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N° RG 21/01289 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IXFQ
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 19 JANVIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 08 Mars 2021
APPELANTE :
Madame [R] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Pierre-Hugues POINSIGNON, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.S. TRANSPORTS EN COMMUN DE L’AGGLOMERATION ROUENNAISE (TCAR)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Marie-Astrid BERTIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Décembre 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 06 Décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Janvier 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 19 Janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [R] [E] a été engagée par la SAS Transports en commun de l’agglomération rouennaise (TCAR) en qualité de conducteur receveur en contrat à durée indéterminée le 16 juillet 2001.
A la suite d’un accident du travail consistant en une agression alors qu’elle conduisait un bus, la salariée a été reclassée sur un poste d’agent administratif, puis de secrétaire administrative en 2002 de manière provisoire, puis définitive à partir de 2011.
En dernier lieu, elle occupait le poste de secrétaire administrative sur le site de [Localité 5] au sein du service Qualité Réseau.
Par requête du 27 juin 2017, Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen d’une demande de résiliation judiciaire.
Le 11 juillet 2017, le licenciement pour absences répétées et prolongées perturbant le fonctionnement de l’entreprise, rendant nécessaire son remplacement définitif a été notifié à la salariée.
Par jugement du 8 mars 2021, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à verser à la société TCAR la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [E] a interjeté appel le 25 mars 2021.
Par conclusions remises le 23 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Mme [E] demande à la cour de :
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Rouen en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et fixer la date de la rupture au jour du prononcé de son licenciement, subsidiairement, juger son licenciement nul et très subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société TCAR à lui verser les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 100 000 euros
indemnité compensatrice de préavis : 5 736 euros en deniers ou quittance ;
congés payés afférents : 574 euros en deniers ou quittance ;
dommages et intérêts pour discrimination : 30 000 euros ;
dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 20 000 euros ;
indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance : 2 500 euros ;
indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel : 2 500 euros ;
– débouter la société TCAR de ses demandes ;
– condamner la société TCAR aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais et honoraires d’exécution de la décision à intervenir.
Par conclusions remises le 22 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société TCAR demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [E] de toutes ses demandes et l’a condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
– condamner Mme [E] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 17 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail
I-1 la discrimination
Mme [R] [E] explique que le 10 avril 2015, elle a pris connaissance d’un mail datant du 22 janvier 2015, émanant de M. [B] [M], directeur technique et supérieur hiérarchique dont elle était l’assistante, rédigé en des termes injurieux, constitutifs tant d’une discrimination en raison de ses pratiques religieuses que d’un agissement sexiste et une atteinte à sa dignité, lequel a été diffusé largement à de nombreux salariés de la société TCAR à partir de son adresse professionnelle de son auteur en violation de la charte informatique, ce qui a eu des incidences sur son état de santé, que suite à sa reprise en mi-temps thérapeutique, elle a changé de poste et de bureau contre sa volonté, occupant alors un poste avec moins de responsabilité pour satisfaire M. [M], conservant malgré tout un lien hiérarchique avec lui, faisant aussi l’objet de reproches quant à sse temps de pause le 14 juin 2016 et subissant d’autres pressions.
La société TCAR considère que les faits commis par M. [M] ne répondent pas à la définition de la discrimination au sens de l’article L.1132-1 du code du travail, la salariée n’ayant fait l’objet d’aucune mesure discriminatoire ou traitement spécifique en lien avec le port du voile, que d’ailleurs sa plainte a fait l’objet d’un classement sans suite, que le défenseur des droits, qui a manifestement statué sur la base d’éléments qui n’ont pas été communiqués à la société, et sur la base d’affirmations totalement erronées, a mis plus de trois ans pour émettre ses observations sur l’incident, étant rappelé que le juge du fond n’est pas lié par son avis, que la salariée n’a pas vu ses missions réduites mais qu’elles ont dû lui être reprécisées dès lors que Mme [R] [E] n’acceptait pas les directives de son nouveau supérieur, que suite au mail litigieux, elle a pris les mesures qui s’imposaient en sanctionnant M. [M] d’une mise à pied disciplinaire, qu’elle conteste toute mesure de rétorsion, l’affectation de la salariée après l’avis d’aptitude sur le site de [Localité 5] étant destinée à lui éviter tout contact avec M. [M] afin de la préserver.
Par ailleurs, elle fait valoir que les notions de discrimination et d’outrage sexiste doivent être différenciées, et que l’interdiction de tels agissements a été définie postérieurement aux faits d’avril 2015.
Selon l’article L.1142-2-1, nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
Cette disposition ayant été créée par la loi 2015-994 du 17 août 2015, entrée en vigueur le 19 août suivant, c’est à juste titre que la société TCAR soulève son caractère inapplicable aux faits de l’espèce.
Selon l’article 1132-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu’au 24 mai 2019, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
S’agissant de la charge de la preuve, il appartient à la personne qui s’estime victime d’une discrimination de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer son existence.
Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La cour rappelle qu’elle n’est pas liée par l’avis du défenseur des droits et qu’elle doit apprécier la situation au regard des éléments qui lui sont soumis.
A l’appui de sa prétention, Mme [R] [E] verse au débat :
– le mail daté du 22 janvier 2015 rédigé par M. [B] [M], directeur technique adressé à 23 destinataires en ces termes :
‘ Bonjour à tous
Et oui mon assistante est voilée !! et Alors”’
Je suis preneur pour un échange
Bonne journée
Le mangeur de pommes LOL’
lequel était accompagné des pièces jointes suivantes :
– un document écrit ainsi rédigé : ‘ Port du voile
Grand sujet de polémiques…
Et vous, qu’en pensez-vous ”
– onze photographies représentant des femmes dans des poses suggestives, vêtues de sous-vêtements ou vêtements très légers laissant apparaître en transparence leur poitrine, voire se présentant poitrine dénudée,
– suivi d’un autre document écrit en ces termes : ‘ALORS ”’ Pour ou contre”
Il est indéniable que le voile a un certain charme…Non ” ;
– l’attestation de M. [U] [K] qui relate avoir croisé Mme [R] [E] le 10 avril 2015 en état de stress et qu’interpelée quant au motif, elle a expliqué qu’elle avait reçu un mail insultant et qu’elle allait se rendre chez le médecin du travail ;
– la lettre du 10 avril 2015 de M. [N] médecin du travail signalant à M. [X] drh que la salariée présentait des troubles de santé, consécutivement, selon ses dires, à des problèmes relationnels avec son supérieur hiérarchique direct, nécessitant la mise en place d’un suivi médical et la prise d’un traitement, rappelant à l’employeur son obligation de sécurité et lui demandant de prendre toutes dispositions pour évaluer la situation de travail de Mme [R] [E] et y apporter les éventuelles corrections nécessaires ;
– la déclaration d’accident du travail qui s’en est suivie et la reconnaissance de son caractère professionnel par arrêt de la cour d’appel de Rouen du 17 janvier 2018 ;
– le certificat rédigé par M. [L] psychiatre le 2 juillet 2015 lequel a reçu la salariée en consultation le 21 avril 2015 et décrit un état d’angoisse généralisée avec difficultés de sommeil, ruminations morales anxiogènes et remémoration des événements, lesquelles sont compatibles avec ses dires relatif à la découverte du mail sur l’origine de ses troubles ;
– le compte-rendu rédigé par M. [W], psychologue du travail au centre de consultation de pathologie professionnelle et environnementale, auquel la salariée a énuméré une succession d’agissements hostiles dont le dernier en date serait à caractère sexiste et pornographique, et qui constate une décompensation sur le mode psychosomatique en raison du fait qu’elle se retrouve dans une situation isolée, comme ayant perdu le soutien important qui lui permettait de tenir dans un contexte difficile ;
– l’information relative au classement sans suite en l’absence de preuve suffisante de la plainte déposée le 14 avril 2015 auprès du commissariat de police de [Localité 4] ;
– la lettre du médecin du travail adressée à Mme [J], responsable SARAP, écrit à la demande de la salariée, qui lui a fait part de son étonnement et son mécontentement concernant son affectation de poste transmise le 4 avril 2016, alors qu’elle souhaitait retrouver son poste initial ;
– la lettre du médecin du travail adressée le 24 juin 2016 au Président et au DRH dans laquelle il mentionne que la salariée présente des troubles de santé, selon ses dires, consécutifs à des problèmes relationnels, décrivant des attaques sur sa personne se traduisant par des réflexions soit sur le physique ou le comportement.
S’il est indéniable que Mme [R] [E] était visée par le mail litigieux écrit en des termes provocateurs par l’effet d’un détournement d’un élément relevant de la vie privée et de ses convictions religieuses à des fins à tout le moins sexistes et sexuelles, ce qui a généré pour la salariée une véritable humiliation, néanmoins, il ne résulte pas des éléments versés que cet événement a généré une discrimination au sens de l’article L.1132-1 du code du travail.
En effet, compte tenu des difficultés rencontrées avec M. [M], lequel avait été sanctionné pour ces faits par une mise à pied disciplinaire, c’est pour des raisons tout à fait objectives que lors de sa reprise en mi-temps thérapeutique, l’employeur a proposé une affectation de la salariée aux mêmes fonctions sur le même site mais dans un service différent, afin qu’elle ne soit plus sous la responsabilité directe de l’auteur du mail litigieux, proposition que l’employeur a soumis au service de médecine au travail et à l’inspecteur de travail, comme cela résulte de l’écrit adressé à la salariée à la suite de l’entretien qui s’est tenu pour envisager les conditions de sa reprise le 20 avril 2015, sans susciter d’observations particulières sauf à relayer le mécontentement de la salariée, sans que par ailleurs ne soient présentés d’éléments corroborant l’allégation selon laquelle elle aurait eu moins de responsabilités dans son nouveau poste, que les discussions qui ont ensuite émergés relatifs à ses temps de pause relèvent d’un recadrage en des termes très mesurés de la part de M. [S], et dans des conditions normales après que d’autres salariés aient signalé d’éventuelles dérives, et qu’il n’est pas davantage apporté d’éléments sur d’autres pressions exercées sur la salariée.
Aussi, il ne résulte pas des débats que Mme [R] [E] a été victime de discrimination en lien avec ses pratiques religieuses et la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté la demande de dommages et intérêts à ce titre.
I-2 obligation de sécurité
Mme [R] [E] soutient que la société TCAR a manqué à son obligation de sécurité en ce qu’elle n’a pas justifié avoir pris les mesures nécessaires à la sauvegarde de sa santé physique et mentale alors qu’elle a relaté ses souffrances au médecin du travail qui a écrit à l’employeur sans recevoir de réponses à son courrier du 30 mars 2017, que pour la période de mi-temps thérapeutique , elle a changé de poste et de bureau contre sa volonté en avril 2016, avec un poste comportant moins de responsabilité pour satisfaire M. [M], lequel devient son N+2 et conserve donc un lien hiérarchique, subissant également des pressions telles que changement d’horaire.
La société TCAR considère avoir pris toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et sécurité de la salariée, en sanctionnant M. [M], en la recevant le 20 avril 2015, en l’affectant dans un autre service à son retour d’arrêt, l’éloignant ainsi de M. [M], qui ne pouvait faire l’objet d’une double sanction par le biais d’une mutation disciplinaire (passage du service technique au service Qualité réseau sur le même site) tout en conservant la totalité de ses attributions relevant de son poste de secrétaire administrative.
L’article L.4121-1 du code du travail dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Comme précédemment évoqué, lors de son retour en avril 2016 en mi-temps thérapeutique, l’employeur a pris les mesures qui s’imposaient pour permettre à la salariée de reprendre ses fonctions de secrétaire administrative sans se trouver sous la hiérarchie directe de M. [M], dont il n’est pas établi qu’il a exercé un rôle hiérarchique effectif sur elle quand bien même il était son N+2.
Vue à nouveau par le médecin du travail le 26 mai 2016, la salariée était déclarée apte sans restriction, ce qui conforte que la nouvelle affectation était conforme aux besoins de la situation.
Vu à l’initiative de la salariée, le médecin du travail l’a à nouveau déclarée apte sans restriction tout en joignant un courrier, écrit à sa demande, dans lequel il mentionne que la salariée présente des troubles de santé, selon ses dires, consécutifs à des problèmes relationnels, décrivant des attaques sur sa personne se traduisant par des réflexions soit sur le physique ou le comportement.
Ces allégations de la salariée ne sont corroborées par aucun élément.
Alors certes, l’employeur ne produit pas de réponse écrite. Mais, cela ne saurait caractériser un manquement à son obligation de sécurité, étant observé que la salariée était à nouveau absente du 20 juin au 19 juillet 2016 et qu’elle reprenait le 20 juillet 2016, ce qui suppose des échanges avec le médecin du travail.
Concernant l’absence de réponse au courrier du médecin du travail du 30 mars 2017, établi une fois encore à la demande de la salariée se disant affectée par l’existence d’un courrier qu’il aurait écrit et dans lequel elle serait citée et dans lequel il ajoute que personnellement, il ne voit pas de quel courrier il s’agit et demande que lui en soit adressé une copie, outre qu’il n’est pas certain qu’un tel écrit ait existé, en tout état de cause, s’agissant d’une éventuelle mise en cause du médecin du travail, aucun reproche ne peut être imputé à l’employeur au titre de son obligation de sécurité.
Aussi, aucun manquement n’est établi et au contraire, alors que la salariée a fait l’objet de multiples arrêts de travail, pour des motifs sans lien avec la sphère professionnelle, alternant des reprises à mi-temps thérapeutique, l’employeur a toujours respecté les préconisations du médecin du travail jusqu’à la rupture du contrat de travail, dans un contexte rendu parfois difficile par la salariée, qui, dès son retour en avril 2016, a adopté une attitude pouvant mettre en difficulté ses collègues en revenant de manière insistante sur des éléments dont ils auraient attesté dans le passé la concernant.
Ainsi, M. [A] [T] écrivait un courriel dès le 18 avril 2016 pour évoquer les échanges qu’il a eus avec la salariée les 12 et 14 avril 2016 au cours desquels elle a évoqué son témoignage dans le cadre de l’accident du travail de 2007, pour le qualifier d’injuste et faux, lui demandant de s’excuser pour qu’elle lui pardonne, évoquant également un mail dans lequel il aurait dénigré son travail, de sorte qu’il lui a proposé de partager ce courriel pour le contextualiser. Il fait part de son malaise face à l’attitude de la salariée qu’il n’a pas vu depuis un an, allant même jusqu’à dire se sentir en danger.
Le 17 juin 2016, c’est M. [C] [D] qui écrivait que le 27 mai 2016, il avait voulu dire bonjour à Mme [R] [E] qui lui avait répondu comment il pouvait oser après ce qu’il lui avait fait, puisqu’il avait déclaré qu’elle avait eu des relations avec M. [Z], ce qu’il contestait ; du 7 au 9 juin 2016, la salariée l’a appelé à plusieurs reprises pour lui demander de faire un certificat pour affirmer qu’il n’avait pas tenu de tel propos.
Le 16 juin 2016, M. [H] écrivait que le 6 juin précédent, Mme [R] [E] lui avait parlé des déclarations qu’il aurait faites en avril 2015 selon lesquelles elle aurait eu des relations intimes avec M. [Z], que s’il a admis que la question lui avait été alors posée par l’agent de la CRAM, il avait répondu que cela relevait de la vie privée et qu’il n’avait aucune idée sur le bien-fondé de ces dires. Elle lui a alors demandé s’il pouvait en attester ce qu’il a accepté ; le lendemain, elle venait pour lui faire signer un document, ce qu’il n’a pas fait faute de temps, et alors qu’elle lui proposait de le voir à l’extérieur de l’entreprise, il a refusé.
Par conséquent, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté la demande au titre de l’obligation de sécurité.
II – Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail
II-1 résiliation judiciaire du contrat de travail
La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée si l’employeur n’exécute pas ses obligations contractuelles et que les manquements sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, Mme [R] [E] sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail aux motifs que la discrimination et l’atteinte à sa dignité constituent un grave manquement, tout comme l’absence de réponse aux interventions du médecin du travail et ainsi que le soutien apporté par la direction à M. [M]. Elle ajoute que l’ancienneté des faits est sans incidence compte tenu de ses périodes d’arrêt de travail et en raison de la violation de ses libertés fondamentales et de la discrimination.
La société TCAR soutient qu’aucun manquement suffisamment grave n’a rendu impossible la poursuite du contrat de travail au moment où la salariée a sollicité la résiliation judiciaire du contrat de travail, laquelle a été faite le 28 juin 2017, soit plus de deux ans après les faits et alors qu’elle a été déclarée apte à la reprise les 7 avril 2016, 26 mai 2016 et 24 juin 2016, sa demande n’ayant été dictée qu’en réponse à la convocation en entretien préalable par courrier du 22 juin 2017 pour le 30 juin suivant.
Il résulte des développements qui précèdent que ne sont retenus ni la discrimination, ni le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Si Mme [R] [E] a été affectée par l’atteinte à sa dignité résultant du contenu du courriel de M. [M], néanmoins, ce fait datant d’avril 2015, n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail, la salariée ayant repris ses fonctions à l’issue de son arrêt de travail en avril 2016, après plusieurs déclarations d’aptitude, certes de manière discontinue, son parcours étant marqué de nombreux arrêts de travail, mais sans lien avec la sphère professionnelle.
Aussi, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté les demandes au titre de la résiliation judiciaire.
II-2- licenciement
Le licenciement pour absences répétées et prolongées ayant entraîné de nombreuses perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise, nécessitant son remplacement définitif a été notifié à la salariée le 11 juillet 2017.
En premier lieu, la salariée sollicite la nullité du licenciement compte tenu de la discrimination dont elle a été victime, laquelle a eu des incidences sur son état de santé et est la cause de ses absences.
La société TCAR soutient qu’il ne peut être procédé par analogie avec une situation de harcèlement moral et qu’en tout état de cause, il n’y a aucun lien entre l’accident déclaré le 10 avril 2015 et les arrêts de travail en cours au moment du licenciement.
Outre que la discrimination n’a pas été retenue, il n’existe aucun lien entre les différents arrêts de travail de Mme [R] [E] depuis sa reprise en avril 2016 et un manquement de l’employeur permettant de rendre nul le licenciement.
Aussi, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.
En second lieu, Mme [R] [E] sollicite que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse aux motifs que l’employeur n’établit pas que la désorganisation a affecté un service pouvant être qualifié d’essentiel, le travail ayant été réparti entre ses collègues sans qu’il soit démontré l’existence d’une surcharge en résultant, ni davantage qu’il a été procédé à son remplacement dans un temps proche du licenciement.
La société TCAR, compte tenu des nombreuses absences de la salariée en 2016 et 2017, laquelle occupait la fonction de secrétaire administrative, avec des tâches spécifiquement attribuées suivant une organisation prédéterminée, au sein du service Qualité réseau, service de 16 personnes ne comprenant qu’une seule secrétaire administrative, ayant notamment vocation à gérer tout ce qui est relatif à la facturation du TEOR avec la Métropole de la ville de [Localité 4], son seul client, de sorte que ce service était essentiel à l’activité de l’entreprise, la salariée intervenant également pour plusieurs services et magasins de l’entreprise, de sorte que plusieurs services étaient impactés par ses absences et qu’après avoir réparti ses tâches entre les salariés, il est apparu nécessaire de la remplacer définitivement.
Si l’article L.1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié en raison de son état de santé, en revanche, l’absence prolongée ou répétée du salarié peut constituer un motif réel et sérieux de rupture en raison de la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement serait perturbé, obligeant l’employeur à pourvoir au remplacement définitif.
Dans cette hypothèse, il appartient à l’employeur d’établir à la fois la perturbation engendrée par le prolongement de l’absence du salarié ou ses absences répétées et la nécessité du remplacement définitif.
Indépendamment de la discussion portant sur la désorganisation du service en raison des absences répétées et prolongées de Mme [R] [E], l’employeur n’apporte aucun élément relatif à son remplacement définitif, lequel suppose l’embauche par l’entreprise d’un nouveau salarié en contrat de travail à durée indéterminée pour un horaire équivalent à une date proche du licenciement, même par l’effet d’un glissement de poste.
Il s’en déduit que pour ce seul motif, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La cour infirme sur ce point le jugement entrepris.
II-3 conséquences de la rupture du contrat de travail
En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable avant le 24 septembre 2017, dès lors que la salariée a plus de deux ans d’ancienneté, en l’espèce 16 ans, dans une entreprise comptant plus de onze salariés, les dommages et intérêts ne peuvent être inférieurs aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu des multiples recherches vaines d’emploi qu’elle a accomplies, de l’ouverture de ses droits à l’allocation de retour à l’emploi à compter de novembre 2017, avant de percevoir l’allocation de solidarité spécifique, ce qui établit qu’elle est restée sans emploi, de son salaire moyen mensuel de 2 868 euros, la cour lui accorde la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Alors que le préavis est d’une durée de deux mois, qu’il résulte de l’examen des bulletins de paie que l’employeur a déduit sur cette période les sommes correspondant à son absence pour maladie, de sorte qu’il ne peut soutenir qu’elle a été rémunérée de son préavis, la cour lui alloue la somme retenue pour la somme de 4 899,56 euros pendant sa période de préavis et les congés payés afférents.
Les conditions de l’article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à la salariée licenciée dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
III – Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie partiellement succombante, la société TCAR est condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, y compris de première instance.
Pour le même motif, elle est condamnée à payer à Mme [R] [E] la somme de 2 500 euros pour les frais générés par l’instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté les demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et a statué sur les dépens et frais irrépétibles ;
L’infirme en ce qu’il a rejeté les demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, a statué sur les dépens et frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société TCAR à payer à Mme [R] [E] les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement
sans cause réelle et sérieuse : 35 000,00 euros
indemnité compensatrice de préavis : 4 899,56 euros
congés payés afférents : 489,95 euros
Ordonne le remboursement par la société TCAR aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à Mme [R] [E] dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision ;
Condamne la société TCAR aux entiers dépens de première d’instance et d’appel ;
Condamne la société TCAR à payer à Mme [R] [E] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société TCAR de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.
La greffière La présidente