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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRÊT DU 22 novembre 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/04389
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Mars 2014 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY RG n° 11/02572
APPELANT
Monsieur [H] [J]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2]
représenté par Me Christophe DEGACHE, avocat au barreau de LYON, toque : 1049
INTIMEE
L’ECONOMAT DES ARMEES
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Hubert FLICHY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461,
représentée par Mme [Y] [W] (Adjoint au directeur des ressources humaines de l’économat des armées) en vertu d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 mars 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère, chargée du rapport.
Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de chambre
Madame Stéphanie ARNAUD, vice présidente placée faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 28 novembre 2016,
Madame Françoise AYMES BELLADINA, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Christelle RIBEIRO, lors des débats
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente et par Madame Christelle RIBEIRO, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les conclusions de Monsieur [H] [J] et celles de l’Economat des armées dit EDA visées et développées à l’audience du 8 mars 2017.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [J] a été embauché par l’Economat des armées par contrat à durée déterminée en qualité de gestionnaire de parc auto, statut agent de maîtrise, niveau 5, du 21 avril au 21 mai 2008, renouvelé jusqu’au 21 juillet 2008 mais qui finalement s’est terminé le 29 juillet 2008 (selon la fiche de paye) pour une mission au Tchad, puis à nouveau du 24 septembre 2008 au 31 janvier 2009 renouvelé jusqu’au 10 février 2009 dans les mêmes conditions, puis pour une journée le 29 septembre 2009 pour servir à la direction générale à [Localité 3] et enfin du 2 octobre 2009 au 1er février 2010 en qualité de gestionnaire de parc auto statut agent de maîtrise, niveau 5 au Tchad.
La convention collective applicable est celle du règlement du personnel civil de l’Economat des armées.
Monsieur [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 22 juin 2011 en requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et en condamnation de diverses sommes liés à la rupture et au travail dissimulé.
Par jugement rendu en audience de départage le 21 mars 2014, le conseil de prud’hommes a débouté Monsieur [J] de ses demandes et l’Economat des armées de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné Monsieur [J] aux dépens.
Monsieur [J] a interjeté appel le 18 avril 2014 et demande’à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de prononcer la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, de condamner l’Economat des armées à lui payer la somme de 11.692 € à titre d’indemnité de requalification, de dire que la rupture est imputable à l’Economat des armées et de condamner l’Economat des armées à lui payer les sommes suivantes :
– 29.230 € à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture,
– 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail,
– 35.076 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– 6.430 € au titre de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents,
– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’Economat des armées demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Monsieur [J] de ses demandes, à titre subsidiaire, de retenir un salaire brut mensuel de 1.924 € et de réduire à de plus justes proportions le montant des éventuelles indemnités allouées et en tout état de cause, de condamner Monsieur [J] à lui verser une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
‘
SUR CE,
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Par un accord cadre dénommé CAPES France du 12 juillet 2006, le Ministère de la défense a confié à l’Économat des armées (EDA) la maîtrise d”uvre de l’externalisation des prestations de soutien sur les théâtres pour lesquels l’état major des armées décide de recourir à ce mode d’action et notamment en Serbie, au Tchad et en Afghanistan.
A compter du 1er mai 2008 et jusqu’au 1er février 2010, Monsieur [J] a été engagé par l’EDA dans le cadre de quatre contrats de travail à durée déterminée’:
– du 21 avril au 29 juillet 2008,
– du 24 septembre 2008 au 10 février 2009,
– du 29 septembre 2009,
– du 2 octobre 2009 au 1er février 2010,
dont trois contrats ont été signés pour être gestionnaire de parc auto, statut agent de maîtrise niveau 5, pour des missions au Tchad et celui du 29 septembre 2009 pour une journée à la direction générale de l’Economat à [Localité 3].
Monsieur [J] a toujours été engagé pour le même type de fonction, avec la même qualification et sur le même théâtre d’opérations, au Tchad, soit le poste de gestionnaire de parc auto, statut agent de maîtrise niveau 5, excepté une journée à la direction générale de l’Economat à [Localité 3] pour une journée d’information et une visite médicale en vue de la prise ultérieure de fonctions, qui ne constitue pas la réalisation d’une prestation de travail.
Monsieur [J] prétend que l’emploi relève de l’activité normale et permanente de l’EDA dans le cadre de son activité de soutien aux forces armées françaises à l’étranger, que l’activité de l’EDA ne peut être assimilée aux activités visées par l’article D. 1212-1 du code du travail et que l’employeur ne peut donc ni justifier d’un accroissement temporaire d’activité pour valider les trois contrats, ni que le chiffre d’affaires tiré des activités extérieures a baissé depuis son départ en février 2010. Il soutient que durant deux ans, il n’a travaillé que pour l’EDA se tenant à sa disposition, que des plannings étaient adressés en vue des prochains départs, que le délai de carence n’a pas été respecté et qu’il ne peut y avoir de contrats successifs car l’EDA n’entre pas dans le champ d’application de l’article D. 1242-1 du code du travail.
Les trois contrats écrits ont été signés pour accroissement temporaire d’activité et pour l’exécution d’une tâche précise et dans un lieu précis, dans le cadre de l’opération EPERVIER au titre du soutien des forces armées à [Localité 4], [Localité 5] et sur le camp Kossei à [Localité 6] au Tchad.
Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quelque soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise’; l’article L. 1242-2 du même code dispose que sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas énumérés parmi lesquels figure l’accroissement temporaire de l’activité.
Monsieur [J] tente d’accréditer l’idée que les contrats étaient déjà prévus à l’avance par l’EDA et verse des plannings sur lesquels son nom apparaît, mais outre que les documents versés sont inexploitables quant aux années et aux théâtres d’opérations militaires concernant le salarié, à supposer qu’on retienne comme acquis les périodes indiquées, aucun contrat de travail de Monsieur [J] n’a été signé sur ces mêmes périodes.
En outre, l’emploi de Monsieur [J] était temporaire car il ne peut s’exercer que dans le cadre des Opex et des accords passés avec l’armée sur certains sites, l’Economat des armées n’ayant aucun emploi de gestion de parc automobile en France, ni même ailleurs que sur le site de [Localité 6] au Tchad ; en outre, le travail s’effectue dans des installations précaires dont l’Economat n’est pas propriétaire et qui se situent sur des terrains mis à la disposition par les autorités locales au profit du commandement militaire.
Par ailleurs, l’Etat français intervient dans des conflits armés à l’étranger dans le cadre d’opérations spécifiques dont le nombre, la durée et l’ampleur peuvent varier d’un moment à l’autre, impacter les effectifs militaires et donc obliger à un réajustement immédiat des soutiens aux forces armées que sont notamment les civils, que la permanence de cette activité n’est en aucun cas assurée puisqu’aucune des parties n’a la maîtrise ni des lieux, ni de la durée d’intervention des forces armées à soutenir et qu’enfin ces décisions relèvent strictement du pouvoir politique.
En conséquence, ni la présence continue de l’armée française à l’étranger ni l’importance qu’a prise l’activité de soutien au sein de l’EDA, y compris en terme de chiffre d’affaires ne constituent des éléments pertinents pour apprécier la permanence de l’activité de l’EDA auprès de l’armée française en Opex, activité qui reste par nature aléatoire et temporaire.
Ainsi c’est à juste titre que les contrats de travail à durée déterminée ont été conclus pour accroissement temporaire d’activité.
Par ailleurs, le renouvellement par avenant des deux premiers contrats, tel que prévu contractuellement, n’a pas excédé les obligations imposées par l’article L.1242-8 du code du travail qui, dans sa version applicable au litige, prévoyait que la durée totale du contrat de travail à durée déterminée ne peut excéder dix-huit mois compte tenu, le cas échéant, du renouvellement intervenant dans les conditions prévues à l’article L1243-13, cette durée maximale pouvant être portée à 24 mois si le contrat est exécuté à l’étranger.
Concernant le délai de carence évoqué lors des débats, il n’est pas contesté que les contrats de travail prévoyaient une possibilité de prolongation par voie d’avenant et que le premier contrat qui devait s’effectuer du 21 avril au 21 mai 2008 a été prolongé et s’est terminé le 29 juillet 2008, selon la fiche de paye qui indique «’fin de CDD le 29 juillet 2008’». Le suivant a débuté le 24 septembre 2008.
L’article L.1244-3 du code du travail dispose, dans sa rédaction applicable au litige’qu’à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat de travail à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat. Ce délai de carence est égal’:
1° Au tiers de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat est de quatorze jours ou plus’;
2° À la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat est inférieure à quatorze jours’».
Cependant, il résulte de l’article L. 1244-4-3° du code du travail que le délai de carence n’est pas applicable lors que le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier ou pour lequel, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi.
Selon l’article D.1242-1 du même code, en application du 3° de l’article’L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois comportent notamment : 11° les activités de coopération, d’assistance technique, d’ingénierie et de recherche à l’étranger.
Ces activités peuvent correspondre aux missions de certains intervenants civils au sein de l’EDA, comme Monsieur [J] qui apporte son assistance technique.
Cependant, l’employeur indique lui-même que l’activité de soutien ne constitue pas l’activité principale de l’entreprise, qui est une centrale d’achat au sens du code des marchés publics, définie par l’article R. 3421-2 du code de la défense, et qui intervient principalement dans l’approvisionnement quotidien des 340 restaurants militaires situés sur le territoire français’; il ajoute que des conventions ont été passées avec l’état major des armées afin d’assurer la gestion de certains camps militaires à l’étranger dans le cadre d’une expérimentation de tâches jusque là assurées par les armées elle-même et qu’il intervient dans ce cadre auprès de l’armée française en apportant un soutien logistique de produits alimentaires, entretien, fournitures diverses.
L’EDA ne peut donc se prévaloir de ces dispositions dès lors que l’activité de soutien ne constitue pas l’activité principale de l’entreprise’; de plus les contrats litigieux n’ont pas été conclus au visa de l’article L. 1242-2-3° mais dans les cas prévus par l’article L. 1242-2-2° soit l’exécution d’une tâche précise ou pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
Cependant, compte tenu de la durée des contrats et de la date des missions, le délai de carence a été respecté.
Les contrats de travail de Monsieur [J] sont donc conformes aux règles légales.
Ainsi, il n’y a pas lieu à requalification des contrats à durée déterminée et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [J] de ses demandes à ce titre .
Sur la rupture
Le contrat de travail à durée déterminée n’ayant pas été requalifié, il a pris fin à son terme et c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté Monsieur [J] des demandes liées à l’indemnisation de la rupture.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre des conditions de travail
Monsieur [J] sollicite une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts au motif que les conditions de travail étaient difficiles, que l’amplitude du travail n’était pas respectée, et qu’il subissait une pression constante’et une discipline militaire le privant de loisirs.
Il sera relevé d’une part que Monsieur [J] qui a signé plusieurs contrats à durée déterminée pour le même théâtre d’opérations n’ignorait ni l’éloignement géographique, ni le confinement militaire, ni certaines sujétions ; les conditions de travail sur les bases miliaires liées au obligations de sécurité et de discipline militaire ne sauraient constituer de la part de l’employeur une mauvaise exécution du contrat de travail.
D’autre part, Monsieur [J] ne produit aucun élément sur son cas particulier permettant d’étayer ses affirmations : en particulier, concernant les dépassements d’horaires, Monsieur [J] invoque un courrier du 7 décembre 2005 et des documents concernant d’autres civils travaillant en cuisine mais ne justifie pas du non respect de l’amplitude de travail à son égard.
Par ailleurs, il ressort des documents produits que l’EDA a signé, avant la première embauche de Monsieur [J], un accord le 11 mars 2008 sur le temps de travail en Opex, et il résulte d’une note de service du 22 septembre 2008 que cet accord est rappelé et qu’il est demandé de tenir les horaires de travail par service et le tableau mensuel des astreintes.
Enfin aucun décompte relatif à des heures supplémentaires effectuées et non payées n’est produit, et aucune heure supplémentaire non payée n’est revendiquée.
En conséquence, Monsieur [J] a été à juste titre débouté de cette demande.
Sur le travail dissimulé
Monsieur [J] sollicite une indemnité de travail dissimulé au motif que les fiches de paie établies par l’employeur ne correspondent pas à la réalité du travail effectué et réclame une somme de 35.706 €.
En application de l’article’L. 8221-5’du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour l’employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article’L.1221-10’du code du travail relatif à la déclaration préalable d’embauche, soit de se soustraire intentionnellement à la formalité prévue à l’article’L 3243-2’du même code, relatif à la délivrance du bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
L’article’L 8223-1’du code du travail sanctionne le travail dissimulé d’une indemnité forfaitaire allouée au salarié égale à six mois de salaire, à moins que l’application d’autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable.
La dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Monsieur [J] qui fonde cette demande sur les heures supplémentaires prétendument effectuées mais qu’il n’a pas réclamées et dont il n’est pas démontré l’existence par des documents applicables au salarié et sur ses périodes d’emploi, ne peut qu’être débouté de cette demande. La décision sera confirmée de ce chef.
Succombant, Monsieur [J] sera condamné aux dépens.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties la totalité des frais irrépétibles qu’elles ont été amenées à exposer devant la cour’; elles seront déboutées de la demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris dans l’ensemble de ses dispositions,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne Monsieur [H] [J] aux dépens.
Le Greffier Le Président