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Le principe de la liberté contractuelle permet à tout moment la rupture unilatérale des pourparlers à la condition que cette rupture se fasse sans abus.
La responsabilité recherchée ici sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil suppose donc un abus dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers, caractérisé soit par la mauvaise foi de l’auteur de la rupture, soit par son absence de motif légitime.
En l’espèce, les pièces produites établissent que des vendeurs d’objets de collection, bien que n’étant pas à l’initiative de la démarche initiale auprès d’un commissaire-priseur, avaient pris la décision de vendre aux enchères les véhicules motos de la succession de leur père.
Il est constant qu’avant cette date, les parties s’étaient rencontrées dans le cadre d’une séance photo des véhicules et qu’au cours de cette réunion, a été remis aux vendeurs par la société Armor Enchères un contrat type indiquant les modalités financières de la vente.
La seule remise de ce contrat-type, ne traduit pas cependant, quand bien même vendeurs apparaissent avoir consenti au principe d’une vente, l’absence de toute discussion postérieure quant aux modalités de la vente.
Les incompréhensions persistantes des vendeurs sur ces modalités sont révélées encore par les échanges qu’ils ont eu avec l’expert, dont le premier juge a pertinemment relevé qu’il a mis les parties en relation, et ce, notamment quant à des frais d’expertise qui pourraient lui être dus. Ainsi, dans un message à l’expert, les vendeurs indiquent que le dernier contrat transmis ne correspond pas à ce qui avait été dit au départ.
La société Armor Enchères ne peut prétendre n’être pas concernée par ces échanges, puisqu’elle seule devait une information complète et précise aux vendeurs sur l’ensemble des sommes susceptibles d’être imputées sur les prix d’adjudication.
Les interrogations des vendeurs quant aux modalités précises de la vente et à l’absence de clarté sur ce point ressort encore d’autres messages.
Au regard des nombreux échanges, force est de constater qu’il n’existait pas à cette date d’accord sur des conditions claires et précises de la vente, de sorte qu’il ne peut être affirmé que les vendeurs ont rompu brutalement sans motif légitime une négociation avancée, ce qui seul caractériserait un abus du droit de rompre les pourparlers pré-contractuels et ce peu important le fait que cette rupture interviennent onze jours avant la vente.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE RENNES ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022 5ème Chambre N° RG 19/02235 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PVJ5 SARL ARMOR ENCHERES C/ Mme [I] [G] M. [D] [G] Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours Copie exécutoire délivrée le : à : COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente, Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente, Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller, GREFFIER : Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l’audience publique du 25 Mai 2022 ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats **** APPELANTE : SARL ARMOR ENCHERES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Me Henri GRAIC de la SELARL GRAIC – QUINTARD-PLAYE – JUILLAN, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES INTIMÉS : Madame [I] [G] née le [Date naissance 6] 1970 à [Localité 11] [Adresse 9] [Localité 5] Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représentée par Me Xavier DENECKER, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC Monsieur [D] [G] né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 10] [Adresse 7] [Localité 8] Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représenté par Me Xavier DENECKER, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC *************** M. [C] [G] est décédé le [Date décès 3] 2014, laissant pour lui succéder ses deux enfants : M. [D] [G] et Mme [I] [G]. M. [B] [F], expert automobile, a été mandaté par les consorts [G] pour procéder à une étude de valeur de la flotte de véhicules dont certains appartenaient à M. [C] [G], suivant devis en date du 25 novembre 2015, moyennant le prix de 1 844,94 euros (examen de plus de 30 motos de collection + lots de pièces motos / estimation des biens au regard du marché en vue d’une éventuelle vente). Le rapport ‘étude de valeur’ a été établi le 2 février 2016. M. [B] [F], dans un courrier électronique du 21 mars 2016, a indiqué qu’il estimait cohérent d’organiser une vente et a informé les consorts [G] qu’il s’était permis de se rapprocher d’un commissaire-priseur à [Localité 13] ‘pour compléments d’infos sur les modalités, les coûts…’. Par la suite, divers échanges manuscrits et électroniques ont eu lieu entre M. [B] [F], la Sarl Armor Enchères et les consorts [G] en vue de l’organisation d’une vente aux enchères des motocyclettes. Une vente aux enchères a été programmée par la Sarl Armor Enchères le 24 juin 2016. Par courriel du 17 juin 2016, les consorts [G] ont fait part de leur intention de ne pas donner suite à cette vente. Estimant que les consorts [G] ont rompu abusivement les relations pré-contractuelles pour utiliser et tirer profit des prestations qu’elle avait accomplies ou fait accomplir, ainsi que de la publicité faite par elle notamment dans la presse spécialisée, le conseil de la Sarl Armor Enchères a mis en demeure les consorts [G], par lettre recommandée avec avis de réception en date du 8 février 2017 de payer à celle-ci la somme de 12 946,10 euros, correspondant aux frais engagés pour réaliser la vente. Par actes en date des 1er et 3 août 2017, la Sarl Armor Enchères a fait assigner M. [D] [G] et Mme [I] [G] devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc aux fins de les voir condamnés à indemniser le préjudice subi au titre de la rupture de pourparlers pré-contractuels. Par jugement en date du 26 février 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a : — débouté Sarl Armor Enchères de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de Mme [I] [G] et de M. [D] [G], — condamné la Sarl Armor Enchères à payer à Mme [I] [G] et de M. [D] [G] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, — condamné la Sarl Armor Enchères aux dépens, — dit n’y avoir lieu à exécution provisoire. Le 3 avril 2019, la Sarl Armor Enchères a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 17 novembre 2021, elle demande à la cour de : — infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré à la cour, — déclarer fautive la rupture par les consorts [G] des pourparlers précontractuels intervenus entre eux et la Sarl Armor Enchères, — déclarer les consorts [G] responsables in solidum des préjudices subis par la Sarl Armor Enchères du fait de cette rupture fautive, — en conséquence, les condamner in solidum à lui payer la somme de 9 731,54 euros correspondant au remboursement des frais engagés par celle-ci, — les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à son image et à sa notoriété, — condamner les mêmes à lui payer une somme de 6 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, outre les dépens, — débouter les consorts [G] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires. Par dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2019, les consorts [G] demandent à la cour de : — débouter la société Armor Enchères de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, — confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, — condamner la société Armor Enchères à verser à chacun des intimés Mme [I] [G] et M. [D] [G] une somme de 2 500 euros, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, — débouter la société Armor Enchères de ses demandes plus amples ou contraires, — condamner la société Armor Enchères aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la Selarl Luc Bourges, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 mai 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur les textes applicables La société Armor Enchères invoque au soutien de sa demande tendant à déclarer Mme [I] [G] et de M. [D] [G] responsables des préjudices subis par elle du fait d’une rupture abusive de pourparlers les articles 1382 et 1383 anciens du code civil. Mme [I] [G] et de M. [D] [G] affirment pour leur part que les dispositions nouvelles des articles 1240, 1241 et 1112 du code civil, dans leur version issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 sont applicables, s’agissant d’une action fondée sur une responsabilité extra-contractuelle. La responsabilité découlant d’une rupture abusive de pourparlers pré-contractuels est une responsabilité délictuelle. La loi applicable en la matière est donc celle applicable à la date du fait dommageable. L’ordonnance du 10 février 2016 prévoit en son article 9 que les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016. La rupture des pourparlers est intervenue le 17 juin 2016, de sorte qu’à raison la société appelante se prévaut des seules dispositions anciennes des articles 1382 et 1383 du code civil. Sur la rupture des pourparlers La société Armor Enchères fait grief aux consorts [G] d’avoir de mauvaise foi et sans motif légitime mis fin le 17 juin 2016 aux pourparlers engagés en vue de la vente aux enchères de véhicules motocyclettes qui était organisée pour le 24 juin 2016. Elle expose que le processus d’une vente aux enchères était, en accord avec les parties, bien avancé, que l’intention des consorts [G] de vendre aux enchères n’était pas douteuse. Elle soutient que les conditions financières de la vente étaient claires et déterminées, de sorte qu’elles ne peuvent constituer un motif de rupture, que l’argument tenant à une interrogation quant à l’existence d’une assurance du commissaire priseur est fallacieux. Selon elle, Mme [I] [G] et de M. [D] [G] qui ont pu profiter de l’effet publicitaire de la vente envisagée, en tentant de vendre ensuite sur un site d’annonces les véhicules sont donc de mauvaise foi. Mme [I] [G] et de M. [D] [G] considèrent n’avoir commis aucune faute et concluent à la confirmation du jugement qui rejette les prétentions de la société Armor Enchères. Ils soutiennent que, sans que réquisition ne lui ait été donnée, la société Armor Enchères s’est empressée à organiser la vente ; que tout au long des pourparlers, ils n’ont cessé de faire part de leur désaccord quant aux conditions de la vente. Ils font grief au commissaire-priseur de n’avoir pas pleinement satisfait à son obligation d’information et de conseil à leur égard, pour n’avoir jamais clairement répondu à leurs interrogations quant à ces conditions. Le seul manque de clarté les a conduit à mettre fin aux pourparlers, de sorte qu’ils contestent toute mauvaise foi et toute attitude fautive. Ils soutiennent en outre que la société Armor Enchères ne démontre pas l’existence d’un préjudice. Le premier juge rappelle à bon droit le principe de la liberté contractuelle permettant à tout moment la rupture unilatérale des pourparlers. La responsabilité recherchée ici sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil suppose donc un abus dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers, caractérisé soit par la mauvaise foi de l’auteur de la rupture, soit par son absence de motif légitime. Les pièces produites établissent que les consorts [G], bien que n’étant pas à l’initiative de la démarche initiale auprès d’un commissaire priseur, avaient pris la décision de vendre aux enchères les véhicules motos de la succession de leur père le 24 juin 2016, Mme [G] l’annonçant elle-même le 1er juin 2016 dans un message sur son compte facebook, auquel est joint un lien internet renvoyant à un site www. [012].com. Il est constant qu’avant cette date, les parties s’étaient rencontrées dans le cadre d’une séance photo des véhicules le 17 mai 2016 et qu’au cours de cette réunion, à laquelle Mme [G] a participé, a été remis aux consorts [G] par la société Armor Enchères un contrat type indiquant les modalités financières de la vente. La seule remise de ce contrat-type, ne traduit pas cependant, quand bien même les consorts [G] apparaissent avoir consenti au principe d’une vente le 24 juin 2016, l’absence de toute discussion postérieure quant aux modalités de la vente. Si Mme [G] a fait part de son accord pour les frais de transport des motos dans un message en date du 13 juin 2016, rappelant que les motos devaient être visibles au garage Hamon (lieu fixé pour la vente) le jeudi 23 juin à partir de 14h, il ne peut être tiré argument de ce message, qui n’a trait qu’aux conditions du transport des motos (tarif et date du transport), qu’à cette date du 13 juin 2016, les discussions quant aux conditions financières de la vente étaient claires et terminées. La preuve contraire en est rapportée par un message du même jour de Mme [G] à la société Armor Enchères demandant d’une part la modification du contrat en dissociant les motos appartenant à son frère de celles entrant dans l’indivision, et d’autre part la vérification des sommes à imputer sur le prix d’adjudication, Mme [G] écrivant : Nous avions convenu avec Me [X] un pourcentage de 15% et la TVA s’y rapportant à vous devoir sur chaque véhicule mais pas de % supplémentaire. En réponse la société Armor Enchères transmettait le 13 juin 2016 de nouvelles ‘lettre vendeur’ annulant et remplaçant l’envoi précédent ; celles-ci visaient alors un pourcentage de 15% et la TVA s’y rapportant ainsi que 6 % TTC de frais d’expert. Il était en outre précisé qu’avait été enlevée la mention prévoyant un pourcentage supplémentaire de 3% en cas de vente à un adjudicataire ayant enchéri par internet. La cour relève que l’imprimé type de réquisition remis aux intimés le 17 mai 2016, envoyé de nouveau le 6 juin 2016, mentionnait quant à lui un pourcentage de 15% + frais d’expert de 5% + TVA (20%) selon factures à prélever sur le montant de l’acquisition, modalités donc différentes, de sorte que l’appelante est mal venue à considérer que les conditions financières de la vente étaient claires et simples, puisqu’encore modifiées le 13 juin 2016, soit onze jours seulement avant la vente. Au vu de ces échanges, le premier juste a justement considéré qu’à la date du 13 juin 2016, les parties étaient encore en discussion quant aux modalités financières précises de la vente, élément déterminant puisque portant sur le prix devant revenir aux vendeurs. Les incompréhensions persistantes des vendeurs sur ces modalités sont révélées encore par les échanges qu’ils ont eu avec l’expert, dont le premier juge a pertinemment relevé qu’il a mis les parties en relation, et ce, notamment quant à des frais d’expertise qui pourraient lui être dus. Ainsi, dans un message à l’expert du 16 juin 2016, Mme [G] indique que le dernier contrat transmis ne correspond pas à ce qui avait été dit au départ. La société Armor Enchères ne peut prétendre n’être pas concernée par ces échanges, puisqu’elle seule devait une information complète et précise aux consorts [G] sur l’ensemble des sommes susceptibles d’être imputées sur les prix d’adjudication. Les interrogations de Mme [G] quant aux modalités précises de la vente et à l’absence de clarté sur ce point ressort encore d’autres messages: — message du 14 juin 2016 à 13h50 dans lequel Mme [G] écrit : vos conditions fluctuantes à quelques jours de la vente ne me conviennent pas du tout et ne me rassurent pas. En résumé, cette façon de travailler ne me va pas. — message du 14 juin 2016 à 23h01 demandant des explications sur certains termes du contrat, — message du 15 juin 2016 à 12h19 souhaitant revoir le prix de réserve pour 2 à 3 motos. Les consorts [G] ont mis fin aux pourparlers le 17 juin 2016 au motif que n’ayant pas obtenu de projet de contrat complet, ils ne peuvent poursuivre sereinement cette collaboration. Au regard des nombreux échanges précédents le 17 juin 2016, force est de constater qu’il n’existait pas à cette date d’accord sur des conditions claires et précises de la vente, de sorte qu’il ne peut être affirmé que les consorts [G] ont rompu brutalement sans motif légitime une négociation avancée, ce qui seul caractériserait un abus du droit de rompre les pourparlers pré-contractuels et ce peu important le fait que cette rupture interviennent onze jours avant la vente. Leur bonne foi au moment de la rupture des pourparlers ne saurait être remise en cause par le fait qu’ils ont fait paraître en août 2016 une annonce aux fins de vente de certains des véhicules, ces agissements postérieurs étant sans incidence. La société Armor Enchères ne peut donc, dans de telles circonstances, valablement prétendre à une rupture fautive des pourparlers et a été à raison déboutée de ses demandes par le premier juge. La cour confirme le jugement en toutes ses dispositions, y compris en ce qu’il alloue aux consorts [G] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamne la société Armor Enchères aux dépens. La cour condamnera par ailleurs la société appelante qui succombe en son appel à payer à Mme [I] [G] et M. [D] [G] une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par eux dans le cadre de cette instance d’appel ainsi que les dépens. PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne la société Armor Enchères à payer à Mme [I] [G] et M. [D] [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Armor Enchères aux dépens d’appel dont distraction au profit de la Selarl Luc Bourges, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Le Greffier La Présidente | |