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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 12 JANVIER 2023
(n° 2023/ , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07197 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCR6Z
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F 19/00557
APPELANTE
Madame [X] [Z] épouse [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Christian LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0754
INTIMEE
S.A.R.L. PROMOSAS
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Sandrine MENDES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Il est constant que Mme [X] [Z] épouse [H] a été embauchée par la société Euro Flash Diffusion par contrat de travail à durée déterminée du 28 juin 2001 à effet du 30 juin suivant, puis par contrat à durée indéterminée à compter de septembre 2001, en qualité de caissière employé libre service et que son contrat a été transféré à la société Aubervilliers Distribution en avril 2005 avant d’être de nouveau transféré le 4 juillet 2005 à la société Promosas, « avec maintien des éléments de son contrat de travail et reprise de son ancienneté ».
Suivant avenant du 3 septembre 2008 passé entre Mme [H] et la société Promosas Auber, il a été stipulé que l’horaire hebdomadaire de la salariée passait de 30 à 35 heures moyennant un salaire mensuel brut de 1321,05 euros.
La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.
Par lettre du 27 juillet 2012, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement fixé au 9 août 2012, avec mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée du 5 septembre 2012, la société a notifié à Mme [H] son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 22 février 2019.
Par jugement du 21 septembre 2020 auquel il est renvoyé pour l’exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :
– débouté Mme [H] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté la société de sa demande reconventionnelle ;
– condamné Mme [H] aux dépens.
Par déclaration du 23 octobre 2020, Mme [H] a interjeté appel du jugement notifié le 24 septembre 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 janvier 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [H] demande à la cour de :
– infirmer en l’ensemble de ses dispositions la décision entreprise et,
statuant à nouveau :
– requalifier son licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
– condamner la société au paiement des sommes suivantes avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes :
* 2 019,90 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied ;
* 201,99 euros au titre des congés payés y afférents ;
* 3 029,86 euros au titre de l’indemnité de préavis ;
* 302,98 euros au titre des congés payés y afférents ;
* 3 332,84 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
* 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 14 013,93 euros au titre du rappel d’heures supplémentaires ;
* 1 401,39 euros au titre des congés payés y afférents ;
* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner la remise des bulletins de paie, certificat de travail, attestation Pôle emploi conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ;
– condamner la société aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 avril 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
– déclarer irrecevable la demande formulée au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu ;
y ajoutant,
– condamner Mme [H] à payer à la société la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 septembre 2022.
MOTIVATION
Sur l’exécution du contrat de travail
* sur l’irrecevabilité de la demande pour travail dissimulé
La société soutient que la demande de Mme [H] relative au travail dissimulé est irrecevable sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile comme n’ayant pas été présentée devant les premiers juges.
Mme [H] ne conclut pas spécialement sur l’irrecevabilité soulevée et se borne à formuler une demande de condamnation pécuniaire.
Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions reprises énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Or, la cour observe que si une demande au titre du travail dissimulé est présentée par Mme [H] dans le corps de ses conclusions, cette demande n’a pas été reprise dans le dispositif de celles-ci.
Par conséquent, l’irrecevabilité soulevée est sans objet.
* sur le rappel d’heures supplémentaires et les congés payés afférents
A l’appui de sa demande, Mme [H] énonce des horaires de travail du mardi au dimanche et fait valoir que, chaque jour, après la fermeture du magasin, elle devait rendre sa caisse après avoir fait les comptes nécessaires et procéder au nettoyage du magasin, remplir les rayons et jeter les poubelles de sorte qu’elle ne quittait jamais avant 21 heures alors qu’elle était censée terminer à 20 heures. Elle en veut pour preuve des tickets de caisse qu’elle verse aux débats faisant apparaître, selon elle, qu’elle travaillait au-delà de 20h30. Mme [H] ajoute que, tous les quatre mois, elle devait effectuer un inventaire avec ses collègues qui durait entre six et sept heures pour lesquelles elle estime ne pas avoir été rémunérée.
L’employeur réplique que Mme [H] ne fournit aucun décompte et procède par extrapolation. Il comprend que, sur la base de ses allégations, Mme [H] se prévaut de cinq heures supplémentaires chaque semaine pendant quatre ans et sept heures supplémentaires hebdomadaires sur quatre ans censées correspondre à la journée mensuelle pour cause d’inventaire. L’employeur relève que les tickets de caisse produits sont illisibles et ne font pas apparaître l’heure de prise de poste. Il fait valoir que, de son côté, il verse les feuilles de présence signées par la salariée et que ces feuilles de présence ne font état d’aucune heure supplémentaire tout en observant que Mme [H] ne s’était jamais plainte d’avoir effectué des heures supplémentaires et de ne pas avoir été payée à ce titre.
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une ou l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, bien qu’elle produise des tickets de caisse illisibles, Mme [H] présente néanmoins des éléments suffisamment précis en ce qu’elle déclare avoir terminé ses journées de travail une heure après l’horaire prévu et ne pas avoir été rémunérée les jours consacrés à un inventaire à raison de six à sept heures tous les quatre mois.
De son côté, l’employeur verse aux débats les feuilles de présence émargées par les salariés dont Mme [H] pour la période du 29 décembre 2008 au 2 septembre 2012 qui établissent que Mme [H] a travaillé 35 heures par semaine.
Partant, Mme [H] sera déboutée de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et des congés payés afférents et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail
*sur le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe l’étendue du litige, est rédigée dans les termes suivants :
“(…) Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :
Le visionnage d’enregistrements du système de vidéosurveillance, dont vous étiez parfaitement avisée de l’existence, permet d’établir que le 03 juin 2012 à 09h15, alors que vous vous trouviez à votre poste de travail :
– Une cliente dépose sur votre tapis de caisse deux boites de bière,
– Vous passez devant le lecteur (scanner) une première boite de bière, puis la seconde.
En réalité, vous n’enregistrez qu’une boite de bière et simulez l’enregistrement de la seconde ; la lecture du ticket de contrôle correspondant prouve cette opération frauduleuse.
– La cliente vous remet en espèces le montant correspondant au prix des deux boites de bière et quitte le magasin sans que vous ne lui remettiez son ticket de caisse.
– Vous ouvrez votre caisson, effectuez des manipulations et conservez dans votre main droite quelques pièces de monnaie (correspondant de toute évidence au prix d’une boite de bière) que vous introduisez peu après dans votre poche.
Des investigations ultérieures nous ont permis d’établir qu’il ne s’agissait malheureusement pas d’un acte isolé et que vous aviez déjà procédé à de telles man’uvres et notamment :
– le 02 juin 2012 vers 15 heures 11 :
* un client passe à votre caisse avec un paquet de sucre,
* vous n’enregistrez pas cet article et n’éditez par conséquent aucun ticket de caisse,
* le client vous remet des espèces puis quitte le magasin,
* vous conservez ces espèces dans votre main,
*quelques minutes après, un autre client passe à votre caisse avec un sachet de sacs poubelle,
* là non plus, vous n’enregistrez pas cet article et n’éditez par conséquent aucun ticket de caisse.
* le client vous remet des espèces puis quitte le magasin,
* vous conservez les espèces remises par les deux clients dans votre main avant de les glisser dans votre poche.
– le 02 juin 2012 vers 14 heures 05 :
* une cliente se présente à votre caisse avec un paquet de bonbons et un pack d’eau,
* vous n’enregistrez que le paquet de bonbons dans le logiciel de caisse.
* la cliente vous remet des espèces.
* vous rendez la monnaie à la cliente qui quitte le magasin sans que vous ne lui remettiez son ticket de caisse.
– le 1er avril 2012 vers 16 heures 05 :
* un client passe à votre caisse avec un pack d’eau.
* vous n’enregistrez pas cet article et n’éditez par conséquent aucun ticket de caisse.
* le client vous remet des espèces puis quitte le magasin.
* vous conservez ces espèces dans votre main gauche avant de les glisser dans votre poche.
Outre les détournements d’espèces au préjudice de l’entreprise et votre comportement anti-commercial à l’égard de la clientèle de nature à ternir l’image de notre magasin, vous avez totalement méconnu les taches élémentaires inhérentes à la fonction de caissière consistant notamment à enregistrer tous les articles présentés par le client et à lui remettre un ticket de caisse ; ces taches figurent pourtant expressément dans votre fiche de fonction, que vous avez lue, approuvée et signée le 03 septembre 2008 :
« Le(la) caissier(e) est chargé(e), dans un esprit d’accueil et de respect du client, d’assurer l’enregistrement de tous ses achats, de participer activement à la remontée d’informations et de contribuer à la bonne marche du magasin.
Pour ce faire, il(elle) doit :
8- Vérifier que tous les articles ont été déposés sur le tapis de caisse et procéder à l’enregistrement de chacun ; faire sortir tous les articles du caddie et demander l’ouverture des sacs et cabas,
14- Remettre le ticket de caisse et effectuer le rendu monnaie à voix haute ».
De surcroit, un contrôle contradictoire de votre caisson effectué par vous-même et Monsieur [I], Chef de magasin, le 13 juillet 2012 a révélé un écart négatif de 15,74 €uros.
Vous n’avez pas été en mesure de justifier, ni même d’expliquer cette différence ; en agissant ainsi, vous avez méconnu les obligations de rigueur et d’exactitude qui incombent à toute caissière.
Cet écart de caisse, constitutif d’une faute professionnelle, porte préjudice soit à notre clientèle et nuit à l’image de marque de notre enseigne, soit au magasin lui-même.
Les faits précités outre qu’ils constituent un non-respect des procédures et causent un préjudice à l’entreprise revêtent un caractère de déloyauté tel qu’ils altèrent gravement la confiance qui doit nécessairement exister compte tenu des fonctions que vous occupez et rendent impossible votre maintien dans l’entreprise.
Ils nuisent gravement à la réputation de l’entreprise et sont de nature à lui faire perdre le bénéfice de la licence de marque « Franprix » (…)”.
En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail, la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié et constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L’employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.
Aux accusations de vol (par non-enregistrement d’articles et espèces données par les clients conservées) portées à son encontre par l’employeur, Mme [H] soutient, à propos des faits du 1er avril 2012 à 16h05, qu’ils sont prescrits en ce qu’ils sont antérieurs de plus de deux mois à l’engagement des poursuites disciplinaires et conteste les autres faits des 2 et 3 juin 2012 à propos desquels elle fait valoir qu’en dépit de la plainte de l’employeur, aucune poursuite pénale n’a été engagée à son encontre.
De plus, Mme [H] fait valoir qu’elle a été contrainte de signer une lettre de démission le 13 juillet 2012 en recopiant le modèle fourni par l’inspecteur de magasin et qu’elle conteste donc les termes de cette lettre recopiée sous la contrainte.
Mme [H] conteste également le prétendu écart négatif de 15,74 euros dans sa caisse qui avait été contrôlée sans constat de la moindre anomalie.
Ce à quoi la société réplique que Mme [H] ne répond rien sur le fait qu’elle n’a pas scanné tous les produits des clients passant en caisse alors que, dans sa lettre de démission, elle reconnaissait n’avoir scanné qu’une seule boîte de bière le 3 juin 2012 et que c’est cette découverte qui a amené l’employeur à mener des investigations et à découvrir que ce n’était pas un cas isolé.
La société réplique également que les faits du 1er avril 2012 ne sont pas prescrits car ils ont été découverts dans le cadre des investigations déclenchées à la suite de la découverte des faits du 3 juin 2012 ; que la jurisprudence autorise l’employeur à faire référence à des faits anciens de même nature pour sanctionner un salarié qui persiste dans un comportement fautif.
La société réplique encore que l’écart de caisse négatif a été constaté lors du comptage de la caisse le 13 juillet 2012.
La société soutient que ces faits imputables à Mme [H] constituent des manquements à ses obligations contractuelles.
Enfin, l’employeur récuse l’accusation selon laquelle Mme [H] a été obligée sous la contrainte de rédiger et de signer une lettre de démission et conclut que l’absence de poursuites pénales est sans incidence, le procureur de la République s’abstenant en général de poursuites dans un tel cas au motif que le salarié a déjà été sanctionné par d’autres biais.
En l’espèce, la société verse aux débats un procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 18 juin 2013 concernant le visionnage de la vidéosurveillance sur lequel l’employeur s’appuie.
Ce constat n’a pas été réalisé en présence de la salariée.
L’huissier de justice indique qu’il voit, sur chacune des séquences, la même personne à la caisse et que cette personne lui a été désignée par l’employeur comme s’appelant [X] [H].
Le rapprochement de la séquence du 3 juin 2012 à 9h15 avec le ticket de caisse horodaté 3 juin 2012 à 9h15 (cannette de bière) qui porte la mention « [X] » en haut à gauche permet de conclure que l’huissier a effectivement constaté des actes de Mme [H].
S’agissant de l’écart négatif allégué après un contrôle de la caisse de Mme [H] le 13 juillet 2012, le document produit par l’employeur fait état d’une somme de 134,26 euros. Si la procédure de caisse décrite et signée le 20 novembre 2005 par la salariée indique que le contenu du caisson est de 150 euros lors de la prise de poste, aucun élément ne permet d’établir que ce contrôle a été effectué de manière contradictoire avec Mme [H] puisqu’aucune feuille de caisse signée n’est produite. Aussi la cour ne considère-t-elle pas que ce reproche est établi.
Sur la séquence de vidéosurveillance du 3 juin 2012 à 9h15, l’huissier de justice constate qu’un client dépose deux cannettes de bière sur le tapis de caisse ; que la caissière est en train d’encaisser le client précédent ; qu’ensuite, elle ne passe qu’une seule cannette en faisant mine de passer la second ; que la caisse s’ouvre et qu’un ticket est édité ; que la caissière encaisse des espèces, mets des espèces dans la caisse « et semble conserver dans sa main droite des espèces » ; qu’elle prend le ticket de caisse « et porte immédiatement la main droite dans sa poche droite de blouse tout en se grattant la tête et en ayant pris soin de regarder sur sa droite à l’intérieur du magasin ».
Sur la séquence de vidéosurveillance du 2 juin 2012 à 13h11 (mentionnée comme ayant eu lieu à 15h11 dans la lettre de licenciement), l’huissier de justice relève la présence d’un client avec un paquet de sucre et constate que, lors du passage du client en caisse, la caissière n’enregistre pas le paquet de sucre tout en faisant mine de le passer devant le lecteur scanner ; que le client remet des espèces à la caissière laquelle prend dans sa main gauche les espèces et redonne au client une partie des espèces depuis sa main droite tout en conservant dans sa main gauche fermée des espèces ; que la caisse ne s’ouvre pas et qu’aucun ticket n’est édité ; que le client quitte ensuite l’espace de caisse. L’huissier de justice constate qu’un autre client se présente ; que l’encaissement se déroule normalement ; que la caisse s’ouvre et qu’un ticket est édité et remis au client ; que l’encaissement se réalise au moyen d’espèces et que la caissière tient toujours dans sa main gauche fermée une partie des espèces du client précédent qu’elle ne remet pas dans la caisse. L’huissier de justice constate encore qu’un autre client se présente en caisse ; que l’encaissement se déroule normalement ; que la caisse s’ouvre et qu’un ticket est édité ; que le client règle par carte bancaire ; que la caissière tient toujours les espèces du premier client évoqué dans sa main gauche fermée ; qu’elle remet au client ayant payé par carte bancaire l’ensemble des tickets. L’huissier de justice constate enfin le passage d’un autre client en caisse avec un seul article (un sachet de sacs poubelle) ; que la caissière fait mine de passer le sachet devant le lecteur scanner ; que la caisse ne s’ouvre pas et qu’aucun ticket n’est édité ; que le client remet des espèces à la caissière qui les conserve dans sa main gauche ; que la caisse ne s’ouvre pas et qu’aucun ticket n’est édité ; que la caissière porte alors sa main gauche à sa poche gauche puis que sa main gauche ne reste plus fermée ; qu’ « il semble qu’il n’y ait plus d’espèces dans sa main gauche ».
Cette séquence permet d’établir qu’à deux reprises, Mme [H] n’a pas enregistré des articles et qu’en l’absence d’enregistrement, la caisse ne s’est pas ouverte et qu’aucun ticket n’a été édité et remis aux clients et que toutes les espèces reçues n’ont pas été mises dans la caisse mais ont été glissées dans sa poche.
La séquence de vidéosurveillance du 2 juin à 14h05 est moins claire. Néanmoins, l’huissier de justice constate que la caissière passe devant le lecteur scanner un paquet de bonbon mais pas le pack d’eau au sol que la cliente lui montre. L’huissier de justice relève que le ticket de caisse n’est pas remis à la cliente accompagnée de la petite fille qui avait remis les espèces à la caissière alors qu’un ticket est édité.
Il ressort de cette séquence que la caissière n’a pas passé tous les articles et n’a pas remis de ticket de caisse au client.
Sur la séquence de vidéosurveillance du 1er avril 2012 à 16h05, l’huissier de justice constate, après un encaissement normal, qu’un client se présente avec un pack d’eau ; que la caissière n’enregistre pas l’article qui ne passe pas devant le lecteur scanner ; que le client remet des espèces à la caissière qui lui rend une partie des espèces depuis sa main droite et conserve l’autre partie de l’argent dans sa main gauche puis après quelques instants, glisse dans sa poche gauche l’argent tenu dans sa main avant d’avoir observé aux alentours en tournant la tête vers l’intérieur du magasin. L’huissier de justice constate également que le client suivant est encaissé normalement avec ouverture de la caisse et édition d’un ticket.
Il s’agit du même mode opératoire que celui observé les 2 et 3 juin 2012.
L’article L.1332-4 du code du travail dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
L’employeur a expliqué que ce sont les faits du 3 juin 2012 qui l’ont conduit à faire des investigations et à découvrir les faits du 1er avril 2012 au sujet desquels Mme [H] invoque la prescription.
Or, la société a décidé de convoquer la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave le 27 juillet 2012 avec mise à pied à titre conservatoire.
L’employeur a donc engagé la procédure dans un délai de deux mois à compter du 3 juin 2012 et, dans le cadre de la faute grave qu’il allègue, il est fondé à invoquer des faits antérieurs dès lors qu’il n’est pas établi que ces faits avaient été découverts avant le 3 juin.
Partant, les faits du 1er avril 2012 ne sont pas prescrits.
Il résulte de l’examen des éléments produits par la société que plusieurs faits de vol sont imputables à la salariée sur la période du 1er avril au 3 juin 2012 ; que ces faits ont été commis au détriment de l’employeur mais pas des clients et que le préjudice est modique, compte tenu des articles qui n’ont pas été enregistrés. Ces faits se doublent également du non-respect de l’obligation contractuelle pour Mme [H] d’enregistrer tous les articles et d’émettre un ticket de caisse à remettre à chaque client.
La cour considère que le licenciement de Mme [H] a, dans ces circonstances, une cause réelle et sérieuse ‘ sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la valeur du contenu de la lettre de démission. La décision des premiers juges sera donc infirmée.
* sur les conséquences du licenciement
sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Aux termes des deux premiers alinéas de l’article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
En application de l’article L. 1234-1 du code du travail et de la convention collective, Mme [H], justifiant d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, a droit à un préavis de deux mois.
Il sera donc alloué à Mme [H] la somme de 2 851,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 285,14 euros au titre des congés payés afférents.
sur l’indemnité de licenciement
L’article L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose que le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Il précise que les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire aux articles R. 1234-1 et R. 1234-2.
La salariée se réfère uniquement à l’indemnité légale et la société n’a pas spécialement conclu sur cette demande.
En application de ces articles, il sera alloué à Mme [H] ‘ sur la base de la moyenne plus favorable des douze derniers mois de salaire ‘ une somme de 3 332,84 euros, dans la limite de la somme demandée.
sur le rappel de salaires pendant la mise à pied à titre conservatoire et les congés payés afférents
Mme [H] n’a pas spécialement conclu sur le montant réclamé par elle tandis que la société soutient que la somme demandée dépasse le montant des sommes qui ont été décomptées.
La période concernée par le rappel de salaire s’étend du 27 juillet au 5 septembre 2012.
La lecture des bulletins de paie de Mme [H] révèle qu’une somme de 1 933,30 euros a été retenue sur la période considérée. Il sera donc alloué à la salariée la somme de 1 933,30 euros au titre du rappel de salaire et la somme de 193,33 euros au titre des congés payés afférents.
* sur la remise des documents
La société devra remettre à Mme [H] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Sur les autres demandes
* sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation.
* sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile
La société sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision des premiers juges sera confirmée au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition,
DIT que l’irrecevabilité de la demande relative au travail dissimulé est sans objet ;
INFIRME le jugement sauf en ce qui concerne la demande au titre du rappel d’heures supplémentaires et des congés payés afférents et la demande au titre des frais irrépétibles ;
STATUANT à nouveau dans la limite des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le licenciement de Mme [X] [Z] épouse [H] a une cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société Promosas à payer à Mme [X] [Z] épouse [H] les sommes suivantes :
* 2 851,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
* 285,14 euros au titre des congés payés afférents ;
* 3 332,84 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
* 1 933,30 euros au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire ;
*193,33 euros au titre des congés payés afférents ;
ORDONNE à la société Promosas de remettre à Mme [X] [Z] épouse [H] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte ;
DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation ;
CONDAMNE la société Promosas aux dépens de première instance et d’appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile et du surplus de leurs demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE