Clause de non-sollicitation : 5 mai 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/04127

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Clause de non-sollicitation : 5 mai 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/04127
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N° RG 19/04127 – N° Portalis DBV2-V-B7D-IKCC

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 05 MAI 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 26 Septembre 2019

APPELANT :

Monsieur [Z] [G]

17 rue Robert Joubel

95210 SAINT GRATIEN

représenté par Me Karim BERBRA de la SELARL BAUDEU & ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Nicolas TARDY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Société ENTREPOTS ET TRANSPORTS BARBE (SEAFRIGO) SA

58 Rue du Général Chanzy

76600 LE HAVRE

représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Cyril BOURAYNE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 10 Mars 2022 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 10 Mars 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Mai 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 05 Mai 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 10 octobre 2017, M. [Z] [G] (le salarié) a été embauché en qualité de directeur des opérations export service international par la société Entrepôts et transports Barbé, enseigne Seafrigo, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

Le 12 mars 2018, la société a rompu la période d’essai.

M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes du Havre, lequel, par jugement 26 septembre 2019, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et condamné à verser à la société la somme de 1200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 22 octobre 2019, M. [G] a interjeté appel de la décision en ce qu’elle avait dit que la société avait valablement levé la clause de non-concurrence et l’avait débouté de ses demandes au titre de la contrepartie ‘nancière de la clause de non-concurrence, ainsi que de celles formées au titre des frais irrépétibles, des intérêts légaux et de la capitalisation, et en ce qu’elle l’avait condamné aux dépens et à verser à la société la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 9 septembre 2020, il demande à la cour de :

-condamner la société à lui payer la somme de 49 001,34 euros au titre de la clause de non-concurrence, outre celle de 4 900,13 euros au titre des congés payés y afférents,

-condamner la société au paiement des intérêts légaux sur le montant des dommages et intérêts alloués à compter du jour de l’introduction de l’instance,

-ordonner la capitalisation des intérêts,

-condamner la société à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel, ainsi qu’aux dépens et la débouter de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 26 août 2020, la société demande à la cour de :

-confirmer le jugement,

à titre subsidiaire,

-limiter la demande de M. [G] au titre de la clause de non-concurrence à la somme de 1 euro et à défaut, à de plus justes proportions,

-le condamner à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour le détail de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 8 du contrat de travail de M. [G] stipule une clause de confidentialité, de non sollicitation de clientèle et de non-concurrence. En vertu de cette dernière, le salarié “s’engage pour une durée d’un an, en cas de rupture du contrat de travail pour quelque motif que ce soit, pour quelque compte et en quelque qualité, à ne pas entrer au service d’une société concurrente (…). Il est également prévu que “cette clause s’appliquera à compter du jour du départ effectif du salarié de la société(…)” et qu’”en contrepartie de cette obligation, pendant toute la durée de non-concurrence, il percevra une indemnité mensuelle spéciale égale à 40 % de la moyenne mensuelle du salaire perçu au cours des douze derniers mois (…), la société se [réservant] toutefois la faculté de libérer M. [G] (…) dès la cessation effective des relations contractuelles mais au plus tard dans le délai de deux semaines à compter de cette date (…)”.

Il s’infère des stipulations contractuelles précédemment soulignées qu’à défaut d’exclusion explicite, la commune intention des parties était d’appliquer cette clause dans tous les cas de rupture du contrat de travail et quel que soit le moment où elle intervenait. La référence ultérieure à la rémunération moyenne des douze derniers mois ne concerne que les modalités de calcul de la contrepartie financière et ne peut constituer un argument pertinent de nature à modifier l’analyse précédemment exposée.

Dès lors l’obligation de non-concurrence était bien applicable en cas de rupture de la période d’essai, ce que confirme le courrier recommandé de l’employeur du 20 avril 2018, par lequel il a renoncé à son exécution.

Dans ces conditions, société intimée n’est pas fondée à la brièveté de la relation de travail pour écarter l’application d’une non-concurrence .

Par ailleurs, il est constant que renonciation de l’employeur à l’exécution de la clause de non-concurrence doit intervenir plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.

En l’espèce,par lettre en date du 12 mars 2018, remise en mains propres contre décharge, l’employeur a informé le salarié qu’il mettait “un terme à leur collaboration à compter de ce jour” et qu’il le dispensait “de l’exécution du délai de prévenance d’un mois”, ajoutant que “les documents sociaux seront établis au terme de ce délai”.

Ainsi, l’employeur ayant rompu le contrat de travail à la date duditcourrier dispensant le salarié de l’exécution du délai de prévenance, la date de cessation effective de la relation contractuelle doit être fixée au 12 mars 2018, le report de la remise des documents de fin de contrat à une date ultérieure étant sans effet sur celle-ci.

Or, il n’est pas discuté que la société n’a renoncé à l’exécution de la clause de non-concurrence que par courrier du 20 avril 2018, soit plus d’un mois après la date précédemment considérée, mais également postérieurement au délai contractuel de deux semaines dont la société se prévaut, de sorte que la renonciation de l’employeur doit être considérée comme tardive.

Enfin, la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, qui a la nature d’une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l’engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d’activité concurrente à celle de son ancien employeur, ne constitue pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle et ne peut donc être qualifiée de clause pénale, à la différence de celle contractuellement prévue en cas de non-respect par le salarié de ladite clause.

Par conséquent, ladite contrepartie pécuniaire ne peut être modérée par le juge comme le soutient à tort la société intimée et son versement ne dépend pas de l’existence d’un préjudice subi par le salarié, eu égard à la nature de cette indemnité.

Aussi, alors qu’il n’est pas discuté que le salarié a respecté la clause d’interdiction de concurrence prévue au contrat, il est en droit d’obtenir l’intégralité de l’indemnité forfaitaire contractuellement prévue, soit la somme de 49 001,34 euros, outre les congés payés y afférents, les calculs du salarié les fixant n’étant pas discutés.

La décision déférée est infirmée.

En qualité de partie succombante, la société est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Pour la même raison, il convient d’allouer à l’appelant la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Entrepôts et transports Barbé à payer à M. [Z] [G] les sommes suivantes :

49 001,34 euros au titre de la clause de non-concurrence, outre celle de 4 900,13 euros au titre des congés payés y afférents,

3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2018 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;

Déboute la société Entrepôts et transports Barbé de ses demandes ;

La condamne aux dépens de première instance et d’appel.

La greffièreLe président

 


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