Droit de la Communication électronique : Tribunal administratif de Strasbourg, 3 avril 2023, 2301551

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Droit de la Communication électronique : Tribunal administratif de Strasbourg, 3 avril 2023, 2301551
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Tribunal administratif de Strasbourg, 3 avril 2023, 2301551

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2023, la société Free Mobile, représentée par le cabinet PAMLWAW – Avocats, demande au juge des référés :

1°) à titre principal, si elle ne devait pas être regardée comme bénéficiaire d’une décision tacite de non opposition aux travaux en litige, d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 18 novembre 2022 par laquelle le maire de Richemont s’est opposé aux travaux déclarés, consistant en l’implantation d’une station relais de téléphonie mobile sur un terrain sis lieudit ” Berg ” ;

2°) à titre subsidiaire, d’enjoindre à la commune de Richemont, à titre principal, de lui délivrer une décision de non opposition dans le délai d’un mois à compter de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa demande, dans le délai d’un mois à compter de l’ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Richemont une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la condition d’urgence à statuer est en l’espèce remplie dès lors, d’une part, que la partie du territoire sur laquelle la station relais a vocation à s’implanter n’est pas couverte par ses réseaux, d’autre part, que la réalisation des travaux refusés doit permettre à la société Free Mobile de respecter ses engagements, au niveau national, en terme de couverture réseau du territoire ;

– plusieurs moyens sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué, et son tirés de ce que :

* l’arrêté est entaché d’incompétence ;

* elle était bénéficiaire depuis le 21 novembre 2022 d’une décision tacite de non opposition aux travaux en litige, et l’article 222 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 prohibe toute décision de retrait d’une telle autorisation, de sorte que la décision en litige, qui lui a été notifiée postérieurement au 21 novembre 2022, ne pouvait intervenir ;

* le maire ne pouvait se fonder sur la méconnaissance de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme ;

* les travaux en litige sont conformes à l’article A11 du règlement du plan local d’urbanisme applicable au regard, d’une part, de l’absence d’intérêt ou de caractère des lieux avoisinants, d’autre part, des éléments d’intégration paysagère mis en œuvre ;

– l’exécution de l’ordonnance à venir implique que le maire délivre une décision de non opposition aux travaux en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, la commune de Richemont, représentée par la SELAS Olszak et Levy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Free Mobile de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la condition d’urgence ne peut être regardée comme satisfaite au regard de la couverture déjà satisfaisante du territoire de Richemont par la société pétitionnaire, ainsi qu’en attestent les cartes de couverture 3G et 4G consultables sur le site de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ;

– les moyens soulevés ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du refus opposé ;

– elle sollicite une substitution de motif, fondée sur la méconnaissance par le projet des articles A1 et A2 du règlement du plan local d’urbanisme de Richemont.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la requête en annulation présentée par la société Free Mobile le 18 janvier 2023 sous le n° 2300395.

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ;

– le code de justice administrative.

Le président du tribunal administratif de Strasbourg a désigné M. Pouget-Vitale, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique du 29 mars 2023, tenue en présence de Mme Brosé, greffier d’audience, M. A a lu son rapport et entendu :

– les observations de Me Mirabel, représentant la société Free Mobile, qui conclut aux mêmes fins que la requête, mais abandonne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 222 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, et soutient en outre, d’une part, que l’urgence est caractérisée au regard de l’intérêt public et aux intérêts propres de la société Free Mobile, les cartes produites en défense ayant une valeur probante moindre que les siennes dès lors qu’elles ne prennent pas en compte certains facteurs physiques ou techniques qui justifient la nécessité d’installer en l’espèce à Richemont une nouvelle antenne relais, d’autre part, que la substitution de motif sollicitée en défense n’est pas possible dès lors que le nouveau motif est également illégal, faute pour le projet de porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, compte tenu de l’existence à proximité de superstructures, ainsi que cela ressort des photographies produites dans sa requête ;

– les observations de Me Serra, représentant la commune de Richemont, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures en défense, par les mêmes moyens, et soutient en outre que la zone concernée par l’antenne relais en litige est déjà couverte par le réseau de la société requérante, ce qui est par ailleurs établi par les cartes mises en ligne sur le site commercial de la société Free Mobile, et que l’implantation souhaitée de l’antenne relais porte atteinte aux objectifs de sauvegarde des espaces naturels et paysages, et de valorisation touristique, en méconnaissance des articles A1 et A2 du règlement du plan local d’urbanisme applicable, tels qu’éclairés notamment par le projet d’aménagement et de développement durables ;

A l’issue de l’audience, la clôture de l’instruction a été fixée au 29 mars 2023 à 17h00, afin de permettre à la société Free Mobile de répliquer par écrit aux éléments soulevés en défense notamment dans le mémoire du 28 mars 2023, en vertu de l’article R. 522-8 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2023 à 15h47, la société Free Mobile conclut aux mêmes fins que la requête, et précise en outre, s’agissant de l’urgence, que les cartes produites par la partie adverse ne reflètent pas la réalité de la couverture réseau sur le secteur d’implantation, et que le motif dont la substitution est sollicitée pour justifier le refus est illégal, au regard de la faible ampleur de la construction et du fait que le milieu agricole dans lequel l’antenne relais a vocation à s’implanter ne sera pas dénaturé par celle-ci.

Ce mémoire a été communiqué à la commune de Richemont le 30 mars 2023, qui en a pris connaissance le jour même à 9h16.

Par une lettre du 30 mars 2023, les parties ont été informées que la clôture de l’instruction interviendrait le 30 mars 2023 à 17h00, en application de l’article R. 522-8 du code de justice administrative. La société Free Mobile a pris connaissance de ce courrier le jour même à 10h38, et la commune de Richemont à 9h16.

Un mémoire a été enregistré pour la commune de Richemont le 30 mars 2023, à 16h15. Ce mémoire n’a pas été communiqué.

Considérant ce qui suit

:

1. Par un arrêté du 18 novembre 2022, le maire de Richemont s’est opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile, tendant à l’implantation sur un terrain situé au lieudit ” Berg ” d’une antenne relais emportant la création, d’une part, d’un pylône enterré pour l’accueil d’un pylône de type treillis d’une hauteur de 30,35 mètres, d’autre part, d’une zone technique enterrée et clôturée, au motif que le projet est de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales, en méconnaissance de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme et de l’article A 11 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune. La société Free Mobile demande la suspension des effets de cette décision.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L.521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : ” Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision “.

En ce qui concerne la condition tenant à l’urgence :

3. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le demandeur, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

4. Il résulte de l’instruction qu’en vue de remplir ses obligations en matière de couverture du territoire par son réseau de transmission de données et de téléphonie mobile 3G et 4G, objectif fixé à 99,6% pour ce dernier et non atteint à ce jour, et afin de proposer un service de meilleure qualité à ses clients, et partant aux usagers des services de téléphonie, la société Free Mobile a déposé un dossier de déclaration préalable de travaux en vue d’installer une antenne relais de téléphonie sur le territoire de la commune de Richemont, en marge du centre urbanisé. Selon les affirmations de la société requérante, cette installation permettra de combler une partie d’une zone non couverte par son propre réseau 3G et 4G dans le secteur de la commune situé à proximité du terrain d’assiette. La commune de Richemont fait valoir, en produisant des cartes de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), ainsi que des cartes de couverture disponibles sur le site commercial de la société pétitionnaire, que la zone en question est déjà couverte par le réseau propre de la société Free Mobile. Toutefois, la société Free Mobile soutient que les éléments d’information de l’autorité de régulation précitée, tout comme les cartes disponibles sur son site commercial, sont moins précis que les cartes dont elle se prévaut dans le cadre du présent contentieux, qui font état d’une couverture quasiment inexistante en 3G et 4G dans le secteur du lieudit ” Berg “, site d’implantation de l’antenne relais. La société requérante affirme que le différentiel de couverture constaté entre les cartes s’explique par des motifs techniques, liés à la géographie proche et au nombre réel d’utilisateurs connectés sur le réseau, et relève en outre que les cartes diffusées par l’ARCEP sont indicatives et que les zones de couverture sont mentionnées de manière informatique, ce qui est confirmé par les précisions accompagnant ces cartes. Enfin, il est indéniable que l’implantation de l’antenne relais en litige participera à l’amélioration du maillage des équipements de la société Free Mobile, et partant, à l’amélioration en terme quantitatif et qualitatif de son objectif de couverture optimale du territoire. Ainsi, eu égard à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile, aux intérêts propres de la société Free Mobile qui a pris des engagements vis-à-vis de l’Etat quant à la couverture du territoire par son réseau et à la circonstance que le territoire de la commune de Richemont n’est que partiellement couvert de manière efficace par le réseau de téléphonie mobile de la société requérante, la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne la condition tenant à l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée :

5. En l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que la décision d’opposition à déclaration préalable est intervenue en méconnaissance de l’article A 11 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Richemont est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ce refus.

6. Toutefois, l’administration peut faire valoir devant le juge des référés que la décision dont il lui est demandé de suspendre l’exécution, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge des référés, après avoir mis à même l’auteur de la demande, dans des conditions adaptées à l’urgence qui caractérise la procédure de référé, de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher s’il ressort à l’évidence des données de l’affaire, en l’état de l’instruction, que ce motif est susceptible de fonder légalement la décision et que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif. Dans l’affirmative et à condition que la substitution demandée ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué, le juge des référés peut procéder à cette substitution pour apprécier s’il y a lieu d’ordonner la suspension qui lui est demandée.

7. En l’espèce, si la commune de Richemont entend présenter dans ses écritures une substitution de motif en faisant valoir que le projet est par ailleurs non conforme aux articles A1 et A2 du règlement du plan local d’urbanisme applicable, ce motif de refus est également de nature, en l’état du dossier soumis au juge des référés, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

8. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, en l’état du dossier soumis au juge des référés, les autres moyens soulevés ne sont pas susceptibles de fonder la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Free Mobile est fondée à demander la suspension de l’exécution de l’arrêté du 18 novembre 2022.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

10. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative: ” Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution / La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure “.

11. Eu égard aux dispositions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que les dispositions en vigueur à la date du refus en litige interdiraient que la demande puisse être accueillie pour un motif que l’administration n’a pas relevé ou que, par suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de la présente ordonnance y ferait obstacle, en l’absence de tout autre motif de nature à justifier une opposition à la déclaration préalable, la présente ordonnance implique nécessairement que le maire de Richemont délivre une décision de non opposition à la société Free Mobile pour les travaux litigieux. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au maire de Richemont de délivrer à la société Free Mobile une décision, qui aura un caractère provisoire, de non opposition aux travaux déclarés, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n’y a pas lieu d’assortir l’injonction d’une astreinte à ce stade.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Free Mobile, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Richemont demande au titre des frais liés au litige. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Richemont le versement de la somme de 1 500 euros à la société Free Mobile.

O R D O N N E :

Article 1 : L’exécution de l’arrêté du 18 novembre 2022 du maire de Richemont est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Richemont de délivrer à la société Free Mobile une décision de non opposition aux travaux déclarés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : La commune de Richemont versera à la société Free Mobile une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Richemont présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Free Mobile et à la commune de Richemont.

Fait à Strasbourg, le 3 avril 2023.

Le juge des référés,

V. A

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

 


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