Gestion collective : Cour de cassation, 8 mars 2023, Pourvoi n° 21-24.070

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Gestion collective : Cour de cassation, 8 mars 2023, Pourvoi n° 21-24.070
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CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 mars 2023

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 159 FS-D

Pourvoi n° X 21-24.070

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 MARS 2023

La Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-24.070 contre l’arrêt rendu le 10 septembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société NRJ Group, société anonyme,

2°/ à la société E-NRJ, société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Les sociétés NRJ Group et E-NRJ ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la Société civile des producteurs phonographiques, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés NRJ Group et E-NRJ, et l’avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l’audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2021), la Société civile des producteurs phonographiques (la SCPP), organisme de gestion collective, représente plus de trois mille producteurs de phonogrammes dont elle défend les intérêts et gère les catalogues phonographiques. A ce titre, elle autorise, pour le compte de ses adhérents, la reproduction, la mise à la disposition du public et la communication à celui-ci des phonogrammes du commerce et collecte les droits à rémunération prévus en contrepartie de ces exploitations par les dispositions de l’article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle.

2. La société E-NRJ, filiale de la société NRJ Group, a pour activité la diffusion de programmes radiophoniques en ligne, accessibles sur les sites « www.nrj.fr », « www.cheriefm.fr », « www.nostalgie.fr » et communément désignés sous le terme de webradios. Ces webradios, diffusées exclusivement sur le réseau internet, ne sont pas interactives avec le public, celui-ci n’intervenant pas dans le choix des phonogrammes programmés, et ne sont pas dédiées à un artiste-interprète ou à un compositeur ou à un album.

3. Le 6 septembre 2010, a été conclu un contrat général d’intérêt commun, régulièrement renouvelé, régissant les conditions, notamment financières, de l’utilisation par la société E-NRJ, sur ses webradios, des phonogrammes relevant du répertoire de la SCPP. Le dernier contrat général d’intérêt commun a été conclu le 27 février 2014, couvrant la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

4. Le 15 janvier 2015, la SCPP a adressé à la société NRJ Group une proposition de renouvellement de contrat pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, restée sans réponse en dépit d’un courrier de relance du 22 juillet 2015. Les sociétés NRJ Group et E-NRJ ont cependant réglé, pour la période du 1er janvier 2015 au 7 juillet 2016, le montant des redevances, tel que fixé au contrat du 27 février 2014.

5. La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, publiée au Journal officiel le 8 juillet 2016, a, en son article 13, complétant l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle par un 3°, étendu aux services de radiodiffusion en ligne non interactifs et non dédiés le champ d’application de la licence légale, jusque-là instituée au seul bénéfice des services de radiodiffusion par voie hertzienne terrestre et ainsi dispensé les éditeurs de webradios non interactives et non dédiées d’avoir à solliciter l’autorisation préalable des sociétés de gestion collective de producteurs de phonogrammes pour la diffusion des phonogrammes du commerce relevant de leur répertoire, cette diffusion étant désormais soumise à la licence légale et à la rémunération équitable.

6. Par lettre du 19 décembre 2016, la SCPP a proposé à la société NRJ Group de renouveler le contrat général d’intérêt commun pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, en soutenant que la licence légale ne pouvait être applicable aux webradios tant que le barème de la rémunération équitable n’était pas fixé, soit par un accord collectif prévu à l’article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle, soit par la commission prévue à l’article L. 214-4 de ce code.

7. La société NRJ Group s’y est opposée, aux motifs que le contrat était devenu sans objet à la suite de l’extension du régime de la licence légale aux services de webradios et de l’application immédiate de l’article 13 de la loi du 7 juillet 2016 et que, dans l’attente de l’établissement du barème de rémunération équitable applicable aux webradios, les sommes afférentes à cette rémunération seraient provisionnées, puis versées rétroactivement à la Société pour la perception de la rémunération équitable sur la base du barème établi.

8. Le 31 mars 2017, la SCPP a assigné les sociétés NRJ Group et E-NRJ, en contrefaçon des droits voisins des producteurs de phonogrammes sanctionnés par l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, au titre de la poursuite de la diffusion sur ses webradios, sans autorisation et sans paiement d’une quelconque rémunération, des phonogrammes de son répertoire, et de la violation des dispositions de l’article L. 213-1 du même code.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. La SCPP fait grief à l’arrêt de dire que l’article 13 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, instituant l’article L. 214-1, 3°, du code de la propriété intellectuelle, est entré en vigueur le 9 juillet 2016 et, en conséquence, de rejeter son action en contrefaçon, alors « que l’entrée en vigueur des dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ; que l’entrée en vigueur de la licence légale prévue au 3° de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’article 13 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, est subordonnée à celle de l’accord collectif prévu à l’article L. 214-3 du même code ou, à défaut, de la décision de la commission prévue à l’article L. 241-4, instituant le barème et les modalités de versement de la rémunération équitable ; qu’en décidant que la disposition était entrée en vigueur le lendemain de sa publication, nonobstant l’absence d’accord collectif et de décision de la commission dédiée, à charge pour le juge judiciaire, en l’absence de règlement amiable, de fixer les indemnités compensatrices au bénéfice des titulaires de droits, la cour d’appel a violé l’article 1er du code civil, les articles L. 214-1 3°, L. 214-3 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de l’article 8 § 2 de la directive 2006/115 du 12 décembre 2006, le principe de séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

10. Après avoir constaté que la loi du 7 juillet 2016 ne prévoyait pas de dispositions transitoires pour l’application de son article 13 et n’en subordonnait pas l’entrée en vigueur à la publication d’un décret d’application, la cour d’appel a retenu, à bon droit, s’agissant de dispositions claires et précises en ce qu’elles étendaient aux webradios non interactives et non dédiées l’exception de licence légale, que le droit à rémunération équitable, contrepartie de la licence légale, trouvait à s’appliquer au bénéfice des titulaires de droits, quand bien même le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération n’auraient pas encore été établis par les accords conventionnels prévus à l’article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle ou arrêtés par la commission visée à l’article L. 214-4 du même code, et qu’en conséquence l’article 13 de la loi du 7 juillet 2016 était entré en vigueur, par application des dispositions de l’article 1er du code civil, le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, soit le 9 juillet 2016.

11. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS

, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n’est qu’éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

Condamne la Société civile des producteurs phonographiques aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Civile des producteurs phonographiques, demanderesse au pourvoi principal.

La SCPP reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit que l’article 13 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, instituant l’article L. 214-1 3° du code de la propriété intellectuelle, était entré en vigueur le 9 juillet 2016 et de l’avoir en conséquence déboutée de son action en contrefaçon,

ALORS QUE l’entrée en vigueur des dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ; que l’entrée en vigueur de la licence légale prévue au 3° de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’article 13 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, est subordonnée à celle de l’accord collectif prévu à l’article L. 214-3 du même code ou, à défaut, de la décision de la commission prévue à l’article L. 241-4, instituant le barème et les modalités de versement de la rémunération équitable ; qu’en décidant que la disposition était entrée en vigueur le lendemain de sa publication, nonobstant l’absence d’accord collectif et de décision de la commission dédiée, à charge pour le juge judiciaire, en l’absence de règlement amiable, de fixer les indemnités compensatrices au bénéfice des titulaires de droits, la cour d’appel a violé l’article 1 er du code civil, les articles L. 214-1 3°, L. 214-3 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de l’article 8 § 2 de la directive 2006/115 du 12 décembre 2006, le principe de séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790.


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