Contrat de Saisonnier : 2 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11399

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Contrat de Saisonnier : 2 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11399
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 02 JUIN 2022

N° 2022/

MS

Rôle N°19/11399

N° Portalis DBVB-V-B7D-BETHD

[Y] [W] [V]

C/

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE MARSEILLE

[D] [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société ELISE

Copie exécutoire délivrée

le : 2/06/2022

à :

– Me Christophe LOUBAT, avocat au barreau de NICE

– Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CANNES en date du 02 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/437.

APPELANTE

Madame [Y] [W] [V], demeurant Rue du Grand Pont 5 – 1350 ORBE – SUISSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2019/009266 du 29/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’AIX EN PROVENCE)

représentée par Me Christophe LOUBAT, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE MARSEILLE, sise Les Docks Atrium, 10.5 Place de la Joliette – 13567 MARSEILLE

représentée par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE substituée par Me Pascale FRAISIER, avocat au barreau de NICE

Maître [D] [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société ELISE, demeurant 700, avenue de Tournamy – CS 41103 – 06254 MOUGINS CEDEX

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Mme [Y] [W] [V] a été engagée par la société Elise à l’enseigne « Le Boudoir de la beauté» en qualité d’esthéticienne polyvalente et prothésiste ongulaire suivant contrat de travail à durée déterminée, conclu pour accroissement temporaire d’activité pour la période du 25 septembre au 30 décembre 2017, moyennant un salaire de 1.480,27 euros pour 35 heures mensuelles de travail.

Le 9 octobre 2017, les parties ont signé une rupture anticipée d’un commun accord.

Le 9 novembre 2017, la salariée a saisi le conseil des prud’hommes de Cannes, qui l’a déboutée de ses demandes, par jugement rendu le 2 mai 2019.

Mme [W] [V] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

La société Elise a été placée en liquidation judiciaire d’office le 10 mars 2020, Maître [D] [E] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Assigné en intervention forcée par acte du 23 avril 2020 comportant signification de la déclaration d’appel et remis au domicile de l’intimé représentée par Mme [P] [I] secrétaire, Maître [D] [E] n’a pas constitué avocat.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 30 octobre 2021, Mme [W] [V] soutient :

-que le motif de recours au contrat temporaire correspond à l’activité normale de l’entreprise,

-qu’elle travaillait 40 heures par semaine, soit 5h supplémentaires,

-que n’ayant pas reçu son salaire, ni le bulletin de salaire de septembre elle a par lassitude mis fin d’un commun accord au contrat de travail,

– que ce n’est que par courrier du 31 octobre 2017 qu’elle a reçu ses documents de fin de contrat.

Mme [W] [V] demande en conséquence d’infirmer le jugement,

-requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée,

-juger que l’employeur n’a pas respecté le salaire minimum conventionnel et n’a pas payé

l’intégralité des heures accomplies par la salariée,

-juger que l’employeur s’est rendu coupable de travail dissimulé,

-juger que la délivrance tardive et erronée par l’employeur des bulletins de paie, salaires et

documents de fin de contrat a causé à la salariée un préjudice,

En conséquence,

– fixer sa créance au passif aux sommes suivantes :

*Indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée:1.495 € nets

*Rappel de salaire sur minima conventionnel: 6,44 €

*Congés payés y afférents: 0,64 €

* Rappel de salaire (heures supplémentaires et journée du 9/10: 202,06 €

* Congés payés y afférents: 20,21 €

* Indemnité pour travail dissimulé:8.970 € nets

* Dommages et intérêts pour délivrance tardive et erronée des bulletins de paie et des documents sociaux de fin de contrat:1.000 € nets

– déclarer l’arrêt à intervenir opposable au CGEA-AGS,

– ordonner à Maître [D] [E] ès qualités de liquidateur de la société Elise la remise de ses bulletins de paie et documents sociaux de fin de contrat, rectifiés en conformité avec la décision rendue, sous astreinte de 200 € par jour de retard, à compter du 15 ème jour suivant la signification de la décision à intervenir.

– condamner Maître [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Elise à lui payer la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 25 août 2020, l’UNEDIC délégation AGS-CGEA de Marseille, observe que la salariée n’a pas travaillé plus de deux semaines au sein de la société et qu’elle a signé, à sa demande, une rupture anticipée d’un commun accord de son contrat à durée déterminée le 9 octobre 2017.

Elle fait valoir, que l’entreprise a motivé le recours au contrat à durée déterminée en conformité avec la loi, que ce recours n’a pas été contesté par d’autres salariés, que les simples allégations de la salariée ne prouvent pas qu’elle aurait accompli des heures supplémentaires non rémunérées,

que la salariée ne justifie pas de l’existence ni de l’étendue du préjudice qu’elle invoque lié à la remise tardive des documents de fin de contrat, que l’intention frauduleuse de dissimuler le travail de la salariée n’est pas démontrée.

En conséquence, il est demandé de

– débouter Mme [W] [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

À titre subsidiaire,

– ramener la demande au titre de l’indemnité de requalification à la somme de 478,86 euros ;

En tout état de cause,

Exclure du champ de la garantie du CGEA la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Dire et juger que qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre du CGEA et que la décision à intervenir ne peut tendre qu’à la fixation d’une éventuelle créance en deniers ou quittances,

Dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter

que sur présentation d’un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement,

Dire et juger que la décision à intervenir sera opposable au CGEA dans les limites de la garantie

légale et réglementaire et que le CGEA ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions légales et réglementaires.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Sur les demandes salariales

Aux termes de l’article 1353 du code civil:

Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il appartient à l’employeur de prouver le paiement du salaire qu’il invoque.

– rappel sur minima conventionnel

Aucune contradiction n’est apportée à cette demande qui est régulière est fondée . La cour y fera droit par voie d’infirmation du jugement.

-heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Parce que le préalable pèse sur le salarié et que la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties, le salarié n’a pas à apporter des éléments de preuve mais seulement des éléments factuels, pouvant être établis unilatéralement par ses soins, mais revêtant un minimum de précision afin que l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, puisse y répondre utilement.

En l’espèce, en plus d’un document unilatéral attestant qu’elle a accompli «40 heures la semaine du 25 septembre au 30 septembre 2017, 40 heures la semaine du 2 octobre 2017 au 7 octobre 2017 et 8 heures le 9 octobre 2017», Mme [W] [V] produit une attestation de [C] [T] indiquant avoir travaillé en compagnie de Mme [W] [V] de 10h à 19h le 9 octobre 2017 et que ces horaires étaient aussi les siens.

L’employeur n’apporte aucun justificatif des horaires de travail effectivement réalisés.

En conséquence la cour fait droit à la demande de la salariée, non discutée en son quantum.

– sur le travail dissimulé

La décision du conseil de prud’hommes sera confirmée en ce qu’elle a débouté Mme [W] [V] de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé l’intention de dissimuler notamment au regard du faible volume accompli d’heures supplémentaires n’étant pas démontrée.

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Aux termes des dispositions de l’article L 1242-2 du code du travail il est possible de recourir à un contrat de travail à durée déterminée pour des motifs limités : pourvoir au remplacement d’un salarié, faire face à un accroissement temporaire d’activité, pourvoir un emploi à caractère saisonnier ou conclure un contrat d’usage. En aucun cas le recours à un contrat de travail à durée déterminée ne doit permettre de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Selon l’article L1245-2 du code du travail en cas de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité de requalification qui est égale au moins à un moins de salaire (article L. 1245-2 du code du travail) et elle ne peut être inférieure au dernier mois de salaire perçu avant la saisine. Cette indemnité n’est accordée qu’une fois, même s’il y a plusieurs CDD irréguliers.

Les cas de recours au contrat de travail à durée déterminée étant limitativement énumérés par la loi, l’indication dans le contrat du motif de recours est particulièrement importante.

En l’espèce, même si le contrat précise avoir été conclu pour faire face à un accroissement temporaire d’activité, la mention selon laquelle cet accroissement temporaire est «lié à la mise en place des services proposés aux clients», ne correspond pas à une situation temporaire mais au contraire une activité normale donc pérenne de l’entreprise et non temporaire.

La circonstance que la salariée a signé une rupture anticipée de son contrat à durée déterminée ne vaut pas renonciation à ses droits.

La décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle déboute Mme [W] [V] de sa demande et la cour lui alloue un mois de salaire à titre d’indemnité de requalification.

Sur la remise tardive des documents sociaux

La salariée ne justifie pas du préjudice qu’elle invoque. La décision entreprise sera sur ce point confirmée.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l’article L.622-28 du code du commerce, le cours des intérêts légaux s’arrête au jour de l’ouverture de la procédure collective.

La cour ordonnera au mandataire liquidateur ès qualités de remettre à Mme [W] [V] les documents de fin de contrat rectifiés: l’attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.

Il n’y a pas lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Le présent arrêt est opposable à l’AGS dans les limites des plafonds de ses garanties légales et réglementaires.

Les dépens de première instance et d’appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société Elise, ainsi que la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés,

Requalifie le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

Fixe comme suit la créance de Mme [W] [V] au passif de la société Elise :

*Indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée : 1.495 € nets

*Rappel de salaire sur minima conventionnel : 6,44 €

*Congés payés y afférents : 0,64 €

* Rappel de salaire pour heures supplémentaires et journée du 9/10 : 202,06 €

* Congés payés y afférents : 20,21 €

Confirme pour le surplus le jugement,

Y ajoutant,

Ordonne à Maître [D] [E] ès qualités de liquidateur de la société Elise de remettre à Mme [W] [V] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Déclarer le présent arrêt opposable au CGEA-AGS dans les limites de la garantie légale et réglementaire et dit que le CGEA ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions légales et réglementaires.

Dit que les dépens de première instance et d’appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société Elise, ainsi que la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [W] [V].

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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