Contrat d’édition : 12 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13483

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Contrat d’édition : 12 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13483
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 12 JANVIER 2023

N° 2023/

CM/FP-D

Rôle N° RG 19/13483 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEZBE

SARL TACAVL

C/

[K] [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

12 JANVIER 2023

à :

Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

M. [Z] [T] (Délégué syndical ouvrier)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 31 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00822.

APPELANTE

SARL TACAVL agissant en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [K] [X], demeurant [Adresse 2]

représentée par M. [Z] [T] (Délégué syndical ouvrier) muni de pouvoirs

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile,Madame Catherine MAILHES, Conseiller , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023,

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] (la salariée) a été embauchée à compter du 2 octobre 2006 par la société TACAVL (la société) selon contrat à durée indéterminée en qualité de responsable des ressources humaines, groupe 6, coefficient 145, catégorie cadre de la convention collective nationale des transports routiers.

La société TACAVL exerce les activités suivantes : tour opérateur, agence de voyage, autocariste et loueur de véhicules de prestige avec chauffeur.

A la suite de son refus d’accepter la modification de ses attributions dans le cadre de la réorganisation de la société, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à sanction par lettre du 1er mars 2017.

Elle a été sanctionnée par une mise à pied fixée du 27 mars au 2 avril 2017 et reportée du 2 au 8 mai 2017 inclus, compte tenu de son arrêt de travail.

La salariée a été en arrêt de travail du 11 mars au 24 mars 2017 prolongé jusqu’au 21 avril 2017. Elle a été de nouveau en arrêt de travail du 2 au 10 mai 2017.

Le 23 octobre 2017, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Grasse aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux motifs du non-paiement d’éléments de salaire et de harcèlement moral et plus précisément aux fin de :

– annuler la mise à pied du 2 au 8 mai 2017, de voir dire que la procédure de convocation à l’entretien préalable est irrégulière,

– condamner la société TACAVL à lui verser une somme de 1560,40 euros au titre de l’annulation de la mise à pied outre 5.338,77 euros au titre de l’irrégularité de procédure ;

– condamner la société TACAVL à lui verser :

un rappel de salaire de 28 989,55 euros au titre de la majoration de l’ancienneté en fonction de la grille issue de l’accord Atriv06, à parfaire,

un rappel de salaire de 10.124,40 euros au titre de la majoration de l’ancienneté dite ‘maison’ à parfaire au jour du jugement,

un rappel de salaire de 1.906,96 euros au titre du 13ème mois issu de l’accord Atriv06,

un rappel de salaire de 688,96 euros au titre du 13ème mois résultant de la prime maison,

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et

– condamner en conséquence la société TACAVL à lui verser :

128 130,48 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

10.677,54 euros au titre de l’indemnité de préavis et 1.067,75 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

15.126,52 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

128.130,48 euros au titre du harcèlement moral et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;

2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société TACAVL au paiement des intérêts de droit aux entiers dépens.

La société a mis en oeuvre une procédure de licenciement économique de moins de dix salariés sur une période de trente jours, courant 2018 à la suite de la perte du marché de lignes régulières interurbaines (marché public Régie ligne Azur lot n°3 secteur [Localité 3]).

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 mai 2018, la société a notifié à Mme [X] son licenciement économique.

La salariée n’a pas accepté le contrat de sécurisation professionnelle dont le délai d’acceptation expirait le 25 mai 2018.

Le 5 juillet 2018, Mme [X], contestant son licenciement, a saisi de nouveau le conseil de prud’hommes de Grasse aux fins de voir :

– dire que le licenciement du 24 mai 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société TACAVL à lui verser 128.130,48 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– ordonner la jonction des procédures,

– condamner la société TACAVL au paiement des intérêts de droit outre le paiement d’une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La salariée a, en cours d’instance, sollicité en outre à titre subsidiaire des sommes au titre des quatre chefs de rappel de salaire, calculées en fonction de la prescription triennale et une nouvelle somme de 21.029,71 euros au titre du préjudice résultant du non-paiement des primes au visa de l’article 1240 du code civil.

Elle a, subsidiairement à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, demandé de voir dire que le licenciement économique dont elle a fait l’objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société TACAVL s’est opposée aux demandes de la salariée et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celle-ci au versement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 31 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Grasse a :

prononcé la jonction des deux affaires n°17/822 et 18/488 sous le n°17/822,

annulé la mise à pied disciplinaire du 2 au 8 mai 2017,

prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [X] ;

condamné la société TACAVL à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

972,02 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

51.995 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

1.200 euros au titre des frais irrépétibles,

prononcé l’exécution provisoire sur les éléments de droit,

dit que la société TACAVL devra adresser à Mme [X] ses certificats de travail, attestation Pôle emploi et bulletins de salaire rectifiés,

dit que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine pour les demandes salariales et à compter de la notification du jugement pour les demandes de nature indemnitaire ;

ordonné le remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [X] dans la limite de 4 mois d’indemnités,

débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions,

condamné la société TACAVL aux dépens.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 19 août 2019, la société TACAVL a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement, aux fins d’infirmation en ce qu’il a :

annulé la mise à pied disciplinaire du 2 au 8 mai 2017,

prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [X],

condamné la société TACAVL à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

972,02 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

51.995 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

1.200 euros au titre des frais irrépétibles,

dit que la société TACAVL devra adresser à Mme [X] ses certificats de travail, attestation Pôle emploi et bulletins de salaire rectifiés,

dit que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine pour les demandes salariales et à compter de la notification du jugement pour les demandes de nature indemnitaire ;

ordonné le remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [X] dans la limite de 4 mois d’indemnités,

condamné la société TACAVL aux dépens,

débouté la société TACAVL de ses demandes, fins et conclusions.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 16 juin 2022, la société TACAVL demande à la cour de :

la recevoir en son appel et le déclarer bien fondé,

réformer le jugement entrepris sur les chefs de jugement ci-dessus mentionnés,

le confirmer en ce qu’il a débouté Mme [X] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

statuant à nouveau, sur les chefs de réformation,

sur la demande de résiliation judiciaire,

à titre principal,

dire et juger irrecevables les demandes suivantes de Mme [X] :

21.215,71 euros au titre d’un préjudice distinct du fait du non-versement des primes sollicitées,

128.130,48 euros au titre d’un préjudice distinct résultant du harcèlement moral,

70.000 euros au titre de la perte d’une chance,

dire et juger prescrites les demandes de rappel de salaire de Mme [X] antérieures au 23 octobre 2014,

en conséquence,

débouter Mme [X] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes indemnitaires afférentes,

débouter Mme [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire, si la cour faisait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

dire et juger que le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être supérieur à 12.636 euros ;

sur la demande au titre du licenciement,

à titre principal,

dire et juger que le licenciement pour motif économique de Mme [X] est parfaitement fondé et justifié,

en conséquence,

débouter Mme [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

dire et juger que le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être supérieur à 12.636 euros ;

en tout état de cause,

débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, notamment au titre de l’appel incident,

condamner Mme [X] au paiement de la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon les dernières écritures de son défenseur syndical remises au greffe de la cour le 26 juin 2022, Mme [X], a formé appel incident notamment, en ce qu’elle a été déboutée de ses demandes de rappel de prime et indemnités de congés payés afférentes, de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil de ses demandes relatives au harcèlement moral et en ce que les premiers juges n’ont pas respecté le régime transitoire de la prescription et demande à la cour de :

AU PRINCIPAL,

annuler la mise à pied du 2 au 8 mai 2017,

dire que la mise à pied doit être payée nonobstant les indemnités journalières perçues,

dire que la procédure de convocation du 4 mars 2017 est irrégulière,

dire que la prescription applicable au titre des demandes de rappel de salaire est une prescription quinquennale en raison des manoeuvres dolosives de l’employeur,

dire que la société TACAVL a instauré en son sein une prime d’ancienneté conventionnelle, une prime dite maison (TACAVL) et une prime cadre,

dire que la société TACAVL devait appliquer les primes d’ancienneté de l’accord Atriv06 pour les salariés travaillant sur le réseau TAM en remplacement de la prime d’ancienneté conventionnelle,

dire et juger qu’elle n’a pas été payée de ses primes d’ancienneté durant sa carrière, qu’elle soit selon la convention collective nationale, la dite Maison et celle de l’accord Atriv06,

dire et juger que le 13ème mois ne doit pas exclure les primes d’ancienneté,

dire que Mme [X] a été victime de harcèlement moral,

prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur avec toutes conséquences de droit ;

dire et juger que suite aux agissements de la société TACAVL, Mme [X] est victime d’une perte de chance qui doit être indemnisée,

condamner la société TACAVL à lui payer :

5.338,77 euros au titre de l’irrégularité de procédure,

1.560,40 euros au titre de la mise à pied annulée,

si l’accord Atriv06 s’applique:

28.989,55 euros de rappel de prime d’ancienneté, au titre de la majoration d’ancienneté sur le salaire de base contractuel en fonction de la grille issue de l’accord Atriv06, à parfaire au jour du jugement, outre 2.898,95 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

1.906,96 euros de rappel de prime de 13ème mois outre 190,69 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

si la convention collective nationale s’applique:

15.726,77 euros de rappel de salaire au titre de la prime d’ancienneté conventionnelle outre 1.572,67 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

1.638,72 euros au titre du rappel de 13ème mois sur le calcul de l’ancienneté de la convention collective nationale, outre 163,87 euros,

quelque soit l’application de l’ancienneté

10.124,40 euros de rappel de salaire au titre de l’ancienneté dite ‘maison’, outre 1.012,44 euros au titre des congés payés afférents,

688,96 euros au titre du rappel de prime de 13ème mois en application de l’ancienneté maison outre 68,89 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

128.130,48 euros au titre de la résiliation judiciaire,

128.130,48 euros au titre du préjudice distinct résultant du harcèlement moral et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

70.000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de chance,

AU SUBSIDIAIRE,

dire et juger que la société TACAVL n’a jamais fait de proposition officielle avec délai de réflexion pour proposer une modification du contrat de travail à Mme [X],

dire et juger que la prescription est triennale,

dire et juger que l’article L.1454-1 du code du travail permet des demandes additionnelles et reconventionnelles tout au long de la procédure prud’homale,

dire que l’article 1240 du code civil impose une indemnisation d’un préjudice intégral,

dire et juger qu’en cas de refus d’une modification du contrat de travail, la mise à pied ne figure pas dans les options ouvertes à l’employeur pour sanctionner car il doit soit abandonner soit licencier économique,

dire et juger que l’employeur ne peut pas différer les dates de mise à pied sous le prétexte que la salariée est en maladie,

dire et juger que le règlement intérieur de la société TACAVL impose un ordre de sanctions à respecter,

en conséquence,

annuler la mise à pied du 2 au 8 mai 2017,

dire que la mise à pied doit être payée nonobstant les indemnités journalières perçues,

dire que la procédure de convocation du 4 mars 2017 est irrégulière,

dire et juger que le licenciement économique prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse à raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement et à défaut de suppression du poste de RESPONSABLE DES RESSOURCES HUMAINES,

dire qu’elle victime d’une perte de chance qui doit être indemnisée,

condamner la société TACAVL à lui payer

5338,77 euros au titre de l’irrégularité de procédure,

1560,40 euros au titre de la mise à pied annulée,

si la convention collective s’applique :

11’060,70 euros au titre de l’ancienneté conventionnelle outre 1106,0 7 euros au titre des congés payés y afférents

1368,44 euros au titre du rappel de 13e mois sur le calcul de l’ancienneté de la convention collective nationale sur une période de 3 ans outre 136,84 euros au titre des congés payés y afférents,

4666,0 7 euros au titre de l’article 1240 du Code civil pour le préjudice intégralement réparé

Si l’accord Atriv06 applique,

11’587,72 euros au titre de la majoration de l’ancienneté sur le salaire de base contractuelle en fonction de la grille du de l’accord Atriv06,

8918,84 euros au titre de la majoration de l’ancienneté dite maison à parfaire au jour du jugement,

1201,22 euros au titre du rappel de salaire à valoir sur la prime de 13e mois en fonction de l’accord Atriv06 à parfaire au jour du jugement,

21’029,71 euros au titre de l’article 1240 du Code civil pour le préjudice intégralement réparé,

quelque soit l’ancienneté applicable,

435,70 euros au titre du rappel de salaire selon le calcul sur le 13e mois de la prime dite maison,

128’130,48 euros au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

128’130,48 euros au titre du préjudice distinct résultant du harcèlement issu de procédés vexatoires et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

70’000 euros au titre du préjudice de perte de chance,

tant au principal que subsidiaire,

condamner la société TACAVL au paiement des intérêts de droit,

condamner la société TACAVL aux entiers dépens et éventuels frais d’exécution du présent jugement,

condamner la société TACAVL au paiement de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonner la remise des documents sociaux sous astreinte de 100 euros par jour et par document,

ordonner l’exécution provisoire nonobstant appel sans caution ni garantie personnelle,

ordonner le remboursement aux ASSEDIC.

La clôture des débats a été ordonnée le 24 octobre 2022 et l’affaire a été évoquée à l’audience du 7 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exécution du contrat de travail

1/ Sur la mise à pied du 2 au 8 mai 2017

Pour contester le jugement entrepris en ce qu’il a annulé la mise à pied en considérant que la modification des attributions dévolues à la salariée dans le cadre de la réorganisation de la société était constitutive d’une modification de son contrat de travail et que la procédure diligentée dans le cadre de l’article L.1232-2 du code du travail n’avait pas été respectée, la société fait valoir que :

– la procédure est régulière puisque le délai minimum entre la date de la convocation et la date de l’entretien avec le salarié n’est pas applicable en l’absence de mesure de licenciement ; le salarié doit seulement être averti suffisamment à l’avance pour préparer son entretien, ce qui a été respecté entre la convocation présentée le 4 mars 2017 et l’entretien qui s’est déroulé le 9 mars suivant ; la salariée ne justifie pas d’un préjudice résultant de cette éventuelle irrégularité dès lors qu’elle s’est présentée assistée lors de l’entretien ;

– la mise à pied était déterminée et il est possible de la reporter à la suite de la prolongation d’un arrêt maladie ; la salariée a perçu les indemnités journalières de sécurité sociale pendant la durée de sa sanction en sorte que celle-ci n’a eu aucune incidence sur sa rémunération ;

– le règlement intérieur n’impose pas de respecter l’ordre des sanctions tel qu’il est indiqué à titre purement informatif, l’employeur étant libre de choisir la sanction à condition qu’elle soit proportionnelle à la faute commise ;

– la modification des tâches est possible dès lors que les tâches correspondent à la qualification de la salariée et qu’elle n’affecte pas la nature de ses fonctions et ses responsabilités ; il n’y a pas eu de modification du contrat de travail en ce que la modification de ses tâches n’affectait pas la qualification de la salariée, puisqu’il lui a été demandé d’effectuer en plus de ses missions habituelles, celles relatives à la paie qui fait partie de la gestion du personnel, rentrant sans les attributions du RESPONSABLE DES RESSOURCES HUMAINES, et non de se charger de la paie et de l’établissement des bulletins de salaire de l’ensemble des salariés ; le refus de la salariée était donc fautif ;

– la salariée n’a subi aucune perte de salaire pendant la mise à pied puisqu’elle était en arrêt de travail pendant cette période et qu’elle a perçu les indemnités journalières de sécurité sociale ;

– le quantum de rappel de salaire est injustifié puisque la somme prélevée était de 972,02 euros.

La salariée soutient que l’employeur avait décidé de l’affecter au service de la paie impliquant : ‘la vérification avant saisie des données de paie dans le logiciel de paie, des activités mensuelles des conducteurs, du personnel administratif et atelier garage, les extras et intérimaires, du contrôle entre les données de la prépaie et la paie, éditions des bulletins de salaire et des documents obligatoires des conducteurs, déclarations et les paiements des charges salariales et patronales pour les organismes sociaux, transmission annuelle des données sociales etc’ et qu’elle n’aurait plus que les tâches afférentes à la paie ; qu’il ne lui a jamais proposé formellement ces nouvelles tâches en lui donnant un délai de réflexion mais seulement à titre informatif, en sorte que le refus, s’il y en a un, participe du simple exercice de sa liberté d’expression. Elle invoque par ailleurs l’absence de tout refus de sa part et avoir seulement indiqué que les nouvelles tâches ne faisaient pas partie de ses attributions.

Elle avance en outre que la société qui savait qu’elle ne pourrait exécuter tout à la fois ses tâches habituelles de responsable des ressources humaines et celles liées à la paie, a modifié ses fonctions en lui ôtant certaines de ses tâches pour les redistribuer à des salariés non cadres.

Elle fait valoir également que :

– le fait que le salarié soit placé en arrêt maladie ne peut permettre à l’employeur de différer l’exécution de la sanction et que la sanction qui prévoyait la possibilité d’une date ultérieure au retour de maladie en cas de prolongation reste une date indéterminée et illicite ;

– le règlement intérieur imposait à l’employeur de respecter une hiérarchie des sanctions avant d’appliquer la mise à pied dès lors qu’il ne prévoyait pas que l’employeur n’était pas lié par l’ordre de sanctions et qu’en l’occurrence, elle n’avait jamais été sanctionnée précédemment;

– l’annulation de la mise à pied entraîne paiement des salaires sans déduction des indemnités journalières de sécurité sociale perçues au titre de l’arrêt maladie ;

– le non-respect du délai de cinq jours ouvrables entre la présentation de la lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable et l’entretien préalable issu des dispositions de l’article L.1232-2 du code du travail n’a pas été respecté et a causé un préjudice que l’employeur doit réparer sur le fondement des articles 1240 et 1242 du code civil, de l’article 1231-1 du code civil et de l’article L.1235-2 du code du travail ;

– le grief tiré du fait qu’elle est partie de la réunion du 28 février 2017 avant qu’elle se termine n’a jamais été évoqué lors de l’entretien préalable et n’est pas visé dans la lettre de sanction du 23 mars 2017et entraîne la nullité de la sanction par application des dispositions de l’article 07 de la convention OIT n°158 et de l’article L.1232-2 du code du travail.

Selon les articles L. 1333-1 et suivants du contrat, en cas de litige, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

-a- sur la demande d’annulation de la sanction

a-1- Sur les moyens tirés de l’illicéité de la sanction

Le 23 mars 2017, Mme [X] a été sanctionnée par une mise à pied de sept jours qui était prévue comme devant débuter le 27 mars 2017 et finir le 2 avril 2017 au cas où l’arrêt maladie en cours serait terminé ou à une date ultérieure à son retour effectif en cas de prolongation de l’arrêt maladie, pour avoir :

– lors de la réunion du 8 février 2017, refusé d’être placée sous l’autorité de Mme [Y], chargée de la direction du pôle administratif et social dans le cadre de la réorganisation de l’entreprise projetée par la préparation du départ à la retraite du dirigeant,

– lors de la réunion du 28 février 2017,

de nouveau manifesté sa volonté ferme de ne pas s’inscrire dans le projet d’évolution de l’entreprise,

refusé de prendre ses nouvelles missions en confirmant refuser de travailler sous le lien hiérarchique de Mme [Y],

s’être permis d’écourter le rendez-vous en se levant et en quittant les lieux,

qualifiés d’actes d’insubordination.

La lettre de sanction précise que dans le cadre de cette réorganisation, Mme [X] devait être affectée au pôle administratif, social et financier sous l’autorité de Mme [Y] et assurer les tâches ressortant de ses compétences et attributions personnelles, notamment la paye.

La mise à pied qui est une mesure de suspension temporaire du contrat de travail implique que sa durée soit fixée et connue du salarié au moment où elle lui est notifiée.

La lettre de sanction précise la durée de 7 jours de celle-ci et indique la période d’exécution de celle-ci en sorte que la sanction n’est pas indéterminée. Le moyen tiré de l’indétermination de la sanction sera rejeté.

Le règlement intérieur prévoit en son article VIII que : ‘En cas d’infraction, au présent règlement, à ses annexes, aux notes de service qu’il prévoit et, plus généralement, à la discipline de l’entreprise, la direction peut, en considération de la gravité des fautes ou de leur répétition, appliquer les sanctions suivantes, par ordre croissant :

observation écrite,

avertissement écrit,

mise à pied (durée maximale : une semaine soit 7 jours),

mutation disciplinaire,

rétrogradation,

licenciement’.

La maladresse de la formulation ‘appliquer les sanctions suivantes, par ordre croissant’ n’est pas de nature à imposer à l’employeur de respecter l’ordre des sanctions figurant au dit règlement dès lors qu’il en résulterait une contradiction avec mention précédente et empêcherait à la direction d’exercer son pouvoir d’appréciation de la gravité des fautes.

Le moyen selon lequel l’employeur n’a pas respecté la hiérarchie des sanctions indiquée au règlement intérieur sera rejeté.

-a-2- Sur la matérialité des faits et la proportionnalité

Contrairement à ce que prétend la salariée, le grief tenant au fait de s’être permis d’écourter le rendez-vous est clairement mentionné au sein de la lettre notifiant la sanction.

Aux termes du contrat de travail, la salariée exerçait les fonctions de responsable des ressources humaines. Elle avait la responsabilité du service des ressources humaines avec un travail de conception outre des tâches suivantes selon l’annexe ‘description rapide des tâches’ :

le recrutement,

la gestion des contrats de travail et relations avec les organismes (ANPE, ASSEDIC, sécurité sociale ) et services internes,

les relations et la gestion des institutions représentatives du personnel (convocations, compte rendu, réunion…),

le suivi et la mise en place de la formation professionnelle continue,

le respect de la réglementation,

la gestion du personnel au quotidien.

La salariée n’avait pas au titre de ses tâches, la gestion de la paie qui était alors dévolue à Mme [Y].

La salariée qui soutient que le projet était de lui ôter ses tâches de responsable des ressources humaines comme prévue au contrat de travail et qui avaient évolué au cours de la relation de travail, pour qu’elle n’ait plus que la paie en charge n’apporte aucun élément au soutien de cette assertion. Il ressort au contraire de la fiche de mission du 28 février 2917 et des éléments présentés lors de la réunion du chsct du 26 octobre 2017 en présence de l’inspectrice du travail, que le projet consistait à rajouter aux tâches de la salariée (de gestion des maladies et absences, gestion et centralisation des congés payés, la gestion des intérimaires (recherche et suivi) l’organisation des formations, les rendez-vous de médecine du travail, la gestion de la mutuelle, les déclarations sociales, le suivi du registre unique du personnel, la délégation du dirigeant lors de ses absences pour les réunions des institutions représentatives du personnel et pour les contrats de formation) de celle de la gestion des payes et de leur édition. Le but était de créer un relais fonctionnel entre le dirigeant et les divers services en créant un pôle administratif social et financier dont la direction était dévolue à Mme [Y] et que ce faisant, il déchargeait celle-ci de ses fonctions liées à la gestion de la paie en ajoutant à Mme [X] les tâches liées à la paie.

L’adjonction de tâches nouvelles en rapport avec la qualification n’est pas constitutive d’une modification du contrat de travail, à moins que les nouvelles tâches matérielles affectent la nature des fonctions.

En l’occurrence, si la paie et la rémunération font partie des compétences techniques requises pour un responsable des ressources humaines, la tâche supplémentaire liée à la gestion de la paie est de nature à affecter la nature des fonctions de responsable des ressources humaines de Mme [X], au regard de la charge de travail supplémentaire en résultant compte tenu de l’effectif de la société de plus de cinquante salariés et de l’ordre de 80 au moment de la proposition. En conséquence, l’employeur ne pouvait lui imposer ces nouvelles tâches de nature à modifier le contrat de travail, sans obtenir l’accord de la salariée.

Ce faisant le grief tenant au refus de prendre ses nouvelles missions n’est pas constitutif d’une faute.

Il ressort de l’attestation de M.[C], conseil en entreprise, présent lors des deux réunions des 8 et 28 février 2017 que Mme [X] a refusé toute collaboration avec la supérieure hiérarchique qui lui était imposée dans le cadre de la restructuration de l’entreprise, Mme [Y], et avait écourté l’entretien en sortant du bureau.

Il est ainsi établi que la salariée a quitté le bureau, mettant fin à l’entretien sans attendre que l’employeur le lui signifie, sans pour autant que ce comportement puisse être assimilé à une insubordination dès lors qu’elle s’opposait légitimement à une modification de son contrat de travail.

Néanmoins, elle a, lors de l’entretien préalable à sanction, systématiquement répondu à son employeur ‘je ne suis pas d’accord avec tout ce que vous me dites’, même en réponse au dirigeant qui lui demandait: ‘Si j’ai bien compris, à aucun moment vous avez refusé de vous intégrer dans l’aménagement des améliorations de l’entreprise”, dénotant un refus systématique de tout dialogue avec son employeur et de toute explication.

Ces éléments permettent d’établir que ce dernier avait exactement compris que la position de la salariée était de s’opposer à la restructuration et que celle-ci avait non seulement refusé l’adjonction des nouvelles tâches liées à la paie au sein de ses missions, mais également refusé de travailler sous la direction de Mme [Y].

Il n’est pas discuté que le fait de travailler sous la direction d’une personne autre que le dirigeant et de se voir imposer une strate hiérarchique supplémentaire est constitutif d’une simple modification des conditions de travail, puisqu’elle n’affecte pas la nature de la qualification, et n’est pas constitutif d’une modification du contrat de travail.

Aussi en refusant de travailler sous la direction d’une personne autre que le dirigeant en la personne de Mme [Y], la salariée a commis une faute qui lui est imputable.

Néanmoins, au regard de l’absence de toute sanction antérieure et de ce que la salariée était légitime à refuser la modification du contrat de travail, la sanction de mise à pied de 7 jours est disproportionnée par rapport à la seule opposition orale qu’elle a manifestée de travailler sous la direction de Mme [Y] et au fait d’avoir quitté le bureau, mettant fin à l’entretien sans attendre que l’employeur le lui signifie.

A-3- Sur l’irrégularité de la procédure

Le moyen tiré du non-respect des dispositions de l’article 7 de la convention OIT n°158 sera rejeté dès lors que cet article qui prévoit que : ‘Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité’ a pour objet la procédure avant le licenciement ou au moment de celui-ci et n’est pas applicable en cas de sanction autre que le licenciement.

Selon les dispositions de l’article L.1232-2 du code du travail, il est prévu que :

L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.

L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Selon l’article L.1332-2 du même code: ‘Lorque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.’

La lettre de convocation à l’entretien préalable du 1er mars 2017 mentionne: ‘convocation à un entretien préalable de licenciement’ et ‘ convoquer à un entretien préalable lequel pourrait aller jusqu’à un licenciement pour faute’.

Le licenciement était donc alors envisagé, en sorte que la procédure de l’article L.1232-2 devait être appliquée même si une autre sanction a été infligée.

En l’occurrence, le délai entre la présentation de la lettre recommandée le samedi 4 mars 2017 et l’entretien prévu le jeudi 9 mars 2017 n’a été que de trois jours ouvrables et le délai de cinq jours pas été respecté.

Aussi, le non-respect du délai de l’article L.1232-2 de travail dans le cadre d’une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, rend la procédure irrégulière nonobstant l’absence de licenciement.

La disproportion de la sanction et l’irrégularité de la procédure justifient l’annulation de la sanction de mise à pied.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire du 2 au 8 mai 2017.

-b- sur les conséquences de l’annulation de la mise à pied

-b-1- Sur la demande de rappel de salaire pendant la période de mise à pied

L’inexécution par la salariée de toute prestation de travail pendant la période du 2 au 8 mai a pour cause la mise à pied disciplinaire mise à exécution par l’employeur, comme il résulte tant du bulletin de salaire du mois de mai 2017 que du courrier de l’employeur du 27 avril 2017 et reçu par la salariée le 29 avril 2017, lui notifiant la période exacte d’exécution de sa mise à pied. Ce faisant, l’employeur, qui a pris à tort la mesure de mise à pied, est tenu de verser à la salariée les salaires durant cette période, peu important qu’elle ait pu être placée en arrêt maladie pendant cette même période. Il n’y a donc pas lieu de déduire les indemnités journalières de sécurité sociale perçues des sommes réclamées en paiement du salaire.

Le bulletin de salaire du mois de mai 2016 mentionne le retrait de la somme de 972,02 euros correspondant à l’exécution de la mise à pied et calculée sur la base de 35 heures au salaire de 27,772 euros de l’heure alors que la salariée n’explique pas le montant sollicité de 1.560,40 euros. La société sera donc condamnée à verser à Mme [X] la somme de 972,02 euros à titre de rappel de salaire.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société TACAVL à verser à Mme [X] la somme de 972,02 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied.

-b-2- Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’irrégularité de la procédure

La salariée ne justifie pas du préjudice résultant du non-respect de la procédure alors même qu’elle s’est présentée assistée d’un salarié de l’entreprise lors de l’entretien préalable, en sorte qu’elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’irrégularité de la procédure.

2/ Sur les rappels de salaire

La salariée conteste le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de rappel de salaire en faisant valoir que :

– ses demandes de rappel de salaire à compter de novembre 2012 à décembre 2017 sont recevables ; la prescription quinquennale est applicable par application des dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013, s’agissant des rappels de salaires de novembre 2012 à octobre 2014 ;subsidiairement, elle fait application de la prescription triennale et sollicite des dommages et intérêts au titre du préjudice qu’elle a subi lié à la perte de cotisation ayant pour effet de diminuer le montant de ses droits à retraite et de ses droits aux allocations Pôle emploi ;

– elle n’a jamais bénéficié de la majoration d’ancienneté en application de la convention collective nationale ; celle-ci doit se calculer sur le salaire contractuel ; il lui est ainsi dû 192,36 euros par mois à compter du mois d’octobre 2011 (5% pour 5 ans de présence) puis 421,18 euros mensuels à compter du mois d’octobre 2016 (10% pour 10 ans de présence) jusqu’aux NAO de juin 2017, puis 627,76 euros à compter de juin 2017 soit 18.035,93 euros ; ce manque à gagner a eu une incidence sur le montant de la prime de 13ème mois ;

– la prime d’ancienneté maison a été inexactement appliquée sur la seule base du salaire minimum conventionnel sans intégration dans le salaire de base des majorations pour ancienneté issues de la convention collective nationale alors que la société fait croire qu’elle intègre la double majoration conventionnelle et de la grille maison ;

– l’accord Atriv 06 signé le 26 juillet 2011 s’impose à toutes les entreprises affectées au fonctionnement du réseau TAM quelque soit le poste du salarié correspondant à une majoration de salaire de 12% à compter de novembre 2012 jusqu’en novembre 2017 et que dès lors que la société lui a appliqué cet accord depuis 2016 lors du calcul du 13ème mois, peu importe que cet accord s’applique uniquement à la catégorie des ouvriers et employés ; la commission de suivi de l’accord a, le 25 janvier 2013, considéré que sous la rubrique ‘personnels concernés’ l’accord concerne tout ‘le personnel travaillant pour les lignes objet des DSP du Conseil général des Alpes-maritimes’, que pour ‘les salariés ne travaillant que partiellement sur ces contrats, un prorata doit être établi’ et que sous la rubrique ‘modification du barème d’ancienneté, il est dit que cette clause ne pose pas de problème d’interprétation. L’application pour les agents de maîtrise pose encore des problèmes d’application dans certaines entreprises’ ; la société a perçu les subvention en intégrant le poste de responsable des ressources humaines de Mme [X];

La société conclut à la confirmation du jugement.

Elle soutient que les demandes de rappel de salaire sont prescrites pour celles antérieures au 23 octobre 2014 par application de la prescription triennale de l’article L.3245-1 du code du travail dès lors que la salariée a saisi la juridiction le 23 octobre 2017.

Elle expose qu’en complément de l’obligation conventionnelle de majoration du minimum conventionnel en fonction de l’ancienneté, elle a décidé de récompenser l’expérience acquise par les salariés au sein de l’entreprise par le biais d’une majoration évolutive fondée sur l’ancienneté en mettant en place par décision unilatérale de l’employeur, une grille de salaire maison permettant d’avoir un salaire dont le taux horaire est largement plus élevé que les minima conventionnels et qui évolue en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise et qu’elle attribue en outre une prime d’ancienneté.

La rémunération se décompose ainsi selon la société :

salaire minimum conventionnel majoré au titre de l’ancienneté (salaire minimum de base auquel la salariée peut prétendre au titre de l’ancienneté)

majoration supplémentaire du taux horaire appliqué au titre de l’ancienneté d’après la grille maison

prime d’ancienneté maison égale à (6%) du salaire minimum conventionnel.

Elle soutient que l’accord Atriv06 a expressément prévu qu’il s’appliquait uniquement aux ouvriers et employés des entreprises de transports de voyageurs soumis à la convention collective nationale des transports routiers mais que la salariée qui est cadre n’est pas concernée par le périmètre d’application de cet accord, en sorte qu’elle doit être déboutée des ses demandes de rappel de salaire au titre de l’accord Atriv06 et au titre de la convention collective nationale.

En ce qui concerne la prime dite maison, elle expose que la majoration prévue au titre de la grille maison a été calculée sur la base du salaire minimum conventionnel comprenant la majoration conventionnelle au titre de l’ancienneté et que la salariée a bien bénéficié en outre d’une rémunération supplémentaire au titre de son ancienneté en application de la grille maison

-a- sur la prescription

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Les dispositions issues de la loi sus-visée s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu’une instance a été introduite avant le 16 juin 2013, date de promulgation de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne.

En l’occurrence, l’instance prud’homale a été introduite le 23 octobre 2017, en sorte que la loi ancienne prévoyant la prescription quinquennale n’est pas applicable et que la prescription était alors acquise pour les salaires antérieurs au mois d’octobre 2014.

Le demandes de rappel de salaires sont recevables en ce qui concerne les salaires échus à compter du 23 octobre 2014, soit les salaires à compter du mois d’octobre 2014.

Il sera ajouté au jugement que les demandes de rappel de salaires échus antérieurement au 23 octobre 2017 sont irrecevables et que les demandes de rappel de salaires échus postérieurement au 23 octobre 2014 sont recevables.

-b- Sur le fond

-b-1 Sur le rappel de salaire au titre de l’ancienneté par application de l’accord Atriv 06 et de la convention collective nationale des transports routiers

La cour note qu’au regard du dispositif des conclusions, le rappel de salaire au titre de l’application de l’accord Atriv06 correspond à la demande principale et la demande au titre de l’application de la convention collective nationale à une demande subsidiaire.

-b-1-1 Sur la demande principale de rappel de salaire au titre de l’ancienneté par application de l’accord Atriv06

L’accord Atriv06 prévoit un périmètre d’application limité aux ouvriers et employés des entreprises de transport de voyageurs soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport adhérentes de l’association ATRIV 06 dont la société TACAVL fait partie.

La salariée a le statut cadre, en sorte que cet accord ne lui est pas applicable. Elle sera donc déboutée de ses demandes de rappel de salaire au titre de la prime Atriv06, et le jugement entrepris confirmé sur ce chef.

-b-1-2 Sur la demande subsidiaire de rappel de salaire au titre de l’ancienneté par application de la convention collective nationale

La convention collective nationale détermine une rémunération annuelle minimale garantie et un paiement mensuel minimal pour 151,67 heures par mois incluant les éventuelles indemnités différentielles instituées dans le cadre des lois sur la réduction du temps de travail en fonction du groupe du coefficient et de l’ancienneté dans le groupe en distinguant jusqu’à 5 ans, de 5 à 10 ans, de 10 à 15 ans et après 15 ans.

Il résulte des dispositions de l’article 5 de l’annexe 4 de la convention collective nationale que la majoration de salaire liée à l’ancienneté dans un emploi de la catégorie ingénieur ou cadre porte sur la rémunération minimale professionnelle garantie.

Ainsi contrairement à ce que prétend la salariée la majoration fixée ne s’applique pas au salaire contractuel de base et il appartient alors à la cour de vérifier si pendant la période considérée la salariée a bénéficié d’un salaire supérieur au salaire minimum garanti par la convention collective nationale intégrant les majorations liées à l’ancienneté.

Il est constant que la salariée était classée au long de la période d’emploi dans le groupe 6 coefficient 145.

Elle avait une ancienneté de 5 à 10 ans d’octobre 2011 à septembre 2016. Pendant cette période, le paiement mensuel minimal correspondant à son ancienneté était de 3.376,77 euros jusqu’au 31 décembre 2014, de 3.420,67 euros à compter du 1er janvier 2015 et de 3.441,19 euros.

Le salaire de base de la salariée (de 3.963,29 d’octobre 2014 à avril 2015, de 3.991,04 euros de mai 2015 à avril 2016 et de 4.011,06 euros de mai 2016, de 4.050,95 du mois de juin 2016 au mois septembre 2016) a toujours été supérieur à ces minima.

Elle avait une ancienneté de 10 à 15 ans à compter du mois d’octobre 2016 jusqu’à son licenciement le 24 mai 2018. Pendant cette période, le minimum garanti mensuel était de 3.619

euros du 1er mai 2017 au 31 décembre 2017 et de 3.662,92 euros à compter du 1er janvier 2018, et le salaire de base de la salariée (de 4.050,95 euros en octobre 2016, de 4.212,18 euros de novembre 2016 à mai 2017, de 4.254,10 euros de juin 2017 à mars 2018) était toujours supérieur au minimum garanti.

Il s’ensuit que la salariée sera déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la majoration d’ancienneté conventionnelle.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes rappel de salaire et indemnité de congés payés au titre de la majoration d’ancienneté conventionnelle.

-b-2- Sur le rappel de prime d’ancienneté ‘maison’

La demande de la salariée consiste à intégrer les majorations conventionnelles liées à son ancienneté sur le minimum conventionnel dans le calcul de la prime d’ancienneté dite maison.

Il ressort du courrier du 14 novembre 2007 de M. [S], co-gérant de la société que la prime d’ancienneté ‘maison’ est :

– un usage interne dont les critères d’attribution sont appréciés au 1er janvier de chaque année civile;

– attribuée à compter de deux ans d’ancienneté au 1er janvier et le calcul est fait d’après le taux horaire de la dernière grille connus de la convention collective nationale des transports, avec les mêmes pourcentages d’évolution (après 2 ans d’ancienneté=>2% ; 5 ans=>4% ; 10 ans=>6% ; après 15 ans =>8%), étant précisé que le pourcentage est revu d’après le montant du salaire des grilles conventionnelles et non du montant du salaire de base figurant sur la première ligne des bulletins de salaire.

La société verse en outre les grilles de salaire ‘maison’ d’avril 2014, mai 2015, juin 2016 et juin 2017, au sein desquelles il est tenu compte de l’ancienneté selon les modalités propres à l’entreprise et les salaires qui y sont mentionnés sont toujours supérieurs aux minima conventionnels garantis intégrant la majoration conventionnelle au titre de l’ancienneté.

Les bulletins de salaire font apparaître d’une part, que la salariée a toujours perçu la prime d’ancienneté dite maison et d’autre part, que la base sur laquelle est calculée la dite prime, correspond aux montants des mimina conventionnels applicables à la salariée en fonction de son ancienneté, intégrant la majoration conventionnelle.

Il est par ailleurs inexact de prétendre que la société TACAVL laisse penser qu’elle intègre la double majoration pour ancienneté liée à la convention collective nationale et de celle liée à la grille maison pour le calcul de la prime d’ancienneté dite ‘maison’. En effet, la ligne 32 ‘avec ancienneté CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE et TACALV’ mentionnée sur les bulletins de salaire de 2017 précise le salaire de base indiqué en ligne 31 et non les modalités de calcul de la prime d’ancienneté ‘maison’ figurant par la suite.

En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande de rappel au titre de la prime d’ancienneté ‘maison’. Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

-b-3- Sur le rappel de 13ème mois

La demande de rappel de 13ème est la conséquence financière des majorations sollicitées tant au titre de l’accord Atriv06 qu’au titre de la majoration conventionnelle d’ancienneté et de la prime ‘maison’. Ayant été déboutée de ses demandes de majoration, la salariée ne peut qu’être déboutée de sa demande de rappel de 13ème mois sur l’intégralité de ces fondements.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.

3/ Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct résultant du non-versement de la prime Atriv06 pour une somme de 21 029,71 euros

La société soulève l’irrecevabilité de cette demande nouvelle en raison de l’abrogation du principe de l’unicité de l’instance par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 et oppose l’absence de lien suffisant avec la demande initiale en résiliation judiciaire et à la seconde en contestation du licenciement.

Elle soutient au fond que la demande de dommages et intérêts a pour but de pallier les effets de la prescription et que la salariée ne rapporte pas la preuve de la perte ou du manque à gagner et du préjudice qu’elle invoque, en sorte qu’elle ne peut qu’être déboutée de cette demande.

La salariée estime que par application des dispositions de l’article L.1454-1 du code du travail, les demandes additionnelles et reconventionnelles sont recevables à tout moment de la procédure prud’homale.

La demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-versement de la prime d’ancienneté Atriv06 été présentée en cours de première instance, postérieurement aux deux requêtes introductives.

L’abrogation du principe d’unicité de l’instance est sans effet sur le principe selon lequel les demandes additionnelles sont recevables dès lors qu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant par l’application combinée des articles 70 du code de procédure civile et L.1454-1-1 du code du travail.

En l’occurrence, la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du non-versement de la prime Atriv06 de mauvaise foi par l’employeur, se rattache par un lien suffisant aux prétentions originaires en paiement du rappel de salaire au titre de l’accord Atriv06. La demande est donc recevable, étant précisé qu’au regard du montant sollicité, elle n’a pas pour but de pallier les effets de la prescription.

La demande sera déclarée recevable.

Compte tenu du rejet des demandes de la salariée au titre de l’accord Atriv06 qui ne s’applique pas à elle en sa qualité de cadre exclue du périmètre de l’accord, elle est mal fondée à réclamer des dommages et intérêts pour absence de versement de mauvaise foi des divers rappels de salaire en application de cet accord. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de cette demande.

4/ Sur la demande en paiement de la somme de 4.666,07 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective nationale

Au regard du rejet de la demande de majoration de salaire au titre de la convention collective nationale, aucune exécution déloyale de l’employeur n’a été démontrée et la demande de dommages et intérêts de 4.666,07 euros pour non-respect de la convention collective nationale sera rejetée.

Il sera ajouté au jugement à ce titre.

5/ Sur le harcèlement moral et la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

La société soulève l’irrecevabilité de la demande nouvelle de dommages et intérêts pour harcèlement moral formulée au cours de la première instance, en raison de l’abrogation du principe de l’unicité de l’instance par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 et oppose l’absence de lien suffisant avec la demande initiale en résiliation judiciaire et à la seconde en contestation du licenciement.

Elle conteste tout harcèlement moral, faisant valoir que :

– la mise à pied disciplinaire était justifiée par la faute commise ; la société n’a pas diminué la charge de travail de la salariée et ne lui a pas enlevé des tâches ou réduit ses prérogatives, mais pendant ses absences, ses tâches ont nécessairement dû être réparties entre les salariés présents et compte tenu des préconisations du médecin du travail, elle a tout mis en oeuvre pour soulager la charge mentale de la salariée passant par un allégement de ses missions ; les allégations de pressions et d’intimidation pour faire changer l’ordre du jour du chsct qui évoquait la question de son prétendu harcèlement moral ne sont pas établies, s’agissant de pièces que la salariée a elle-même créées ; l’employeur ne lui a jamais indiqué qu’elle serait rétrogradée au service de la paie (procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise du 6 septembre 2017) ; si des tensions pouvaient exister entre les salariés, c’est Mme [X] qui en était à l’origine ;

– l’employeur ne lui a pas imposé de modification de son contrat de travail, les tâches nouvelles ne lui ont en définitive jamais été attribuées ;

– la salariée n’apporte aucune pièce justifiant de l’aggravation de son état de santé ; les certificats médicaux versés aux débats ne font que relater les propos de celle-ci et les médecins qui ne sont pas médecin du travail, n’ont aucune qualité pour apprécier le lien de causalité entre l’état de santé et les conditions de travail ;

– la mise à pied prononcée le 23 mars 2017 est antérieure de 7 mois à la saisine en résiliation du contrat et n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail.

La salariée soutient que la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral est recevable en application des articles L.1454-1-1 du code du travail et 70 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’elle a été victime de harcèlement moral qui s’est manifesté par :

– la convocation à entretien préalable le 1er mars 2017 en vue d’un éventuel licenciement pour faute,

– le reproche qui lui a été fait de refuser une modification de son contrat de travail et d’être mise sous tutelle,

– la sanction de mise à pied du 23 mars 2017, sans qu’elle ait été sanctionnée précédemment,

– le fait d’avoir donné de nouvelles dates d’exécution de la mise à pied,

– le fait pour l’employeur de lui avoir enlevé ses prérogatives : elle s’est rendue compte le 29 mai 2017 et le 18 septembre 2017 que certains salariés accomplissaient les tâches qui lui étaient habituellement dévolues sans qu’elle en soit informée et que certains cherchaient même à subtiliser ses codes d’accès,

– le non-respect de la procédure de modification du contrat de travail,

– elle a le 13 septembre 2017 demandé à l’employeur de faire cesser ce harcèlement et le 22 septembre 2017, elle a informé le médecin du travail ; elle a également informé les institutions représentatives du personnel le 10 octobre 2017 du harcèlement moral dont elle se disait victime;

– l’employeur a usé de pressions et d’intimidation pour faire ôter de l’ordre du jour de la réunion du chsct le point portant sur le harcèlement moral dont elle s’était plaint, en refusant de signer l’ordre du jour tant que la question du harcèlement moral n’était pas enlevée ; l’ordre du jour a été modifié et c’est elle qui est devenue la harceleuse ;

– lors du comité d’entreprise du 6 septembre 2017, elle s’est plainte de ce qu’on lui enlevait des tâches et l’employeur lui a répondu qu’elle aura des tâches à faire quand il aurait le temps de les lui donner et que malgré son refus des modifications du contrat de travail et la mise à pied, elle serait contrainte et forcée d’être rétrogradée à la paie, faisant ainsi l’aveu de ses actes ;

– l’inspectrice du travail est intervenue lors du chsct du 26 octobre 2017 ;

– contestant la valeur probante des attestations versées par l’employeur, elle en a extrait des éléments qui pour elle démontrent que la société cautionnait le comportement des salariés qui élevaient la voix contre elle et faisaient preuve d’insubordination à son égard, révélant ainsi qu’il favorisait des actes de harcèlement moral de la part des autres salariés ;

– l’employeur s’est obstiné à ne pas tirer les conséquences de son refus d’accepter le changement d’attribution et souhaitait la contraindre à accepter la modification ;

– son état de santé s’est aggravé ; elle a été en arrêt maladie à compter du 2 janvier 2018 jusqu’au 24 août 2018.

Elle soutient ainsi avoir subi un préjudice distinct à raison du harcèlement moral et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité issu de l’article L.4122-1 du code du travail lui permettant de réclamer la somme de 128.130,48 euros à titre de dommages et intérêts.

L’abrogation du principe d’unicité de l’instance est sans effet sur le principe selon lequel les demandes additionnelles sont recevables dès lors qu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant par l’application combinée des articles 70 du code de procédure civile et L.1454-1-1 du code du travail.

En l’occurrence, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était fondée sur les manquements de l’employeur à son obligation de paiement des salaires liés aux majorations pour ancienneté, primes de treizième mois et prime d’ancienneté maison mais également sur le harcèlement moral, en sorte que la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral se rattache par un lien suffisant aux prétentions initiales et sera déclarée recevable.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de l’article L. 1152-3 du code du travail que le licenciement intervenu en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1152-1 est nul.

Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement ; il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’occurrence, l’attestation de M. [V] qui indique que beaucoup de chauffeurs ont entendu des discussions très fortes entre Mme [X] et M. [S] qui lui parlait sur un ton méchant n’est pas probante au regard de ce qu’il n’est pas intervenu dans l’entreprise postérieurement au mois de mars 2017 et de ce qu’il ne fait état que de propos rapportés.

Il n’est pas ailleurs pas démontré que des salariés ont tenté de lui subtiliser ses codes d’accès.

Les attestations de Mmes [Y], [R] et [I] versées aux débats par l’employeur ne permettent pas d’établir que ce dernier cautionnait le comportement de salariées qui avaient fait preuve d’insubordination ou qui avaient élevé la voix à son encontre et qu’il favorisait ainsi des actes de harcèlement moral émanant d’autres salariés. Il ressort au contraire de ces attestations que Mme [X] avait par son comportement, provoqué de la part de Mme [I] un haussement de ton : lorsque Mme [X] avait appris qu’elle était allée voir la secrétaire du dirigeant pour obtenir des documents qu’elle n’arrivait pas à obtenir de cette dernière, Mme [X] lui avait tenu de grands monologues lui signifiant que ce n’était pas à elle, en sa qualité de responsable des ressources humaines de faire ce travail, et qu’à bout de patience, Mme [I] était sortie se calmer fumer une cigarette, mais que Mme [X] était sortie derrière elle pour continuer son discours, l’obligeant à élever le ton.

Par ailleurs, Mme [R] a indiqué avoir été témoin de ce que Mme [X] a reproché à Mme [P] de faire de la rétention d’information à son égard alors que cette dernière lui faisait part qu’il venait d’arriver un message d’un chauffeur qui lui était destiné et que Mme [R] avait pu constater que Mme [P] venait tout juste de raccrocher avec le chauffeur.

En revanche, il est établi par les pièces versées aux débats que:

– la salariée a été convoquée à un entretien préalable le 1er mars 2017 en vu d’un éventuel licenciement ;

– il lui a été reproché de refuser la nouvelle réorganisation qui consistait à lui ajouter les tâches liées la paie et à instituer un niveau hiérarchique supplémentaire entre elle et le dirigeant ;

– une mise à pied de sept jours lui a été infligée par décision du 23 mars 2017 sans qu’elle ait été sanctionnée précédemment ;

– la date d’exécution de la mise à pied disciplinaire initialement fixée du 27 mars 2017 au 2 avril 2017 en cas d’expiration de l’arrêt maladie en cours au 23 mars 2017 ou à une date ultérieure à son retour effectif en cas de prolongation, a été reportée à la période du 2 au 8 mai 2017 par courrier du 27 avril 2017 ;

– l’employeur avait pour objectif de confier à la salariée la charge de la paie malgré son refus légitime, comme il résulte du procès-verbal du comité d’entreprise du 6 septembre 2017 (Mme [X] : ‘Je vous rappelle que les tâches de la paie ne font pas partie de mes fonctions de responsable des ressources humaines’ ; réponse de M. [S] : ‘Ca c’est vous qui le dites, mais la responsable des ressources humaines doit être chargée aussi de la paie. Donc aujourd’hui vous aurez vos affectations comme tout le monde quand j’aurai le temps et vous aurez vos tâches comme tout le monde à faire’), du procès-verbal de réunion du Chsct du 26 octobre 2017 à laquelle était présente l’inspectrice du travail (M.[S] : ‘ Je vous ai demandé d’aller voir et de prendre connaissance de ce que faisait [F] pour que par la suite la formation paie et le fait de faire la paie vous soit plus facile’) et de la sanction disciplinaire infligée à la salariée, même si celui-ci a abandonné ce projet à la suite du chsct ; dans ce contexte la procédure de sanction, l’irrégularité de la procédure de sanction et la sanction s’analysent comme des actes d’intimidation en vu de faire accepter par la salariée la modification du contrat de travail ;

– des tâches ont été retirées à la salariée : ainsi, le dirigeant a chargé l’assistant de la salariée, M. [D] de reprendre le dossier contentieux de M. [A] (P21-courriel de Mme [X] du 29 mai 2017) ; le dirigeant a reconnu avoir volontairement enlevé des tâches à Mme [X] en confiant à M. [D], le dossier juridique de 7 personnes qu’il souhaitait licencier pendant le mouvement de grève tel qu’il ressort du compte rendu du chsct du 26 octobre 2017 ;

– la salariée n’a pas été informée d’un certain nombre de faits dont elle avait besoin pour l’exercice de ses fonctions :

le dirigeant et Mme [Y] n’ont pas répondu à ses courriels du 18 septembre 2017 portant sur les ‘provisionnements’ de six dossiers en contentieux qu’elle indiquait comme urgents (P23) ; l’attestation de Mme [Y] qui mentionne que Mme [X] poussait les gens à bout, que ce soit volontaire ou non et qu’il lui était impossible d’avoir une discussion constructive avec elle, n’est pas de nature à contredire le défaut de réponse et d’information portant sur le ‘provisionnement’ des dossiers en contentieux ;

elle n’a pas été informée que le petit train ne fonctionnait plus et qu’il était alors donné à l’intérimaire chargé de la conduite de celui-ci d’autres tâches à faire alors qu’elle est responsable des dossiers des intérimaires ;

elle n’a pas été informée du temps partiel de 80% d’une salariée en retour de congé parental, s’agissant d’une décision prise par l’employeur pendant son congé maladie (courriel du 15 septembre 2017) qui ne lui a pas été par la suite communiquée spontanément ;

– elle ne dispose pas de bannette pour la réception du courrier à compter de l’imprimante comme les cinq autres personnels administratifs ;

– l’ordre du jour du chsct du 26 octobre 2017 n’a été signé par le président M. [S] qu’à compter du moment où la question n°4 :’des salariés se plaignent d’être ‘harcelés’ moralement, qu’en est-il”, figurant dans l’ordre du jour signé par le seul secrétaire M. [J] a été retirée et substituée par la question n°8 : ‘Problème relationnel entre la responsable des ressources humaines et des salariés, comment y remédier ” alors même qu’à ce jour il avait reçu le courriel la salariée du 2 août 2017 lui demandant de faire cesser les actes de harcèlement moral à son encontre et qu’il pointait alors personnellement Mme [X] ;

– la salariée a demandé à son employeur par courriel du 2 août 2017 de faire cesser les actes de harcèlement moral à son encontre.

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer un harcèlement moral dès lors qu’il ressort de l’attestation de M. [U] qu’il l’a entendue pleurer à plusieurs reprises lorsqu’elle lui racontait au téléphone ses problèmes lors des réunions de CE auxquelles il assistait et où il avait pu se rendre compte que M. [S] voulait l’intimider et que la salariée avait été placée en arrêt de travail du 2 mai au 10 mai 2017 pour une dépression réactionnelle (avis d’arrêt de travail, certificat médical du 30 mars 2017 du Dr [N]) et suivie par la suite par son médecin traitant puis un psychiatre pour cette pathologie (certificats médicaux des 4 novembre 2017et 1er octobre 2018).

La procédure de sanction diligentée par l’employeur en mars 2017 et la sanction de mise à pied qui a suivi ne sont pas expliquées par des éléments objectifs exempts de harcèlement moral compte tenu de l’annulation de la mesure tant à raison du non-respect du délai de cinq jours ouvrable entre la remise de la convocation et l’entretien préalable que du caractère disproportionné de celle-ci au regard des fautes imputables à la salariée.

L’employeur justifie le défaut d’information de la conclusion d’un contrat à temps partiel avec Mme [L] qui revenait de congé parental par le fait d’une part, que Mme [X] était effectivement en arrêt de travail, et d’autre part, que le nouveau contrat était dans le dossier de cette dernière, qu’il appartenait à Mme [X] de consulter en cas de besoin pour l’exécution de ses tâches, lesquels sont insuffisants pour caractériser des éléments exempts de tout harcèlement moral.

L’employeur n’apporte aucun élément pour justifier l’absence de réponse aux courriels du 18 septembre 2017 portant sur les provisionnements de six dossiers en contentieux ou de la réalité de l’information donnée, pas plus des raisons pour lesquelles la salariée n’a pas été informée que le petit train ne fonctionnait plus et du devenir de l’intérimaire.

Le fait pour le dirigeant d’avoir chargé M. [D] de reprendre le dossier contentieux de M. [A] est justifié par son absence la semaine pendant laquelle il a décidé de changer d’avocat, dès lors qu’il ressort du courriel de Mme [X] du 29 mai 2017(P21) qu’elle en avait repris la charge. Par ailleurs, il justifie les décharges des tâches liées aux nouveaux dossiers ouverts, par les préconisations du médecin du travail, caractérisant un élément objectif exempt de harcèlement moral. En effet, le médecin du travail avait, dans son attestation de suivi individuel de l’état de santé de Mme [X] du 14 avril 2017, indiqué qu’un suivi médical individuel renforcé était nécessaire, en évitant la charge mentale, avis qui avait été réitéré le 23 mai 2017, le 30 juin 2017 avec nouvelle visite dans trois mois, et visites régulières des 18 septembre 2017, le 4 décembre 2017.

L’employeur ne justifie pas par des éléments objectifs le fait que la salariée ne dispose pas de bannette pour la réception du courrier comme les cinq autres personnels administratifs.

Le refus de l’employeur de signer l’ordre du jour initialement présenté comme comportant en question n°4 :’des salariés se plaignent d’être ‘harcelés’ moralement, qu’en est-il” alors que la salariée lui avait demandé par courrier du 2 août 2017 de faire cesser le harcèlement moral dont elle se prétendait victime, n’est pas objectivement justifié par le fait d’y avoir substitué la question n° 8 ni par le comportement parfois provocateur de cette dernière envers certaines de ses collègues.

Le fait d’avoir abandonné le projet de réorganisation des fonctions de la salariée n’est pas de nature à justifier objectivement par des éléments exempts de harcèlement moral les actes d’intimidations pour obtenir l’assentiment de celle-ci à la modification de son contrat de travail.

Les défauts d’information et de réponse aux courriels de la salariée demandant expressément des informations à son employeur et à Mme [Y], l’absence de bannette à son nom, le refus de l’employeur de signer l’ordre du jour du chsct du 26 octobre 2017 qui comportait initialement en point 4) la question suivante :’des salariés se plaignent d’être ‘harcelés’ moralement, qu’en est-il” outre les actes d’intimidation liés à la procédure de sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, à l’irrégularité de la procédure de sanction et à la sanction disproportionnée infligée à la salariée, n’étant pas justifiés par des éléments objectifs, la cour ne peut que considérer que le harcèlement moral à l’encontre de Mme [X] est établi.

L’employeur qui a commis des actes de harcèlement moral a manqué de facto à son obligation de préserver la santé et la sécurité du salarié.

La salariée a subi à raison de ce harcèlement et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, un préjudice moral qui sera entièrement réparé par la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts que la société TACAVL sera condamnée à lui régler.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Sur la rupture du contrat de travail

1/ Sur la demande de résiliation judiciaire

La société reproche au jugement d’avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail en considérant qu’elle avait manqué gravement à ses obligations en modifiant unilatéralement le contrat de travail de Mme [X] alors même que :

– l’employeur n’a pas manqué à son obligation de paiement de salaire en application de l’ancienneté et en paiement du 13ème mois ; ce motif est particulièrement ancien et ne saurait empêcher la poursuite du contrat de travail ;

-la salariée n’a pas été victime de harcèlement moral et les faits énoncés ne laissent pas présumer de harcèlement moral.

La salariée qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail soutient que celle-ci est justifiée par les manquements graves de l’employeur qui n’a pas réglé l’intégralité des salaires, qui a commis des actes de harcèlement moral à son encontre et qui a modifié unilatéralement son contrat de travail.

Sur le fondement de l’article 1184 devenu 1217 du code civil et de l’article L.1231-1 du code du travail, le salarié peut saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire du contrat à raison des manquements de l’employeur aux obligations découlant du contrat de travail.

Les manquements doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il appartient aux juges du fond d’apprécier les manquements imputés à l’employeur au jour de leur décision. Dans le cas où le salarié est licencié postérieurement à sa demande de résiliation, pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.

Si la résiliation judiciaire est prononcée, elle prend effet à la date de la décision judiciaire la prononçant, sauf si la rupture du contrat de travail est intervenue entre temps pour autre cause, auquel cas elle prend effet à la date de la rupture effective.

En l’occurrence, le harcèlement moral dont la salariée a été victime de la part de son employeur, au cours des quelques mois précédents la saisine du conseil de prud’hommes le 23 octobre 2017, caractérise un manquement suffisamment grave de l’employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.

Le contrat de travail a été rompu le 25 mai 2018, à l’expiration du délai d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle que la salariée a refusé dans le cadre de son licenciement économique. La résiliation judiciaire prend donc effet à cette date, le 25 mai 2018.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce que la résiliation judiciaire qu’il a prononcée, a pris effet au jour du jugement le 31 juillet 2019.

Sur les conséquences de la rupture

1/ Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail

La résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l’employeur, résultant du harcèlement moral subi par la salariée, produit les effets d’un licenciement nul.

Il résulte des dispositions de l’article L.1235-3 -1 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, que l’article L.1235-3 n’est pas applicable lorsque le licenciement est entaché d’une nullité en raison de la violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel, à un licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice, en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes, en cas de dénonciation de crimes et délits ou à l’exercice d’un mandat par un salarié protégé ainsi qu’aux protections dont bénéficient certains salariés.

Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution du contrat de travail ou sa réintégration, il a droit à une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En considération des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée (un salaire mensuel brut de 4.757,20 euros, de son âge au jour de son licenciement (59 ans), de son ancienneté à cette même date (11 ans et 7 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il convient d’indemniser la salariée en lui allouant la somme de 57.000 euros au titre de la perte injustifiée de son emploi que la société sera condamnée à lui verser.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société au versement de la somme de 51.995 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de chance

La société conteste le jugement entrepris en ce qu’il a fait partiellement droit à la demande de dommages et intérêts pour perte de chance présentée par la salariée.

Elle soulève l’irrecevabilité de cette demande nouvelle lors de la première instance, en raison de l’abrogation du principe de l’unicité de l’instance par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 et oppose l’absence de lien suffisant avec la demande initiale en résiliation judiciaire et avec la seconde en contestation du licenciement.

Au fond elle l’estime injustifiée comme faisant double emploi avec la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de l’emploi et comme étant un préjudice hypothétique et négligeable.

La salariée avance qu’elle a subi un préjudice à raison de la perte de chance de pouvoir terminer sa carrière dans cette entreprise dès lors qu’elle était âgée de 61 ans lors de la rupture et de percevoir une retraite à taux plein plus favorable.

Elle estime que par application des dispositions de l’article L.1454-1 du code du travail, les demandes additionnelles et reconventionnelles sont recevables à tout moment de la procédure prud’homale, même si elles ne se rattachent pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.

L’abrogation du principe d’unicité de l’instance est sans effet sur le principe selon lequel les demandes additionnelles sont recevables dès lors qu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant par l’application combinée des articles 70 du code de procédure civile et L.1454-1-1 du code du travail.

En l’occurrence, cette demande de dommages et intérêts pour perte de chance de pouvoir terminer sa carrière dans l’entreprise et de percevoir une pension de retraite plus favorable se rattache par un lien suffisant avec la demande d’indemnité réparant le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail. Elle sera déclarée recevable.

L’indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de terminer sa carrière au sein de la société est comprise dans les dommages et intérêts alloués à l’intéressée en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail et donc de la perte de l’emploi.

La salariée ne justifie pas de sa situation au regard de l’emploi postérieurement au mois de novembre 2019 au cours duquel elle était encore indemnisée par le Pôle emploi à hauteur de 2.508 euros par mois, ni du déroulé intégral de sa carrière mentionnant les salaires annuels et les meilleures années, ni même de sa situation actuelle de pensionnée, en sorte qu’elle échoue à démontrer l’existence d’une perte de chance de bénéficier d’une pension de retraite plus favorable et sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société au versement d’une somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la perte de chance de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein plus favorable et de la perte de chance de pouvoir terminer sa carrière au sein de la société TACAVL.

Sur la remise des documents sociaux sous astreinte

Il convient d’ordonner à la société la remise à Mme [X] de l’attestation Pôle emploi, du certificat de travail et d’un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Sur l’intérêt au taux légal

Les créances indemnitaires produiront intérêts à compter du jugement infirmé dans la limite des sommes accordées par le jugement et pour le surplus à compter de ce jour.

Les créances salariales produiront intérêts à compter de la demande, soit de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, le 25 octobre 2016.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine pour les demandes de nature salariale et de la notification du jugement pour les demandes de nature indemnitaire.

Sur la transmission à Pôle emploi

En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société TACAVL à Pôle emploi des indemnités de chômage à hauteur de quatre mois.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.

Sur l’exécution provisoire

Il convient de rappeler que le présent arrêt est exécutoire.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société TACAVL succombant sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel. Elle sera par conséquent, déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de faire bénéficier Mme [X] des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et le conseil de prud’hommes a exactement apprécié à la somme de 1200 euros le montant de cette indemnité devant lui revenir au titre de la première instance, étant précisé qu’il n’est pas sollicité d’indemnité complémentaire au titre de l’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;

Dans la limite de la dévolution,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a annulé la mise à pied, en ce qu’il a condamné la société TACAVL à verser à Mme [X] la somme de 972,02 euros à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied du 2 au 8 mai 2017, en ce qu’il a débouté Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la sanction, en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes de rappel de salaire au titre de la convention Atriv06, au titre de la convention collective nationale, de ses demandes de rappel de prime d’ancienneté dite maison, de rappel de prime de 13ème mois, en ce qu’il a débouté Mme [X] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct résultant du non-versement de la prime Atriv06 pour une somme de 21 029,71 euros, en ce qu’il a condamné la société TACAVL à verser une indemnité de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a dit que la société TACAVL devait adresser à Mme [X] ses certificat de travail, attestation Pôle emploi et bulletins de salaire rectifiés, en ce qu’il a ordonné le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômages versées à Mme [X] dans la limite de 4 mois d’indemnités, en ce qu’il a condamné la société TACAVL aux dépens et débouté la société TACAVL de ses demandes ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire à compter du jugement, en ce qu’il a condamné la société au versement de la somme de 51.995 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a condamné la société au versement d’une somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la perte de chance, en ce qu’il a dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine pour les demandes de nature salariale et de la notification du jugement pour les demandes de nature indemnitaire, et en ce qu’il a dit que la société TACAVL devra adresser à Mme [X] ses certificat de travail, attestation Pôle emploi et bulletins de salaire rectifiés,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare que Mme [X] a été victime de harcèlement moral ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter du 25 mai 2018 ;

Dit que la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l’employeur résultant du harcèlement moral subi par la salariée, produit les effets d’un licenciement nul ;

Condamne la société TACAVL à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

57.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Déboute Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein plus favorable et de pouvoir terminer sa carrière au sein de la société TACAVL ;

Dit que les créances indemnitaires produiront intérêts à compter du jugement infirmé dans la limite des sommes accordées par le jugement et pour le surplus à compter de ce jour ;

Dit que les créances salariales produiront intérêts à compter de la demande, soit de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, le 25 octobre 2016.

Y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de Mme [X] portant sur les rappels de salaires échus antérieurement au 23 octobre 2017 ;

Déclare recevable les demandes de Mme [X] portant sur les rappels de salaires échus postérieurement au 23 octobre 2017 ;

Déclare recevables les demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct résultant du non-versement de la prime Atriv06 pour une somme de 21 029,71 euros, de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct résultant du harcèlement moral et de dommages et intérêts au titre d’une perte de chance ;

Ordonne à la société TACAVL de remettre à Mme [X] de l’attestation Pôle emploi, du certificat de travail et d’un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois,

Rejette la demande de Mme [X] de 4.666,07 euros de dommages et intérêts pour non respect de la convention collective nationale ;

Rejette la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société TACAVL aux entiers dépens de l’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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