Contrat d’édition : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/02881

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Contrat d’édition : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/02881
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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 17 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/02881 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PN4Q

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 MAI 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN – FRANCE

N° RG 2022f00299

APPELANTE :

S.A.S.U. INES

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Mohamed JARRAYA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

S.A.S. METRO FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Lola JULIE, avocat au barreau de MONTPELLER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTERVENANTE FORCEE :

S.E.L.A.R.L. MJSA prise en la personne de Me [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS INES, domicilié en cette qualité en son étude sise au siège social

[Adresse 3]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Assignation du 18/10/2022

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 14 décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 DECEMBRE 2022,en chambre du conseil, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

Ministère public :

L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La SASU Inès, ayant pour dirigeant [X] [W], exploite un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie sous l’enseigne « Inès ».

Elle est locataire, suivant bail commercial conclu le 29 juillet 2019 avec la SCI la Polia, de locaux servant à l’exploitation de son fonds situés au rez-de-chaussée de l’immeuble du [Adresse 1], qui a fait l’objet, le 16 octobre 2020, d’un arrêté de péril pris par le maire de Perpignan.

A la suite de cet arrêté de péril interdisant l’exploitation du fonds, M. [W] a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la société Générali Iard, au titre d’une police « multi-risque professionnelle », en vue de la prise en charge de ses pertes d’exploitation ; le cabinet Texa Expertises, mandaté par l’assureur, a chiffré à 63 508 euros les six mois couverts en perte d’exploitation (sic).

Le 11 novembre 2021, la société Inès a perçu de la société Générali Iard un acompte de 20 591,28 euros au titre des frais fixes sur la période indemnisable et le 16 novembre 2021, elle a conclu une promesse de bail commercial avec le propriétaire d’un local de 100 m² situé [Adresse 2] afin de poursuivre son activité commerciale.

Par exploit du 21 décembre 2021, elle a assigné sa bailleresse, la SCI La Polia, devant le tribunal de commerce de Perpignan en vue d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 63 508 euros en indemnisation de son préjudice, arrêté au 16 octobre 2021, consécutif à l’arrêté de péril et celle de 10 584 euros par mois en réparation de son préjudice à compter du 16 octobre 2021 et jusqu’à la réouverture du fonds de commerce ; cette procédure est toujours pendante devant le tribunal de commerce.

La société Inès a également assigné en référé la société Générali Iard en vue de l’octroi d’une provision de 42 917 euros à valoir sur l’indemnité d’assurance, mais par ordonnance du 13 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Perpignan s’est déclaré incompétent (sic) au motif que l’obligation de l’assureur était sérieusement contestable, tenant la nécessité d’interpréter les clauses contractuelles quant aux conditions de versement de l’indemnité.

Entre-temps, par exploit du 9 mars 2022, la société Métro France, créancière de la société Inès d’une somme de 8113,85 euros, a fait assigner celle-ci devant le tribunal de commerce de Perpignan aux fins d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire et, subsidiairement, de redressement judiciaire.

Le tribunal, par jugement du 18 mai 2022, a notamment :

– constaté l’état de cessation des paiements de la société Inès,

– prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la société,

– nommé la Selarl MJSA en la personne de M. [J] en qualité de liquidateur,

– commis la Selarl Thibaut Ruffat, commissaire-priseur à [Localité 5], aux fins de réaliser un inventaire et la prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent,

– dit que le liquidateur procédera à la vente des biens du débiteur de gré à gré ou aux enchères publiques dans les quatre mois de la présente décision, et qu’à l’issue de cette période, il sera procédé à la vente aux enchères publiques des biens subsistants.

La société Inès a relevé appel, le 30 mai 2022, de ce jugement, qui lui avait été signifié le 24 mai 2022.

Elle a obtenu, par une ordonnance de référé rendue le 7 septembre 2022 par le délégataire du premier président, l’arrêt de l’exécution provisoire de droit assortissant le jugement, mais cette ordonnance a été rétractée par une nouvelle ordonnance de référé du 16 novembre 2022, sur la tierce-opposition de la Selarl MJSA, qui n’avait pas été assignée dans le cadre de la procédure de référé.

Par exploit du 18 octobre 2022, la société Inès prise en la personne de son président en exercice, [X] [W], a assigné en intervention forcée devant la cour la Selarl MJSA ès qualités, qu’elle avait omis d’intimer dans sa déclaration d’appel.

La société Inès demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées le 9 décembre 2022 via le RPVA, de :

– déclarer tant recevable que bien fondée son argumentation et ses demandes,

– rejeter toute demande présentée contre elle,

In limine litis,

Vu les articles 117 et 14 du code de procédure civile,

– ordonner l’annulation de l’exploit d’huissier lui ayant été délivré le 9 mars 2022 sur assignation de la société Métro France ainsi que tous les actes subséquents,

– en conséquence, infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– constater qu’aux termes de l’assemblée générale extraordinaire en date du 15 novembre 2022, il a été décidé de nommer [I] [B] en qualité de président de la société en remplacement de [X] [W], frappé d’interdiction depuis le 26 janvier 2022, de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale et toute personne morale pendant dix ans,

– condamner la Selarl MJSA, prise en la personne de M. [J], ès qualités de liquidateur judiciaire et la société Métro France à lui payer, chacune, la somme de 2000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Métro France, dont les conclusions ont été déposées par le RPVA le 6 juillet 2022, sollicite de voir :

Vu les articles 564 et 567 du code de procédure civile,

Tenant les moyens nouveaux invoqués en appel,

– déclarer irrecevables les demandes de l’appelante,

– et ce faisant, débouter la société Inès de l’intégralité de ses demandes,

– en tout état de cause, confirmer purement et simplement le jugement du tribunal de commerce prononçant la liquidation judiciaire,

– condamner la société Inès à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 3000 euros.

La Selarl MJSA représentée par M. [J], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées par le RPVA le 12 décembre 2022, de :

Vu les articles 1160 du code civil, 54, 114, 117, 901, 960 et 961 du code de procédure civile, L. 640-1, L. 644-1, L. 661-1 et R. 661-1 du code de commerce,

(‘)

In limine litis,

– prononcer la nullité de la déclaration d’appel,

– prononcer la nullité de l’assignation en intervention forcée en date du 18 octobre 2022,

– débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Sur le fond,

– confirmer le prononcé de la liquidation judiciaire au bénéfice de la société Inès,

– débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

– dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Le dossier de l’affaire a été communiqué au ministère public qui a également été avisé de la date d’audience.

Instruite conformément aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, la procédure a été clôturée par ordonnance du 14 décembre 2022, préalablement à l’ouverture des débats.

MOTIFS de la DECISION :

Selon l’article 54 du code de procédure civile, auquel renvoie l’article 901 du même code, la demande initiale mentionne à peine de nullité (‘) 3° (‘) b) pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ; il est cependant de principe que l’omission, dans la déclaration d’appel, de l’organe représentant légalement la personne morale constitue un simple vice de forme qui n’est susceptible, conformément à l’article 114 du code de procédure civile, d’entraîner la nullité de l’acte qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.

Aux termes de l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020 (publié le 21 mai 2020 au Journal officiel) relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel : « Le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message. Ce récapitulatif accompagné, le cas échéant, de la pièce jointe établie sous forme de copie numérique annexée à ce message et qui fait corps avec lui tient lieu de déclaration d’appel, de même que leur édition par l’avocat tient lieu d’exemplaire de cette déclaration lorsqu’elle doit être produite sous un format papier. »

En l’occurrence, le récapitulatif joint à l’avis de réception établi par le greffe et qui tient lieu de déclaration d’appel au sens notamment de l’article 905-1 du code de procédure civile omet d’indiquer l’organe représentant légalement la société Inès ; pour autant, il est joint à ce récapitulatif la copie numérique de la déclaration d’appel précisant que la SASU Inès est prise en la personne de son président en exercice, M. [X] [W], demeurant en cette qualité au siège social, une telle indication étant reprise dans l’assignation en intervention forcée délivrée le 18 octobre 2022 à la Selarl MJSA ès qualités ; celle-ci ne démontre donc pas le grief que lui aurait causé le défaut de désignation, dans le récapitulatif joint à l’avis de réception établi par le greffe et valant déclaration d’appel, de l’organe représentant légalement la société Inès.

L’article 117 du code de procédure civile dispose que constitue notamment une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte, le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant d’une personne morale et l’article 119 du même code, que les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

En l’occurrence, il résulte des pièces produites que M. [W] se trouve frappé d’une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant tout autre activité indépendante et toute personne morale pour une durée de dix ans, en conséquence d’un jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 26 janvier 2022 assorti de l’exécution provisoire, cette sanction lui ayant été infligée en raison de divers manquements commis en sa qualité de gérant d’une SARL Jasmin, exploitant également un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie et ayant son siège [Adresse 1], société qui avait fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 19 décembre 2018, clôturée pour insuffisance d’actif le 27 avril 2022 ; l’intéressé ne conteste d’ailleurs pas, dans ses dernières conclusions devant la cour, être privé, depuis le 26 janvier 2022, du pouvoir de représenter légalement la société Inès, quand bien même il figure encore comme président de la société sur l’extrait K bis édité le 18 novembre 2022, communiqué aux débats par la Selarl MJSA ès qualités.

À cet égard, la société Inès invoque l’existence d’un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 15 novembre 2022 désignant [I] [B] en qualité de nouveau président de la société en remplacement de [X] [W], mais hormis la publication, le 19 novembre 2022, d’un extrait de cette décision d’assemblée générale dans un journal d’annonces légales (les petites annonces Roussillonnaises et le journal des annonces légales réunies) ne justifie pas que cette décision a été publiée au registre du commerce et des sociétés de Perpignan, ce dont il se déduit qu’elle est inopposable aux tiers en application de l’article L. 123-9 du code de commerce ; il s’ensuit que l’assignation en intervention forcée délivrée le 18 octobre 2022 à l’encontre de la Selarl MJSA ès qualités par la société Inès, qui ne pouvait être représentée par M. [W] frappé d’une interdiction de gérer, se trouve entachée d’une irrégularité de fond, conduisant à prononcer la nullité de l’acte.

L’article R. 661-6 du code de commerce énonce : « L’appel des jugements rendus en application des articles L. 661-1, L. 661-6, des chapitres Ier et III du titre V, de la section II du chapitre II et du chapitre IV du titre IX du livre VI de la partie législative du présent code, est formé, instruit et jugé suivant les modalités de la procédure avec représentation obligatoire prévue par les articles 901 à 925 du code de procédure civile, sous réserve des dispositions qui suivent  : 1° les mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés (…) » ; il résulte, par ailleurs, de l’article 553 du code de procédure civile qu’en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres mêmes si celles-ci ne sont pas jointes à l’instance et que l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance.

En matière d’ouverture d’une procédure collective, il existe un lien d’indivisibilité entre le débiteur, le créancier sur l’assignation duquel la procédure a été ouverte et le mandataire judiciaire ; en l’espèce, dès lors que l’assignation en intervention forcée de la Selarl MJSA ès qualités est annulée, l’appel formé par la société Inès à l’encontre de la société Métro France doit être déclaré en l’état irrecevable.

Les dépens d’appel doivent être employés en frais privilégiés de procédure collective, sans qu’il y ait lieu de faire application, au profit de la société Métro France, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement, après débats en chambre du conseil,

Prononce la nullité de l’assignation en intervention forcée délivrée le 18 octobre 2022 à l’encontre de la Selarl MJSA prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Inès,

Déclare, par voie de conséquence, l’appel formé par la société Inès, irrecevable,

Rejette toutes autres demandes,

Dit que les dépens d’appel doivent être employés en frais privilégiés de procédure collective,

Dit n’y avoir lieu de faire application, au profit de la société Métro France, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,

 


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