Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 21-11.271, Inédit

·

·

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 21-11.271, Inédit
Ce point juridique est utile ?

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation partielle sans renvoi

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 817 F-D

Pourvoi n° K 21-11.271

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

Mme [I] [S], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-11.271 contre l’arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d’appel d’Orléans (chambre sociale A, section 1), dans le litige l’opposant à l’association Foyer de Cluny, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

L’association Foyer de Cluny a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de Me Brouchot, avocat de Mme [S], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de l’association Foyer de Cluny, après débats en l’audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Orléans, 17 novembre 2020), Mme [S], épouse [H], a été engagée le 15 novembre 1977 par l’association Foyer de Cluny (l’association) en qualité de monitrice de foyer.

2. Elle a été licenciée le 28 mai 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

3. Le 27 janvier 2015, elle a saisi la juridiction prud’homale.

Examen des moyens

Sur les cinq moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

5. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis, alors « que l’indemnité prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l’employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d’un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-5 du code du travail, n’a pas la nature d’une indemnité de préavis et n’ouvre en conséquence pas droit à congés payés ; qu’en condamnant l’employeur au paiement de la somme de 463,15 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité équivalente au préavis, quand cette somme n’était pas due, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1226-14 du code du travail :

6. Selon ce texte, l’indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis n’a pas la nature d’une indemnité de préavis et n’ouvre pas droit à congés payés.

7. La cour d’appel a alloué à la salariée une somme correspondant à l’indemnité compensatrice prévue à l’article L. 1226-14 du code du travail et une somme au titre des congés payés afférents.

8. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. L’indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis n’ouvrant pas droit à congés payés, la demande formée au titre des congés payés afférents à cette indemnité sera rejetée.

12. La cassation du chef du dispositif condamnant l’employeur à verser à la salariée une somme n’emporte pas cassation des chefs du dispositif de l’arrêt condamnant l’employeur aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés par d’autres condamnations prononcées à l’encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS , la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne l’association Foyer de Cluny à payer à Mme [H] la somme de 463,15 euros brut au titre des congés payés, l’arrêt rendu le 17 novembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

DÉBOUTE Mme [H] de sa demande au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice prévue à l’article L. 1226-14 du code du travail ;

Condamne Mme [H] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour Mme [S] épouse [H], demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR statué au vu des dernières conclusions de Mme [H] remises au greffe le 25 août 2020 ;

ALORS QUE la cour d’appel ne peut statuer que sur les dernières écritures des parties ; qu’en l’espèce, Mme [H] a remis au greffe des conclusions le 29 septembre 2020, notifiées à cette même date à l’association Foyer de Cluny ; que dès lors, la cour d’appel, qui s’est prononcée au visa de conclusions déposées par Mme [H] le 25 août 2020, alors que celle-ci avait déposé ses dernières conclusions le 29 septembre 2020, a violé les articles 4, 5, 455 et 954 du code de procédure civile.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Mme [H] fait grief à l’arrêt attaqué de l’AVOIR déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

1) ALORS QUE, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ; que dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’en l’espèce, après avoir retenu que, pris dans leur ensemble, les éléments de fait établis par Mme [H] permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel a néanmoins débouté la salariée aux motifs que les éléments établis par elle étaient insuffisants à établir l’existence d’un harcèlement moral ; qu’en statuant ainsi, en faisant reposer sur la seule salariée la charge de la preuve du harcèlement moral, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail ;

2) ET ALORS QUE, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ; que dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’en l’espèce, après avoir retenu que, pris dans leur ensemble, les éléments de fait établis par Mme [H] laissaient présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel a considéré que le prononcé de deux sanctions disciplinaires ne permettait pas d’établir en soi l’existence d’un harcèlement moral et que le médecin ignorait tout de la situation de travail et des conditions de travail objectives de la salariée et que l’association Foyer de Cluny rapporte par conséquent la preuve que les faits établis laissant présumer une situation de harcèlement moral sont objectivement justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que l’employeur établissait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en violation des dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Mme [H] fait grief à l’arrêt attaqué, sur ce point infirmatif, de l’AVOIR déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

ALORS QUE l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l’effectivité ; qu’il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu’en l’espèce, pour débouter Mme [H] de sa demande, la cour d’appel a jugé que l’employeur avait pris les mesures de protection adéquates en mettant en place un « “comité de bienveillance”? destiné à mener une réflexion sur l’accompagnement des pensionnaires et la prévention de la maltraitance » ; qu’en statuant de la sorte, sur la base de la seule existence d’un comité destiné à prévenir la maltraitance des résidents, par des motifs impropres à justifier que l’employeur a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, violant ainsi les dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION

Mme [H] fait grief à l’arrêt attaqué, sur ce point infirmatif, d’AVOIR limité à 13.395,27 euros le montant du solde d’indemnité spéciale de licenciement que l’association Foyer de Cluny a été condamnée à lui verser ;

1) ALORS QUE le salarié licencié pour inaptitude d’origine professionnelle a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité légale ; que l’indemnité légale de licenciement est égale, conformément aux dispositions alors applicables, à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté auquel s’ajoute deux quinzièmes de mois de salaire par année d’ancienneté au-delà de dix ans ; que l’indemnité spéciale de licenciement est égale au double de ce montant ; qu’après avoir précisé que le salaire mensuel de référence de Mme [H] s’élevait à 2.315,75 euros et qu’elle avait été embauchée le 15 novembre 1977, ce dont il se déduit qu’elle bénéficiait d’une ancienneté de 35 ans et 6 mois au jour de son licenciement le 28 mai 2013, la cour d’appel rappelle que l’employeur n’a versé que la somme de 13.395,27 euros à titre d’indemnité de licenciement ; qu’en limitant à 13.395,27 euros le montant du rappel d’indemnité spéciale de licenciement alloué à Mme [H], alors que le montant global de l’indemnité spéciale de licenciement due à la salariée, selon les faits constatés par l’arrêt, s’élève à 48 630,75, la cour d’appel a violé les articles L. 1226-14 et R. 1234-2 du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause ;

2) ET ALORS QUE, subsidiairement, le salarié licencié pour inaptitude d’origine professionnelle a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité légale ; que l’indemnité légale de licenciement est égale, conformément aux dispositions alors applicables, à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté auquel s’ajoute deux quinzièmes de mois de salaire par année d’ancienneté au-delà de dix ans ; que l’indemnité spéciale de licenciement est égale au double de ce montant ; qu’en limitant à 13.395,27 euros le montant du rappel d’indemnité spéciale de licenciement alloué à Mme [H] sans s’expliquer sur l’ancienneté dont bénéficiait la salariée, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en violation des dispositions des articles L. 1226-14 et R. 1234-2 du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause.

CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION

Mme [H] fait grief à l’arrêt attaqué de l’AVOIR déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul et de sa demande subsidiaire de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1) ALORS QUE la cassation à intervenir sur l’un quelconque des premier, deuxième ou troisième moyens du pourvoi, entraînera l’annulation par voie de conséquence des dispositions relatives à la nullité et à la cause réelle et sérieuse du licenciement en application des dispositions de l’article 624 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le salarié déclaré inapte ne peut être licencié que si l’employeur justifie de l’impossibilité de procéder à son reclassement ; qu’il appartient à l’employeur qui prétend s’être trouvé dans l’impossibilité d’effectuer un tel reclassement de rapporter la preuve qu’il a procédé à une recherche sérieuse, loyale, complète et personnalisée ; qu’en l’espèce, après avoir constaté que l’employeur avait identifié quatre postes de reclassement, dont deux nécessitaient selon le médecin du travail une étude d’ergonomie, la cour d’appel relève que seuls deux postes ont été proposés à Mme [H] à titre de reclassement sans que l’étude d’ergonomie jugée nécessaire par le médecin du travail n’ait été préalablement réalisée ; qu’il résulte ainsi des constatations de la cour d’appel que l’employeur n’avait pas rempli son obligation de reclassement ; qu’en jugeant que l’employeur avait effectué des recherches loyales et sérieuses de reclassement et avait ainsi rempli son obligation de reclassement, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail dans leur rédaction alors applicable ;

3) ALORS QUE, subsidiairement, le salarié déclaré inapte ne peut être licencié que si l’employeur justifie de l’impossibilité de procéder à son reclassement ; qu’en cas de refus par le salarié d’une proposition de reclassement, il incombe à l’employeur de reprendre sa recherche de reclassement, le salarié ne pouvant alors être licencié pour inaptitude que si l’employeur justifie qu’il n’existe dans l’entreprise aucun autre emploi pouvant lui être proposé ; qu’en jugeant que l’employeur avait rempli son obligation de reclassement après avoir proposé deux postes à Mme [H] qui n’y avait pas donné suite, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les deux postes proposés étaient les seuls postes disponibles au sein de l’entreprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, violant ainsi les dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail dans leur rédaction alors applicable ;

4) ET ALORS QUE le juge doit motiver sa décision ; qu’en l’espèce, Mme [H] faisait valoir dans ses dernières conclusions d’appel que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait que son inaptitude d’origine professionnelle était consécutive à l’inobservation par l’employeur de son obligation de sécurité et de prévention des risques ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de Mme [H], la cour d’appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour l’association Foyer de Cluny, demanderesse au pourvoi incident

L’Association fait grief à l’arrêt attaqué de l’AVOIR condamnée à payer à Mme [H] la somme de 463,15 euros brut au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis.

ALORS QUE l’indemnité prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l’employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d’un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-5 du code du travail, n’a pas la nature d’une indemnité de préavis et n’ouvre en conséquence pas droit à congés payés ; qu’en condamnant l’employeur au paiement de la somme de 463,15 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité équivalente au préavis, quand cette somme n’était pas due, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-14 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00817


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x