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La constitution d’une société concurrente à celle qu’il gère procède bien, d’un acte de concurrence déloyale du gérant qui commet un manquement à l’obligation de loyauté et de fidélité attachée à ses fonctions de gérant.
Le gérant de société est tenu au respect d’une obligation de loyauté et de fidélité à l’égard de la société qu’il dirige, en raison de sa qualité, et cette obligation lui interdit de négocier, dans ses fonctions de gérant d’une autre société, un contrat dans le même domaine d’activité.
Cette obligation de loyauté est en effet incompatible avec l’exercice par le dirigeant d’une activité concurrentielle : la nature même des fonctions de dirigeant social s’oppose à l’évidence à ce qu’il puisse au cours de son mandat, développer par ailleurs une activité concurrente qui le détournerait nécessairement de la défense exclusive des intérêts de la société dont il a la charge.
Cette obligation n’a pas besoin d’avoir été expressément stipulée pour que son manquement soit sanctionné car il n’est pas possible de représenter les intérêts d’une société et dans le même temps, de lui faire concurrence, sans créer une situation de confusion entre les deux entités, nécessairement préjudiciable à la première créée.
Le gérant démissionnaire qui fonde, avant même son départ, une société nouvelle dont l’activité est identique à celle de la société qu’il dirigeait précédemment, se rend coupable de concurrence déloyale et manque ainsi à son devoir de loyauté envers l’entité première créée dont il doit sauvegarder les intérêts.
Copie exécutoire
délivrée à :
– M. [P],
le 14.04.2023.
Copie authentique délivrée à :
– Me Quinquis,
– Me Mikou,
le 14.04.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 13 avril 2023
RG 21/00335 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 2021/89, rg n° 2019 000130 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 18 juin 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 8 septembre 2021 ;
Appelants :
M. [Z] [I], né le 6 février 1973 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
La Société Sail Tahiti, société à responsabilité limitée, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 17102 B dont le siège social est sis à [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès-qualitès audit siège ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. [T] [H], né le 14 juillet 1972 à [Localité 8], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;
Représenté par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;
La Société Bora Bora Yacht Broker, société à responsabilité limitée, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 02140-C, enregistrée au n° Tahiti C 02140 dont le siège social est sis à [Adresse 6], prise en la personne de M. [E] [P], ès-qualités de mandataire ad’hoc, [Adresse 2] ;
Non comparante, assignée à la personne du mandataire ad’hoc le 8 octobre 2021 ;
Ordonnance de clôture du 13 janvier 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 février 2023, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL et Mme PINET-URIOT, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Le 8 février 2019, M. [T] [H], exposant qu’il avait constitué en 2016, la SARL Bora Bora Yacht Broker avec son associé, M. [Z] [I], a engagé, sur le fondement des articles L223-22 du code de commerce et 1382 du code civil, une action à l’égard de celui-ci et de la nouvelle société Sail Tahiti qu’il a créée.
En réplique, M. [I] et la société Sail Tahiti ont conclu au débouté de leur adversaire puis reconventionnellement, ont demandé de constater l’absence de toute activité de la SARL Bora Bora Yacht Broker et de faire procéder à sa dissolution amiable.
***
Suivant jugement n° 2021/89 (RG 2019 000 130) contradictoirement rendu le 18 juin 2021, le tribunal mixte de commerce de Papeete, faisant en partie droit à la demande introductive d’instance, a statué comme suit :
‘ a condamné M. [Z] [I] à payer à la SARL Bora Bora Yacht Broker les sommes de 10’000’000 Fcfp au titre du préjudice financier par suite du détournement de mandats et de 5’000’000 Fcfp en réparation du préjudice moral,
‘ a condamné M. [Z] [I] à payer à M. [T] [H] la somme de 1’000’000 Fcfp en réparation du préjudice moral,
‘ a enjoint à M. [Z] [I],
‘de restituer le site Internet de la SARL Bora Bora Yacht Broker à son représentant légal,
‘ de restituer le compte Facebook de la société à son représentant légal,
‘ de cesser toute utilisation de la dénomination sociale de la SARL Bora Bora Yacht Broker sauf accord préalable de celle-ci, s’agissant des outils de communication de la société Sail Tahiti,
‘ de procéder au deréférencement du site Internet de la société Sail Tahiti en ce qui concerne l’utilisation des mots-clés : «Bora Bora Yacht Broker»,
‘ de cesser de se prévaloir des commentaires de clients contenant une référence directe ou indirecte à cette société, s’agissant des outils de communication de la SARL Sail Tahiti,
‘ a dit que chacune des injonctions précitées sera assortie d’une astreinte de 10’000 Fcfp par jour passé un délai de 15 jours suivant sa décision,
‘ a ordonné aux frais de M. [Z] [I] la publication du dispositif de sa décision dans un journal local, au choix du demandeur, sur une période continue de trois jours consécutifs,
‘ a dit n’y avoir lieu d’ordonner la dissolution de la SARL Bora Bora Yacht Broker,
‘ a ordonné l’exécution provisoire de sa décision,
‘ a condamné M. [Z] [I] à payer à M. [T] [H] la somme de 650’000 Fcfp au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens laissés à sa charge.
Le tribunal a notamment retenu que,
‘ [Z] [I] a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la SARL Bora Bora Yacht Broker dont il était le gérant,
‘ en créant la société concurrente, la société Sail Tahiti ayant la même activité,
‘ en détournant au moins 20 mandats de vente de navires au profit de sa nouvelle société ;
‘ en réalisant une véritable substitution d’identité entre les deux sociétés dans le but de créer une confusion dans l’esprit de la clientèle au détriment de la SARL Bora Bora Yacht Broker et pour favoriser la visibilité de la SARL Sail Tahiti,
‘ Il a commis un manquement à son obligation de loyauté à l’égard de la SARL Bora Bora Yacht Broker en donnant sa démission des fonctions de gérant qu’il occupait, par lettre du 18 octobre 2017 sans convoquer une assemblée générale pour assurer son remplacement, laissant dans de grandes difficultés l’entreprise qui n’a dû sa sauvegarde qu’à l’intervention de M. [T] [H] devant le juge des référés pour lui faire désigner un représentant légal.
Le tribunal a mis hors de cause la société Sail Tahiti.
***
Suivant requête enregistrée au greffe le 8 septembre 2021, M. [Z] [I] et la société Sail Tahiti ont relevé appel du jugement et en leurs dernières conclusions du 21 novembre 2022, ils entendent voir la cour infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris puis condamner M. [T] [H] à verser à M. [Z] [I] la somme de 250’000 Fcfp au titre de l’article 407 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui doivent rester à sa charge.
Au soutien de leur appel, rappelant qu’un acte de concurrence déloyale sanctionné sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle implique l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux précédents éléments,ils font valoir en substance,
‘ sur la création de la société Sail Tahiti, qu’il ne s’agit pas d’un acte de concurrence déloyale au sens de la jurisprudence ; qu’en outre il avait proposé à [T] [H] de s’associer dans la nouvelle société et celui-ci a même accepté la constitution de cette nouvelle société,
‘ sur les mandats prétendûment détournés, qu’il est d’usage dans le secteur du courtage maritime, que chaque société concurrente affiche les navires mis en vente sur le marché même ceux pour lesquelles elle ne bénéficie pas d’un mandat de vente,
‘ sur la prétendue confusion créée par [Z] [I], qu’il n’a pas manipulé les sites Internet pour que les usagers qui recherchent la SARL Bora Bora Yacht Broker soient automatiquement dirigés vers le site Internet de sa nouvelle société société Sail Tahiti mais c’est par le fait du fonctionnement propre à chaque navigateur Web que sur certains, il existe un renvoi de l’une à l’autre,
‘ sur la démission de [Z] [I] de ses fonctions de gérant, qu’elle a été notifiée par lettre du 18 octobre 2017 donnant un préavis de trois mois et informant [T] [H] et la société suffisamment à l’avance pour pouvoir organiser son remplacement,
‘ sur le montant du prétendu préjudice de la SARL Bora Bora Yacht Broker, qu’aucun mandat de vente n’a été détourné,
que [T] [H] s’est basé pour évaluer ses préjudices, sur une commission de 10 % applicables sur le prix de vente de chaque navire affichait par la société Sail Tahiti mais que ce pourcentage est surévalué puisque les commissions encaissées par la SARL Bora Bora Yacht Broker s’établissaient en moyenne à 5 % du prix de vente,
qu’il est pris en compte dans la liste des mandats prétendument détournés, un navire de type Pouvrau Romance pour lequel elle a pourtant perçu une commission de vente, et enfin, la comptabilité produite pour l’exercice 2017 montre que la société Sail Tahiti a réalisé un chiffre d’affaires de 3’986’687 Fcfp de sorte qu’il est impossible qu’elle ait détourné la somme de 33’910’000 Fcfp qui lui est réclamée ni même les 10 millions arbitrés par le tribunal,
que [T] [H] ne peut démontrer que [Z] [I] a démarché des clients de la SARL Bora Bora Yacht Broker pour les orienter vers sa société Sail Tahiti et que des ventes ont été réalisées à la suite de ce démarchage.
En ses dernières conclusions du 6 octobre 2022, M. [T] [H] demande à la cour, statuant au visa de l’article L223 ‘ 22 du code de commerce applicable en Polynésie française, vu le devoir de loyauté et de fidélité du dirigeant à l’égard de la société, vu les actes de concurrence déloyale de M. [I], la tierce complicité de la société Sail Tahiti et son parasitisme économique, l’article 1382 du Code civil, de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu la responsabilité de M. [Z] [I] au titre des agissements de concurrence déloyale,
L’infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Ordonner avant-dire droit à la société Sail Tahiti de produire ses bilans et comptes de résultats depuis son immatriculation,
Condamner in solidum [Z] [I] et la société Sail Tahiti à verser à la SARL Bora Bora Yacht Broker,
‘ la somme de 33’910’000 Fcfp au titre du préjudice financier subi par suite du détournement de mandat de vente au profit de la SARL Sail Tahiti,
‘ une somme correspondant à la marge brute dégagée par la SARL Sail Tahiti depuis sa création jusqu’à la décision à intervenir au titre de son activité d’intermédiation dans la vente et l’achat de navires,
‘ la somme de 5’000’000 Fcfp en réparation de son préjudice moral du fait de la cessation soudaine de son activité liée aux actes de concurrence déloyale de M. [I] et aux circonstances de sa démission,
‘ la somme de 3’000’000 Fcfp en réparation du préjudice moral consécutif au parasitisme économique dont s’est rendue coupable la SARL Sail Tahiti,
Enjoindre à M. [Z] [I] et à la société Sail Tahiti in solidum, de :
‘ restituer à la SARL Bora Bora Yacht Broker son site Internet (www.bb-yb.com), son compte Google My Business et sa page Facebook, et à ce titre, remettre à la société tous les codes utiles pour lui permettre leur accès administrateur, sous astreinte de 100’000 Fcfp par jour de retard suivant la signification de la décision à intervenir,
‘ retirer toute référence à la SARL Bora Bora Yacht Broker sur les outils de communication de la société Sail Tahiti (site Internet, page Facebook,’), sous astreinte de 100’000 Fcfp par jour de retard suivant la ni signification de la décision à intervenir,
‘ ordonner la publication de l’arrêt à intervenir aux frais de M. [Z] [I] et de la société Sail Tahiti ,
‘ condamner M. [I] à verser à [T] [H] la somme de 2’500’000 Fcfp au titre de son préjudice moral,
‘ condamner in solidum M. [Z] [I] et la société Sail Tahiti à verser à M. [H] la somme de 1’000’000 Fcfp au titre des frais irrépétibles en plus des entiers dépens.
S’en remettant à la motivation du jugement, [T] [H] se prévaut des éléments suivants,
‘ son action sociale à titre personnel est recevable sur le fondement de l’article L223-22 du code de commerce dès lors que la SARL Bora Bora Yacht Broker a été mise en cause,
‘ sur la responsabilité de [Z] [I],
‘ [Z] [I] a manqué à son devoir de loyauté et de fidélité à l’égard de la SARL Bora Bora Yacht Broker et a engagé sa responsabilité personnelle en commettant de nombreux acte de concurrence déloyale : par la création d’une société concurrente, par le détournement de la clientèle existante, par la création d’une confusion entre les deux personnes morales,
‘ le préjudice d’ordre financier de la SARL Bora Bora Yacht Broker résulte du détournement de clientèle, de la captation de la clientèle au profi de la société Sail Tahiti ; son préjudice moral est dû aux actes de concurrence déloyale commis par [Z] [I] avec la complicité de la société Sail Tahiti,
‘ sur la responsabilité de la société Sail Tahiti,
‘ elle est complice en ce qui concerne les agissements de concurrence déloyale,
‘ elle a commis un acte de parasitisme en usurpant la notoriété de la SARL Bora Bora Yacht Broker, n’hésitant pas à se présenter comme le concessionnaire exclusif de la société Corsair Marine pour la Polynésie française alors que c’est la SARL Bora Bora Yacht Broker qui est titulaire de cette concession,
‘ les injonctions de cesser tous les actes de concurrence déloyale et la publication de la décision à intervenir, doivent être confirmées,
‘ le préjudice personnel de [T] [H] est avéré car celui-ci avait de l’avenir dans le domaine de l’intermédiation dans la vente de bateaux de plaisance, a cru à ce que lui promettait son associé [Z] [I] qui n’a pas hésité à démissionner en laissant la société sans représentant légal puis à contester la procédure diligentée pour obtenir la désignation d’un administrateur provisoire ce qu’il a contraint à exposer plusieurs procédures judiciaires pour obtenir l’indemnisation du préjudice social.
La SARL Bora Bora Yacht Broker a été citée à la personne de son mandataire judiciaire ad’hoc M. [E] [P] qui n’a pas constitué avocat ni fait connaître sa position sur cette affaire.
MOTIFS DE LA DECISION :
L’action de [T] [H] a été initialement introduite sur le fondement de l’article L. 223-22 du code de commerce applicable en Polynésie française qui est ainsi libellé :
‘Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Ce texte édicte également qu’en plus de l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent individuellement intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants et qu’ils sont ainsi habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.
[T] [H] a aussi visé l’article 1382 du code civil qui régit la responsabilité civile de droit commun.
[T] [H] exerce donc à la fois,
– l’action sociale en responsabilité contre [Z] [I] en sa qualité d’ancien gérant de la SARL Bora Bora Yacht Broker,
– l’action personnelle en réparation de son préjudice,
– l’action en concurrence déloyale contre la société Sail Tahiti qui a été mise en de cause par le tribunal.
– Sur l’action sociale engagée par [T] [H] à l’égard de [Z] [I] :
L’administrateur ad hoc de la SARL Bora Bora Yacht Broker n’a pas déposé de conclusions à l’égard de [Z] [I] et la société Sail Tahiti.
La recevabilité de l’action de [T] [H] n’est pas contestée mais celui-ci doit rapporter la preuve de ce que des fautes de gestion ont été commises par [Z] [I] au détriment de la société dont il déclare représenter les intérêts et qu’il en a résulté un préjudice pour la société.
Les faits doivent se situer avant la démission de [Z] [I] qui a pris effet, du fait de son courrier du 18 octobre 2017, au 11 janvier 2018, car à partir de cette date, [Z] [I] n’était plus qu’associé de la SARL Bora Bora Yacht Broker et à ce titre, sa responsabilité ne pouvait plus être recherchée sur ce même fondement juridique.
Il résulte des pièces produites aux débats et des explications des parties que la SARL Bora Bora Yacht Broker dont le siège social est à [Localité 3] (Tahiti) a été constituée entre [T] [H] et [Z] [I], seuls associés qui étaient également co-gérants statutaires . La constitution résulte des statuts établis en mai 2016 enregistrés le 20 juillet 2016, qui définissent l’objet social de la société exerçant en Polynésie française et à l’étranger, comme l’intermédiation dans les opérations de vente et d’achat de navires et de tout autre bien se rattachant à une activité nautique ou maritime ainsi que le conseil et l’assistance dans les opérations précitées.
[Z] [I] a constitué la SARL Sail Tahiti dont le siège social est à [Localité 3] (Tahiti), suivant acte du 15 mars 2017 publié au JOPF du 21 mars 2017( début d’exploitation 1er mars 2017). L’objet social de la société est ainsi défini : en Polynésie française et à l’étranger, la location de bateaux de plaisance ; la gestion locative de bateaux de plaisance pour compte propre ou d’investisseurs propriétaires de bateaux ; l’achat de bateaux de plaisance en vue de les louer ou de le revendre après leur utilisation ; leur maintenance ; l’organisation d’événements nautiques sportifs ou touristiques et la commercialisation et la régie publicitaire de tels événements ; le courtage de bateaux d’occasion ; la distribution de bateaux neufs ; la représentation de marque dans le domaine du nautisme.
L’objet social des deux entreprises concerne évidemment le même secteur d’activité très spécialisé.
***
[T] [H] a démissionné de ses fonctions de co-gérant de la SARL Bora Bora Yacht Broker lors de l’assemblée générale extraordinaire du 13 juillet 2017. Le procès-verbal ne mentionne pas les motifs de cette démission.
[Z] [I] a notifié sa démission des fonctions de gérant par courrier du 18 octobre 2017 adressé à la SARL Bora Bora Yacht Broker en précisant que la mesure prenait effet le 18 janvier 2018, selon le préavis de trois mois prévu aux statuts mais que ce délai pouvait être réduit par la convocation d’une assemblée générale.
Suivant ordonnance rendue le 21 janvier 2019 à la requête de [T] [H], le juge des référés a désigné un administrateur judiciaire provisoire pour gérer la SARL Bora Bora Yacht Broker en la personne de M.[E] [P] . Par arrêt du 24 octobre 2019 rectifié suivant arrêt du 30 juillet 2020, la cour d’appel de céans saisie par [Z] [I] a confirmé l’ordonnance querellée et a étendu la mission du mandataire ad hoc à la représentation de la SARL Bora Bora Yacht Broker dans le cadre de la présente action en responsabilité engagée par [T] [H].
‘ Sur le caractère fautif de la démission de [Z] [I] :
Comme l’indique l’appelant dans ses conclusions, l’article 15 des statuts relatifs à la durée des fonctions de la gérance, prévoit au paragraphe «cessation des fonctions», que le gérant peut démissionner mais à condition de prévenir chacun des associés trois mois à l’avance.
Le paragraphe suivant stipule que la nomination d’un nouveau gérant s’effectue sur convocation soit du gérant rester en fonction soit d’un ou plusieurs associés soit par un mandataire de justice à la requête de l’associé le plus diligent.
En l’espèce, [Z] [I] a établi sa lettre de démission le 18 octobre 2017 à effet au 18 janvier 2018 selon le préavis édicté par les statuts, puis le 11 décembre 2017 il a adressé un courrier électronique à son associé [T] [H] en se déclarant surpris de ne pas avoir reçu de réponse à son courrier de démission.
En l’absence d’éléments contraires produit aux débats, il apparaît donc que [Z] [I] a notifié sa décision dans des conditions régulières, et même s’il aurait pu organiser son remplacement avant de quitter définitivement la société, il n’en reste pas moins que [T] [H] était en mesure d’agir pour le remplacer à la tête de la société.
Dans le dernier état de ses conclusions, [T] [H] n’évoque dorénavant le caractère fautif de la démission de [Z] [I] que pour indiquer qu’elle a eu pour conséquence qu’il a dû engager une procédure judiciaire pour faire désigner un administrateur ad hoc, et qu’il en est résulté pour la SARL Bora Bora Yacht Broker, un préjudice moral . Or, ce préjudice qui serait subi par une entreprise n’est pas justifié par la production d’éléments concrets.
Statuant par infirmation totale du jugement, la cour considère qu’à cet égard, [Z] [I] n’a pas commis de faute de gestion.
‘ Mais sur la création de la société Sail Tahiti au titre du manquement à l’obligation et de fidélité du gérant à l’égard de la SARL Bora Bora Yacht Broker :
Le gérant de société est tenu au respect d’une obligation de loyauté et de fidélité à l’égard de la société qu’il dirige, en raison de sa qualité, et cette obligation lui interdit de négocier, dans ses fonctions de gérant d’une autre société, un contrat dans le même domaine d’activité.
Cette obligation de loyauté est en effet incompatible avec l’exercice par le dirigeant d’une activité concurrentielle : la nature même des fonctions de dirigeant social s’oppose à l’évidence à ce qu’il puisse au cours de son mandat, développer par ailleurs une activité concurrente qui le détournerait nécessairement de la défense exclusive des intérêts de la société dont il a la charge. Cette obligation n’a pas besoin d’avoir été expressément stipulée pour que son manquement soit sanctionné car il n’est pas possible de représenter les intérêts d’une société et dans le même temps, de lui faire concurrence, sans créer une situation de confusion entre les deux entités, nécessairement préjudiciable à la première créée.
Le gérant démissionnaire qui fonde, avant même son départ, une société nouvelle dont l’activité est identique à celle de la société qu’il dirigeait précédemment, se rend coupable de concurrence déloyale et manque ainsi à son devoir de loyauté envers l’entité première créée dont il doit sauvegarder les intérêts.
En l’espèce, il est acquis que [Z] [I] a, par la constitution de la société Sail Tahiti dont l’objet social entrait dans le même secteur d’activité très spécialisée et sur un marché restreint – même s’il était fait subsidiairement,mention d’une activité s’étendant à l’étranger – commis un acte de concurrence déloyale à l’égard de la SARL Bora Bora Yacht Broker dont il était – au jour de la constitution de la société Sail Tahiti – le gérant.
[Z] [I] prétend s’exonérer de sa responsabilité en invoquant l’accord au moins tacite de [T] [H] pour la création de cette société concurrente, mais la preuve de ses affirmations manque en fait : en effet, ce qu’il désigne comme un ‘échange de mails’ (pièce 21), n’est en réalité qu’un message électronique qu’il a lui-même adressé à [T] [H] : même s’il est question dans ce courriel, du capital de la future société Sail Tahiti, rien ne confirme – en l’absence d’assemblée générale de la SARL Bora Bora Yacht Broker délibérant sur ce point – que [T] [H] ait donné son accord même implicite à la constitution effective de cette nouvelle entité.
La constitution de la société Sail Tahiti procède bien, d’un acte de concurrence déloyale à l’égard de la SARL Bora Bora Yacht Broker et [Z] [I] a ainsi commis un manquement à l’obligation de loyauté et de fidélité attachée à ses fonctions de gérant de ladite société.
– Sur le détournement des mandats de vente :
Le tribunal a retenu qu’alors qu’il était gérant de la SARL Bora Bora Yacht Broker, [Z] [I] avait détourné au moins 20 mandats de vente confiés à cette société au bénéfice de sa nouvelle entreprise, la société Sail Tahiti.
[T] [H] qui invoque ainsi un détournement de la clientèle de SARL Bora Bora Yacht Broker au profit de la société Sail Tahiti affirme que les pièces qu’il produit, en particulier des captures d’écran des sites Internet des deux entités permettent de confirmer ce détournement.
Dans ces dernières conclusions (page16), il dresse une liste des bateaux sous mandat de la SARL Bora Bora Yacht Broker qui ont été proposés à la vente sur le site de la société Sail Tahiti . Ce sont, selon lui, les 20 mandats qui ont été détournés et qui fondent sa demande au titre du préjudice financier.
En défense, [Z] [I] prétend qu’il est d’usage que l’ensemble des bateaux en vente sur le marché soit mis en ligne par chaque société de courtage et croit fournir des exemples convaincants de sa démonstration.
L’intimé dément qu’un tel usage existe et du reste, [Z] [I] n’en rapporte pas la preuve. Il apparaît qu’en réalité, l’affichage du même bateau à vendre sur le site de sociétés concurrentes signifie seulement qu’elles sont toutes bénéficiaires d’un mandat de la part du vendeur, mais pas qu’elles ont proposé sur leur site internet, les bateaux à vendre chez leurs concurrents.
Il ressort des pièces produites par [T] [H], ( D22 à D24), que sur la liste de 20 bateaux établie par le conseil de la SARL Bora Bora Yacht Broker, 13 sont affichés sur le site de la société Sail Tahiti comme ayant été vendus, ce qui laisse entendre que c’est elle qui a réalisé ces ventes et encaissé les commissions d’intermédiation correspondantes.
S’agissant des 7 autres bateaux concernés par la mention ‘en cours de vente’ sur le site de la société Sail Tahiti, il s’agit évidemment d’une appropriation illicite de l’image de la SARL Bora Bora Yacht Broker titulaire des mandats de vente en question.
[Z] [I] oppose qu’il n’est pas établi qu’il ait effectué du démarchage pour vendre ces bateaux pour le compte de la société Sail Tahiti.
Le fait est qu’aucune pièce comptable n’est produite pour attester que ces 20 bateaux sont effectivement sortis du portefeuille de la SARL Bora Bora Yacht Broker et qu’ils ont tous été vendus par la société Sail Tahiti qui aurait encaissé toutes les commissions correspondantes.
Cependant, la faute de [Z] [I] est caractérisée en ce qu’il a fait croire aux clients – vendeurs et acquéreurs potentiels- par la publication sur le site internet de la société Sail Tahiti que ces 20 bateaux étaient vendus ou allaient être vendus par ce nouveau courtier, et non par la SARL Bora Bora Yacht Broker. Et force est de constater que [Z] [I] n’est pas en mesure d’opposer des arguments sérieux pour démentir avoir commis ces faits qui constituent du parasitisme commercial puisqu’il a utilisé la réputation de la SARL Bora Bora Yacht Broker pour proposer la vente de bateaux sous mandat de celle-ci ou faire croire qu’il les avait vendus pour la société Sail Tahiti.
Sa responsabilité de gérant doit donc être retenue sur la base de la publication sur le site de la société Sail Tahiti, de 20 mandats de vente détenus par la SARL Bora Bora Yacht Broker.
– Sur la déloyauté par confusion :
[Z] [I] est l’instigateur de cette confusion puisqu’il représentait à la fois, les deux sociétés concurrentes.
La confusion entre les interfaces des deux sociétés sur internet est caractérisée par les captures d’écran constituant les pièces 25 à 28. Les raisons sociales de la société Sail Tahiti et de la SARL Bora Bora Yacht Broker sont constamment associées pour faire croire qu’il s’agit d’un seul et même prestataire.
La pièce 9 est une capture d’écran du site de la société Sail Tahiti qui, dès le 25 novembre 2016, se présentait comme pouvant proposer toute la gamme des trimarans Corsair Marine. Il est vrai que l’annonce publicitaire mentionne que la SARL Bora Bora Yacht Broker est la concessionnaire exclusive de cette marque en Polynésie mais elle est suffisamment ambigue pour laisser croire que les noms Sail Tahiti et Bora Bora Yacht Broker visent une seule entité bénéficiaire de cette exclusivité.
[Z] [I] prétend que cette confusion est indépendante de sa volonté en ce qu’elle résulte du paramétrage de chaque moteur de recherche sur internet, mais les pièces 9, 10, 11et 12 présentent des captures de la page facebook ou du site web de la société Sail Tahiti qui ont, bien évidemment, été conçus par leur utilisateur pour créer une ambiguité sur les liens entre la société Sail Tahiti et la SARL Bora Bora Yacht Broker précédemment constituée et déjà connue sur le marché.
En tout état de cause, il appartenait à [Z] [I], qui, en sa qualité de gérant de la SARL Bora Bora Yacht Broker, assurait ou contrôlait la communication concernant cette société sur internet, de faire cesser cette confusion manifeste avec sa nouvelle société Sail Tahiti qui était nécessairement préjudiciable à la première créée. Or, les captures d’écran sont datées pour certaines de janvier 2019, ce qui indique qu’il n’a pas cherché à remédier à la situation.
Enfin, au regard de la pièce 13, [Z] [I] n’est pas en mesure de contester les manquements qui lui sont reprochés puisqu’elle contient les commentaires des clients qui ont vendu ou acheté des bateaux par l’intermédiaire de [Z] [I] pour le compte de la société Sail Tahiti et qui croient manifestement que les noms Bora Bora Yacht Broker et Sail Tahiti désignent un seul courtier.
Il sera donc fait droit à la demande d’injonction de restituer les sites en ligne de la SARL Bora Bora Yacht Broker et de retirer toute référence à la SARL Bora Bora Yacht Broker sur les sites de la société Sail Tahiti, sous astreinte, dans les conditions précisées au dispositif ci-après.
Le jugement doit donc être confirmé sur le principe de la déclaration de responsabilité de [Z] [I].
– Sur la responsabilité de la société Sail Tahiti :
[T] [H] fait valoir que la société Sail Tahiti a commis des actes de concurrence déloyale constituant des manquements dans les usages commerciaux et se regroupant quatre catégories qui sont le parasitisme, la désorganisation, le dénigrement et l’imitation. L’indemnisation demandée sur la base de tels actes implique que la partie demanderesse établisse une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Il est évident que dans le cadre de l’action engagée sur l’article L223-22 du code de commerce, [T] [H] ne peut rien réclamer à l’égard de la société Sail Tahiti dont elle peut seulement rechercher la responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil soit la responsabilité délictuelle de droit commun, en prouvant une faute ( distincte de celle du gérant poursuivi pour fautes de gestion) et un préjudice en lien direct et certain avec ladite faute.
La faute reprochée à la société Sail Tahiti est nécessairement distincte de celles pour lesquelles son gérant a engagé sa responsabilité de gérant à l’égard de la SARL Bora Bora Yacht Broker.
[T] [H] invoque la tierce complicité de la société Sail Tahiti en ce qui concerne les agissements de [Z] [I] et le parasitisme.
Cependant, les actes pour lesquels la responsabilité de [Z] [I] est retenue, procède d’agissements personnels (la création de la société Sail Tahiti, le détournement de mandats, la captation des sites en ligne de la SARL Bora Bora Yacht Broker et la confusion créée sur ces supports entre les deux entités) et même s’ils ont pu profiter à la société Sail Tahiti, rien n’indique que la société Sail Tahiti en était informée et les a validés.
Or, l’intimé se borne à affirmer péremptoirement que ‘la société Sail Tahiti ne pouvait ignorer cette situation dès lors que [Z] [I] en était le gérant et associé fondateur…’, sans autre démonstration, et occulte ainsi le fait que la personne morale régulièrement constituée est distincte de son gérant et dispose d’autres organes de décision qui, en l’espèce, n’ont pas été avisés.
Par conséquent, la cour mettra hors de cause, la société Sail Tahiti.
– Sur les demandes indemnitaires de [T] [H] à titre personnel :
‘ Au titre de l’action sociale :
Pour l’intimé, le préjudice de la SARL Bora Bora Yacht Broker est égal au chiffre d’affaires de la société Sail Tahiti qu’elle aurait obtenu par son activité d’intermédiation illicite puisqu’elle portait sur des bateaux sous mandat de la première nommée.
Il sollicite avant dire droit qu’il soit enjoint à la société Sail Tahiti de produire ses bilans et comptes de résultat.
Mais l’appel ne tend qu’à réformer ou infirmer le jugement déféré et les demandes d’injonction de communiquer ne constituent pas des prétentions recevables devant les juges du fond puisqu’elles ne tendant pas à ces fins.
Au surplus, la cour constate que la SARL Bora Bora Yacht Broker n’a elle-même produit aucun bilan ni document comptable de sorte qu’il ne pourrait y avoir aucune comparaison possible avec les pièces demandées à la société Sail Tahiti.
Cette demande d’injonction sera donc rejetée.
– Sur la condamnation in solidum au paiement d’une somme de 33 910 000 Fcfp au titre du préjudice financier subi par suite du détournement des mandats de vente :
En ce qui concerne [Z] [I], celui-ci fait à juste titre observer que la SARL Bora Bora Yacht Broker a perçu la commission de vente du bateau Pouvreau Romanee (soit 185 714 Fcfp) qui n’est donc pas un mandat détourné.
L’affichage sur le site de la société Sail Tahiti des 19 mandats de vente détournés représente un manque à gagner pour la SARL Bora Bora Yacht Broker qui a, de ce fait, perdu une chance de les vendre elle-même.
[T] [H] fait valoir que les commissions étaient contractuellement fixées à 10%TTC.
[Z] [I] produit un relevé de compte faisant état de commissions moyennes de 5 %.
Quoiqu’il en soit, la faute de gestion résulte de l’affichage sur le site de la société Sail Tahiti de la mention ‘vendu’ pour ces bateaux sous mandat de la SARL Bora Bora Yacht Broker pour faire croire à l’activité florissante de la société Sail Tahiti mais aucun élément concret n’est produit pour confirmer que ces ventes ont été réalisées par la société Sail Tahiti et lui ont financièrement profité. Au surplus, les conditions financières du mandat ayant lié la SARL Bora Bora Yacht Broker à ses clients sont indifférentes à l’appréciation du préjudice causé par son gérant.
En conséquence, au regard des éléments du dossier, la cour chiffre le montant des dommages intérêts dus à la SARL Bora Bora Yacht Broker, à la somme de 8 000 000 Fcfp le préjudice financier résultant directement du manquement de son gérant à son obligation de loyauté à son égard.
La cour prononce la mise hors de cause de la société Sail Tahiti et ne peut dès lors la condamner in solidum avec [Z] [I] à verser ces dommages intérêts qui sont dus exclusivement aux des fautes de gestion de ce dernier à l’égard de la SARL Bora Bora Yacht Broker .
– Sur la demande de condamnation à verser à la SARL Bora Bora Yacht Broker : ‘une somme équivalente au chiffre d’affaire généré par la société Sail Tahiti depuis sa création jusqu’à la décision à intervenir en réparation du préjudice économique subi par la SARL Bora Bora Yacht Broker , et à défaut, à titre subsidiaire, une somme équivalente à 95% de ce chiffre d’affaire en réparation d’une perte de chance de pouvoir réaliser ce chiffre d’affaires ;’
il s’agit d’une demande d’indemnisation indéterminée en son quantum à laquelle il ne peut être fait droit puisque le juge ne peut suppléer la carence d’une partie qui ne chiffre pas la réparation du dommage qu’elle invoque.
– Sur la demande de condamnation in solidum au paiement de 5 000 000 Fcfp en réparation du préjudice moral de la SARL Bora Bora Yacht Broker’du fait de la cessation soudaine de son activité par suite des actes de concurrence déloyale commis par [Z] [I] et aux circonstances de sa démission’ (sic),
Il a été jugé plus haut que la démission de [Z] [I] ne procédait pas d’un comportement fautif caractérisé à l’égard de la SARL Bora Bora Yacht Broker dont l’autre associé, [T] [H], avait été informé en temps utile et pouvait lui-même convoquer une assemblée générale pour désigner un autre gérant qui n’aurait pu être que lui-même et il a préféré faire désigner un mandataire ad hoc.
Les autres motifs développés dans les conclusions de [T] [H] pour justifier cette demande en réparation d’un préjudice social d’ordre moral sont les mêmes que ceux qui visent la captation des sites en ligne de la SARL Bora Bora Yacht Broker.
Du reste, il est indiqué que ces démarches de [Z] [I] et de la société Sail Tahiti contribué très efficacement à ‘effacer numériquement’ (sic) la SARL Bora Bora Yacht Broker mais il a déjà été observé qu’aucun document comptable de cette dernière n’avait été produite, permettant de vérifier l’impact allégué qui est motivé comme suit : ‘elle a été totalement paralysée par les actions de [Z] [I]’ (sic), des faits de parasitisme dénoncés.
– Sur le préjudice moral personnel de [T] [H] :
Le tribunal a retenu que [T] [H] avait subi un préjudice moral propre distinct de celui de la SARL Bora Bora Yacht Broker et a fixé la réparation de ce préjudice à hauteur de 1 000 000 Fcfp mais n’a pas motivé sa décision sur ce point.
Dans ses conclusions, [T] [H] explique en substance qu’il s’est fait abuser par [Z] [I] qui l’a incité à participer à la constitution de la SARL Bora Bora Yacht Broker puis qu’il a détourné la clientèle de cette société et qu’enfin, il a retardé la désignation du mandataire judiciaire obligeant l’intimé à engager des frais de procédure importants : toutes ces allégations concernent des préjudices pris en compte dans le cadre d’autres postes d’indemnisation. Au surplus, [T] [H] ne produit pas la moindre pièce de nature à laisser entrevoir la matérialité des ‘nombreux soucis et tracas’ (sic) dont il fait état.
Dans ces conditions, la cour déboutera [T] [H] de cette demande présentée à l’égard de [Z] [I].
– Sur la demande de publication du dispositif de l’arrêt à intervenir :
L’intimé n’explique pas l’intérêt d’une telle publication et verra donc sa demande de ce chef, rejetée.
– Sur les frais de procédure :
[Z] [I] et la société Sail Tahiti succombent sur l’essentiel de leur appel et doivent donc supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.
[T] [H] succombe également sur les prétentions qu’il forme à titre personnel mais obtient, en partie, gain de cause pour la SARL Bora Bora Yacht Broker.
Dès lors, la cour condamnera [Z] [I] seul à payer à la SARL Bora Bora Yacht Broker une indemnité de procédure totale de 500 000 Fcfp.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Vu l’appel principal de [Z] [I] et de la société Sail Tahiti, et l’appel incident de [T] [H],
Infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Déclare recevable et fondée l’action sociale engagée par [T] [H] à l’égard de [Z] [I] pris en sa qualité de gérant de la SARL Bora Bora Yacht Broker jusqu’au 18 janvier 2018,
Vu l’article L 223-22 du code de commerce,
Dit que [Z] [I] a enfreint son obligation de loyauté et de fidélité à l’égard de la SARL Bora Bora Yacht Broker pendant l’exercice de son mandat de gérant, en constituant la société Sail Tahiti, en créant une confusion entre l’activité de cette entreprise et de sa nouvelle entreprise, la société Sail Tahiti, notamment en faisant croire qu’elle bénéficiait de 19 mandats de vente de bateaux faisant partie du portefeuille de la SARL Bora Bora Yacht Broker,
Condamne en conséquence [Z] [I] à payer à la SARL Bora Bora Yacht Broker la somme de 8 000 000 Fcfp,
Enjoint à [Z] [I],
– de restituer à la SARL Bora Bora Yacht Broker son site Internet (www.bb-yb.com), son compte Google My Business et sa page Facebook, et à ce titre, remettre à la société tous les codes utiles pour lui permettre leur accès administrateur,
‘ de retirer toute référence à la SARL Bora Bora Yacht Broker sur les outils de communication de la société Sail Tahiti (site Internet, page Facebook,’),
Dit que chacune des obligations de faire précitées est assortie d’une astreinte de 2000 Fcfp par jour de retard courant du jour de la signification du présent arrêt, et pendant un délai de 90 jours, après lequel la liquidation pourra être demandée au tribunal,
Met hors de cause la société Sail Tahiti,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de Polynésie française,
Condamne [Z] [I] aux entiers dépens de première instance et d’appel qui pourront être distraits au profit de Maître Mikou, avocat qui en fait la demande,
Le condamne également au paiement d’une indemnité de procédure de première instance et d’appel de 500 000 Fcfp au bénéfice de la SARL Bora Bora Yacht Broker.
Prononcé à Papeete, le 13 avril 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD