Your cart is currently empty!
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 juin 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 694 F-D
Pourvoi n° F 21-10.416
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2022
La société [13], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 17], a formé le pourvoi n° F 21-10.416 contre l’arrêt rendu le 14 mai 2020 par la cour d’appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Ile-de-France – division des recours amiables et judiciaires, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à M. [LO] [N], domicilié [Adresse 21],
3°/ à Mme [S] [G], domiciliée [Adresse 24],
4°/ à Mme [V] [I], domiciliée [Adresse 15],
5°/ à M. [KY] [U], domicilié [Adresse 12],
6°/ à Mme [X] [R], domiciliée [Adresse 5],
7°/ à Mme [Y] [M], domiciliée [Adresse 20],
8°/ à M. [H] [T], domicilié [Adresse 23],
9°/ à Mme [P] [J], domiciliée [Adresse 16],
10°/ à M. [H] [A], domicilié [Adresse 19],
11°/ à M. [D] [E], domicilié [Adresse 22],
12°/ à M. [Z] [L], domicilié [Adresse 14],
13°/ à Mme [C] [B], domiciliée [Adresse 6],
14°/ à Mme [O] [F], domiciliée [Adresse 10],
15°/ à M. [W] [KP], domicilié [Adresse 2],
16°/ à M. [K] [LG], domicilié [Adresse 9],
17°/ à la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine – division du contentieux, dont le siège est [Adresse 1],
18°/ à la Caisse générale de sécurité sociale de Guyane, dont le siège est [Adresse 18],
19°/ à la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 27],
20°/ à la caisse primaire d’assurance maladie de la Somme, dont le siège est [Adresse 11],
21°/ à la caisse primaire d’assurance maladie de Sarreguemines, dont le siège est [Adresse 3],
22°/ à la caisse primaire d’assurance maladie des Pyrénées-Orientales, dont le siège est [Adresse 26],
23°/ à la caisse primaire d’assurance maladie du Var, dont le siège est [Adresse 7],
24°/ à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes, dont le siège est [Adresse 8],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société [13], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF d’Ile-de-France, et l’avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société [13] du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. [N], Mme [G], Mme [I], M. [U], Mme [R], Mme [M], M. [T], Mme [J], M. [A], M. [E], M. [L], Mme [B], Mme [F], M. [KP], M. [LG], la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine, la Caisse générale de sécurité sociale de Guyane, la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, la caisse primaire d’assurance maladie de la Somme, la caisse primaire d’assurance maladie de Sarreguemines, la caisse primaire d’assurance maladie des Pyrénées-Orientales, la caisse primaire d’assurance maladie du Var et la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes.
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 14 mai 2020), à l’issue d’un contrôle portant sur les années 2010 et 2011, l’URSSAF de Paris-région parisienne, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Ile-de-France (l’URSSAF), a réintégré dans l’assiette des cotisations de la société [13] (la société) le montant des sommes versées à des nageurs de haut niveau chargés de promouvoir les équipements de la marque « Speedo ».
3. L’URSSAF lui ayant décerné une contrainte, la société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l’arrêt de rejeter son recours et de valider la contrainte, alors :
« 1°/ que si selon l’article L. 311-3, 15°, du code de la sécurité sociale, tout contrat par lequel une personne s’assure le concours d’un mannequin contre rémunération est présumé être un contrat de travail, l’application du texte implique de rapporter la preuve de la qualité de mannequin ; qu’en l’espèce, après avoir posé la question de savoir si les sportifs pouvaient être assimilés à des mannequins dans leurs relations avec la société, la cour d’appel a retenu que « c’est à celui qui prétend bénéficier d’une exonération qu’il appartient de le prouver et non l’inverse et qu’il appartient donc à la société de démontrer que les sportifs concernés ne sont pas assimilables à des mannequins et qu’ils ne sont pas salariés dans le cadre des relations les unissant à la société » ; qu’elle a ainsi a inversé la charge de la preuve de la qualité de mannequin et violé les articles 1315 devenu 1353 du code civil, ensemble l’article L. 311-3, 15°, du code de la sécurité sociale ;
2°/ que ne peuvent être assimilés à des mannequins au sens de l’article L. 311-3, 15°, du code de la sécurité sociale et de l’article L. 7123-2 du code du travail selon lequel « est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée : soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ; soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image », des nageurs sportifs liés par un contrat de parrainage à une entreprise, dès lors que leur activité principale est de participer à des compétitions et qu’ils fournissent des prestations différentes d’un mannequin ; qu’en retenant que les nageurs sportifs liés à la société pouvaient entrer dans les prévisions de l’article L. 311-3, 15°, du code de la sécurité sociale, la cour d’appel a violé ce texte et les articles L. 7123-2 et L. 7123-3 du code travail ;
3°/ que la liste figurant à l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale des personnes auxquelles l’obligation d’affiliation de l’article L. 311-2 s’applique s’interprète strictement ; qu’en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles le nageur était considéré comme mannequin « avec la différence qu’il devait porter exclusivement la marque de la société, y compris pendant les entraînements nationaux et internationaux, et porter l’équipement complet dont il avait la responsabilité, devant le racheter s’il était endommagé », ce qui rendait nécessairement inapplicable la présomption de travail salarié de l’article L. 311-3, 15°, du code de la sécurité sociale dont bénéficient les mannequins, la cour d’appel a violé le texte précité, ensemble les articles L. 7123-2 et L. 7123-3 du code travail ;
4°/ que pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion d’un travail effectué dans un lien de subordination, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que pour cinq sportifs, la société ne soumettant aucun contrat, l’absence de document interdisait toute vérification et que ces personnes devaient nécessairement être assimilées à des salariés ; qu’en statuant par un motif inopérant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-2 du code de la sécurité sociale et L. 1221-1 du code du travail ;
5°/ que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que le contrat de sponsoring était un contrat de travail offrant une rémunération (salaire fixe, primes, avantages matériels) contre une prestation exercée sous son contrôle ; que s’imposaient au nageur une mise à disposition limitée d’équipements, la participation à une photographie de groupe, la limitation du cumul des primes quelles que soient les performances, la performance n’étant rémunérée que si le nageur en informait la société, un travail à accomplir (obligation, quelles que soient les performances, de participer au moins cinq fois par an à des activités de promotion y compris en dehors des compétitions), obligation de non-concurrence ; que le nageur cédait en partie son droit à l’image en permettant à la société « d’exploiter les possibilités de communication découlant de l’exercice de son sport afin de diffuser le nom/articles/services de la société » ; qu’en statuant ainsi, cependant que le contrat de sponsoring, ses modalités d’exécution et son objet excluaient tout lien de subordination entre le nageur et la société, la cour d’appel a violé les articles L. 311-2 du code de la sécurité sociale et L. 1221-1 du code du travail ;
6°/ que l’exercice par le sportif d’activités « en concertation » avec une société exclut tout lien de subordination ; qu’en retenant que selon le contrat, le nageur avait un travail à accomplir et devait, quelles que soient ses performances, participer au moins cinq fois par an à des activités de promotion y compris en dehors des compétitions, sans tirer les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles « ces activités se dérouleront en concertation avec le nageur et l’entraîneur », ce qui excluait nécessairement tout lien de subordination, la cour d’appel a violé les articles L. 311-2 du code de la sécurité sociale, L. 1221-1 du code du travail ;
7°/ que l’existence d’un prêt à usage ne caractérise aucun lien de subordination ; qu’en se fondant sur la mise à disposition du nageur d’une quantité limitée d’équipements, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait invitée, s’il ne s’agissait pas d’un prêt à usage prévoyant que « les marchandises peuvent être réclamées à tout moment par la société. Le nageur n’est pas autorisé à vendre les produits qu’il a reçu comme sponsoring de la société », imposant au bénéficiaire de la chose de l’utiliser conformément à sa destination et de la garder en bon état d’usage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-2 du code de la sécurité sociale et L. 1221-1 du code du travail ;
8°/ que pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion d’un travail effectué dans un lien de subordination, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que ne comporte aucun pouvoir disciplinaire caractéristique d’un lien de subordination, le contrat de sponsoring imposant au sportif de restituer les montants et produits reçus l’année précédent un contrôle positif au dopage et prévoyant les modalités de rupture du contrat ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que la société dispose d’un pouvoir de sanction qui, par certains aspects, s’apparente à ceux pouvant exister dans une relation commerciale (rupture du contrat en cas de non-respect des engagements), mais est particulièrement strict en termes d’effets, par son immédiateté et ses conséquences financières (obligation de remboursement de tous les montants perçus et des produits livrés au cours de l’année précédente), et ne concerne pas exclusivement la relation commerciale puisqu’il s’étend à l’hypothèse où le nageur serait contrôlé ou vérifié positivement au dopage ; qu’en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations dont il ressortait que le contrat de sponsoring ne conférait à la société aucun pouvoir disciplinaire mais définissait ses modalités de rupture en cas de non-respect des engagements du sportif et prévoyait les conséquences d’un dopage, la cour d’appel a violé les articles L. 311-2 du code de la sécurité sociale, L. 1221-1 du code du travail ;
9°/ qu’en retenant que le contrat comportait pour le nageur une obligation de non-concurrence, sans tirer les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles il mentionnait que « le nageur s’engage pendant toute la durée du contrat à ne pas conclure d’accords de sponsoring avec des tiers qui distribuent des produits concurrents. Si ce cas se présente, le nageur doit en informer la société », ce qui excluait toute obligation de non-concurrence, la cour d’appel a violé l’article 1134 devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Selon l’article L. 311-3, 15°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, sont compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation d’affiliation au régime général prévue à l’article L. 311-2, les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L. 7123-2, L. 7123-3 et L. 7123-4 du code du travail.
6. Selon l’article L. 7123-2 du code du travail, est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :
1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;
2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image.
7. Selon l’article L. 7123-3 du même code, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail.
8. Selon l’article L. 7123-4 de ce code, la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation.
9. Il résulte de la combinaison de ces textes que la présentation directe au public d’un produit par un sportif à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption instituée par les trois derniers.
10. L’arrêt, par motifs propres et adoptés, relève qu’il résulte du contrat conclu entre les différents sportifs, visés par le redressement, et la société, que cette dernière acquiert la possibilité de diffuser ou promouvoir, dans le cadre d’événements sportifs ou d’événements à caractère promotionnel ou publicitaire, ses produits en se ménageant le concours du sportif, qui est astreint à une participation effective à ces actions de promotion et qui doit porter exclusivement l’équipement complet fourni par la société lors des compétitions, des entraînements nationaux et internationaux, d’interviews, d’enregistrements télévisés ou de séances photos découlant de l’exercice de son sport, ainsi que d’activités promotionnelles.
11. Il relève encore qu’il résulte du contrat précité que la société impose à son cocontractant, moyennant une rémunération fixe avec des primes, une obligation de travail à accomplir (participation à une photographie de groupe, port de l’équipement complet lors des compétitions et des apparitions publiques en lien avec l’activité sportive, participation à des activités de promotion, participation au « challenge » organisé par le sponsor), peu important que les activités promotionnelles ne se déroulent que cinq fois par an et qu’elles soient définies en concertation avec le nageur ou son entraîneur. Il constate que le contrat prévoit aussi une obligation de non-concurrence puisque le sportif s’engage à ne pas conclure d’accord de parrainage avec des tiers, sans en informer la société, et que le contrat ne peut continuer à s’appliquer en cas de cessation de la représentation exclusive des produits de la société par le nageur. Il ajoute que le sportif a l’obligation de porter l’équipement complet fourni par la société et qu’il assume la responsabilité du bon état de cet équipement. Il constate enfin que la société dispose d’un pouvoir de sanction, particulièrement strict en termes d’effets, que ce soit par son immédiateté ou par ses conséquences financières (obligation de remboursement de tous les montants perçus et des produits livrés au cours de l’année précédente), et qui ne concerne pas exclusivement la relation commerciale puisqu’il s’étend à l’hypothèse où le nageur serait contrôlé ou vérifié positivement au dopage.
12. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d’appel a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première, troisième et quatrième branches, et sans avoir à procéder à la recherche visée par la septième branche que ses constatations rendaient inopérantes, que la convention litigieuse emportait, pour les sportifs concernés, l’obligation, moyennant rémunération, de porter les équipements de la marque en vue d’en assurer la promotion à l’occasion de diverses manifestations, de sorte que ces contrats étaient présumés être des contrats de travail de mannequin, et que la société n’apportait pas la preuve qui lui incombait de l’absence de lien de subordination.
13. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [13] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [13] et la condamne à payer à l’URSSAF d’Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt-deux.