Augmentation de Capital : Cour d’appel de Colmar, Chambre 1 A, 22 mars 2023, 21/01293

·

·

Augmentation de Capital : Cour d’appel de Colmar, Chambre 1 A, 22 mars 2023, 21/01293
Ce point juridique est utile ?

dont la caution invoque le bénéfice, que Mme [Y], qui

était propriétaire de 200 parts sur les 2 000 du capital social initial de la société, a vu sa participation ramenée, à la suite d’une augmentation de capital à 180 parts sur 150 000, ce qui, en prenant en compte le montant déclaré du patrimoine à hauteur de 1 500 000 euros, valoriserait sa participation à 1 800 euros.

Vu l’ensemble des éléments qui viennent d’être rappelés, le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de caution de Mme [Y] apparaît suffisamment démontré.

Par ailleurs, la banque n
* * *
MINUTE N° 151/23

Copie exécutoire à

– Me Laurence FRICK

– Me Anne CROVISIER

Le 22.03.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 22 Mars 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01293 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HQXH

Décision déférée à la Cour : 11 Février 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR – Chambre commerciale

APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me GOSCINIAK, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :

Madame [H] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me KOERING, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, un rapport de l’affaire ayant été présenté à l’audience.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’assignation, délivrée le 27 mai 2019, par laquelle la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) [Localité 3] Vosges, ci-après également dénommée ‘le Crédit Mutuel’ ou ‘la banque’, a fait citer Mme [H] [Y] devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d’application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Colmar,

Vu le jugement rendu le 11 février 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l’exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Colmar :

‘DECLARE que le cautionnement consenti par Madame [H] [Y] à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES en garantie du contrat de prêt n° 205719 03 n’est pas disproportionné à ses biens et revenus ;

DEBOUTE

Madame [H] [Y] de sa demande de décharge de ses obligations de caution ;

DEBOUTE Madame [H] [Y] de toutes ses demandes sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour défaut d’information annuelle de la caution ;

CONDAMNE Madame [H] [Y] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES la somme de 179 678,06 euros ;

PRONONCE la qualité de caution non avertie de Madame [H] [Y] ;

DECLARE que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES a manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de Madame [H] [Y], caution non avertie ;

CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à payer à Madame [H] [Y] la somme de 179 678,06 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

DEBOUTE Madame [H] [Y] de sa demande de condamnation de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à lui payer la somme de 15 401,191 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de son dommage matériel ;

DEBOUTE Madame [H] [Y] de sa demande de condamnation de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à lui payer la somme de 52 755,28 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de son dommage matériel ;

DEBOUTE Madame [H] [Y] de sa demande de condamnation de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

ORDONNE la compensation des créances réciproques, d’une part celle due par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à Madame [H] [Y] au titre des dommages et intérêts soit 179 678,06 euros, et d’autre part celle du même montant due par Madame [H] [Y] à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES au titre de caution ;

DIT n’y avoir lieu à intérêts sur les sommes compensées ;

CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à supporter les entiers dépens ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES ;

CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à payer à Madame [H] [Y] la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile’

Vu la déclaration d’appel formée par la CCM [Localité 3] Vosges contre ce jugement, et déposée le 1er mars 2021,

Vu la constitution d’intimée de Mme [H] [Y] en date du 30 mars 2021,

Vu les dernières conclusions en date du 16 mars 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles la CCM [Localité 3] Vosges demande à la cour de :

‘DECLARER l’appel recevable et bien fondé,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

– prononcé la qualité de caution non avertie de Madame [H] [Y] ;

– déclaré que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES a manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de Madame [H] [Y], caution non avertie ;

– condamné la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à payer à Madame [H] [Y] la somme de 179 678,06 € au titre des dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

– condamné Madame [H] [Y] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES la somme de seulement 179 678,06 €

– ordonné la compensation des créances réciproques ;

– dit n’y avoir lieu à intérêts sur les sommes compensées ;

– condamné la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à supporter les entiers dépens ;

– condamné la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES à payer à Madame [H] [Y] la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du CPC.

ET STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTER Madame [H] [Y] de l’intégralité de ses fins et conclusions,

CONDAMNER Madame [H] [Y] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES la somme de 173 470,71 € portant intérêts au taux conventionnel de 4,50 % et 0,5 % l’an au titre de l’assurance vie sur la somme de 161 841,39 € et au taux légal pour le surplus à compter du 28 mars 2019 au titre du prêt n° 205719 03,

CONDAMNER Madame [H] [Y] à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 3] VOSGES la somme de 5 000,00 € au titre de l’article 700 du CPC,

CONDAMNER Madame [H] [Y] aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel,

SUR L’APPEL INCIDENT

DECLARER l’appel incident de Madame [Y] mal fondé ;

REJETER l’appel

En conséquence,

DEBOUTER Madame [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions’

et ce, en invoquant, notamment :

– l’absence de disproportion manifeste de l’engagement de caution de Mme [Y],

– l’absence de manquement de la concluante à son devoir de mise en garde, en présence d’une caution avertie, et à défaut de risque d’endettement excessif, et Mme [Y] ne démontrant pas, en tout état de cause, qu’elle n’aurait pas souscrit l’engagement de caution contesté, le préjudice devant, le cas échéant, être évalué sur la base de la créance effective de la concluante,

– la satisfaction de la concluante à son obligation d’information annuelle de la caution,

– l’actualisation de sa créance compte tenu de versements reçus du liquidateur de la débitrice principale, dont l’un a été affecté au remboursement d’une partie du solde du prêt n°205719 03.

Vu les dernières conclusions en date du 11 avril 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles Mme [H] [Y] demande à la cour de :

‘Sur l’appel principal

DECLARER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ALSACE VOSGES mal-fondée en son appel.

L’EN DEBOUTER, ainsi que de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

En conséquence :

CONFIRMER, sous réserve de l’appel incident, le jugement entrepris.

CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ALSACE VOSGES à verser à Melle [H] [Y] une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

LA CONDAMNER aux entiers frais et dépens, en ce compris l’intégralité des frais et dépens des mesures conservatoires.

Sur l’appel incident

Vu l’article 64 du CPC

Vu les articles 1231-1, 1240 et 2103 du Code civil

Vu l’article L. 332-1 du Code de la consommation

Vu l’article L. 313-22 du Code Monétaire et Financier

DECLARER Melle [H] [Y] recevable en son appel incident.

L’Y DIRE bien-fondée.

En conséquence :

INFIRMER le jugement entreprise en ce qu’il a :

déclaré que le cautionnement consenti par Melle [Y] n’est pas disproportionné à ses biens et revenus,

débouté Melle [Y] de sa demande de décharge de ses obligations de caution,

condamné Melle [Y] à payer à la CCM ALSACE VOSGES la somme de 179.678,06 €,

débouté Melle [Y] de sa demande de condamnation de la CCM ALSACE VOSGES à lui payer la somme de 52.755,28 € au titre de dommages et intérêts en réparation de son dommage,

débouté Melle [Y] de sa demande de condamnation de la CCM ALSACE VOSGES à lui payer la somme de 15.000 € au titre de dommages et intérêts en réparation de son dommage moral,

débouté Melle [H] [Y] de sa demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Statuant à nouveau de ces chefs :

DIRE ET JUGER que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ALSACE VOSGES n’est pas en droit de se prévaloir du cautionnement solidaire donné par Melle [H] [Y] compte tenu de la disproportion manifeste l’entachant.

ORDONNER la décharge de Melle [Y] de ses obligations de caution.

DEBOUTER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ALSACE VOSGES de l’intégralité de ses demandes.

CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ALSACE VOSGES à verser à Melle [H] [Y] une somme de principalement 52.755,28 €, subsidiairement 29.511,95 €, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, augmentée des intérêts au taux légal courant à compter de la date des présentes conclusions, subsidiairement de l’arrêt à intervenir.

CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ALSACE VOSGES à verser à Melle [H] [Y] une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, augmentée des intérêts au taux légal courant à compter de la date des présentes conclusions, subsidiairement de l’arrêt à intervenir.

ORDONNER la déchéance du droit aux intérêts conventionnels majorés et non majorés courus depuis le 5 mai 2017.

CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ALSACE VOSGES aux dépens et frais nés de l’appel incident’

et ce, en invoquant, notamment :

– sa qualité de caution non avertie, telle que retenue par le jugement entrepris, et la réfutation de l’argumentation adverse sur ce point,

– un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, ainsi que l’a conclu le premier juge, compte tenu du risque d’endettement excessif au regard de l’inéluctable échec de la franchise Experimax et des capacités financières de la concluante,

– un préjudice financier résultant de ce manquement, et évalué sur la base de la perte de chance d’avoir pris une autre décision, le quantum retenu par les magistrats de première instance revenant à ne réparer que 75 % du préjudice matériel subi par la concluante,

– sur appel incident, la disproportion manifeste de son engagement de caution, y compris par rapport à son patrimoine, disproportion persistante à ce jour,

– l’infirmation du chef du jugement l’ayant déboutée de ses demandes indemnitaires, compte tenu de la légèreté et de la négligence coupables de la banque dans le traitement de la demande de financement formée par la concluante, lui ayant occasionné un dommage matériel certain, à tout le moins au titre de la somme complémentaire de 52 755,28 euros déboursée du seul fait du manquement bancaire, la concluante ne s’étant substituée à la SASU [Y] que contrainte et forcée par la banque qui lui a fait croire, pendant des mois, qu’un accord pourrait être recherché si et seulement les mensualités de remboursement étaient ponctuellement réglées, outre un dommage moral lié à la poursuite du projet puis à la vaine promesse d’une solution amiable par la banque,

– l’infirmation du jugement concernant l’information annuelle de la caution.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 18 mai 2022,

Vu les débats à l’audience du 13 juin 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la disproportion manifeste de l’engagement de caution de Mme [Y] :

Aux termes de l’article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, en leur version applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

À ce titre, il convient, tout d’abord, de préciser que le caractère manifestement disproportionné de l’engagement souscrit par la caution, au sens de ces dispositions, s’apprécie au regard du montant de cet engagement et non de celui du prêt garanti ou de ses échéances.

Par ailleurs, en application des dispositions précitées, c’est à la caution de justifier qu’au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Lorsqu’à l’occasion de la souscription de son engagement, la caution a déclaré au créancier des éléments sur sa situation personnelle, le créancier peut, en l’absence d’anomalie apparente, s’y fier et n’a pas à vérifier l’exactitude de ces déclarations.

Dans ce cas, la caution ne sera alors pas admise à établir, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle avait déclarée à la banque.

En revanche, en présence d’anomalie apparente, ou lorsque la caution n’a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement. Elle peut aussi opposer à la banque les éléments non déclarés dont celle-ci avait connaissance.

De son côté, la banque peut invoquer des éléments de la situation de la caution qu’elle n’aurait pas déclarés.

Au cas où la disproportion manifeste de l’engagement au jour de sa conclusion serait retenue, c’est à la banque qu’il appartient d’établir qu’au jour où elle a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

En l’espèce, il convient de rappeler que Mme [Y] s’est engagée, par acte en date du 19 avril 2017, en qualité de caution solidaire, dans la limite de 246 000 euros et pour une durée de 108 mois, de la SAS [Y] Développement au titre d’un prêt professionnel d’un montant en capital de 205 000 euros, remboursable en 81 échéances, moyennant un taux d’intérêt de 1,5 %.

Or, il ressort de la fiche patrimoniale établie en date du 30 janvier 2017 par Mme [Y], que cette dernière, célibataire et sans enfant à charge, perçoit un revenu mensuel de 1 163 euros, tout en déclarant un total de charges de 1 045 euros, incluant notamment son loyer et ses charges courantes.

Concernant son patrimoine financier et immobilier, elle renvoie à une annexe, s’agissant d’une synthèse ‘Cyberplus – Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne’ détaillant des actifs valorisés au total à un montant de 141 147,13 euros en date du 30 janvier 2017, et incluant, notamment, des livrets, compte titre, plan épargne logement, parts sociales ordinaires.

Dans la fiche patrimoniale elle-même, il est également indiqué que Mme [Y] est associée, parmi 4 personnes, d’une société civile immobilière (SCI) Soleil Levant, ayant pour activité la location de terrains et d’appartements, et propriétaire de 7 appartements et 2 maisons, avec la précision ‘construit en 2005″ [sic], et une valorisation, selon la fiche, du capital à 1,5 million d’euros.

Cela étant, ces renseignements ne permettent pas de déterminer la réalité de la participation de Mme [Y] au sein de la SCI, et partant, la quotité du patrimoine détenue par la caution, l’indication du nombre d’associés étant insuffisante à cet égard, ce qui constitue une anomalie apparente qui aurait dû attirer l’attention de la banque, d’autant qu’il ressort du procès-verbal d’assemblée générale de la SCI en date du 28 janvier 2016, d’ailleurs produit par la banque, mais dont la caution invoque le bénéfice, que Mme [Y], qui

était propriétaire de 200 parts sur les 2 000 du capital social initial de la société, a vu sa participation ramenée, à la suite d’une augmentation de capital à 180 parts sur 150 000, ce qui, en prenant en compte le montant déclaré du patrimoine à hauteur de 1 500 000 euros, valoriserait sa participation à 1 800 euros.

Vu l’ensemble des éléments qui viennent d’être rappelés, le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de caution de Mme [Y] apparaît suffisamment démontré.

Par ailleurs, la banque ne démontre pas, qu’au jour où elle a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation, Mme [Y] justifiant même, au contraire, de la perception de revenus annuels de 6 433 euros au titre de l’année 2018, et un portefeuille d’épargne valorisé à 87 480,70 euros, soit des montants inférieurs à ceux perçus ou détenus au moment de son engagement.

En conséquence, et en infirmation de la décision entreprise, la banque ne peut se prévaloir de l’engagement de caution du 19 avril 2017, et sa demande en paiement sera rejetée, sans qu’il n’y ait lieu à statuer sur la demande subsidiaire de la caution au titre du devoir de mise en garde, à tout le moins en ce qu’elle tend à obtenir restitution de la somme réclamée par la banque et à la compensation des créances, ni sur celle tendant à la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.

Sur la demande en dommages-intérêts complémentaire :

S’agissant du dommage matériel ‘complémentaire’ invoqué par Mme [Y], ainsi que du préjudice moral qu’elle invoque, la cour n’aperçoit pas, au vu des éléments qui lui sont soumis à hauteur d’appel, et en particulier des échanges de correspondance électronique entre la banque et sa cliente, déjà, à tout moins pour l’essentiel, produits devant le juge de première instance, de motif de s’écarter de l’appréciation pertinente faite par ce dernier et qui doit, en conséquence, être approuvée, aucun manquement de la banque, qui n’était tenue d’aucun aménagement de sa créance vis-à-vis de la débitrice principale, ni aucun préjudice n’étant, à cet égard, suffisamment caractérisé, alors que Mme [Y] se voit déchargée de son engagement de caution.

Le jugement entrepris sera donc confirmé à cet égard.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La CCM [Localité 3] Vosges, succombant pour l’essentiel, sera tenue des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L’équité commande en outre de mettre à la charge de la banque une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 500 euros au profit de Mme [Y], tout en disant n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 11 février 2021 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar, en ce qu’il a :

– déclaré que le cautionnement consenti par Mme [H] [Y] à la CCM [Localité 3] Vosges en garantie du contrat de prêt n° 205719 03 n’était pas disproportionné à ses biens et revenus,

– débouté Mme [H] [Y] de sa demande de décharge de ses obligations de caution,

– débouté Mme [H] [Y] de toutes ses demandes sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour défaut d’information annuelle de la caution,

– condamné Mme [H] [Y] à payer à la CCM [Localité 3] Vosges la somme de 179 678,06 euros,

– prononcé la qualité de caution non avertie de Mme [H] [Y],

– déclaré que la CCM [Localité 3] Vosges avait manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de Mme [H] [Y], caution non avertie,

– condamné la CCM [Localité 3] Vosges à payer à Mme [H] [Y] la somme de 179 678,06 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

– ordonné la compensation des créances réciproques, d’une part celle due par la CCM [Localité 3] Vosges à Mme [H] [Y] au titre des dommages et intérêts soit 179 678,06 euros, et d’autre part celle du même montant due par Mme [H] [Y] à la banque au titre de caution,

– dit n’y avoir lieu à intérêts sur les sommes compensées,

Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés, et y ajoutant,

Dit que l’engagement de caution de Mme [H] [Y] est manifestement disproportionné à ses revenus et à son patrimoine, et lui est, par conséquent, inopposable,

Déboute, en conséquence, la CCM [Localité 3] Vosges de sa demande en paiement à l’encontre de Mme [H] [Y],

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Condamne la CCM [Localité 3] Vosges aux dépens de l’appel,

Condamne la CCM [Localité 3] Vosges à payer à Mme [H] [Y] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la CCM [Localité 3] Vosges.

La Greffière : la Présidente :


Chat Icon