Bon de visite : 16 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01648

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Bon de visite : 16 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01648
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 FEVRIER 2023

N° RG 20/01648

N° Portalis : DBV3-V-B7E-T7GV

AFFAIRE :

[U] [BH]

C/

S.A.R.L. AGENCE IMMOBILIERE DE BONNIERES (A.I.B)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MANTES LA JOLIE

N° Section : E

N° RG : F 19/00001

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Céline BORREL

Me Sandra BROUT- DELBART de la SELARL BROUT-DELBART AVOCAT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [U] [BH]

né le 04 Juin 1987 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Céline BORREL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 122

APPELANT

****************

S.A.R.L. AGENCE IMMOBILIERE DE BONNIERES (A.I.B)

N° SIRET : 314 763 384

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Sandra BROUT- DELBART de la SELARL BROUT-DELBART AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T321

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Juliette DUPONT,

A compter du 26 octobre 2016, Monsieur [U] [BH] a été engagé en qualité de VRP par la société à responsabilité limitée Agence Immobilières de Bonnières, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

La relation de travail entre les parties est régie par la convention collective nationale de l’immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers, etc. La société emploie habituellement moins de onze salariés.

Le 12 janvier 2018, le salarié a été convoqué par courrier à un entretien préalable à licenciement et s’est vu notifier une mise à pied à titre conservatoire le 19 janvier 2018 avant la tenue de l’entretien le 23 janvier suivant. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 31 janvier 2018.

Consécutivement à une action en référé formée devant le conseil de prud’hommes de Mantes la Jolie, le salarié a, par requête reçue au greffe le 4 janvier 2019, saisi le conseil de prud’hommes de Mantes la Jolie au fond, afin notamment de contester la légitimité de son licenciement et d’obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 29 juin 2020, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes a :

– débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné le salarié à payer à la société la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration au greffe du 24 juillet 2020, le salarié a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par le Rpva le 13 avril 2021 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, le salarié demande à la cour de :

infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, condamné à payer à la société la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

statuant à nouveau,

– dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

1452,21 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

4647,11 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

703,13 euros à titre de rappel de salaire de mise à pied non justifiée ;

9.294,22 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

33366 euros au titre de rappel de salaire correspondant aux commissions à hauteur des ’20 % des honoraires HT perçus par l’agence’ sur les ventes réalisées, par l’intermédiaire de M. [BH], de biens immobiliers de janvier à octobre 2017, contractuellement prévues à l’article 1-2 du contrat de travail ;

4063,75 euros au titre des congés payés y afférents aux commissions au taux de 2 % ;

13750 euros au titre de rappel de salaire correspondant aux commissions dues au titre du droit de suite contractuellement prévues à l’article 1-7 du contrat de travail ;

1416.67 euros au titre des congés payés afférents au droit de suite au taux de 2 % ;

27882, 66 euros à titre d’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé ;

1000 euros au titre du remboursement de frais professionnels d’avril 2017 à janvier 2018 ;

* sur la demande de requalification :

– dire que sa qualification est le niveau C1 de la grille de classification de la convention collective de l’immobilier ;

et en conséquence,

– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

à titre principal :

6998 euros au titre de rappel de salaire sur classification professionnelle outre les congés payés y afférents de 699 euros (brut) ;

à titre subsidiaire :

1480,40 euros à titre de rappel de salaires sur classification professionnelle pour l’année 2017 outre les congés payés y afférents de 148 euros ;

en tout état de cause,

– dire que la société devra lui communiquer les documents suivants :

. pour l’ensemble des ventes visées dans le tableau en pièce 11, la justification des honoraires encaissés, des rétrocessions versées de novembre 2016 au 31 juillet 2018 et s’il y a lieu, la justification des partages de commissions avec d’autres VRP ;

. les contrats de travail et bulletins de salaires de Mme [W] [KS], M. [B], M. [GK], M. [FW] et M. [A] sur lesquels apparaissent les commissions qui leur auraient été versées au lieu et place de lui-même sur les ventes listées en pièces 11 et 13 avec les décomptes des commissions correspondants ;

et, à défaut d’exécution, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

– ordonner à la société de lui remettre des feuilles de salaires, solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conforme pour la période travaillée dûment signée et tamponnée sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

– ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;

– condamner la société à lui verser la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

– débouter la société de sa demande à hauteur de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile tant pour la première instance qu’en cause d’appel.

Il fait essentiellement valoir que :

– la mise à pied dont il a fait l’objet revêtait un caractère disciplinaire et non conservatoire en ce qu’elle a été qualifiée de sanction immédiate par l’employeur en raison des faits qu’il lui reprochait, de sorte qu’il ne pouvait ensuite recevoir une nouvelle sanction pour la même faute, en application de la règle non bis in idem ;

– l’employeur n’a pas mis en oeuvre son licenciement dans un délai restreint, celui-ci se référant à des faits qui se sont déroulés le 6 décembre 2017, alors que la convocation à l’entretien préalable lui a été adressée par courrier du 12 janvier 2018 ;

– les faits qui lui sont reprochés sont prescrits au vu de l’article L. 1332-4 du code du travail, dans la mesure où les seuls griefs datés dans la lettre de licenciement se rapportent à un courrier du 13 janvier 2018 et à un déjeuner du 6 décembre 2017, les faits par ailleurs mentionnés n’étant pas datés, de sorte qu’il n’est pas possible de vérifier s’ils sont ou non antérieurs de plus de deux mois à l’introduction de la procédure de licenciement, les faits postérieurs à l’entretien de licenciement ne pouvant en outre venir au soutien dudit licenciement ;

– l’employeur n’apporte pas la preuve des faits qu’il évoque dans la lettre de licenciement, la rupture de son contrat de travail ayant en réalité été motivée par le refus de la société de lui régler les commissions dont il a sollicité le versement oralement au mois de décembre 2017 puis par courrier du 13 janvier 2018 ;

– alors que le coefficient le plus bas de la grille de classification conventionnelle lui était appliqué (E1), il exerçait en réalité des fonctions de responsable d’agence et de négociateur immobilier, auxquelles ne correspondait pas le niveau de classification afférent audit coefficient;

– outre le fait qu’il n’a jamais bénéficié du décompte de commissions prévu par son contrat de travail, il n’a pas bénéficié non plus des commissions dues par l’employeur au titre des dossiers dans lesquels il justifie être intervenu ;

– il n’a pas bénéficié du droit de suite s’agissant des commissions qu’il aurait perçues en l’absence de rupture de son contrat de travail, tel qu’il résulte de l’article L. 7313-11 du code du travail et des dispositions conventionnelles et contractuelles applicables ;

– il est fondé à percevoir une indemnité pour travail dissimulé dès lors que l’employeur a omis de mentionner ses commissions sur ses bulletins de paie et de les déclarer aux organismes sociaux ;

– au vu des documents dont il dispose, il se trouve dans l’impossibilité de vérifier le décompte de l’employeur s’agissant des commissions qui lui ont été versées en comparaison avec ses demandes.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par le Rpva le 12 juillet 2021 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société demande à la cour :

à titre principal,

– dire le salarié mal fondé en son appel et l’en débouter ;

– dire que le licenciement du salarié repose sur une faute grave ;

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– débouter le salarié de ses demandes formées au titre du rappel de salaire du fait de la mise à pied à titre conservatoire, de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouter le salarié de sa demande formée au titre du rappels de salaire de novembre 2016 à janvier 2018 ;

– débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire sur l’année 2017 ;

– débouter le salarié de sa demande de rappels de commissions, droit de suite et indemnités de congés payés ;

– débouter le salarié de sa demande au titre du remboursement de frais ;

– débouter le salarié de sa demande de production de documents ;

– débouter le salarié de sa demande au titre du travail dissimulé ;

à titre subsidiaire,

– réduire à un mois de salaire les dommages et intérêts alloués au salarié à ce titre ;

Y additer,

– condamner l’appelant à lui payer à la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile tant pour la première instance qu’en cause d’appel.

La société fait essentiellement valoir que :

– la mise à pied notifiée au salarié revêt un caractère conservatoire, en ce qu’il s’agissait d’une mesure d’attente visant à l’évincer sans délai, dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre ;

– le licenciement du salarié repose sur une faute grave, au vu de son comportement non constructif, méprisant à l’égard de ses collègues, de ses agissements visant à semer la division, de sa liberté de ton dans le courrier qu’il lui a adressé le 13 janvier 2018 (laquelle excède les limites de la liberté d’expression), de son absence de respect des consignes ;

– les fonctions exercées par le salarié entre le 26 octobre 2016 et le mois d’août 2017 en sa qualité de VRP relevaient du niveau de classification ’employé’, ce dernier ayant par ailleurs reçu chaque mois une prime exceptionnelle, de sorte qu’il ne saurait faire valoir qu’il a perçu un salaire d’un montant inférieur au minimum conventionnel ;

– outre le fait qu’il a bénéficié d’une rémunération d’un montant supérieur au minimum conventionnel (y compris celui correspondant au niveau C1), le salarié ne saurait valablement soutenir qu’il a exercé les missions d’un responsable d’agence dès son embauche, en ce qu’il ne peut justifier avoir exercé les fonctions d’un négociateur ;

– le salarié a dûment perçu les commissions et omet de déduire de ses décomptes les avances sur commissions qu’il a perçues chaque mois et ne saurait revendiquer de sommes afférentes à des affaires auxquelles il est étranger ;

– aucune somme n’est due au salarié au titre du droit de suite, les commissions qu’il revendique se rapportant à des affaires auxquelles il est étranger ou ne s’étant pas réalisées dans la durée couverte par le droit de suite (fixée à six mois dans le contrat de travail) ;

– l’appelant ne communique aucun élément au soutien de sa demande de remboursement de frais, laquelle n’est pas fondée ;

– outre le fait qu’elle a déclaré l’ensemble des avances sur commissions qu’elle a versées au salarié, celui-ci ne démontre aucun élément intentionnel caractérisant un travail dissimulé ;

– elle ne peut satisfaire la demande de communication de documents formée par le salarié, sauf à lui remettre l’intégralité des données de ses clients et à s’exposer à un risque de déperdition et de captation de sa clientèle.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 décembre 2022.

MOTIFS :

Sur la qualification applicable et la demande de rappel de salaire subséquente :

Sur la demande de requalification

Saisi d’une demande de classification conventionnelle et d’attribution du coefficient correspondant, il appartient au juge de rechercher les fonctions réellement exercées par le salarié.

L’annexe n°1 (Avenant n° 33 du 15 juin 2006) à la convention collective nationale de l’immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers, etc. définit le niveau de classification des postes de travail et des classifications professionnelles.

Ainsi, le niveau cadre C1 résulte des éléments suivants :

– autonomie/responsabilité :

‘Nécessite des connaissances acquises par formation ou expérience.

Doit justifier de compétences pour prendre des décisions susceptibles d’influer sur l’activité de la société dans le cadre des directives qui lui sont données.

Peut animer une équipe ou réaliser seul des travaux complexes.’

– niveau de formation (repère indicatif) :

‘Diplôme de l’éducation nationale niveau III et une expérience professionnelle de 1 à 3 ans ou une spécialisation (CQP).

Diplôme de l’éducation nationale niveau I ou II.’

– emploi repère (indicatif) :

‘Gestionnaire expérimenté.

Assistant de direction expérimenté.

Comptable expérimenté.

Responsable technique.

Négociateur (1).

Chargé d’études.

Juriste.’

– fonction repère (indicative) :

‘Assure l’organisation des chantiers ou des opérations en amont.

Gère la commercialisation des nouvelles opérations et la recommercialisation des biens existants pour optimiser le patrimoine pour le compte de sociétés immobilières et foncières.

Gère et optimise un portefeuille immobilier de l’entreprise (valorisation et rentabilisation des actifs immobiliers).

Assure la gestion d’un patrimoine immobilier (assure la bonne exécution du mandat de gestion ou de syndic…).

Encadre une équipe et répartit le travail entre les salariés.

Assiste la direction dans l’organisation de son travail (réalise des notes de synthèse, rapports, courriers ; organise et assiste aux réunions).

Veille au respect du droit et apporte son expertise pour toute décision ayant des implications juridiques.

Gère la position de trésorerie de l’entreprise (gestion des flux, gestion des comptes…).

Apporte son expertise professionnelle.’

Par ailleurs, le niveau employé E1 répond aux caractéristiques suivantes :

– autonomie/responsabilité :

‘D’après des instructions de travail précises indiquant les actions à accomplir ainsi que les méthodes et moyens appropriés, il exécute, sous le contrôle d’un agent de qualification supérieure, des travaux simples ou répétitifs nécessitant une initiation de courte durée.’

– niveau de formation (repère indicatif) :

‘Diplôme de l’éducation nationale niveau V.’

– emploi repère (indicatif) :

‘Employé de bureau.

Standardiste.

Ouvrier d’entretien.

Chauffeur.

Coursier…’

– fonction repère (indicative) :

‘Gestion du courrier.

Classement.

Travaux de reprographie.

Entretien des locaux.

Courses.

Téléphone.

Accueil et orientation des visiteurs.’

En l’espèce, les bulletins de paie du salarié laissent apparaître qu’il relevait de la catégorie employé, tout au long de la relation contractuelle.

Au soutien de ses allégations selon lesquelles il exerçait des fonctions de négociateur immobilier et de responsable d’agence, le salarié verse aux débats un courrier électronique que lui a adressé Monsieur [GS] [N], gérant de la société, le 27 juillet 2017.

Ce courrier électronique comporte un certain nombre de conseils que lui a adressés sa hiérarchie, lesquels visaient à améliorer sa pratique du management (‘Eviter de critiquer tout collaborateur en présence d’une personne appartenant au service transaction ou en dehors’ ; ‘Attention à ne pas faire de favoritisme (…)’ ; ‘Il faut avoir de la retenue envers vos collaborateurs et même à l’égard de ceux qui voudraient vous savonner la planche’ ; ‘Pour être apprécié, il est impératif que vous puissiez vous intéresser au travail des uns et des autres’…).

Il résulte ainsi de cette correspondance que les fonctions du salarié l’amenaient à encadrer une équipe.

Dans le même sens, la lettre de licenciement du salarié mentionne notamment un grief tiré de ce que ce dernier aurait manqué de ‘corriger [se]s problèmes de management et (…) décidé de ne plus [s’]impliquer dans certains points de vente’.

De même, les courriers électroniques que lui a adressés Monsieur [J] [FW] les 31 octobre et 13 décembre 2017 afin de poser des congés ou d’aménager ses horaires confortent les allégations du salarié selon lesquelles il exerçait un rôle d’encadrement.

Le courrier électronique du 17 octobre 2017 par lequel il a annoncé à plusieurs salariés qu’il avait organisé une réunion avec un courtier et leur a demandé d’être présent à cette dernière confirme son rôle d’encadrant.

Par ailleurs, les échanges de courriers électroniques datés du 14 octobre au 9 novembre 2017 entre le salarié et Monsieur [VY] [MJ], spécialiste en prêts immobiliers pour la société La Centrale du Financement, démontrent a minima sa position d’interlocuteur principal dans la négociation d’une convention entre les deux sociétés.

En outre, il résulte des mandats de recherche et de vente produits par le salarié qu’il a exercé une activité de négociateur immobilier pour le compte de l’intimée.

Les éléments ainsi produits par le salarié démontrent que ses fonctions excédaient le domaine de l’exécution sous le contrôle d’un agent de qualification supérieure, des travaux simples ou répétitifs nécessitant une initiation de courte durée, tel qu’il résulte du niveau de classification E1.

D’une part, la cour observe que ses fonctions commerciales correspondaient à des fonctions de négociateur.

D’autre part, les éléments produits par le salarié démontrent que ses fonctions le conduisaient à animer une équipe. La cour relève particulièrement les attentes de sa hiérarchie à son égard en ce qui concerne le management de salariés.

Au vu des éléments d’appréciation, il y a lieu de dire que durant la relation de travail, soit un peu plus d’un an, le salarié relevait du niveau de classification cadre C1 au sens de la convention collective applicable.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il le déboute de sa demande de requalification.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la requalification

L’article 1er de l’avenant n° 69 du 1er février 2016 modifiant l’annexe II « Salaires » au 1er janvier 2016 fixe à 23096 euros le salaire minimum brut annuel correspondant au niveau de classification C1 à compter du 1er janvier 2016.

L’article 1er de l’avenant n° 72 du 1er mars 2017 modifiant l’annexe II « Salaires » au 1er janvier 2017 fixe à 23373 euros le salaire minimum brut annuel correspondant au niveau de classification C1 à compter du 1er janvier 2017.

L’article 1er de l’avenant n° 74 du 30 janvier 2018 modifiant l’annexe II « Salaires » au 1er janvier 2018 fixe à 23653 euros le salaire minimum brut annuel correspondant au niveau de classification C1 à compter du 1er janvier 2018.

En l’espèce, le salarié ne saurait soutenir que les primes qui lui ont été versées doivent être exclues de l’assiette de comparaison entre le minimum conventionnel et les sommes qu’il a perçues, en l’absence de stipulation conventionnelle en ce sens.

Au vu des bulletins de paie produits par le salarié, tels qu’ils mentionnent notamment son salaire de base, les primes exceptionnelles qui lui ont été versées mensuellement et ses avantages en nature liés à son véhicule et à son logement de fonction, il apparaît qu’il a perçu des sommes de :

– 3203,99 euros au titre de l’année 2016 (à compter de son engagement, le 26 octobre 2016) ;

– 36577,17 euros au titre de l’année 2017 ;

– 2831,76 euros au titre de l’année 2018 (jusqu’à la rupture de son contrat de travail).

Compte tenu de ces éléments, il est constant qu’il n’a pas perçu une rémunération d’un niveau équivalent au minimum conventionnel correspondant au niveau de classification C1 pour l’année 2016.

Sur la base d’une rémunération minimale conventionnelle de 4170,11 euros (compte tenu de son temps de présence dans l’entreprise au cours de l’année 2016), il y a lieu d’allouer au salarié la somme de 966,12 euros bruts au titre du rappel de salaire correspondant à la requalification, outre une somme de 96,61 euros bruts de congés payés afférents.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il le déboute de ce chef.

Sur les demandes au titre du rappel de commissions :

Il résulte de l’article 1353 du code civil que c’est à l’employeur qu’il incombe d’établir qu’il a effectivement payé au salarié les commissions qu’il lui doit. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.

Par ailleurs, selon l’article 37.2 de la convention collective applicable, le salaire minimum brut mensuel conventionnel correspond au 1/13 du salaire minimum brut annuel conventionnel. Il peut constituer en tout ou partie (selon dispositions à fixer au contrat de travail) un acompte sur la commission acquise par application d’un barème convenu entre les parties.

En l’espèce, l’article 1.2 du contrat de travail du salarié stipule que :

‘Sur toutes les affaires réalisées par son intermédiaire, le VRP reçoit un pourcentage sur le montant des honoraires hors taxes effectivement perçus par le cabinet ou par l’employeur, soit sur le montant des honoraires restant au cabinet ou à l’employeur après paiement des honoraires pouvant éventuellement être dus à un ou d’autres confrères ou intermédiaires, pourcentage fixé à 20 % sur le montant hors taxes des honoraires perçus par l’agence

Ex : manda[t] rentré et sorti par le négociateur : base 100 % HT avec un commissionnement de 20 % (Base brute)

Ex : mandat entré par un autre collaborateur et sorti par le négociateur : base 100 % /2 HT avec un commissionnement de sortie de 20 % (Base brute) Idem opération inverse’.

Cet article précise par ailleurs que le salarié ‘bénéficie d’un salaire minimum brut mensuel de 1.466,62 [euros]’ et que ‘ce salaire (…) est versé à titre d’avance sur commissions’.

Le salarié sollicite le versement d’une somme de 33366 euros au titre de la commission contractuelle précitée pour la période comprise entre les mois de janvier et octobre 2017.

Il produit aux débats un tableau récapitulatif des ventes et des acquisitions réalisées entre les mois de janvier et d’octobre 2017 pour lesquelles il estime qu’il aurait dû percevoir une commission.

Au soutien de sa demande, l’appelant verse notamment aux débats différentes attestations dont les auteurs indiquent qu’il a été leur interlocuteur dans l’achat ou la vente de leur bien immobilier (Monsieur [R] [VJ], Monsieur [Z], Monsieur [O]…), des échanges de SMS entre lui et des personnes qui apparaissent comme des clients de l’agence mentionnés dans le tableau récapitulatif précité (Madame [XB], Madame [C]…), les copies de documents intitulés ‘Note de frais, commissions et honoraires’ ainsi que des mandats de recherche ou de vente.

La cour relève que les exemples mentionnés dans le contrat de travail laissent apparaître que les ‘affaires réalisées par l’intermédiaire’ du salarié correspondent aux opérations d’acquisition et de vente qu’il a menées pour le compte de l’agence.

A ce titre, la seule circonstance selon laquelle il a pu rédiger des notes de frais, commissions et honoraires s’agissant de certaines affaires d’acquisition ou de vente, ne saurait suffire à démontrer qu’une commission lui était due, compte tenu de son rôle d’encadrant.

Ceci étant, les éléments qu’il verse ainsi aux débats permettent de démontrer :

– qu’il a rentré le mandat relatif au bien concerné par le dossier [I] / [LV], ainsi que le reconnaît l’employeur dans ses écritures ;

– qu’il a rentré et sorti le mandat concerné par le dossier [K] / [VJ], ainsi qu’il résulte des attestations établies par Monsieur [R] [VJ] et Madame [WU] [K], qui laissent notamment apparaître son implication dans la vente, tant au moment de la visite du bien que de la signature du compromis de vente (ces éléments remettent en cause le caractère probant de l’extrait tiré du logiciel de gestion de l’agence versé aux débats, qui fait état de l’enregistrement d’une offre par Monsieur [FW]) ;

– qu’il a rentré et sorti le mandat concerné par le dossier [X] / [F], ainsi qu’il résulte des attestations établies par Monsieur [WM] [Z] et Madame [MC] [S], qui laissent notamment apparaître son implication dans la vente, tant au moment de la visite du bien que de la signature du compromis de vente ;

– qu’il a rentré et sorti le mandat concerné par le dossier [Y], ainsi qu’il résulte de l’attestation établie par Madame [D] [Y] et comme le reconnaît l’employeur ;

– qu’il a rentré et sorti le mandat concerné par le dossier [XB] / [E], ainsi qu’il résulte de l’attestation établie par Madame [VR] [XB], qui laisse notamment apparaître son implication dans la vente, au moment des visites du bien et de la signature du compromis de vente ainsi que dans le suivi du dossier, et des différents échanges de correspondance qu’il verse aux débats (ces éléments remettent en cause la crédibilité de l’attestation établie par Monsieur [GK] produite par l’employeur en ce que son auteur indique avoir pris en charge l’opération de sortie de ce bien) ;

– qu’il a rentré et sorti le mandat concerné par le dossier [PV] / [O], ainsi qu’il résulte de l’attestation établie par Monsieur [P] [O], qui laisse notamment apparaître son implication dans la vente, au moment des visites du bien et de la signature du compromis de vente ainsi que dans le suivi du dossier (ces éléments remettent en cause la crédibilité de l’attestation produite par l’employeur établie par Monsieur [GK], lequel indique avoir pris en charge l’opération de sortie de ce bien) ;

– qu’il a rentré et sorti le mandat concerné par le dossier [L] / Reti, ainsi qu’il résulte de l’attestation établie par Madame [T] [LN], qui laisse notamment apparaître son implication dans la vente, au moment des visites du bien et de la signature du compromis de vente ainsi que dans le suivi du dossier (cet élément remet en cause la crédibilité de l’attestation produite par l’employeur établie par Monsieur [FW], lequel indique avoir pris en charge l’opération d’entrée de ce bien, ainsi que le bon de visite produit aux débats par l’employeur) ;

– qu’il a rentré et sorti le mandat concerné par le dossier [XP] / [L], ainsi qu’il résulte de l’attestation établie par Madame [T] [LN], qui laisse notamment apparaître son implication dans la vente, au moment des visites du bien et de la signature du compromis de vente ainsi que dans le suivi du dossier (ces éléments remettent en cause la crédibilité de l’attestation produite par l’employeur établie par Monsieur [B], lequel indique avoir pris en charge l’opération de sortie de ce bien).

En revanche, les éléments par ailleurs produits par le salarié, soit essentiellement des notes de frais, commissions et honoraires, des mandats, des échanges de Sms ) sont trop imprécis pour démontrer que les affaires qu’il évoque ont été réalisées par son intermédiaire, en ce que son rôle dans les opérations de vente ou d’acquisition auxquelles ils se rapportent n’est pas clairement défini.

En particulier, outre le fait qu’elle n’est pas conforme aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, l’attestation établie par Monsieur [H] [HG] est trop générale quant au rôle exercé par le salarié dans la vente du bien immobilier, de sorte qu’elle ne permet pas de démontrer que cette affaire s’est réalisée par son intermédiaire.

En conséquence, le salarié justifie partiellement de ce qu’il était fondé à percevoir les commissions sollicitées, de sorte qu’il appartient à la société d’établir qu’elle lui a effectivement payé les commissions qu’elle lui devait.

Pour démontrer que le salarié était étranger aux opérations de négociation pour lesquelles il revendique le versement de commissions, la société se réfère à un tableau intitulé ‘Suivi C.A 2017″ envoyé le 2 décembre 2017 par le salarié à l’un de ses collègues, Monsieur [V] [LG]. Ce tableau comporte notamment cinq colonnes aux noms de cinq commerciaux de la société, auxquels sont associées différentes sommes correspondant à des opérations de vente et d’achat.

Toutefois, ce document est trop ambigu quant à sa finalité et quant au rôle de l’appelant dans chacune des opérations précitées, de sorte qu’il est dépourvu de force probante.

A ce titre, il y a lieu de douter de la crédibilité de l’attestation établie par Monsieur [LG] qui indique que ce tableau représente le chiffre d’affaires généré par chaque commercial au regard des entrées et sorties de mandats, ses affirmations étant contredites par les attestations de clients produites par le salarié.

De même, l’attestation établie par Monsieur [FO] [A] produite par l’employeur est trop imprécise en ce qu’elle ne comporte aucune indication quant aux affaires que ce dernier indique avoir eu à connaître sans l’intervention de l’appelant. En tout état de cause, ce document n’est pas de nature à remettre en cause la crédibilité des attestations établies par d’anciens clients auxquelles le salarié se réfère.

De façon générale, les éléments produits aux débats par l’employeur ne suffisent pas à remettre en cause les pièces produites par le salarié, lesquelles démontrent qu’il était fondé à obtenir des commissions au titre d’un certain nombre d’affaires pour lesquelles il a effectivement exercé un rôle d’intermédiaire.

La circonstance, au demeurant non établie, selon laquelle l’employeur aurait versé les commissions afférentes aux opérations précitées à d’autres commerciaux n’est pas de nature à prouver que les sommes litigieuses n’étaient pas dues au salarié, au regard des mandats qu’il justifie avoir entrés et sortis.

Compte tenu de ces éléments, il convient de constater que le salarié était fondé à percevoir une somme de 10083,33 euros à titre de commissions, au vu du tableau qu’il verse aux débats, lequel apparaît conforme aux stipulations contractuelles.

Toutefois, la société fait valoir à juste titre que le salarié a bénéficié d’une somme de 18708,82 euros à titre d’avance globale sur commission, ainsi qu’il résulte de la lecture combinée de ses bulletins de paie pour la période postérieure au 1er janvier 2017 et de l’article 1.2 de son contrat de travail duquel il ressort que son salaire de base constituait une avance sur commission, conformément à l’article 37.2 de la convention collective applicable.

Par conséquent, il convient de constater que le salarié a dûment perçu les commissions afférentes aux opérations d’entrée et de sortie de mandat qu’il justifie avoir réalisées.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de ce chef.

Sur la demande au titre du droit de suite :

Aux termes de l’article L. 7313-11 du code du travail, quelles que soient la cause et la date de rupture du contrat de travail, le voyageur, représentant ou placier a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d’échantillon et des prix faits antérieurs à l’expiration du contrat.

Par ailleurs, selon l’article 10 de l’annexe IV Avenant n° 31 du 15 juin 2006 relatif au nouveau statut du négociateur immobilier, le négociateur immobilier, VRP ou non, bénéficie d’un droit de suite concernant les commissions qu’il aurait perçues dans le cas où le contrat de travail n’aurait pas expiré, sous les deux conditions cumulatives suivantes :

– ces affaires devront être la suite et la conséquence du travail effectué par lui pendant l’exécution de son contrat de travail ;

– ces affaires devront avoir été réalisées dans la durée du droit de suite étant entendu que celui-ci ne saurait porter sur des affaires pour lesquelles l’employeur lui-même n’aurait pas effectivement perçu les honoraires correspondants.

En l’espèce, l’article 1.7 du contrat de travail du salarié précise qu’ ‘en cas de cessation du (…) contrat, quelle qu’en soit la cause, le VRP bénéficie d’un droit de suite concernant les commissions qu’il aurait perçues dans le cas où le contrat n’aurait pas expiré, sous les deux conditions cumulatives suivantes :

– pour toutes les affaires qui sont définitivement conclues dans un délai de six mois suivant la date d’expiration du contrat de travail ;

– et qui sont la suite et la conséquence du travail effectué par lui pendant l’exécution de son contrat de travail.

En conséquence, l’employeur remet un état détaillé des comptes au VRP à la date de fin du contrat de travail. Cet état détaillé des comptes donne la liste des affaires en cours et le montant des rémunérations correspondant, auquel le VRP peut prétendre en cas de réalisations desdites affaires. Le solde de tout compte se rapportant à la période travaillée est établi à l’expiration de ce droit de suite (…)’.

L’employeur produit aux débats un tableau récapitulatif d’affaires en cours au moment de la rupture du contrat de travail du salarié, tout en précisant qu’aucune commission ne lui était due au titre de ces opérations.

Le salarié soutient qu’il était fondé à percevoir des commissions au titre du droit de suite concernant un certain nombre de ces opérations.

A l’appui de sa demande, il produit aux débats un tableau récapitulatif d’opérations de vente et d’acquisition ayant fait l’objet d’actes authentiques à compter du 15 septembre 2017.

S’agissant des pièces qu’il produit par ailleurs au soutien de ses affirmations selon lesquelles les opérations litigieuses ont été réalisées par son intermédiaire (notes de frais commissions et honoraires, courriers aux notaires, échanges de Sms), celles-ci apparaissent excessivement générales et dépourvues de force probante.

La cour observe que s’il a pu, compte tenu de ses fonctions, être impliqué dans différentes opérations, ces éléments ne sauraient suffire à démontrer qu’il était à l’origine de l’entrée ou de la sortie des mandats dont il revendique être à l’origine.

En tout état de cause, s’il verse un mandat de recherche sans exclusivité d’un bien à acquérir qu’il a signé avec Monsieur [GD] [M], le salarié reconnaît aux termes de ses écritures que la vente n’a pas été finalisée et indique ne plus solliciter le droit de suite correspondant.

De même, il convient de relever que le salarié ne sollicite plus le droit de suite correspondant à la vente Immo GA SA / Aït Brihi, pour laquelle il produit aux débats une offre d’achats.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de sa demande au titre du droit de suite.

Sur les demandes au titre des congés payés :

L’article 1.4 du contrat de travail prévoit que :

‘L’indemnité de congés payés est incluse dans la rémunération. Le taux de commission proprement dit est fixé à : 20 %.

La majoration de 1/10e de ce taux au titre des congés payés est fixée à 2 %.

En conséquence, le taux global de commission (majoration au titre des congés payés incluse) s’élève à 22 %.’

Alors que le salarié justifie qu’une somme de 8666,67 euros (hors congés payés) lui était due à titre de commission, il a perçu une somme de 18708,82 euros à titre d’avance globale sur commission.

Par conséquent, il a dûment été indemnisé au titre des congés payés afférents aux commissions.

Par ailleurs, dès lors qu’il n’est pas fondé à percevoir de commission au titre du droit de suite, il ne saurait solliciter les congés payés afférents.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de ses demandes de congés payés au titre des commissions et du droit de suite.

Sur la demande de communication de documents :

Il convient de relever que la demande du salarié ne porte pas sur des éléments de calcul de sa rémunération mais, in fine, sur la détermination des affaires dans lesquelles il a été intermédiaire. Cette étape constitue un préalable au calcul de la rémunération qui lui est due, à la lumière des critères contractuellement convenus entre les parties.

Dès lors que les sommes allouées à titre de commission pour chacune des affaires conclues par son intermédiaire sont conformes aux montants évalués par le salarié tels qu’ils résultent du tableau qu’il produit aux débats, il n’y a pas lieu d’ordonner la production par l’employeur d’éléments complémentaires en vue d’une discussion contradictoire.

Au surplus, s’agissant de l’état détaillé des comptes à la date de fin du contrat de travail comportant la liste des affaires en cours du salarié, la société justifie de la production d’un tableau récapitulatif.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de communication de documents.

Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Aux termes de l’article L. 8221-5 2° et 3° du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

– Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie dudit code ;

– Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l’espèce, le salarié a été dûment rémunéré au titre des commissions afférentes à son activité, ces sommes apparaissant par ailleurs sur ses bulletins de paie au titre de son salaire de base qui correspond à une avance sur commissions.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande de remboursement de frais :

Selon l’article 1.5 du contrat de travail conclu entre les parties, ‘le VRP est remboursé sur justificatif des frais professionnels qu’il a réellement engagés dans la limite d’un montant maximum de 100 € par mois’.

Le salarié, qui soutient que la société ne lui a pas remboursé les frais d’essence qu’il a engagés à compter du mois d’avril 2017 en utilisant sa voiture de fonction, ne fournit aucun élément probant au soutien de sa demande.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de ce chef.

Sur le licenciement :

En l’espèce, le salarié s’est vu notifier son licenciement dans les termes suivants :

‘Bien que vous ayez évolué favorablement au sein de la société ce qui s’est traduit par une situation salariale évolutive couplée d’avantages en nature (voiture et logement), vous avez adopté récemment un comportement non constructif, méprisant à l’égard de vos collègues de travail et avez révélé des difficultés en terme de management.

Cette conduite m’avait amené à envisager votre convocation à un entretien préalable. Postérieurement à cette convocation, vous m’avez adressé un courrier me faisant grief de ne pas avoir établi un contrat de travail en corrélation avec votre évolution professionnelle et vous êtes montré particulièrement critique quant à la gestion de mon agence immobilière, mes compétences et avez vertement critiqué mes choix de gestion.

Ensuite, vous avez diffusé la teneur de ce courrier auprès d’un de nos collaborateurs, sans vous soucier de l’impact de la diffusion d’un tel courrier, reprenant les avantages dont vous avez bénéficiés et la liberté de parole que vous avez adopté, sans vous préoccupez de la répercussion que ce courrier pouvait avoir.

Cette situation m’a amené à vous mettre à pied à titre conservatoire.

Le 6 décembre 2017, lors d’un déjeuner auquel vous étiez convié, ainsi que Mme [XI] et M [LG], vous avez traité M [LG] ‘de [G]’ ce qui n’a pas manqué de créer un profond malaise. Vous ne vous êtes pas excusé et m’aviez déjà, peu de temps auparavant, clairement indiqué que ce salarié, pendant mes congés, n’avait pas travaillé pendant deux jours. J’ai donc convoqué ce salarié en étant particulièrement remonté, ce alors même qu’il n’en était rien. Cette situation n’a pas manqué de créer de la division au sein de notre agence.

Je vous ai donc demandé d’aplanir la situation avec Monsieur [LG] au cours d’un déjeuner, ce que vous avez refusé de faire.

Parallèlement, vous ne respectez pas les consignes données, estimant ne pas avoir à le faire au prétexte d’une charge conséquente en administratif : vous ne m’avez pas donné la liste des signatures notaire en prévision sur le mois de janvier 2018, n’avez pas établi de comptes-rendus de réunions et avez refusé de vous rendre à Mantes.

Dans votre courrier du 13 janvier, vous m’avez ouvertement reproché l’achat d’un véhicule BMW pour un collaborateur de l’agence du service copropriété et avez même indiqué clairement qu’à votre arrivée au sein de l’agence ‘j’étais dépassé’ et que grâce à vous, les mandats étaient en conformité avec la loi hoguet.

Il va de soi que vous n’avez aucune remarque à formuler sur les décisions que je prends en qualité de Gérant et je ne peux tolérer que vous fassiez juge de mes compétences, ce d’autant que vous avez montré votre correspondance à des collaborateurs, dont M [FW].

Vos critiques et la liberté de ton que vous avez décidé de prendre n’est pas concevable, je n’ai aucun compte à vous rendre et il apparaît que vous ne comprenez pas ce qu’est ce lien de subordination qui nous unit.

Par ailleurs, vous n’avez pas, en dépit de mon rappel de juillet dernier, corriger vos problèmes de management et avez décidé de ne plus vous impliquer dans certains points de vente, notamment celui de [Localité 4], ce qui s’est ressenti sur la motivation des collaborateurs de cette agence. Certains se sont plaints de ce sentiment d’abandon qui vous a été rapporté, ce que vous avez, à nouveau pris pour une attaque. De nouveau, vous avez semé la division au sein de l’équipe.

Le départ de certains de nos collaborateurs ([KS] [WF], [RR] [RY]) s’est fait sans que vous n’éprouviez le besoin de faire un point avec ces salariés sur les affaires en cours. Votre réponse a été de me dire que vous aviez délégué cette tâche à M [GK] et que pour le salarié [RY] il n’y avait de toute façon pas ‘grand-chose en cours’.

En réalité, vous vous comportez comme bon vous semble, estimez être irréprochable et en droit de créer de la division, de critiquer votre direction et de mépriser vos collègues de travail.

Cette situation est inacceptable et je ne peux davantage tolérer. Aussi, la présente constitue la notification de votre licenciement pour faute grave.

A l’issue de l’entretien, vous m’avez menacé de représailles si je poursuivais la procédure disciplinaire engagée contre vous, sachez que les relations de travail doivent être saines et ne sauraient céder le ‘pas’ à toute forme de chantage.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible et votre licenciement prend effet immédiatement sans indemnité de préavis ni de licenciement. La période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée.’

Tout d’abord, préalablement à son licenciement, une mise à pied a été notifiée au salarié dans les termes suivants :

‘Je soussigné [GS] [N] Gérant de la société (…) notifie ce jour à [l’appelant] sa mise à pied conservatoire dans l’attente d’une décision.

Mise à pied à partir de 11h50 ce jour vendredi 19 janvier 2018.’

Dans la lettre de licenciement, l’employeur a indiqué au salarié que la situation, telle qu’elle a résulté de la réaction de ce dernier à l’issue de la réception du courrier de convocation à un entretien préalable, a justifié une mise à pied à titre conservatoire.

Une telle précision ne saurait suffire à considérer que ladite mise à pied constituait une mesure disciplinaire.

D’une part, la cour observe que la précision ainsi fournie par l’employeur visait à justifier auprès du salarié son éviction immédiate de l’entreprise, dans l’attente d’une décision.

D’autre part, la cour relève que la mise à pied contestée a été notifiée au salarié pour une durée indéterminée.

Par conséquent, la mesure contestée s’analyse en une mise à pied conservatoire, de sorte que l’appelant ne saurait valablement soutenir que l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en lui notifiant la mise à pied contestée.

Ensuite, s’agissant de la prescription des faits fautifs, aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

En l’espèce, la lettre de licenciement fait état de différents faits reprochés au salarié :

– l’envoi à l’employeur d’un courrier daté du 13 janvier 2018, lequel comporte différents griefs et critiques, ainsi que sa communication postérieure à un salarié de la société ;

– l’insulte de ‘[G]’ adressé à l’un des salariés de la société (Monsieur [LG]) au cours d’un déjeuner organisé le 6 décembre 2017 ;

– le fait d’avoir rapporté de façon inexacte au gérant, ‘peu de temps’ avant le 6 décembre 2017, une prétendue absence injustifiée de Monsieur [LG] ;

– le refus de respecter les consignes données ;

– l’absence de prise en compte d’un rappel que sa hiérarchie lui avait adressé au mois de juillet 2017 en vue d’une correction de ses problèmes de management ; des plaintes exprimées par des salariés à ce sujet ;

– l’absence de suivi des affaires en cours de salariés qui ont quitté la société.

Ainsi, il est constant que les faits se rapportant à l’envoi du courrier daté du 13 janvier 2018 et au déjeuner du 6 décembre 2017 se sont déroulés au cours des deux mois précédant l’engagement de la procédure disciplinaire et ont, par conséquent, été connus de l’employeur dans le délai prévu par l’article L. 1332-4 du code du travail.

De même, s’agissant des faits relatifs au non-respect de consignes, les allégations de l’employeur relatives à l’absence de remise de la liste des signatures notaire concernent notamment le mois de janvier 2018, de sorte qu’ils ne sont pas prescrits.

En revanche, s’agissant des faits relatifs au témoignage erroné du salarié quant à l’absence de Monsieur [LG], l’employeur ne justifie pas en avoir eu connaissance dans le délai de deux mois précédant la convocation du salarié à l’entretien préalable à licenciement, étant insuffisante à cet égard l’attestation de Monsieur [LG] en considération de surcroît du conflit l’opposant à l’appelant.

Quant à des problèmes de management, l’employeur n’établit pas la preuve de manquements dont il aurait eu connaissance au cours des deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire.

Enfin, en ce qui concerne les griefs non-prescrits :

– il résulte de l’article L.1235-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

– l’article L 1235-2 du même code prévoit notamment que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement, les griefs devant être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables;

– la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et implique son éviction immédiate ; l’employeur qui fonde le licenciement sur une faute grave commise par le salarié doit en justifier.

En l’espèce, le salarié reconnaît avoir qualifié son collègue, Monsieur [LG], de ‘[G]’ lors d’un déjeuner professionnel organisé le 6 décembre 2017.

La cour relève que ces propos s’intègrent dans un contexte plus large démontrant une attitude inappropriée du salarié dans le cadre professionnel.

En ce sens, le courrier du 13 janvier 2018 qu’il a adressé au gérant de la société excède les limites de la liberté d’expression dont bénéficie le salarié, les compétences du gérant étant remises en cause en des termes inappropriés et excessifs.

Si le salarié était légitime à faire état auprès de sa hiérarchie de dysfonctionnements qu’il a pu constater dans le cadre de son activité professionnelle, son observation selon laquelle le gérant de la société ‘ét[ait] complétement dépassé par la situation’ apparaît offensante.

Sur ce point, la cour observe que si cette remarque fait suite à une énumération de différentes anomalies relevées par le salarié, ce dernier ne fournit pas d’élément permettant de démontrer la réalité et l’ampleur de ces anomalies.

Outre la tonalité de ce courrier, il convient d’observer que le salarié ne conteste pas avoir fait part de son contenu à un collègue, de sorte qu’il a ainsi diffusé les critiques remettant en cause les compétences du gérant de la société, en s’engageant ainsi dans une pratique de dénigrement.

Bien que le courrier litigieux ait été envoyé postérieurement à l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable de licenciement, il n’est pas contesté que le grief tiré de cet agissement a pu être évoqué entre les parties dans le cadre de cet entretien.

Compte tenu de la succession de tels faits, l’employeur a agi dans un délai restreint.

Considérés ensemble, ces faits fautifs, seuls griefs établis non atteints de prescription, soit l’utilisation du terme, insultant, de ‘[G]’ adressé par le salarié à son collègue, puis les termes du courrier qu’il a adressé au gérant de la société et l’utilisation de ce courrier à des fins de dénigrement, rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et impliquait son éviction immédiate.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il déboute le salarié de ses demandes indemnitaires et salariales découlant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que le licenciement pour faute grave est bien fondé.

Sur la remise de documents :

Vu ce qui précède, est seule justifiée la remise d’un bulletin de paie rectificatif conforme au présent arrêt. Le prononcé d’ une astreinte n’est pas nécessaire au vu des éléments de la cause.

Sur les intérêts au taux légal :

Les intérêts au taux légal courront sur les sommes allouées, de nature salariale, à compter du 8 janvier 2019, date de la présentation de la lettre de convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation.

Il convient de dire qu’il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles :

En équité, il n’y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’au profit du salarié auquel une somme de 1500 euros sera allouée de ce chef.

Sur les dépens :

Les entiers dépens de première instance et d’appel seront supportés par la société, partie partiellement succombante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Dit que Monsieur [U] [BH] relevait du niveau de classification cadre C1 au sens de la convention collective nationale de l’immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers, etc.

Condamne la Sarl Agence Immobilières de Bonnières à payer à Monsieur [U] [BH] les sommes suivantes :

– 966,12 euros bruts au titre de rappel de salaire découlant de la requalification,

– 96,61 euros bruts de congés payés afférents.

Dit que les intérêts au taux légal courront sur ces sommes à compter du 8 janvier 2019, date de la présentation de la lettre de convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation.

Dit qu’il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [U] [BH] est bien fondé.

Condamne la Sarl Agence Immobilières de Bonnières à remettre à Monsieur [U] [BH] un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt.

Dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer une astreinte.

Condamne la Sarl Agence Immobilières de Bonnières à payer à Monsieur [U] [BH] la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la Sarl Agence Immobilières de Bonnières aux entiers dépens de première instance et d’appel

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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