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SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2023
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 20 F-D
Pourvoi n° W 21-21.332
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [K].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023
Mme [G] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-21.332 contre l’arrêt rendu le 25 novembre 2020 par la cour d’appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Solene H, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [K], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Solene H, après débats en l’audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 25 novembre 2020), Mme [K] a été engagée, à compter du 21 janvier 2004, par la société Optique des Carmes, aux droits de laquelle vient la société Solene H, en qualité de vendeuse en optique lunetterie.
2. Licenciée pour motif économique par lettre du 27 mai 2014, elle a saisi la juridiction prud’homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la contestation de son licenciement, alors « que la recherche des possibilités de reclassement doit être effectuée parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu’en l’espèce, la salariée reprochait à l’employeur de ne pas avoir procédé à une recherche de reclassement au sein des différents magasins de l’enseigne Atol, dont elle soutenait qu’ils constituaient un groupe de reclassement ; qu’en appréciant, par motifs propres, le respect par l’employeur de son obligation de reclassement au niveau de l’entreprise, sans à aucun moment préciser si l’ensemble des magasins exerçant sous l’enseigne Atol constituait ou non un groupe au sein duquel le reclassement de la salariée devait être envisagé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur du 20 mai 2010 au 8 août 2015 :
4. Selon ce texte, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Cette recherche de possibilités de reclassement doit être réalisée par l’employeur, si la société fait partie d’un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
5. Pour dire le licenciement fondé et débouter la salariée de ses demandes à ce titre, l’arrêt retient qu’il résulte des documents produits et des débats que la société Solene H ne fait pas partie d’un groupe, qu’elle comporte deux établissements, l’un à [Localité 4], l’autre à [Localité 2], la société civile financière Solene Fin ayant pour objet la gestion des titres et n’employant pas de salarié.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, si les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation des sociétés exerçant sous l’enseigne Atol ne leur permettaient pas d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 novembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes ;
Condamne la société Solene H aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Solene H et la condamne à payer à la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour Mme [K]
Mme [K] fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en qu’il l’a déboutée de ses demandes tendant à la contestation de son licenciement,
1°) ALORS QUE l’article 15 de la convention collective de l’optique et de la lunetterie impose à l’employeur qui envisage de prononcer un licenciement pour motif économique d’« étudier avant de prendre sa décision les possibilités de réduction du temps de travail, contrat de solidarité, contrat à temps partiel ou toute autre possibilité afin que le salarié puisse conserver son emploi » ; qu’en l’espèce, la salariée employée à temps partiel depuis son embauche faisait valoir que l’employeur n’avait pas respecté cette disposition conventionnelle et lui reprochait notamment de ne pas lui avoir proposé une réduction de son temps de travail (conclusions d’appel de l’exposante p. 4) ; qu’il était constant que la durée minimale de travail d’au moins 24 heures hebdomadaires imposée par l’article L. 3123-14-1 du code du travail pour les contrats conclus depuis le 1er juillet 2014, entrait en vigueur au 1er janvier 2016 pour les contrats de travail à temps partiel en cours au 1er janvier 2014 (conclusions d’appel adverses p. 5) ; qu’en se bornant à affirmer, par motifs propres, qu’en raison de l’absence de poste disponible dans les deux magasins de Sérignan et de Béziers et du fait que la salariée était déjà à temps partiel à raison de 23h30 par semaine, un aménagement du contrat de travail, notamment de la durée du travail, était impossible, et par motifs adoptés que si le dispositif transitoire de la loi du 14 juin 2013 relatif à l’article L. 3123-14-1 du code du travail permettait encore juridiquement d’envisager une réduction du seuil de 24 heures hebdomadaires, aucune embauche de vendeur n’était intervenue de sorte qu’il n’était pas démontré qu’était possible un aménagement ou une transformation d’emploi sur un poste vacant même réduit, sans à aucun moment faire ressortir en quoi une réduction du temps de travail sur le poste de la salariée était effectivement impossible, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 15 de la convention collective de l’optique et de la lunetterie ;
2°) ALORS QU’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve du respect des dispositions conventionnelles renforçant son obligation de reclassement ; qu’en l’espèce, il était constant que l’article 15 de la convention collective de l’optique et de la lunetterie imposant à l’employeur qui envisage de prononcer un licenciement pour motif économique d’« étudier avant de prendre sa décision les possibilités de réduction du temps de travail, contrat de solidarité, contrat à temps partiel ou toute autre possibilité afin que le salarié puisse conserver son emploi » s’appliquait ; qu’en affirmant, par motifs adoptés, que si le dispositif transitoire de la loi du 14 juin 2013 relatif à l’article L. 3123-14-1 du code du travail permettait encore juridiquement d’envisager une réduction du seuil de 24 heures hebdomadaires, aucune embauche de vendeur n’était intervenue de sorte qu’il n’était pas démontré qu’était possible un aménagement ou une transformation d’emploi sur un poste vacant même réduit, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé l’article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble l’article 15 de la convention collective de l’optique et de la lunetterie et l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ;
3°) ALORS QUE la recherche des possibilités de reclassement doit être effectuée parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu’en l’espèce, la salariée reprochait à l’employeur de ne pas avoir procédé à une recherche de reclassement au sein des différents magasins de l’enseigne Atol (conclusions d’appel de l’exposante p. 7 à 9 ; productions n° 5 et 6), dont elle soutenait qu’ils constituaient un groupe de reclassement ; qu’en appréciant, par motifs propres, le respect par l’employeur de son obligation de reclassement au niveau de l’entreprise, sans à aucun moment préciser si l’ensemble des magasins exerçant sous l’enseigne Atol constituait ou non un groupe au sein duquel le reclassement de la salariée devait être envisagé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ;
4°) ALORS QUE la recherche des possibilités de reclassement doit être effectuée parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu’en l’espèce, la salariée reprochait à l’employeur de ne pas avoir procédé à une recherche de reclassement au sein des différents magasins de l’enseigne Atol (conclusions d’appel de l’exposante p. 7 à 9 ; productions n° 5 et 6), dont elle soutenait qu’ils constituaient un groupe de reclassement ; qu’en se bornant à affirmer, par motifs adoptés, que la société Solene H ne fait pas partie d’un groupe au sein duquel la cause économique devait être appréciée, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, impropre à caractériser l’absence de groupe de reclassement, et partant a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ;
5°) ALORS QUE la recherche des possibilités de reclassement doit être effectuée parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu’en l’espèce, la salariée reprochait à l’employeur de ne pas avoir procédé à une recherche de reclassement au sein des différents magasins de l’enseigne Atol (conclusions d’appel de l’exposante p. 7 à 9 ; productions n° 5 et 6), dont elle soutenait qu’ils constituaient un groupe de reclassement ; qu’en affirmant que l’employeur justifie, par la production des registres du personnel de la société, qu’aucun poste de reclassement en qualité de vendeur n’était disponible à la date où le licenciement a été envisagé et la procédure engagée, pas davantage qu’un autre poste qui aurait permis une permutabilité, sans faire ressortir en quoi la permutation de tout ou partie du personnel des sociétés exerçant sous l’enseigne Atol était impossible, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010.