Droit audiovisuel : 15 avril 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09159

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Droit audiovisuel : 15 avril 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09159
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 15 AVRIL 2022

(n°63, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/09159 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDVHR

Décision déférée à la Cour : décision du 16 février 2021 – Institut National de la Propriété Industrielle – Numéro national et référence : OPP 20-1175 / 6410552 / DDL

DECLARANTE AU RECOURS

Société APPLE CORPS LIMITED, société de droit britannique, agissant en la personne de son Secretary, M. [Z] [H], domicilié en cette qualité au siège social situé

27 Ovington Square

London

SW3 1LJ

LONDRES

ROYAUME-UNI

Représentée par Me Camille PECNARD du CABINET LAVOIX, avocat au barreau de PARIS, toque E 1626

EN PRESENCE DE

MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (INPI)

15, rue des Minimes

CS 50001

92677 COURBEVOIE CEDEX

Représenté par Caroline LE PELTIER, chargée de mission

APPELE EN CAUSE

M. [O] [N]

233, route de Chassagny

69440 MORNANT

Assigné conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procedure civile et n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mmes [W] [T] et [G] [U] ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

Le dossier a préalablement été transmis au Ministère Public, représenté lors des débats par Mme Monica D’ONOFRIO, Avocate Générale, qui a fait connaître son avis

ARRET :

Par défaut

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu la décision rendue le 16 février 2021 par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui a rejeté l’opposition formée par la société Apple Corps Limited ( de droit anglais), sur la base de la marque de renommée de l’Union européenne BEATLES déposée le 1er avril 1996 et régulièrement renouvelée, à l’encontre de la demande d’enregistrement de la marque THE BEATLES déposée le 29 décembre 2019 par M. [O] [N] et destinée à désigner des produits et services en classes 12, 29, 30, 32, 33, 36, 39, 42 et 45.

Vu le recours en annulation de cette décision déposé au greffe de la cour le 14 mai 2021 par la société Apple Corps Limited et les conclusions contenant l’exposé des moyens au soutien du recours déposées au greffe de la cour le 11 octobre 2021.

Vu la signification de l’acte de recours et des conclusions contenant l’exposé des moyens au soutien du recours faite à M. [O] [N], défaillant, suivant actes d’huissier de justice respectivement délivrés le 26 juillet 2021 et le 27 octobre 2021.

Vu les observations écrites du directeur général de l’INPI remises au greffe de la cour pour l’audience du 24 février 2022 concluant au rejet du recours.

Le représentant du ministère public entendu à l’audience en ses réquisitions orales aux fins de rejet du recours.

SUR CE, LA COUR :

Par application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut compte tenu des modalités de la signification (remise à l’Etude selon les dispositions de l’article 658 du code de procédure civile) faite à M. [O] [N], qui n’a pas constitué avocat, de l’acte de recours et des conclusions contenant l’exposé des moyens au soutien du recours.

La société Apple Corps Limited, requérante, fait valoir, dans sa critique de la décision de rejet de l’opposition, que la marque de l’Union européenne BEATLES n°219048, déposée le 1er avril 1996 pour des produits et services des classes 6, 9, 14, 15, 16, 18, 20, 21, 24 à 28, 34 et 41, jouit d’une particulière renommée et n’est donc pas soumise au principe de spécialité, cette renommée suffisant à caractériser le risque de voir le public associer l’image de la marque au signe contesté ‘THE BEATLES’ avec, pour conséquence, que la commercialisation de produits ou services, quels qu’ils soient, couverts par ce signe serait facilitée. Elle précise que la marque renommée bénéficie, au sens des dispositions de l’article 8 du Règlement (UE) n° 2017/1001, applicable à l’espèce, d’une protection spéciale étendue au-delà du cercle des produits et services pour lesquels elle a été enregistrée et ajoute que cette protection étendue se justifie par l’idée qu’une telle marque a un pouvoir d’attraction propre, indépendant des produits ou services qu’elle désigne, qui ne doit pas, sous couvert du principe de spécialité des signes distinctifs, pouvoir être mis à profit par des tiers pour la désignation de produits ou services ni identiques, ni similaires, en raison du risque que cela comporterait en termes de banalisation et d’affaiblissement du pouvoir distinctif et de la force attractive de la marque ou de détournement de sa renommée. Elle soutient que le directeur général de l’INPI a limité indûment la renommée de la marque aux ‘disques sonores’ alors que des décisions du Tribunal de l’Union européenne du 29 mars 2012 et de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 mai 2013 ont reconnu cette renommée pour d’autres produits et services visés dans son enregistrement à savoir les ‘enregistrements sonores, vidéos et films’ et les ‘jeux et jouets’ et, qu’en tout état de cause, une telle limitation n’est pas justifiée au regard de la vaste renommée de la marque opposée, en France et dans l’Europe entière, dont la preuve est apportée. Elle évoque, à ce titre, les nombreux articles de presse qui traitent, en 2020, de la séparation des Beatles et de la dislocation du groupe : ‘Cinquante ans après leur séparation, les Beatles plus populaires que jamais’ (Orange Actu, Bourse Direct), ‘Cinquante ans après leur séparation, les Beatles valent toujours des millions’ (Le Petit journal), ‘The Beatles, groupe mythique’ (L’Express) et les produits dérivés qui continuent d’être vendus avec succès par de nombreuses grandes enseignes telles la Fnac, Amazon et Rakuten. Elle rappelle que le phénomène des Beatles, dénommé la ‘Beatlemania’, est mondial et persiste aujourd’hui, l’album emblématique du groupe, Abbey Road, étant encore classé en 2019, cinquante ans après sa sortie, au sommet des ventes britanniques. La requérante en conclut que la renommée de la marque auprès du grand public, qui est le public pertinent, est établie pour l’intégralité des produits et services qu’elle désigne.

Concernant l’atteinte portée à la marque renommée, la requérante soutient qu’elle est caractérisée car il est manifeste que M. [N], en déposant le signe THE BEATLES, très ressemblant à la marque BEATLES, cherche à tirer profit de l’attractivité de cette marque et des importants investissements qui ont contribué à sa renommée et ont porté leurs fruits puisque le grand public dans l’Union européenne et dans le monde connaît les Beatles et leur musique. Elle relève à cet égard que la renommée de la marque est telle que les produits et services, quels qu’ils soient, proposés par un tiers sous un signe quasi-identique, bénéficieront de cette renommée. C’est pourquoi, selon elle, il n’est pas nécessaire, contrairement à ce que retient la décision du directeur général de l’INPI, de procéder à une comparaison des produits et services désignés par les marques en litige car, exiger de ces produits et services qu’ils soient similaires revient à soumettre la marque renommée au principe de spécialité et à la priver de la protection élargie qui lui est conférée par le Règlement (UE) précité.

Ceci posé, il doit être rappelé que l’article 8 du Règlement (UE) n°2017/1001, applicable à l’espèce, dispose que :

5. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

Il en découle que le titulaire d’une marque jouissant d’une renommée dans l’Union européenne peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque identique ou similaire, indépendamment du fait que les produits ou les services soient identiques, similaires ou non similaires, et lorsque l’usage de la marque contestée, sans juste motif, tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porterait préjudice.

Les décisions de la CJUE ont précisé que les dispositions sur la marque renommée de l’Union européenne s’appliquent ‘à des situations dans lesquelles la condition spécifique de la protection est constituée par un usage sans juste motif du signe contesté qui tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de celle-ci ou leur porte préjudice’. De telles situations ‘lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre le signe et la marque, c’est-à-dire établit un lien entre ceux-ci, alors même qu’il ne les confond pas.’ Il n’est donc pas exigé que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe contesté soit tel qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion. ‘Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque’. (CJCE, 23 octobre 2003, Adidas, C-408/01, points 27, 29 et 31).

La CJUE a encore indiqué que l’existence de ce lien ‘doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce’, au nombre desquels figurent notamment :

– le degré de similitude entre les signes en conflit,

– la nature des produits ou services en cause y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné,

– l’intensité de la renommée de la marque antérieure,

– le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure,

– l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public. ( CJCE, 27 novembre 2008, C-252/07, Intel, points 41 et 42).

Enfin, que dans la comparaison des produits ou services en cause, ‘il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire’. ( CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97) .

En l’espèce, pour justifier de l’intense renommée de la marque BEATLES, la requérante produit, essentiellement, ainsi que l’a relevé le directeur général de l’INPI des articles de presse évoquant le succès exceptionnel depuis plus d’un demi-siècle des chansons du groupe mythique les Beatles.

Le directeur général de l’INPI a justement conclu, en l’état de ces productions, que la marque BEATLES a acquis une renommée sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, et particulièrement en France, pour des ‘disques sonores’ ; qu’en revanche, les nombreuses références à la ‘beatlemania’, si elles établissent la renommée, sur ce même territoire, du groupe de musique les Beatles, elles ne montrent pas que la marque jouit d’un degré élevé de reconnaissance au regard des autres produits ou services pour lesquels la renommée est invoquée à savoir, en classes 6, 9, 14, 15, 16, 18, 20, 21, 24 à 28, 34 et 41, les : Boucles en métaux communs; Porte-clés en métaux communs; Chaînettes métalliques pour clés ; Réceptacles métalliques. Appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; Supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; Enregistrements video, Films cinématographiques, Aimants; Joaillerie, bijouterie, Boutons de manchettes, Bracelets, Pendentifs, Epingles (bijouterie), Fixe-cravattes, Horloges et montres. Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; Produits de l’imprimerie ; Photographies ; Papeterie ; Cartes à jouer ; Offices ; Livres; Cartes; Cartes postales; Cartes de voeux ; Calendriers ; Epreuves ; Blocs-notes ; Papiers adhésifs pour la papeterie ; Stylos à bille, crayons ; Pinces à billets non en métaux précieux ; Sacs de tous les jours ; Sacs à dos, Bourses, Portefeuilles, Parapluies. Glaces (miroirs) ; Produits, non compris dans d’autres classes, en matières plastiques ; Articles décoratifs en plastique; Ornements, figurines et statuettes ; Portes clefs et Porte-clés ; Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine ; Petits ustensiles et récipients à usage domestique ; Ornements, statuettes et figurines en céramiques ; Assiettes ; Récipients à boire ; Mugs ; Bouteilles Cabarets (plateaux à servir) ; Vêtements , chaussettes et chapellerie ; Chemises ; Tee-shirts, Sweat-shirts, Pull-overs, Foulards, carrés de soie, Lavallières, Casquettes, Chaussettes. Boucles (accessoires d’habillement), boucles de ceintures ; Insignes pour vêtements et Broches, non en métaux précieux ; Epinglettes décoratives (autres que bijoux ) ; Jeux, jouets ; Divertissement ; Divertissement et éducation dans le domaine de la musique. Production, présentation , distribution, exposition et location de films de cinéma, de films d’enregistrements sonores, d’ennregistrements vidéo ; Publications et services de divertissement accesibles par ordinateur ; Services d’information dans les domaines précités.

En effet, la renommée du groupe musical les Beatles ne s’étend pas automatiquement à la marque BEATLES dont il reste à prouver qu’elle est connue aux yeux d’une large fraction du public concerné par les produits de bijouterie, de prêt-à-porter, de matériel audiovisuel, de produits de l’imprimerie et des divers services techniques audiovisuels ou de divertissements, précités, comme indiquant une origine commerciale bien identifiée.

Ainsi, la requérante ne justifie, pour les produits et services autres que les ‘disques sonores’, d’aucun des éléments pertinents qu’il convient de prendre en considération pour estimer le degré de connaissance de la marque, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’ancienneté de l’usage de la marque, l’importance des investissements réalisés pour la promouvoir.

Le directeur général de l’INPI relève à cet égard, avec raison, que la pratique des produits dérivés est commune à la plupart des groupes musicaux à succès qui proposent ainsi à leurs ‘fans’ des objets-souvenirs. Une telle pratique ne permet cependant pas de conclure à la connaissance de la marque pour l’ensemble des produits invoqués par la titulaire de la marque car, en présence de produits dérivés revêtus du signe BEATLES, le consommateur appréhendera ce signe comme faisant référence au nom du groupe de musique et non comme permettant d’identifier un opérateur économique spécifique.

C’est en vain que la société Apple Corps Limited se prévaut des décisions respectivement rendues le 29 mars 2012 par le Tribunal de l’Union européenne et le 14 mai 2013 par la Cour de justice de l’Union européenne qui ont reconnu la renommée de la marque pour les ‘enregistrements sonores, vidéos et films’ et les ‘jeux et jouets’. Le directeur général de l’INPI saisi sur opposition au fondement de la marque renommée statuant non pas par référence à des décisions antérieures relatives à des espèces différentes mais au regard des éléments de la procédure qui lui sont soumis ce d’autant que la renommée de la marque peut évoluer dans le temps et doit être appréciée au moment où elle est invoquée.

La décision, objet du recours, n’est donc pas critiquable en ce qu’elle a retenu la renommée de la marque pour les seuls ‘disques sonores’.

La société Apple Corps Limited soutient, ensuite, que le directeur général de l’INPI a méconnu le droit applicable en retenant, pour rejeter l’opposition, l’absence de démonstration, en présence de produits et services de la demande d’enregistrement si dissemblables des ‘disques sonores’ pour lesquels la renommée de la marque a été reconnue, d’un risque que le signe de la demande d’enregistrement évoque, dans l’esprit des consommateurs concernés, la marque antérieure.

Or, force est d’observer qu’il ressort des dispositions précitées de l’article 8 du Règlement (UE) n°2017/1001 et de la jurisprudence de la CJUE que l’atteinte à la marque renommée est caractérisée par un usage sans juste motif du signe contesté qui tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de celle-ci ou leur porte préjudice et qu’une telle atteinte est réalisée en conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre le signe et la marque, c’est-à-dire établit un lien entre ceux-ci, alors même qu’il ne les confond pas. Il a été précédemment rappelé que l’existence de ce lien , doit être, selon la CJUE, appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et, en particulier, du degré de similitude entre les signes en conflit, de la nature des produits ou services en cause y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, de l’intensité de la renommée de la marque antérieure, du degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure, de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

Ainsi, c’est à tort qu’il est fait grief au directeur général de l’INPI d’avoir fait application du principe de spécialité et d’avoir en conséquence méconnu la protection élargie conférée à la marque renommée. C’est dans le cadre de la recherche, nécessaire, de l’existence d’un lien de rattachement, aux yeux des consommateurs concernés, entre la marque renommée et le signe de la demande d’enregistrement contestée, que le directeur général de l’INPI, examinant l’ensemble des facteurs pertinents mis en lumière par la CJUE, s’est livré à l’appréciation du degré de proximité ou de dissemblance des produits et services en cause, ainsi que du public concerné, qui constitue l’un des facteurs pertinents qu’il convient de prendre en considération pour établir l’atteinte portée à la marque renommée.

En l’espèce, la requérante ne critique pas le directeur général de l’INPI en ce qu’il a retenu la forte similitude des signes en conflit et l’intensité de la renommée de la marque BEATLES à tout le moins pour les ‘disques sonores’. Cependant, ces éléments ne suffisent pas, à eux seuls, à justifier du lien de rattachement, qui doit être établi, entre la marque renommée et le signe attaqué dans l’esprit des consommateurs concernés. Il doit être en outre tenu compte, à titre de facteur pertinent, de la nature des produits ou services en cause et de leur degré de proximité ou de dissemblance ainsi que du public concerné étant précisé que dans la recherche du degré de proximité ou de dissemblance sont pris en considération tous les facteurs pertinents qui incluent, en particulier, la nature, la destination, l’utilisation ainsi que le caractère concurrent ou complémentaire des produits ou services en cause, ce qui exige de les mettre en relation dans le cadre d’une analyse comparative.

A cet égard, le directeur général de l’INPI a justement relevé qu’il incombait à la société opposante Apple Corps Limited, de procéder à une telle analyse et qu’il ne lui appartenait pas de se substituer à celle-ci pour pallier sa carence dans la démonstration du lien qui sera opéré par les consommateurs entre le signe de la demande d’enregistrement contestée et la marque renommée pour les produits et services en cause.

Faute pour la société Apple Corps Limited de mettre en relation les produits et services de la demande d’enregistrement contestée, au moins par catégorie de produits et services, avec les ‘disques sonores’, produits pour lesquels la renommée de la marque BEATLES a été reconnue, il n’est pas possible d’évaluer jusqu’où cette renommée permet d’étendre la protection conférée à la marque.

En conséquence, c’est avec raison que le directeur général de l’INPI a retenu, en présence de produits et services de la demande d’enregistrement contestée, très différents des ‘disques sonores’ pour lesquels la marque BEATLES est renommée, à savoir, par catégorie, les véhicules terrestres, aériens et maritimes et les équipements de ces véhicules, les produits alimentaires, les boissons alcoolisées, les services bancaires et d’assurances, les services de location de véhicules et de transport, les services d’architecture et de décoration intérieure, les services de conception, d’élaboration, d’installation et de maintenance de logiciels, condiments et épices, services de réservation de voyages, conseils en technologie de l’information, services d’authentification d’oeuvres d’art, services de pompes funèbres, services d’agences de détectives, services juridiques, services de gardes d’enfants à domicile, relevant des classes 12, 29, 30, 32, 33, 36, 39, 42 et 45, et en l’absence de la démonstration du lien que les consommateurs établiront entre les signes en conflit pour les produits en cause, que l’atteinte à la marque renommée n’est pas caractérisée.

Il s’ensuit que la décision du directeur général de l’INPI n’est donc pas critiquable pour avoir rejeté l’opposition formée par la société Apple Corps Limited au fondement de l’atteinte à la marque renommée BEATLES et que le recours de la société Apple Corps Limited en annulation de cette décision n’est pas justifié.

L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de la requérante en paiement par M. [N] d’une indemnité au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt de défaut,

Rejette le recours,

Rejette la demande au titre des frais irrépétibles,

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe, par lettre recommandée avec accusé de réception, aux parties et au directeur général de l’INPI.

La Greffière La Présidente

 


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