’auteurs, leur qualité d’ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge y compris devant les juridictions pénales,

” alors que, d’une part, la SACEM n’est qu’un mandataire salarié à titre particulier et que c’est ainsi que les articles 38 alinéa 2 de la loi du 3 juillet 1985 et 65 alinéa 2 de la loi du 11 mars 1957 lui ont conféré le droit d’ester en justice mais que ces textes ne dispensent pas la SACEM de respecter la règle selon laquelle ” Nul ne plaide par procureur ” ; que dès lors, la SACEM doit faire connaître dans la procédure la liste des auteurs au nom desquels elle agit en justice ; qu’en refusant de faire connaître le nom des mandants au nom desquels elle agit en justice, la SACEM viole le principe selon lequel ” Nul ne plaide par procureur ” ; qu’ainsi son action est irrecevable et qu’en décidant le contraire l’arrêt attaqué a violé le principe susvisé, les articles 65 alinéa 2 de la loi du 11 mars 1957 et 38 alinéa 2 de la loi du 3 juillet 1985,

” alors que, d’autre part, s’agissant des auteurs étrangers qui constituent la grande majorité des auteurs de disques diffusés dans les discothèques, la SACEM n’a pas statutairement la charge de leurs droits ; qu’en conséquence elle ne peut ester en justice en leur nom en vertu des articles 65 alinéa 2 de la loi du 11 mars 1957 et 38 alinéa 2 de la loi du 3 juillet 1985 ; que ce sont les sociétés d’auteurs étrangères qui ont statutairement la charge des droits des auteurs étrangers ; qu’en déclarant l’action en justice de la SACEM recevable sans distinguer selon qu’elle agit au nom des auteurs français qui sont ses adhérents ou au nom des auteurs étrangers qui sont les adhérents des sociétés étrangères de perception et de répartition des droits d’auteurs, l’arrêt attaqué a violé non seulement la règle selon laquelle ” nul ne plaide par procureur ” mais encore les articles 65 alinéa 2 de la loi du 11 mars 1957 et 38 alinéa 2 de la loi du 3 juillet 1985 ” ;

Sur le deuxième moyen de cassation ainsi rédigé : le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné le prévenu du chef du délit de contrefaçon ;

” aux motifs que ” la diffusion publique d’un phonogramme par quelque moyen que ce soit suffit à caractériser l’élément matériel de la prévention ” ; qu’en outre ” ne résiste pas à l’examen le dernier moyen selon lequel la loi nouvelle du 3 juillet 1985 ayant supprimé la circonstance aggravante d’habitude telle que retenue par la poursuite par application de l’ancien article 427 du Code pénal, il ne peut être fait référence à l’article 427 nouveau visant la récidive, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ” ; ” qu’en effet, outre que l’article 426 précité visant la contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur n’a pas été modifié, il reste que par suite de la suppression de la circonstance d’habitude, la loi nouvelle est applicable aux faits de la cause en ce que plus douce, elle permet le prononcé d’une simple amende dans la limite cependant des taux visés à l’ancien article 427 savoir entre 800 et 30 000 francs ” ;

” alors que, d’une part, l’article 426 du Code pénal n’est pas applicable au phonogramme ; qu’en décidant le contraire l’arrêt attaqué a violé ce texte et l’article 22 de la loi du 3 juillet 1985 ;

” alors que, d’autre part, à supposer que l’article 426 du Code pénal qui vise l’incrimination soit applicable au phonogramme ; la sanction pénale qu’il entraîne ne peut être fondée sur les articles 427 ancien et nouveau du Code pénal puisque ces deux textes concernent la récidive, ce qui n’est pas le cas de l’infraction reprochée au prévenu ; qu’en conséquence, la sanction pénale applicable en l’espèce, ne peut être que celle prévue par l’article 426-1 du Code pénal mais que ce texte étant postérieur aux faits de l’espèce, il ne peut en aucun cas leur être applicable ; qu’en outre, l’article 425 du Code pénal n’est pas non plus applicable en l’occurrence puisqu’il ne concerne que l’édition ; que, dès lors, en prononçant la condamnation du prévenu, sachant que les textes visés par la citation directe étaient les articles 426 et 427 du Code pénal, l’arrêt attaqué se trouve entaché de leur violation ” ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 86 du Traité de Rome ;

” en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a accueilli l’action civile de la SACEM, ordonné une expertise destinée à déterminer le montant des redevances que ladite SACEM aurait dû percevoir et alloué une indemnité provisionnelle,

” alors que, par arrêt du 13 juillet 1989 la Cour de Justice des communautés européennes a affirmé que l’article 86 du Traité CEE doit être interprété en ce sens, qu’une société nationale de gestion des droits d’auteur se trouvant en position dominante sur une partie substantielle du marché commun, impose des conditions de transaction inéquitables lorsque les redevances qu’elle applique aux discothèques sont sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres Etats membres dans la mesure où la comparaison des niveaux des tarifs a été effectuée sur une base homogène, que par suite viole l’article 86 susvisé l’arrêt attaqué en ce qu’il a décidé que le préjudice de la SACEM était équivalent au montant de redevances qui ont été reconnues non équitables par la Cour de Justice ” ;

Ces moyens étant réunis ;

Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué que, sans verser les redevances correspondantes, Jean X…, gérant d’une discothèque, a utilisé dans cet établissement des oeuvres musicales appartenant au répertoire de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) ; que sur la plainte de celle-ci il a été poursuivi pour contrefaçon ;

Attendu que, pour accueillir la constitution de partie civile de la SACEM, condamner le prévenu du chef de contrefaçon, et ordonner une expertise afin de déterminer le préjudice résultant des faits poursuivis, la juridiction du second degré se prononce par les motifs reproduits aux moyens ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs les juges ont reçu à bon droit la constitution de partie civile de la SACEM dès lors que, sans que la loi du 3 juillet 1985 ait modifié l’article 65 de la loi du 11 mars 1957, cet organisme de défense professionnelle a qualité, en vertu des dispositions légales, de son habilitation, de ses statuts et des conventions passées avec les sociétés étrangères d’auteurs, pour agir en justice afin de sauvegarder les intérêts de ses mandants, français ou étrangers, ce qui rend inopérante en l’occurrence la règle invoquée dans le premier moyen pris en ses deux branches ; que par ailleurs la diffusion publique au moyen d’un phonogramme, sans autorisation de l’auteur, d’une oeuvre musicale protégée constitue une représentation, au sens de l’article 27 du second des textes susvisés, qui caractérise l’élément matériel de la contrefaçon ; qu’en outre, si les juges ont énoncé à tort que les dispositions de la loi du 3 juillet 1985 étaient applicables aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur, alors que les sanctions qu’elle édicte sont plus sévères, le demandeur est sans intérêt à se prévaloir de cette erreur dès lors que l’amende prononcée n’excède pas le maximum prévu par l’article 425 du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 11 mars 1957 ; qu’enfin en exerçant, conformément au principe posé par la Cour de Justice des communautés européennes dans son arrêt du 13 juillet 1989, le pouvoir d’appréciation dévolu à la juridiction du fond, la cour d’appel a souverainement considéré, en déclarant établi le préjudice résultant des agissements reprochés, puis en ordonnant une expertise destinée à le déterminer, que les redevances recouvrées par la SACEM n’étaient pas inéquitables et ne traduisaient donc pas un abus de position dominante contraire aux prescriptions de l’article 86 du Traité de Rome ;

D’où il suit que lesdits moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Nivôse conseiller rapporteur, MM. de Bouillane de Lacoste, Jean Simon, Blin, Carlioz, Guerder R conseillers de la chambre, MM. Louise, Maron conseillers référendaires, M. Rabut avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

 


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