L’autorisation donnée par le juge-commissaire à l’administrateur judiciaire de licencier un technicien, lorsque elle est par fraude, emporte licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Selon l’article L. 631-17 du code de commerce, lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d’observation, l’administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciements.
Le salarié licencié en vertu d’une autorisation par ordonnance du juge-commissaire, est recevable à contester la cause économique de son licenciement lorsqu’il prouve que cette autorisation résulte d’une fraude. Il en est ainsi lorsqu’il est établi que le salarié a été remplacé dans son emploi ou dans un emploi de même nature et de même niveau par un autre salarié recruté à cette fin immédiatement avant ou après son licenciement.
Dans cette affaire, le salarié a été remplacé dans son emploi de technicien concomitamment à la notification de son licenciement par un salarié engagé à cette fin, son poste n’a pas été réellement supprimé, peu important que le salarié recruté pour le remplacer l’ait été par contrat de travail à durée déterminée.
Il s’en déduit que l’autorisation donnée par le juge-commissaire à l’administrateur judiciaire de licencier un technicien son a été obtenue par fraude.
Le licenciement prononcé par l’administrateur judiciaire au visa de cette ordonnance est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au paiement de dommages-intérêts à la charge de l’employeur.
20 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/01992
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80B
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 AVRIL 2023
N° RG 20/01992 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UB5W
AFFAIRE :
SELARL [Z] [X], prise en la personne de Me [Z] [X], ès qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. REGROUPEMENT DES RADIOS MUSULMANES DE FRANCE
…
C/
[I] [V]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mars 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE / HAUT-DE-SEINE
N° Section : AD
N° RG : 18/03456
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE de la SELAS LHP AVOCATS
Me Emilie PLANCHE
Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 23 mars 2023, puis prorogé au 20 avril 2023, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
SELARL [Z] [X], prise en la personne de Me [Z] [X], ès qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. REGROUPEMENT DES RADIOS MUSULMANES DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE de la SELAS LHP AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 282 – Représentant : Me Eric HIRSOUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A853
SELARL FHB, prise en la personne de Me [N] [W] , ès qualité de commissaire à l’exécution du plan de la S.A.S. REGROUPEMENT DES RADIOS MUSULMANES DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE de la SELAS LHP AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 282 – Représentant : Me Eric HIRSOUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A853
S.A.S. REGROUPEMENT DES RADIOS MUSULMANES DE FRANCE – RADIO ORIENT
N° SIRET : 339 765 786
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentant : Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE de la SELAS LHP AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 282 – Représentant : Me Eric HIRSOUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A853
APPELANTES
****************
Monsieur [I] [V]
né le 08 Août 1963 à [Localité 9] (EGYPTE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Emilie PLANCHE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C456
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Juliette DUPONT,
Greffier lors du prononcé : Madame Sophie RIVIERE
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [I] [V] a été engagé à compter du 1er janvier 2008, par contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d’ancienneté au 12 mai 2006, par la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient, dite ci-après la société Radio Orient, en qualité de technicien son et antenne, position employé, pour 35 heures de travail hebdomadaires.
Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la radiodiffusion.
La société employait habituellement au moins 11 salariés.
Par jugement du 19 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Radio Orient et désigné la Selarl Fhb, mission conduite par Me [N] [W], en qualité d’administrateur judiciaire, et la Selarl [Z] [X], mission conduite par Me [Z] [X], en qualité de mandataire judiciaire.
Par ordonnance du 25 avril 2017, le juge-commissaire a autorisé l’administrateur judiciaire à procéder au licenciement pour motif économique de :
– 8 salariés occupant un poste au sein des catégories professionnelles suivantes : 1 directeur de l’information, 1 directeur programmation et production, 1 journaliste animateur, 1 journaliste rédaction langue française, 1 technicien réalisateur et 1 technicien son en application de l’article L. 631-17 du code de commerce ;
– 2 salariés occupant un poste au sein des catégories professionnelles suivantes, dans l’hypothèse où les salariés concernés refuseraient les modifications de contrat de travail qui leur sont adressées sur le fondement de l’article L. 1222-6 du code du travail : 1 commercial et 1 journaliste rédacteur site internet.
L’administrateur judiciaire de la société Radio Orient a convoqué M. [V] par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 10 mai 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a eu lieu le 23 mai 2017, au cours duquel il lui a proposé d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle et remis l’information écrite s’y rapportant, mentionnant un délai de réflexion de 21 jours débutant le 24 mai 2017 et expirant le 13 juin 2017 pour accepter ou refuser.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 mai 2017, l’administrateur judiciaire de la société Radio Orient a notifié à M. [V] son licenciement pour motif économique et l’a dispensé d’activité à compter de cette date. Le salarié ayant accepté d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail a pris fin le 13 juin 2017, à l’expiration du délai de réflexion. Il lui a été versé une indemnité de licenciement de 5 660,23 euros.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 juin 2017, reçue le 22 juin 2017, M. [V] a informé la société Radio Orient de sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche.
Par jugement du 14 décembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté le plan de redressement par continuation d’une durée de 9 ans, mis fin à la mission de la Selarl Fhb, mission conduite par Me [N] [W], en qualité d’administrateur judiciaire, nommé la Selarl Fhb, mission conduite par Me [N] [W], en qualité de commissaire à l’exécution du plan et maintenu la Selarl [Z] [X], mission conduite par Me [Z] [X], en qualité de mandataire judiciaire jusqu’à la fin de la procédure d’admission et de vérification des créances. Ce plan a été modifié par jugement de cette juridiction du 21 juin 2018.
Contestant la rupture pour motif économique de son contrat de travail, M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre, par requête reçue au greffe le 20 décembre 2017, afin d’obtenir à titre principal sa réintégration et, subsidiairement l’allocation de la somme de 26 544 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ainsi que l’allocation de la somme de 2 212 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.
L’affaire a été radiée par décision du bureau de jugement du 28 mai 2018 puis réinscrite au rôle sur demande de M. [V] le 20 décembre 2018.
Dans le dernier état de ses prétentions, M. [V] a demandé au conseil de prud’hommes :
– de condamner la société Radio Orient, avec exécution provisoire à lui payer les sommes suivantes :
*30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*4 424 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
*442,40 euros au titre des congés payés afférents,
– d’ordonner la remise de bulletins de paie relatifs au préavis,
– de dire le jugement opposable à l’AGS.
Par jugement du 6 mars 2020, le conseil des prud’hommes de Nanterre a :
– condamné la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient à payer à M. [V] les sommes suivantes :
*13 272 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*4 424,00 euros au titre du préavis,
*442,40 euros au titre de congés payés,
et à lui remettre les bulletins de paie afférents,
– mis hors de cause I’ AGS CGEA IDF Ouest dans la mesure où la société employeur de M. [V] est aujourd’hui in bonis,
– débouté la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient de sa demande d’indemnité relative à l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient aux éventuels dépens.
La société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient, la Selarl Fhb, représentée par Me [N] [W], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan et la Selarl [Z] [X], représentée par Me [Z] [X], ès qualités de mandataire judiciaire ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 24 septembre 2020.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 12 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, elles demandent à la cour :
¿ à titre principal :
– infirmant le jugement entrepris, de juger que le licenciement de M. [V] repose sur un motif économique réel et sérieux, ayant été autorisé par une ordonnance de Mme le Juge-Commissaire devenue définitive et obtenue sans la moindre fraude, le poste de technicien son qu’occupait M. [V] ayant bien été supprimé, et, à titre subsidiaire, que la société Radio-Orient n’a nullement manqué à son obligation de priorité de réembauchage vis-à-vis de M. [V], lui ayant proposé 5 postes devenus disponibles dans l’entreprise dès qu’il a fait état de sa volonté de bénéficier de cette priorité, toutes propositions auxquelles M. [V] n’a pas jugé utile de répondre ;
¿ à titre subsidiaire, si la cour jugeait que le licenciement de M. [V] est sans cause réelle et sérieuse, confirmant le jugement entrepris, de lui accorder, au regard des données de l’espèce et de l’absence de justifications de toutes circonstances justifiant qu’il en soit autrement, des dommages et intérêts à hauteur de 13 272 euros, soit le plancher légal de 6 mois de salaires tel qu’applicable à l’époque des faits ;
¿ à titre encore subsidiaire, si la cour jugeait qu’il y a eu manquement à l’obligation de priorité de réembauche de n’octroyer à M. [V] que l’indemnité légale minimale prévue par l’article L. 1235-13 du code du travail, soit la somme de 4 424 euros, correspondant à 2 mois de salaire (plancher légal applicable à l’époque des faits et ramené depuis à 1 mois)
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA 22 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [V] demande à la cour :
¿ à titre principal, de :
– confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient à lui payer la somme de 13 272 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient à lui payer la somme de 13 272 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, de condamner la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient à lui régler la somme de 26 544 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
¿ à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour ne retenait pas le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient à lui régler la somme de 26 544 euros à titre d’indemnité pour défaut de priorité de réembauchage :
¿ en tout état de cause, de condamner la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aucune des parties ne sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a mis I’ AGS CGEA IDF Ouest hors de cause et aucun demande tendant à ce que l’arrêt à intervenir soit déclaré opposable à I’ AGS CGEA IDF Ouest n’est formulée.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 4 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l’article L. 631-17 du code de commerce, lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d’observation, l’administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciements.
Le salarié licencié en vertu d’une autorisation par ordonnance du juge-commissaire, est recevable à contester la cause économique de son licenciement lorsqu’il prouve que cette autorisation résulte d’une fraude. Il en est ainsi lorsqu’il est établi que le salarié a été remplacé dans son emploi ou dans un emploi de même nature et de même niveau par un autre salarié recruté à cette fin immédiatement avant ou après son licenciement.
Le contrat de travail aux termes duquel M. [V] a été engagé intitulé ‘contrat de travail technicien son et antenne’, stipule que le salarié est engagé en qualité de technicien son, qu’il exécutera sa tâche au sein du département technique, qu’il travaillera en fonction des tableaux de service, qu’il pourra être appelé à apporter sa contribution aux autres services et qu’il sera chargé notamment des enregistrements, montages, archivages, contrôle de la diffusion, de l’antenne, des passages des écrans, des décrochages, des prises de son et plus généralement des missions et tâches qui lui seront confiées par le responsable du département.
Il est démontré qu’alors que M. [V] a accepté le 24 mai 2017 d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé le 23 mai 2017 et qu’une lettre de licenciement lui a été notifiée le 29 mai 2017 avec dispense d’activité à compter de cette date, sans qu’il soit établi que cette dispense d’activité ait répondu à une demande de l’intéressé, la société Radio Orient a engagé M. [H] [D] par contrat de travail à durée déterminée d’usage en date du 29 mai 2017 à effet du 27 mai au 30 juin 2017, en qualité de technicien son, position employé, rémunéré à la pige, à raison de 75 euros brut par pige, les jours travaillés étant fixés selon les tableaux de service établis par le responsable de service et ne pouvant excéder trois jours par semaine. Il était stipulé que les tranches incluaient aussi bien des tranches antenne que des tranches hors antenne.
Il est établi que M. [H] [D] a été ensuite engagé par contrat de travail à durée déterminée d’usage du 30 juin 2017, à effet du 1er juillet au 31 août 2017, en qualité de technicien antenne, position employé, rémunéré à la pige, à raison de 75 euros brut par pige, les jours travaillés étant fixés selon les tableaux de service établis par le responsable de service et ne pouvant excéder trois jours par semaine, sans nombre minimal de jours garanti. Il était stipulé au contrat que le salarié exécutera sa tâche au sein du service technique et devra coordonner l’ensemble des composantes de la tranche et assurer les opérations techniques en vue de la diffusion ce qui inclut le montage et l’enregistrement (éléments sonores, technique, publicité, gestion des éléments d’interactivité avec les auditeurs : appels téléphoniques, Sms, etc.) et veiller au respect du conducteur d’antenne.
Sur le registre du personnel, il n’est fait état d’aucun emploi de ‘technicien antenne’ et l’emploi de M. [H] [D] y est mentionné comme étant celui de ‘technicien pigiste’, sans autre précision. Si les emplois de technicien son et de technicien antenne répondent à des intitulés différents, ils constituent en tout état de cause des emplois de même nature et de même niveau, relevant de la même catégorie professionnelle. En l’espèce, les fonctions confiées à M. [H] [D] correspondaient en fait, indépendamment de l’intitulé du poste, à celles antérieurement exercées par M. [V], qui, au-delà des opérations techniques nécessaires à la diffusion de l’émission de radio (prise de son, enregistrement et montage), contrôlait la diffusion et s’assurait du respect du conducteur d’antenne.
Il en résulte que M. [V] a été remplacé dans l’exercice de ses fonctions par M. [H] [D]. Il est sans incidence que ce dernier ait été engagé initialement par contrat de travail à durée déterminée pour une durée d’un mois environ seulement, ce contrat, qui visait tout à la fois le contrat de travail à durée déterminée d’usage, un surcroît temporaire d’activité lié à ‘la période du mois de Ramadan 2017″ et l’absence ‘d’un certain nombre de collaborateurs qui soldent leurs congés’, ayant été suivi de contrats qui se sont succédés sans interruption jusqu’au 31 juillet 2019, soit pendant plus de deux ans, pour un même emploi de technicien, son/antenne, rémunéré à la pige, ainsi qu’il résulte de la copie du registre du personnel versée aux débats.
L’absence de caractère effectif de la suppression de l’emploi de M. [V] est au surplus corroborée par les propositions successives d’emplois qui ont été adressées à l’intéressé par la société Radio Orient, dont la première l’a été deux semaines seulement après la fin de la relation contractuelle, à savoir :
– le 28 juin 2017, avec une demande de réponse avant le 30 juin à 14 heures, un contrat de travail à durée déterminée d’usage en qualité de technicien antenne, position employé, rémunéré à la pige, pour trois vacations par semaine, les jours travaillés étant fixés selon les tableaux de service prévisionnels, à effet du 1er juillet au 31 août 2017, avec une demande de réponse avant le 30 juin à 14 heures, en précisant qu’il devra durant ses tranches coordonner l’ensemble des composantes de la tranche et assurer les opérations techniques en vue de leur diffusion (éléments sonores, technique, publicité, gestion des éléments d’interactivité avec les auditeurs : appels téléphoniques, Sms), que sa mission implique le respect du bon déroulement des conducteurs d’antenne et de la programmation de la publicité, des heures de prière et la veille quant à la diffusion des programmes tels que décidés par avance ;
– le 25 août 2017 un contrat de travail à durée déterminée d’usage aux mêmes conditions à effet du 1er septembre au 31 octobre 2017, avec une demande de réponse avant le 3 novembre à 14 heures,
– le 31 octobre 2017 un contrat de travail à durée déterminée d’usage aux mêmes conditions à effet du 6 novembre au 31 décembre 2017, avec une demande de réponse avant le 3 novembre à 14 heures,
– le 26 décembre 2017 un contrat de travail à durée déterminée d’usage aux mêmes conditions à effet du 2 janvier 2018 au 30 avril 2018, avec une demande de réponse avant le 28 décembre 2017 à 14 heures,
– le 23 avril 2018, un contrat de travail à durée déterminée d’usage aux mêmes conditions mais pour deux jours par semaine à effet du 2 janvier 2018 au 30 avril 2018, avec une demande de réponse avant le 26 avril 2018.
M. [V] ayant été remplacé dans son emploi de technicien concomitamment à la notification de son licenciement par un salarié engagé à cette fin, M. [H] [D], son poste n’a pas été réellement supprimé, peu important que le salarié recruté pour le remplacer l’ait été par contrat de travail à durée déterminée.
Il s’en déduit que l’autorisation donnée par le juge-commissaire à l’administrateur judiciaire de licencier un technicien son a été obtenue par fraude. Le licenciement prononcé par l’administrateur judiciaire au visa de cette ordonnance est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au paiement de dommages-intérêts à la charge de l’employeur.
Au moment de la rupture de son contrat de travail, M. [V] avait au moins deux années d’ancienneté et la société Radio Orient employait habituellement au moins onze salariés.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, M. [V] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu’il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.
Il est établi par les bulletins de paie et l’attestation contrat de sécurisation professionnelle que M. [V] percevait un salaire mensuel brut de 2 212 euros et bénéficiait d’une prime annuelle de treizième mois du même montant versée avec le salaire du mois de décembre.
Il résulte des pièces produites que l’intéressé a perçu du 14 juin 2017 au 13 juin 2018 une allocation de sécurisation professionnelle de 59,08 euros net par jour, qu’il a suivi une formation diplômante de technicien supérieur en réseaux informatiques et télécommunications à raison de 35 heures par semaine du 6 novembre 2017 au 15 juin 2018, qu’il a perçu ensuite une allocation de retour à l’emploi de 42,83 euros net par jour et qu’il a été indemnisé par Pôle emploi du 14 juin 2017 au 10 décembre 2018, puis à compter du 4 mars 2020 au 21 mai 2021.
Il y a lieu de relever que M. [V] a obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) pour la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2018, puis pour la période du 1er septembre 2018 au 31 août 2023.
Le fait que le salarié n’ait pas donné suite aux propositions d’emplois qui lui ont été adressées par la société Radio Orient dans le cadre de la priorité de réembauche est sans incidence, s’agissant d’emplois précaires, les postes proposés étant à pourvoir par contrats de travail à durée déterminée rémunérés à la pige et ne prévoyant qu’un faible nombre de jours de travaillés.
En raison de l’âge du salarié au moment de son licenciement, 54 ans, de son ancienneté de onze ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, la cour fixe le préjudice matériel et moral qu’il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi à la somme de 21 000 euros.
La créance du salarié, relative aux conséquences d’un licenciement prononcé pendant la période d’observation, étant née régulièrement après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire, entre dans les prévisions de l’article L. 622-17 du code de commerce, de sorte qu’elle doit être payée directement sans faire l’objet d’une fixation au passif du redressement judiciaire.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Radio Orient à payer à M. [V] la somme de 21 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’absence de motif économique de licenciement, la convention de reclassement personnalisé devient sans cause, de sorte que l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu de ladite convention.
En application de l’article L. 1234-5 du code du travail, l’indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu’aurait perçus le salarié s’il avait travaillé pendant cette période. Aucune somme n’ayant été versée en l’espèce à M. [V] au titre du préavis, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Radio Orient à payer à l’intéressé la somme de 4 424,00 euros que celui-ci revendique au titre du préavis ainsi que la somme de 442,40 euros au titre des congés payés afférents et en ce qu’il a ordonné à la société Radio Orient de remettre à M. [V] les bulletins de paie afférents.
En l’absence de motif économique, la convention de reclassement personnalisé devenant sans cause, l’employeur est tenu, de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail. Il convient en conséquence d’ordonner le remboursement par la société Radio Orient à Pôle emploi, partie au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’il a versées à M. [V] à compter du jour de son licenciement dans la limite de trois mois, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail.
La société Radio Orient, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de la condamner, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles qu’il a exposés.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 6 mars 2020 et statuant à nouveau sur le chef infirmé :
Condamne la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient à payer à M. [I] [V] la somme de 21 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Ordonne le remboursement par la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient à Pôle emploi des indemnités de chômage qu’il a versées à M. [I] [V] à compter du jour de son licenciement dans la limite de trois mois, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail ;
Déboute la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient à payer à M. [I] [V] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Regroupement des radios musulmanes de France-Radio Orient aux dépens de première instance et d’appel
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
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