Droit audiovisuel : 13 avril 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-87.480

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Droit audiovisuel : 13 avril 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-87.480
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N° E 19-87.480 F-D

N° 00477

GM
13 AVRIL 2021

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 AVRIL 2021

Mme [R] [G], partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 4-11, en date du 19 novembre 2019, qui, dans la procédure suivie contre M. [W] [W] des chefs d’infractions à la réglementation sur le traitement des données à caractère personnel, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme [R] [G], les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. [W] [W], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l’audience publique du 16 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 20 décembre 2016, Mme [G], journaliste au quotidien « la Voix du Nord », a fait constater par huissier de justice la publication, depuis le 16 décembre 2015, sur la page Facebook de M. [W], maire d'[Localité 1], et sur celle intitulée « La voie d’Hénin », d’un enregistrement audiovisuel effectué au terme d’une séance du conseil municipal de cette ville.

3. Cette vidéo, par ailleurs intégrée sur le site de partage de vidéos Youtube, depuis la page « La voie d’Hénin » de M. [W], montrait Mme [G] en conversation avec plusieurs personnes et était accompagnée de commentaires la nommant et suspectant une collusion entre l’opposition municipale et le quotidien « la Voix du Nord ».

4. Par acte d’huissier en date du 24 avril 2017, Mme [G] a fait citer devant le tribunal correctionnel M. [W], en sa qualité de responsable des traitements de données à caractère personnel mis en place au sein de la mairie, pour avoir procédé à un tel traitement, sans respecter les formalités imposées par la loi du 6 janvier 1978, pour avoir collecté ces informations, par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite, et pour les avoir détournées de leur finalité.

5. Par jugement du 23 janvier 2018, le tribunal correctionnel a relaxé M. [W] et débouté Mme [G] de ses demandes ainsi que M. [W] de sa demande formée au titre de l’article 472 du code de procédure pénale.

6. Appel a été interjeté par la partie civile.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait débouté Mme [G] de ses demandes à l’encontre de M. [W], alors :

« 1°/ que constitue une faute civile définie à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite engagée sur le fondement des articles 226-16, 226-18 et 226-21 du code pénal le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement de données à caractère personnel sans qu’aient été respectées les formalités préalables requises, le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite et le fait, pour toute personne détentrice de telles données, de les détourner de leur finalité ; qu’une telle faute peut notamment résulter de la publication sur internet de l’enregistrement vidéo d’une personne identifiée ou identifiable ; qu’il en va ainsi y compris lorsque la scène filmée s’est déroulée dans un lieu public et/ou dans le cadre d’une activité professionnelle ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a admis que l’enregistrement d’une vidéo sur laquelle Mme [G] était identifiable et identifiée caractérisait une donnée à caractère personnel et que sa publication sur la page Facebook de M. [W], la page Facebook « La Voie d’Hénin » et le site Youtube via la chaine « La Voie d’Hénin » caractérisait un traitement automatisé de cette donnée ; qu’en se fondant néanmoins sur la circonstance que la vidéo litigieuse ait été enregistrée « dans un lieu public dans lequel la partie civile avait suivi un événement d’actualité à titre professionnel » pour juger que son traitement ne serait pas fautif, la cour d’appel a violé les articles 226-16, 226-18 et 226-21 du code pénal, ensemble les dispositions de la loi du 6 janvier 1978, dans leur rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 et 593 du code de procédure pénale :

8. Il se déduit du premier de ces textes que la partie civile, seule appelante d’un jugement de relaxe, peut obtenir réparation du dommage qui résulte d’une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.

9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

10. Pour confirmer le jugement et rejeter les demandes de la partie civile, l’arrêt attaqué relève que la publication de la vidéo sur laquelle Mme [G] était identifiée sur les pages Facebook de M. [W] et « La Voie d’Hénin » ainsi que sur le site Youtube via la chaîne « La Voie d’Hénin » caractérise un traitement automatisé de données à caractère personnel.

11. Les juges relèvent que l’enregistrement a été effectué dans un lieu public, au terme d’une séance du conseil municipal, le public étant encore présent.

12. Ils ajoutent que Mme [G] y assistait à titre professionnel, en sa qualité de journaliste locale chargée de suivre l’actualité de la commune.

13. Les juges en déduisent qu’il n’apparaît pas que le traitement critiqué des données à caractère personnel de Mme [G] ait été fautif au regard des différentes dispositions de la loi du 6 janvier 1978.

14. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

15. En premier lieu, il lui appartenait, après avoir constaté l’existence de traitements automatisés des données à caractère personnel de Mme [G], de s’assurer que M. [W] en était le responsable, de déterminer le régime qui leur était applicable et d’en rechercher les finalités, au regard des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 applicables à l’espèce.

16. En second lieu, il revenait à la cour d’appel, dans les mêmes conditions, de s’assurer que le responsable du traitement en cause avait collecté les données à caractère personnel de manière loyale et licite.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 19 novembre 2019, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize avril deux mille vingt et un.

 


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