Télétravail : 24 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01025

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Télétravail : 24 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01025
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24 mai 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/01025

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 24 MAI 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 20/01025 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPHE

SAS AYOR WATER AND HEATING SOLUTIONS

c/

Madame [X] [C] [J]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 février 2020 (R.G. n°F 19/00018) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 21 février 2020,

APPELANTE :

SAS Ayor Water And Heating Solutions – nom commercial SA Somatherm, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 681 980 033

représentée par Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Marianne FOURRIER, avocat au barreau de PARIS substituant Me Géraldine LEPEYTRE de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

Madame [X] [C] [J]

née le 05 Février 1978 de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

assistée de Me Ronan MABILEAU de la SELARL MGA, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE, représentée par Me Philippe LECONTE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 mars 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Ayor Water and Heating Solutions, dont le nom commercial est SA Somatherm, a engagé Madame [X] [C] [J], née en 1978, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 janvier 2003. Exerçant les fonctions de responsable SAV, statut cadre, niveau VII, coefficient 7.1, en application de la convention collective nationale du commerce de gros non alimentaire, , Mme [C] [J] a été promue par avenant du 27 mars 2012 au poste de directrice marketing opérationnel et administration des ventes, statut cade, niveau VIII, échelon 1.

Le 22 avril 2013, Mme [C] [J] a bénéficié d’un congé de maternité jusqu’au 1er avril 2014.

Mme [C] [J] a, par la suite, pris un congé parental d’éducation du 2 avril au 1er novembre 2014, successivement renouvelé jusqu’au 1er janvier 2016. Mme [C] [J] devait reprendre son poste de travail le 15 février 2016, après la période de ses congés payés.

Le 7 janvier 2016, un entretien a été organisé entre Mme [C] [J], M.[F] (directeur général) et Mme [S] (directrice des ressources humaines).

Un poste de ‘directrice pricing’ a été proposé à Mme [C] [J] qui l’a accepté, consistant à définir et mettre en place une politique tarifaire et des produits stratégiques du groupe.

Le 15 juin 2016, un avenant au contrat de travail a été conclu avec effet rétroactif au 1er janvier 2016, statut cadre, niveau VIII, échelon 1. Le temps de travail et la rémunération restant inchangés.

Mme [C] [J] a été placée en arrêt maladie du 22 janvier 2018 au 30 janvier 2018.

Le 14 mai 2018, Mme [C] [J] a indiqué qu’elle allait déménager en juillet et s’installer en Charente-Maritime pour suivre son mari. Elle a demandé le bénéfice d’un télétravail.

Par mail du 18 mai 2018, la salariée a sollicité un retour de la direction sur les solutions envisagées.

Le même jour, la directrice des ressources humaines a répondu à Mme [C] [J] pour lui rappeler le délai de préavis de 3 mois pour formaliser son départ.

Le 22 mai 2018, Mme [C] [J] a de nouveau évoqué la proposition de télétravail, contestant son souhait de quitter la société. Elle a également sollicité le directeur général. Par mail du même jour, le directeur général a répondu, qu’ ‘il s’agira de discuter des modalités de votre départ’ lors d’un entretien fixé au 30 mai 2018. A l’issue, la direction a refusé la mise en place du télétravail.

Mme [C] [J] a été en arrêt de travail du 1er juin 2018 au 29 juin 2018. Cet arrêt de travail a été prolongé et a fait l’objet de renouvellements successifs sans qu’elle ne reprenne son poste.

Le 13 juin 2018, Mme [C] [J] a adressé un mail à sa direction concernant la publication sur un site Internet d’une offre d’emploi correspondant à son poste.

Demandant à titre principal la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur et différentes indemnités, outre des dommages et intérêts pour licenciement nul mais également la condamnation de la société Ayor Water and Heating Solutions au versement de l’ensemble de ses salaires avec pour référence une rémunération moyenne à 8.283,22 euros, une indemnité au titre du travail dissimulé, Mme [C] [J] a saisi le 24 janvier 2019 le conseil de prud’hommes de Périgueux. A titre subsidiaire, elle soutient que sa rémunération moyenne doit être fixée à 5.989 euros bruts.

La juridiction prud’homale de Périgueux, par jugement rendu le 17 février 2020, a :

– fixé la rémunération moyenne de Mme [C] [J] à 5.989 euros brut,

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [C] [J], aux torts de l’employeur en conséquence,

– condamné la société Ayor Water and Heating Solutions à payer à Mme [C] [J]:

* 17.967 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,

* 1.796,70 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 26.950,49 euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 83.846 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Ayor Water and Heating Solutions à remettre les documents légaux à Mme [C] [J] et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard, après un délai de 30 jours suivant la notification du présent jugement,

– dit que le conseil se réserve le droit de liquider l’astreinte,

– assorties ces sommes des intérêts légaux en vigueur,

– débouté Mme [C] [J] du reste de ses demandes,

– débouté la société Ayor Water and Heating Solutions de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– condamné la société aux entiers dépens.

Par déclaration du 21 février 2020, la société Ayor Water and Heating Solutions a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 mars 2023, la société Ayor Water and Heating Solutions demande à la cour de:

– constater que Mme [C] [J] n’a subi aucun harcèlement moral,

– constater que Mme [C] [J] n’a effectué aucune heure supplémentaire,

En conséquence :

– constater qu’elle n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat à l’égard de Mme [C] [J],

Ainsi,

– infirmer partiellement le jugement de première instance en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur en retenant son manquement à son obligation de sécurité de résultat,

Et statuant à nouveau :

– débouter Mme [C] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions prises à son encontre,

– condamner Mme [C] [J] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner Mme [C] [J] à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 février 2023, Mme [C] [J] demande à la cour de’:

– la déclarer recevable et bien-fondée en son appel incident,

– déclarer mal fondé l’appel de la société Ayor Water and Heating Solutions à l’encontre de la décision rendue le 17 février 2020 par le conseil de prud’hommes de Périgueux,

Y faisant droit,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’infraction de travail dissimulé,

Et statuant à nouveau:

– condamner la société Ayor Water and Heating Solutions à lui verser les sommes suivantes :

* 24.849,66 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

* 2.484,96 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

* 32.274,49 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 198.797,28 euros nets à titre de dommages et intérêts (24 mois),

– condamner la société Ayor Water and Heating Solutions à lui verser les sommes suivantes :

* 61.927,58 euros bruts à titre de rappel de salaire (heures supplémentaires au titre des années 2016, 2017 et 2018);

* 6.192,75 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

* 49.699,32 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– confirmer pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes,

– débouter la société Ayor Water and Heating Solutions de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Ayor Water and Heating Solutions à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

– condamner la société Ayor Water and Heating Solutions aux dépens de l’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 27 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

Mme [C] [J] sollicite le paiement de 61.927,58 euros outre des congés payés de 6. 192,75 euros et correspondant à la réalisation entre 2016 et 2018 de

– 994 heures supplémentaires, soit réalisation de deux heures supplémentaires par jour (1 h sur sa pause déjeuner et 1 h le soir), sur une moyenne de 221 jours par an,

– 540 heures supplémentaires effectuées ponctuellement en raison de missions spécifiques saisonnières : soit trois heures supplémentaires par jour sur une période de 20 jours, 4 fois par an.

Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

A l’appui de la demande d’heures supplémentaires, Mme [C] [J] indique qu’elle a travaillé tôt le matin, pendant la pause de midi et le soir, reprenant sous forme de tableaux de synthèse les heures supplémentaires qu’elle dit avoir effectuées de manière hebdomadaire sur les années 2016 à 2018, renvoyant pour chaque semaine soit aux impressions d’écran de fichiers sur lesquels elle a travaillé comportant l’heure d’enregistrement de chaque fichier, à la fin de la réalisation de sa tâche, soit les courriels adressés portant mention des heures tardives.

Elle produit également l’attestation de M. [E] qui confirme qu’elle travaillait régulièrement ‘en dehors de ses heures de travail et même jour et nuit’.

Le tableau de synthèse, qui ne porte aucune mention des heures effectuées quotidiennement, se contentant d’affirmer un nombre d’heures supplémentaires par semaine ainsi : semaine 1 : 8 h, semaine 2 : 15h, semaine 3 : 20h, semaine 4 : 16 h avec renvoi sur certaines semaines à des pièces jointes, n’est pas suffisamment précis pour permettre à l’employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

La cour note en outre que le contrat de travail prévoyait que ‘la durée journalière et hebdomadaire du travail de Mme [C] [J] ne peut être fixé à l’avance’, qu’elle disposait contractuellement d’une faculté de décaler ses horaires de présence, pour un temps de travail hebdomadaire fixé à 37h30 et qu’elle pouvait partir plus tôt pour des raisons personnelles indiquant notamment dans certains courriels adressés à sa hiérarchie compenser par un travail entre 12h et 14h.

Certains courriels produits sur la période comprise entre février et novembre 2017 sont ainsi envoyés sur la pause méridienne sans qu’il soit démontré que la salariée ait été privée de son temps de pause qui a pu être décalé. La cour prendra en considération qu’un grand nombre de messages électroniques ont été envoyés sur les heures de journée de travail, certains ont consisté à transférer des pièces jointes et dans tous les cas n’apportaient pas de réponse à des interrogations ou demandes urgentes de sorte que la salariée n’était pas tenue d’y répondre à des heures tardives.

La demande de Mme [C] [J] sera rejetée et le jugement déféré confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l’entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l’employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Selon les dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 prévoit, qu’en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme [C] [J] invoque des faits de harcèlement, soutenant avoir été mise à l’écart et notamment :

– la proposition d’un simple poste d’assistante à son retour de congés parental ayant suivi son congés maternité. Elle produit le courrier qu’elle adresse à la direction le 7 janvier 2016 à la suite de l’entretien tenu le même jour s’opposant à la proposition faite d’un ‘poste d’assistante sous la responsabilité d’une personne qui prendrait mes fonctions’. Toutefois, aucun élément objectif n’atteste de cette proposition, la direction des ressources humaines confirmant par courrier du 19 janvier 2016 qu’il n’était pas possible de lui rendre son poste, au motif d’une réorganisation pour répondre à des nécessités d’adaptation et d’évolution des marchés, annonçant une présentation prochaine de fiche de poste avec un contenu adapté à son profil, au motif justement de ce que les seuls postes d’assistantes disponibles à ce jour, ne correspondaient pas à son niveau de qualification. Mme [C] [J] est revenue dans l’entreprise sur un poste de directrice ‘pricing’, suivant les mêmes garanties statutaires et de rémunération que son précédent poste.

– Un nouveau rattachement hiérarchique à compter de janvier 2017, de la direction générale à la direction du contrôle de gestion et du ‘pricing’, annoncé en public au cours de la convention annuelle de la société en décembre 2016, la salariée étant désormais soumise à une gestion des congés payés et des entretiens individuels. Mme [C] [J] verse une présentation des orientations de la société 2017 comportant la réorganisation selon ‘une gouvernance en transmission’, accès sur l’innovation et la transformation, son service étant rattaché au comité exécutif comme la direction financière, la direction générale de la ‘supply chain’ notamment et ne précise pas pourquoi ce nouveau rattachement était une dénaturation de son poste, conservant les mêmes attributions.

– Des pressions pour démissionner à la suite de sa demande de bénéficier effectuer du télétravail sans que les modalités de ce dernier aient pu être discutées.

Mme [C] [J] verse les échanges de courriels avec la direction après avoir fait part le 14 mai de son projet de déménagement en Charente Maritime. Elle ne produit toutefois pas le courriel initial aux termes duquel elle sollicite la mise en place d’un télétravail. L’employeur produit le mail de transmission du supérieur hiérarchique de la salariée aux termes duquel elle souhaitait, soit une présence sur site deux jours par semaine à raison de deux fois par mois, soit une rupture conventionnelle. Elle verse les courriels postérieurs dans lesquels la société lui indique que le projet de lui confier les missions du group leader n’ont plus lieu d’être au regard de ses projets familiaux et qu’elle sera reçue pour discuter des modalités de départ, la société mentionnant que ‘votre départ n’est absolument pas souhaité du côté de l’entreprise’. Le refus par l’employeur de mettre en place un télétravail de quatre jours par mois motivé par des raisons organisationnelles n’est pas un élément laissant supposer un harcèlement.

– son remplacement quelques jours après son arrêt maladie. Mme [C] [J] produit la publication de son poste sur le site inernet Indeed pour un poste de ‘Pricing Manager’ dont le descriptif est identique au sien ainsi que le courrier du 13 juin 2018 dans lequel elle demande des explications.

– Mme [C] [J] est en arrêt de travail pour maladie à partir du 1er juin 2018 sans qu’une mention particulière soit portée sur les différents arrêts par son médecin ni par le médecin du travail lors d’une visite le 30 mars 2017. Le 29 juin 2018, le médecin du travail demandait par courrier au médecin généraliste de Mme [C] [J] de la recevoir car elle ‘n’est pas en état de reprendre le travail vu son état psychologique (burn out). La reprise me paraît difficile, mais avant de prendre une décision il faut qu’elle aille mieux. Si je devais faire une inaptitude il me faudra l’avis d’un spécialiste (psychiatre) afin qu’il n’y ait pas de contestation possible’.

A partir de mai, puis en août et octobre 2018, elle justifie de la prescription médicale d’antidépresseurs et d’anxiolytiques. Le 25 octobre 2018, son médecin généraliste renseignait le certificat médical de l’Uniprévoyance en indiquant ‘état dépressif suite à épuisement professionnel, depuis le 15 janvier 2018″.

Le 25 mars 2019, ce même médecin attestait que l’état de santé et les arrêts de travail qui en résultent sont en lien avec l’activité professionnelle de Mme [C] [J] et ce depuis janvier 2018.

Les faits de mise à l’écart par la proposition d’un poste d’assistante au retour de congés parental, de modification de la chaîne hiérarchique, de pressions pour forcer la salariée à démissionner ne reposent que sur les seules déclarations de Mme [C] [J] ou ne sont pas établis par les pièces qu’elle produit et ne peuvent être retenus.

En revanche, Mme [C] [J] présente sur ce dernier fait précis de remplacement dès son arrêt de travail pour maladie par une salariée engagée en contrat de travail à durée indéterminée et des arrêts de travail prolongés, des éléments qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer une situation de harcèlement moral.

La société conteste l’existence d’une telle situation et fait valoir l’exercice normal de son pouvoir de direction et d’organisation et la réorganisation de la société en ‘squad’, équipes agiles de salariés favorisant la transversalité et la nécessité de recruter une autre personne qualifiée en ‘pricing’ quand seule Mme [C] [J] l’était. Elle produit le nouvelle organisation de la société.

Il n’est pas contesté que la société a recruté Mme [O] en novembre 2018 en contrat à durée indéterminée, suite à une publication d’offre d’emploi en juin 2018, en qualité de chef de projet ‘pricing’ / veille concurrentielle. Si les missions listées dans la fiche de poste recoupent celles de Mme [C] [J] en qualité de directrice ‘pricing’, Mme [O] n’a pas le titre de directrice et il ressort de la présentation des nouveaux arrivants par la société en novembre 2018 que cette dernière est bien intégrée dans un ‘squad support DATA’, conformément à la nouvelle organisation de la société, nécessitant le recrutement de binômes ou d’assistants pour répondre aux nouvelles orientations d’un travail en équipe, contrairement à ce qui avait été réfléchi préalablement quant au maintien du service ‘pricing’ de manière séparée.

Mme [C] [J] a été suivie par un psychologue qui confirme son épuisement professionnel le 14 juin 2019 et qu’elle présente une incapacité à son poste de travail étant en arrêt depuis juin 2018 pour syndrome dépressif réactionnel en précisant toutefois ‘elle m’a parlé de ses problèmes au travail’. Le médecin expert de Uniprévoyance le 24 juillet 2019 conclut à une possibilité de reprendre le travail mais sans réexposition aux risques, c’est-à-dire dans une autre entreprise, sans que le médecin du travail soit toutefois saisi ni aucune procédure d’inaptitude engagée.

L’ensemble de ces éléments médicaux ne font pas la démonstration que les arrêts de travail pour maladie de Mme [C] [J] seraient en lien avec des faits relevant du harcèlement moral, l’ensemble des certificats médicaux se basant sur les dires de la salariée.

En conséquence, il y a lieu de dire que les éléments invoqués par Mme [C] [J], même pris dans leur ensemble, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité

Mme [C] [J] soutient avoir été soumise à un rythme de travail effréné, ne pas avoir été entendue par la direction quand elle a demandé plus de moyens et avoir été victime d’un burn out reconnu médicalement.

Il appartient à l’employeur d’assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité à laquelle il est tenu, en assurant la prévention des risques professionnels.

L’employeur est tenu d’une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit en assurer l’effectivité en vertu des dispositions de l’article L 4121-1 du code du travail.

Selon l’article L. 4121-1 du code du travail l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d’information et de formation,

3) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L. 4121-2 du code du travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

Mme [C] [J] produit un décompte important d’heures supplémentaires effectuées au-delà des 37h30 prévues contractuellement. Elle verse l’attestation de M. [E] aux termes de laquelle il a été témoin du comportement agressif du directeur commercial à l’égard de Mme [C] [J] qui ‘lui cherchait les moindres détails pour la faire craquer. Ce qui fonctionne puisque [X] fondit en larmes au départ de ce dernier’ alors qu’elle venait de travailler jour et nuit sur la tarification du négoce.

Ce fait unique décrit par le témoin n’est pas daté et le travail ‘jour et nuit’ qu’il relate n’est que la reprise des paroles de Mme [C] [J], n’ayant pu constater lui-même ce travail nocturne.

Mme [C] [J] ne peut invoquer l’absence de respect de décompte journalier des heures de travail par l’employeur au visa de l’article D. 3171-8 du code du travail, qui ne concerne que les salariés travaillant en organisation par relais, par roulement ou par équipes successives, ce qui n’était pas son cas. De la même manière, la réunion extraordinaire de la DUP du 20 mars 2019 ne permet pas d’attester d’un manquement de l’employeur, s’agissant du paiement de la réalisation d’heures supplémentaires par certains salariés travaillant en atelier.

La cour n’a par ailleurs pas retenu la demande de Mme [C] [J] au titre des heures supplémentaires, en l’absence d’éléments précis.

Mme [J] justifie avoir sollicité plus de moyens et notamment l’embauche d’une collaboratrice chargée de l’exploitation de la veille marché dès la fin de l’année 2016, puis avoir fait une demande de personnel sur une fiche dédiée le 5 janvier 2017 pour être son binôme, par un recrutement interne, ayant interrogé une personne des ressources humaines pour connaître l’état d’avancement de sa demande de ressource supplémentaire par courriel des 8 février et 21 mars 2017. Elle a également évoqué la nécessité d’avoir des moyens adaptés à ses missions lors de son entretien annuel le 27 mars 2017.

Elle indique avoir exercé différentes missions en complément de sa fonction principale.

La société conteste avoir eu connaissance du rythme effréné de la salariée et avoir refusé l’apport d’une aide, qui au demeurant lui sera accordée par le recrutement de Mme [O] en qualité de chef de projet Pricing & Data.

La société ne reconnaît pas le lien entre la situation médicale de Mme [C] [J] et sa surcharge de travail, son arrêt de travail datant du lendemain de sa demande de bénéficier d’un télétravail lui est refusé et indique que le burn out peut être multifactoriel et pas uniquement d’ordre professionnel, la salariée ayant dû faire un choix entre le déménagement et son maintien au sein de la société.

La société indique en outre avoir mis en place un groupe de travail sur les risques psycho-sociaux afin d’évoquer l’organisation du travail, l’intensité du travail et produit le bilan santé, hygiène et sécurité et des conditions de travail au sein de l’UES pour 2018.

Mme [C] [J] ne démontre pas que la société se soit opposée à la demande d’affectation de moyens humains supplémentaires. Si en mars 2017, aucune réponse ne lui était encore donnée, la société étant en période de réorganisation de ses services et de ses priorités, conditionnant l’allocation de ressources supplémentaires, la question du maintien du ‘Pricing’ en structure isolée ou intégrée dans des équipes transversales toujours en discussion pouvait avoir un impact sur les personnes susceptibles de venir en soutien, soit en interne soit par un recrutement externe.

Dans tous les cas, il ne résulte pas de la demande formulée par Mme [C] [J] ni des relances une alerte sur sa situation personnelle ni le rythme de travail demandé.

Au vu de sa fiche de poste, Mme [C] [J] ne justifie pas avoir effectué des tâches supplémentaires qui ne relevaient pas de ses missions.

Mme [C] [J] ne démontre donc pas que l’employeur a manqué à ses obligations en terme de sécurité et de prévention. Il s’en déduit qu’elle ne rapporte pas la preuve d’un lien entre le premier arrêt de travail pour maladie d’une semaine en janvier 2018 et l’arrêt de travail pour maladie en date du 1er juin 2018 qui sera reconduit sans retour dans l’entreprise et des manquements à l’obligation de sécurité.

Les certificats médicaux qui font état d’un burn out, reprennent les dires de la salariés sur la charge de travail, l’épuisement professionnel noté et la qualification burn out pouvant avoir d’autres origines que le comportement de l’employeur, dont le caractère fautif n’est pas démontré en l’espèce.

Mme [C] [J] sera débouté de sa demande au titre de l’obligation de sécurité et le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

En application des dispositions de l’article 1224, en cas d’inexécution de ses obligations par l’une des parties, l’autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n’est justifiée qu’en cas de manquements de l’employeur d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

En application de l’article 1184 devenu 1225 du code civil, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date et que le salarié était resté au service de son employeur.

Au soutien de sa demande de résiliation, Mme [C] [J] invoque le dépassement récurrent des durées légales hebdomadaires du travail, avoir été victime d’un harcèlement moral de la part de son employeur et être en arrêt de travail pour maladie depuis au moins le 1er juin 2018 pour des manquements de l’employeur à ses obligations de sécurité.

Aucun de ces faits n’a été retenu comme établi.

La demande en résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur sera rejetée ainsi que les demandes financières qui y étaient liées.

Le jugement déféré infirmé de ce chef.

Sur l’infraction de travail dissimulé

La demande de Mme [C] [J] au titre des heures supplémentaires ayant été rejetée, la demande relative à la condamnation de la socité à lui verser 6 mois de salaire au titre de l’infraction de travail dissimulé fondé sur le non paiement de ces heures supplémentaires sera rejetée.

Sur la demande au titre de la procédure abusive

Soutenant l’abus de droit par Mme [C] [J], dont les condamnations en première instance ont impacté la trésorerie de la société dans un conteste de crise sanitaire, elle sollicite sa condamnation à lui verser la somme de 5.000 euros.

Le droit d’agir en justice et d’exercer une voie de recours ne dégénère en abus qu’en cas de faute caractérisée par l’intention de nuire de son auteur, sa mauvaise foi ou sa légèreté blâmable, qui ne résultent pas du seul caractère infondé des prétentions formulées, la société ne justifiant par ailleurs d’aucun préjudice financier.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mme [C] [J], partie perdante, sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement à la SAS Ayor Water and Heathing solutions de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté :

– Mme [C] [J] de ses demandes de condamnation de la SAS Ayor Water and Heathing solutions au titre du rappel de salaire des heures supplémentaires, du harcèlement moral et du travail dissimulé

– la SAS Ayor Water and Heathing solutions de sa demande au titre de la procédure abusive,

et qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau dans les limites de l’appel,

Déboute Mme [C] [J] de ses demandes :

– de condamnation de la SAS Ayor Water and Heathing solutions pour manquement à l’obligation de sécurité,

– de résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur,

– de ses demandes financières liées à la rupture du contrat de travail et au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit n’y avoir lieu à statuer sur les intérêts et leur capitalisation

Dit n’y avoir lieu à ordonner la remise de documents de fin de contrat,

Condamne Mme [C] [J] aux dépens,

Condamne Mme [C] [J] à verser à la SAS Ayor Water and Heathing solutions la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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