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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2022
N° RG 20/04926 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UC7W
AFFAIRE :
S.A.S.U. Laboratoire TERRAVITA
C/
S.A.S. AWE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Mars 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 5
N° RG : 2016F01705
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Laurent BARDET
Me Stéphanie TERIITEHAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S.U. Laboratoire TERRAVITA (anciennement dénommée CAP NUTRITION)
N° SIRET : 453 749 608
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Laurent BARDET, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 155
Représentant : Me Ludovic DORES de la SCP COBLENCE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0053 – substitué par Me CHARLERY
APPELANTE
****************
S.A.S. AWE
N° SIRET : 432 193 233
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 732 – N° du dossier 20200414 –
Représentant : Me Luc MONIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1973
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
Le 9 février 2015, la société Cap nutrition, ultérieurement dénommée Laboratoire Terravita, exerçant une activité de vente de compléments alimentaires via son site internet et la société Advertising & Webmarketing For E-Commerce, ci-après société AWE, spécialisée dans le conseil en référencement digital (SEO), ont conclu un contrat à durée déterminée de douze mois pour le référencement du site internet de la société Cap nutrition (le Contrat), pour un montant total de 30.560 euros hors taxes payable en douze versements mensuels de 2.546,67 euros hors taxes.
Le 28 juin 2015, l’une des salariés de la société AWE, Mme [J] [Y], qui avait été affectée à ce projet, a démissionné.
Le 28 juillet 2015, la société Cap nutrition a demandé à la société AWE la suspension du projet de référencement, ce que cette dernière a accepté. La société Cap nutrition a alors cessé tout versement.
Le 15 octobre 2015, la société Cap nutrition a informé la société AWE de l’embauche de Mme [J] [Y].
Le 29 octobre 2015, la société AWE a dénoncé auprès de la société Cap nutrition ce qu’elle a qualifié de débauchage lui portant préjudice et l’absence de volonté de cette dernière de reprendre le projet.
Le 26 mai 2016, la société AWE a mis en demeure la société Cap nutrition de lui régler le solde de la mission et de l’indemniser des autres préjudices subis.
Le 7 juin 2016, la société Cap nutrition lui a adressé une fin de non-recevoir.
Par acte du 6 septembre 2016, la société AWE a assigné la société Cap nutrition devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamnée à lui verser la somme de 70.659,84 euros en application de la clause de non sollicitation du Contrat signée entre elles.
Par jugement du 24 mars 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– Condamné la société Cap nutrition à payer à la société AWE la somme de 15.000 euros avec intérêts de retard au taux de trois fois le taux légal à compter du 26 mai 2016 avec capitalisation par années entières ;
– Débouté la société AWE de sa demande de paiement au titre du solde des prestations réalisées ;
– Condamné la société Cap nutrition à payer à la société AWE la somme de 5.000 euros au titre des dommages et intérêts pour faute dans l’exécution du contrat de prestations ayant conduit à sa résiliation ;
– Débouté la société AWE de sa demande de paiement de la somme de 2.400 euros au titre de prestations complémentaires ;
– Condamné la société Cap nutrition à payer à la société AWE la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de ce jugement ;
– Condamné la société Cap nutrition aux entiers dépens.
Par déclaration du 12 octobre 2020, la société Cap nutrition, ultérieurement dénommée Laboratoire Terravita, a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 6 juillet 2021, la société Laboratoire Terravita, anciennement dénommée la société Cap nutrition, demande à la cour de:
– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 24 mars 2020 en ses dispositions ayant condamné la société Laboratoire Terravita, anciennement dénommée la société Cap nutrition ;
– Le confirmer pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
– Débouter la société AWE de toutes ses demandes, tant principales qu’au titre de son appel incident ;
– La condamner à payer à la société Laboratoire Terravita la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens ;
Subsidiairement,
– Réduire à un euro le montant de la clause pénale stipulée au contrat conclu entre les sociétés AWE et Laboratoire Terravita ;
– Débouter la AWE de toutes autres demandes ;
– La condamner au paiement de tous dépens, dont distraction au profit de Me Laurent Bardet, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 5 janvier 2022, la société AWE demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre du 24 mars 2020 en ses dispositions ayant condamné la société Cap nutrition à payer à la AWE la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour faute dans l’exécution du contrat de prestation ayant conduit à sa résiliation ;
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 24 mars 2020 pour le surplus ;
Et statuant à nouveau,
– Condamner la société Cap nutrition à verser à la société AWE une somme de 70.659,84 euros en application de la clause pénale de l’article 15 ‘non sollicitation du personnel – non sollicitation’ des conditions générales de vente du contrat signé pour l’année 2015 par la société AWE et la société Cap nutrition, augmentée des intérêts de retard au taux de trois fois le taux d’intérêt légal à compter de la mise en demeure du 26 mai 2016 et de la capitalisation de ces intérêts en application de l’ancien article 1154 du code civil ;
– Condamner la société Cap nutrition à verser à la société AWE une somme de 9.466,65 euros pour le solde du paiement des prestations réalisées augmentée des intérêts de retard au taux de trois fois le taux d’intérêt légal à compter de la mise en demeure du 26 mai 2016 et des frais de recouvrement forfaitaires de 40 euros ainsi que de la capitalisation de ces intérêts en application de l’ancien article 1154 du code civil ;
– Condamner la société Cap nutrition à verser à la société AWE une somme de 2.000 euros au titre des prestations complémentaires effectuées à partir de juin 2015 augmentée des intérêts de retard au taux de trois fois le taux d’intérêt légal à compter du jugement à intervenir et de la capitalisation de ces intérêts en application de l’ancien article 1154 du code civil ;
– Condamner la société Cap nutrition à verser à la société AWE une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil ;
– Condamner la société Cap nutrition aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Minault-Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau, avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civil.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 janvier 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l’obligation de non-sollicitation
La société Cap nutrition reproche aux premiers juges de l’avoir condamnée à 15.000 euros de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-sollicitation qui la liait à la société AWE en procédant à l’embauche de Mme [J] [Y]. Elle soutient que ce recrutement procédait d’une démarche de la salariée et non d’une sollicitation de sa part de sorte qu’elle n’a pas enfreint la clause litigieuse. Elle fait valoir qu’une clause qui aurait pour finalité d’interdire à la société, débitrice de l’obligation de non-sollicitation, tout recrutement de salarié appartenant à la société créancière de cette obligation, empêchant le salarié de la rejoindre, serait illicite comme contraire au principe de la liberté du travail. A titre subsidiaire, elle expose que la société AWE a renoncé, dans les faits, à s’en prévaloir. A titre plus subsidiaire, elle fait valoir que la société AWE n’a subi aucun préjudice consécutif à une désorganisation, la société AWE ayant pourvu au remplacement de Mme [J] [Y] avant le départ de celle-ci.
La société AWE soutient que la jurisprudence a reconnu la validité de la clause de non-sollicitation indispensable à la protection du savoir-faire du prestataire à l’égard de son client. Elle fait valoir que la seule constatation de l’embauche d’un salarié pendant la période d’effectivité d’une clause de non-sollicitation, caractérise la violation ce qui est le cas en l’espèce puisque Mme [J] [Y] a démissionné le 28 juin 2015 de son poste au sein de la société AWE pour rejoindre, à l’issue de son préavis, la société Cap nutrition le 1er octobre 2015, ce recrutement ayant été révélé a posteriori par la société Cap nutrition à la société AWE le 15 octobre 2015.Elle sollicite la condamnation de la société Cap nutrition à la somme de 70.659,84 euros pour violation de cette clause de non-sollicitation.
*
Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
*
La clause de non-sollicitation est la clause par laquelle le client d’une entreprise s’interdit de solliciter et de recourir aux services des salariés de cette entreprise. Elle se distingue d’une clause de non concurrence dont elle n’est ni une précision ni une variante.
Il est admis que les clauses restrictives de liberté contractuelle sont d’interprétation stricte.
*
En l’espèce, la clause litigieuse figure aux conditions générales du Contrat au paragraphe 15.1. sous le titre ’15. NON SOLLICITATION DU PERSONNEL – NON SOLLICITATION’.
Elle stipule que :
“Les Parties renoncent, sauf accord préalable et écrit, à faire, directement ou indirectement des offres d’engagement à un collaborateur de l’autre Partie.
Cet engagement reste valable pendant une durée de deux (2) ans à compter de la fin des présentes CG.
Le non-respect de cette clause, sans préjudice de tous dommages-intérêts éventuellement alloués par une juridiction compétente pouvant être réclamée à la partie lésée, entraînera le paiement à la partie lésée d’une somme équivalente à douze (12) mois du dernier salaire perçu par le salarié débauché.”
Il n’est pas contesté que Mme [J] [Y], démissionnaire de la société AWE à compter du 28 juin 2015, a été recrutée le 1er octobre 2015 par la société Cap nutrition, pendant la période d’effectivité de cette clause de non-sollicitation.
La société AWE fait valoir que l’embauche de la salariée a été nécessairement précédée d’une offre de recrutement ‘prélude indispensable à toute embauche éventuelle’.
S’il est exact que le recrutement suppose l’accord des deux parties, employeur et salarié, pour autant il convient de distinguer, en l’espèce, l’offre de services du salarié et l’acceptation qui en est faite par l’employeur à des conditions à définir. Soutenir que toute embauche effective, supposant nécessairement une offre d’engagement, caractériserait dans tous les cas de figure la violation de la clause de non-sollicitation, confère à cette clause une portée que les parties n’ont pas expressément souhaité. Cette interprétation reviendrait à interdire tout recrutement. Or les parties n’ont prévu que l’interdiction de solliciter par des offres d’engagement faites au salarié de l’autre partie sans y ajouter l’interdiction de recrutement contrairement à la pratique généralement suivie en pareille matière.
Ainsi, le seul constat de l’embauche ne suffit pas à caractériser la violation de la clause. La clause, exprimant la volonté des parties, n’a pas interdit le cas d’une candidature spontanée à l’issue d’une démarche personnelle du salarié aboutissant le cas échéant à un recrutement.
Il appartient, dès lors, à la partie qui se plaint de la violation, de rapporter la preuve que le recrutement de son salarié a été précédé d’une sollicitation auprès du salarié par l’autre partie, qu’elle soit directe ou indirecte.
La société AWE fait état d’une dissimulation opérée par la salariée et son futur employeur déduite de la révélation tardive le 15 octobre 2015 par la société Cap nutrition du recrutement de Mme [J] [Y] à effet du 1er octobre précédent ou bien encore de la suppression par la salariée de ses courriels. Or l’absence de révélation du recrutement par la salariée et son futur employeur, dont la société AWE sera cependant informée le 15 octobre 2015, ou la suppression des courriels – à la supposer établie – ne peuvent, en elles-mêmes, établir l’existence d’une sollicitation prohibée de la salariée par la société Cap nutrition avant sa démission le 28 juin 2015.
La société AWE expose également que l’offre de recrutement serait intervenue nécessairement ‘au plus tard avant fin juin 2015″ se fondant sur une pièce adverse (pièce 14 – Cap nutrition) avant le terme de ses prestations et avant la demande de suspension de la fourniture de celles-ci convenue entre les parties le 28 juillet 2015. Or la pièce visée est sans rapport avec la démonstration. Il s’agit d’un échange de courriels des 26 et 27 octobre 2015, postérieurs à l’entrée en fonction (1er octobre 2015) de Mme [J] [Y] au sein de la société Cap nutrition. Mme [J] [Y] et M. [X] [B], collaborateur de la société AWE, échangent à propos des perspectives d’affaires entre les deux sociétés pour l’exercice 2015/2016.
La société Cap nutrition produit, en revanche, des échanges de courriels entre Mme [J] [Y] et des cabinets de recrutement ou des employeurs, antérieurs à la lettre de démission de Mme [J] [Y] du 28 juin 2015 (10 mars 2015, cabinet Edgard People ; 13 mars 2015, société Photobox ; 7 et 8 avril 2015, cabinet Digital Jobs ; 4 juin 2015, société FNAC). L’analyse de ces échanges conduit à constater que Mme [J] [Y] avait effectué des démarches afin de trouver un autre emploi (Edgard People, Digital Jobs), qu’elle avait essuyé un refus (société Photobox) mais avait reçu une réponse positive (société FNAC).Il s’en déduit que la salariée recherchait activement un nouvel emploi bien avant sa démission du 28 juin 2015. Il est donc plausible qu’elle s’en soit ouvert à la société Cap nutrition sans que celle-ci ne la sollicite.
La société AWE succombe à rapporter la preuve que la société Cap nutrition a sollicité le recrutement de Mme [J] [Y] en contravention de la clause de non-sollicitation.
La cour constate, au surplus, que M. [E] [G], président de la société AWE, s’adresse par courriel à l’ensemble de son personnel le 15 octobre 2015, soit 15 jours après l’entrée en fonction de Mme [J] [Y] à la société Cap nutrition, en ces termes :
‘[J] bosse maintenant chez Toutelanutrition.com 🙂
J’ai eu le boss [M. [T] [M], président de la société Cap nutrition] au tel ce matin. L’idée est de développer notre collaboration en 2016.
Aucun soucis (sic) par rapport à [J], ni par rapport au client.
Euh…on met qui comme dircli [directeur de clientèle, poste occupé précédemment par Mme [J] [Y] ] en face ‘ :)).’
L’affirmation du recrutement de Mme [J] [Y] suivie du signe ‘:)’ symbole communément admis pour exprimer sa satisfaction, démontre qu’à cette date la société AWE ne considérait pas cette embauche comme un acte d’hostilité contraire à l’esprit de la clause de non-conciliation.
De même l’affirmation ‘Aucun soucis (sic) par rapport à [J], ni par rapport au client’ tend à montrer que ce départ était accepté par la société AWE, qui ne l’appréhendait pas comme un acte illicite de débauchage de son personnel par un client.
La cour infirmera le jugement en ce qu’il a condamné la société Cap nutrition à la somme de 15.000 euros pour violation de la clause de non-sollicitation.
La cour déboutera la société AWE de sa demande à ce titre.
Sur les prestations effectuées mais impayées
Les premiers juges ont débouté la société AWE de sa demande de paiement au titre de prestations effectuées mais restées, selon cette dernière, impayées.
La société AWE réclame la somme de 9.466,65 euros correspondant au montant convenu au Contrat (22.200 euros HT) diminué des paiements effectués par la société Cap nutrition ( 12.733.35 euros HT). Elle se fonde sur le travail réellement effectué au titre des différents postes de prestations prévus au Contrat pour en solliciter le paiement : les recommandations marketing ; les recommandations techniques ; le contenu éditorial ; le nettoyage ‘Netlinking’ et la stratégie de backlinks ; le tracking et la configuation ‘analytics’ ; la gestion du projet .
La société Cap nutrition fait valoir que la demande de la société AWE fondée sur le nombre de journées de travail n’est pas conforme au Contrat qui prévoit une tarification forfaitaire par type de prestation. Elle approuve la motivation retenue par les premiers juges qui ont déterminé le montant dû à la société AWE en se référant au temps global d’exécution du contrat rapporté à la durée d’exécution de la mission (169 jours / 365 jours).
*
Il n’est pas contesté que l’exécution du Contrat initiée le 9 février 2015 a été suspendue par convention entre les parties à compter du 28 juillet 2015.
Il résulte des dispositions du Contrat que la société AWE s’était engagée à réaliser 6 prestations, chacune à forfait, dont 4 prestations à réaliser entre le 9 février 2015 et au plus tard le 8 mai 2015 pour la durée la plus longue mais avant la suspension du 28 juillet 2015. Les deux autres se poursuivant au delà.
– les prestations antérieures au 28 juillet 2015
Il s’agit des recommandations marketing (du 9 février au 8 mars 2015 pour 2.500 euros HT), des recommandations techniques (du 9 février au 8 mai 2015 pour 8.000 euros HT), du contenu éditorial (du 9 février au 8 mai 2015 pour 860 euros HT), du tracking et de la configuration ‘analytics’ (du 9 février au 8 avril 2015 pour 4000 euros HT).
La société Cap nutrition ne conteste ni la réalisation ni la qualité de ces prestations de sorte que les 4 prestations sont dues pour un montant de 15.360 euros HT ( 2.500 + 8.000 + 860 + 4000).
Toutefois, la société AWE limite, dans sa motivation, sa demande pour ces 4 prestations à 9.000 euros HT (2.500+5.500+1.000), mais en réalité limitée, à son dispositif, à une somme de 9.466,65 euros.
– les prestations se poursuivant au delà du 28 juillet 2015
Les deux autres prestations devaient s’effectuer l’une du 9 février 2015 au 8 septembre 2015 ( le nettoyage ‘Netlinking’ et la stratégie de backlinks pour 6.200 euros HT) et l’autre du 9 février 2015 au 8 février 2016 (gestion de projet pour 9.000 euros HT). L’exécution du Contrat a été suspendue le 28 juillet 2015 sans jamais reprendre.
La société AWE considère que la première prestation a été réalisée en totalité (6.200 euros HT) et estime que la seconde a été réalisée à 80 % soit 7.000 euros HT ( 9.000 x 0,8).
La société Cap nutrition ne s’oppose pas à l’application de la règle du prorata.
Les pièces citées par la société AWE à l’appui de son appréciation du pourcentage de réalisation des deux prestations (pièces 23, 24,26 et 27 AWE) sont des présentations de synthèses établies par elle-même et ne permettent pas à la cour de constater la réalité du pourcentage de réalisation en l’absence d’un calendrier de suivi de ces prestations.
La cour appliquera la règle du prorata pour ces 2 prestations.
Ainsi la prestation de nettoyage ‘Netlinking’ et la stratégie de backlinks chiffrée selon un forfait de 6.200 euros HT, qui devait se dérouler du 9 février 2015 au 8 septembre 2015 soit 214 jours, a été suspendue le 28 juillet 2015 soit après 169 jours.
La cour fixera cette prestation à 4.896, 26 euros HT lissée à 4.897 euros HT (6.200 x (169/214))
La prestation de suivi de gestion du projet s’étendait sur 365 jours pour un montant forfaitaire de 9.000 euros HT. Cette prestation sera chiffrée à 4.167,12 euros, lissée à 4.168 euros HT (9.000 x (169/365).
De ce qui précède il résulte que la société Cap nutrition doit à la société AWE la somme lissée totale de 18.532 euros HT (9.466,65 +4.897+4.168).
Il n’est pas contesté que la société Cap nutrition a réglé la somme de 12.733,35 euros HT de sorte qu’elle reste devoir à la société AWE la somme de 5.798.35 euros HT (18.532 – 12.733,35).
La cour infirmera le jugement qui a débouté la société AWE de sa demande au titre des prestations réalisées et impayées.
La cour condamnera la société Cap nutrition à verser à la société AWE la somme de 5.798,35 euros HT qui portera intérêts à trois fois le taux de l’intérêt légal commençant à courir à compter du 26 mai 2016 date de la mise en demeure en application des dispositions de l’article 1153 ancien du code civil avec anatocisme selon les dispositions de l’article 1154 ancien du code civil augmenté des frais de recouvrement forfaitaire de 40 euros, le tout prévu à l’article 8.3 des conditions générales du Contrat.
Sur les prestations complémentaires
La société AWE sollicite le règlement de prestations complémentaires chiffrée à 2.000 euros HT qu’elle aurait effectuées à la demande de la société Cap nutrition en sus des prestations convenues au Contrat. Elle a été déboutée de cette prétention en première instance.
La société Cap nutrition fait valoir que la société AWE ne justifie pas de sa demande.
La société AWE prétend avoir consacré 2 demi-journées complètes à rechercher un nouveau prestataire (une agence internet) le précédent (la société Castelis) étant défaillant, pour le compte de la société Cap nutrition. Elle expose également avoir effectué une mission sur la stratégie des mots-clés. Elle valorise son intervention, pour le tout, à deux journées de travail soit 2.000 euros HT (2 x 1.000) par référence ‘à la tarification habituelle avec’ la société Cap Nutrition et ‘conforme au taux horaire usuellement pratiqué entre eux…’..
La société AWE ne verse pas d’éléments susceptibles d’être compris comme une commande de la société Cap nutrition portant sur les deux missions, ni d’un prix convenu pour celles-ci.
La cour confirmera le jugement entrepris qui a débouté la société AWE de sa demande sur ce point.
Sur l’imputabilité de la rupture du Contrat
La société Cap nutrition critique le jugement entrepris qui l’a condamnée à 5.000 euros de dommages et intérêts pour faute dans l’exécution du Contrat ayant conduit à sa rupture. Elle soutient que la suspension du Contrat était la conséquence directe de la rupture brutale de l’assistance technique de son site internet par son prestataire informatique, interruption imprévisible et irrésistible. Elle fait valoir que la société AWE a, dans ce contexte, accepté cette suspension. Elle relève qu’il est absurde de croire qu’elle aurait créé les conditions de la rupture de ses relations avec son prestataire chargé de l’assistance technique pour interrompre le Contrat avec la société AWE et procéder au remplacement de cette dernière en recrutant Mme [J] [Y] alors que les responsabilités nouvelles de cette dernière dépassaient largement les seules prestations spécifiques prévues au Contrat.
La société AWE sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point. Elle soutient que la société Cap nutrition a embauché illicitement Mme [J] [Y] afin d’internaliser les services fournis jusqu’alors par la société AWE et qu’elle a ensuite rompu le Contrat avec cessation des règlements au prétexte fallacieux de la rupture de ses relations avec son fournisseur d’assistance technique.
*
En l’espèce, le Contrat prévoyait (article 3 des Conditions générales du Contrat) une durée expirant au 31 décembre 2015, avec possibilité d’une durée distincte précisée au Contrat dont les conditions générales forment l’annexe. Une tacite reconduction était prévue sauf résiliation selon préavis de 3 mois ou pour les prestations d’une durée moindre que ce préavis de 3 mois, selon un préavis de 15 jours. L’hypothèse de la suspension avait été envisagée au Contrat mais au seul bénéfice de la société AWE en cas de non-respect des obligations de l’autre partie (article 17.1 des conditions précitées). Une clause de résiliation anticipée au bénéfice de l’une ou l’autre des parties (article 17.2 des conditions précitées) autorisait la résiliation de ‘plein droit’ passé 3 mois de suspension du Contrat consécutif à un cas de force majeure ou en cas d’inexécution par une partie de l’une de ses obligations non corrigée passé un délai de 30 jours suivant mise en demeure d’y remédier.
Dans les faits, l’initiative de la suspension du Contrat appartient à la société Cap nutrition qui par courriel du 28 juillet 2015 de son président informe la société AWE (Mme [J] [Y]) de sa décision en ces termes : ‘Concernant la presta SEO rien ne se passant depuis le 5 juin, comme tu l’as confirmé dans ton mail, je souhaiterai mettre en suspens la prestation, ce qui est d’ailleurs réellement le cas, et la facturation également fort logiquement….’. Ce courriel répondait à celui de Mme [J] [Y] du 21 juillet 2015 : ‘tu trouveras en pièce-jointe le reporting de juin 2015. Le trafic est en chute et la prestation SEO en stand by…’.
Le principe de la suspension sera accepté par la société AWE (pièce 7 – AWE) avec pour conséquences la suspension des prestations et celle des règlements..
Il n’est pas contesté qu’à compter de cette date 28 juillet 2015 l’exécution du Contrat ne sera jamais reprise.
Il résulte des échanges entre la société Cap nutrition et son prestataire informatique (la société Castelis) que cette dernière a rompu unilatéralement ses prestations le 5 juin 2015 dans un contexte de vives tensions (courriel du 5 juin 2015 de M. [P] de la société Castelis à M. [M] de la société Cap nutrition ; lettre de la société Cap nutrition du 8 juin 2015 à la société Castelis). La société Castelis avait en charge la réalisation d’un outil considéré comme majeur par la société Cap nutrition pour son activité de vente par internet et valorisé à 220.000 euros. Il s’agissait d’un outil spécifique de planification des ressources de l’entreprise (ERP).
Cette interruption de services en début du mois de juin 2015 d’un élément essentiel à l’activité de la société Cap nutrition a pu affecter directement le volume du trafic sur le site de cette dernière qui ne commercialise ses produits que par son site internet lequel dépend de cet ERP, expliquant le courriel de Mme [J] [Y] déplorant la faiblesse de ce trafic dans son courriel précédemment commenté du 21 juillet 2015.
La société Cap nutrition justifie d’une situation la plaçant dans une grande difficulté et expliquant la demande de suspension des prestations de la société AWE.
La société Cap nutrition soutient qu’il s’agirait d’un événement relevant de la force majeure comme étant imprévisible et irrésistible ; or la lettre précédemment citée de la société Cap nutrition envoyée le 8 juin 2015 à la société Castelis fait état d’une réunion tenue le 2 avril 2015 entre les représentants respectifs de chacune des sociétés ‘afin de trouver un nouveau mode de fonctionnement’ à la suite de ‘nos récriminations légitimes liées aux délais non respectés par vos services…’; il s’en déduit que cette brusque rupture par la société Castelis si elle était irrésistible n’était pas imprévisible puisque dès le mois d’avril il existait un différend sérieux entre ces deux sociétés.
La société AWE n’a donc pas à subir les conséquences de la décision par la société Cap nutrition de suspension du Contrat aboutissant, dans les faits, à une résiliation du Contrat faute de reprise de son exécution. La cour relevant que si la société AWE a accepté le principe de la suspension du Contrat à la demande de la société Cap nutrition, elle n’a jamais donné son accord sur la résiliation de celui-ci.
La société Cap nutrition a donc commis une faute en rompant par anticipation et unilatéralement le Contrat. Il lui appartient de réparer le préjudice direct qui en est résulté pour la société AWE.
La société AWE sollicite la confirmation du quantum de la condamnation prononcée par les premiers juges qui ont justement fixée à 5.000 euros celle-ci correspondant à la marge dont a été privée la société AWE du fait de cette rupture fautive.
La cour confirmera le jugement sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Cap nutrition sera condamnée aux dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 24 mars 2020 en ce qu’il a condamné la société Cap nutrition à payer à la société Advertising & Webmarketing For E-Commerce (AWE) la somme de 15.000 euros avec intérês de retard au taux de trois fois le taux légal à compter du 26 mai 2016 avec capitalisation par années entières, et en ce qu’il a débouté la société AWE de sa demande au titre des prestations réalisées et impayées,
CONFIRME, pour le surplus, le jugement en ses dispositions frappées d’appel,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
DEBOUTE la société Advertising & Webmarketing For E-Commerce (AWE) de sa demande de condamnation de la société Laboratoire Terravita, anciennement dénommée Cap nutrition, à la somme de 70.659,84 euros en application de la clause pénale, augmentée des intérêts de retard au taux de trois fois le taux d’intérêt légal à compter de la mise en demeure du 26 mai 2016 et de la capitalisation de ces intérêts en application de l’ancien article 1154 du Code civil,
CONDAMNE la société Laboratoire Terravita, anciennement dénommée Cap nutrition, à verser à la société Advertising & Webmarketing For E-Commerce (AWE) la somme de 5.798.35 euros HT, qui portera intérêts à trois fois le taux de l’intérêt légal commençant à courir à compter du 26 mai 2016, avec anatocisme selon les dispositions de l’article 1154 ancien du code civil, augmenté des frais de recouvrement forfaitaire de 40 euros,
REJETTE toutes autres demandes,
CONDAMNE la société Laboratoire Terravita, anciennement dénommée Cap nutrition, aux dépens d’appel,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur Hugo BELLANCOURT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,