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Un accident isolé causé par un chauffeur de bus ne peut à lui seul justifier un licenciement.
En l’absence de tout accident répété de la part de M. [L], la seule erreur de conduite du 12 octobre 2018, demeurée unique après plus de 10 ans de présence dans l’entreprise, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse pour son licenciement et encore moins une faute grave au regard du caractère isolé de l’accident, survenu de nuit sur une route étroite, et de ses conséquences matérielles.
Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c’est-à-dire l’imputation au salarié d’un fait ou d’un comportement assez explicite pour être identifiable en tant que tel pouvant donner lieu à une vérification par des éléments objectifs.
En l’occurrence, la faute grave est un manquement du salarié d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, en ce compris pendant la durée du préavis.
En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l’employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE METZ Chambre Sociale-Section 1 ARRÊT DU 7 SEPTEMBRE 2022 Arrêt n° 22/00570 07 septembre 2022 — ——————– N° RG 20/00502 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FHV6 — ———————— Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de THIONVILLE 10 février 2020 18/00263 APPELANT : M. [G] [L] [Adresse 1] [Adresse 1] Représenté par Me Laurent PATE, avocat au barreau de METZ INTIMÉE : Société SPL TRANS FENSCH prise en la personne de son représentant légal [Adresse 2] [Adresse 2] Représentée par Me Xavier IOCHUM, avocat au barreau de METZ COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 avril 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre Mme Anne FABERT, Conseillère Mme Laëtitia WELTER, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE ARRÊT : Contradictoire Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ DES FAITS M. [L] a été embauché par la Société Publique Locale Trans Fensch, selon contrat à durée indéterminée à compter du 10 décembre 2007, en qualité de conducteur receveur. La convention collective applicable est celle des réseaux de transport publics urbains de voyageurs. M. [L] a été convoqué à un entretien préalable avant licenciement fixé le 23 octobre 2018. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 novembre 2018, M. [L] a été licencié pour faute grave. Par acte introductif enregistré au greffe le 17 décembre 2018, M. [L] a saisi le Conseil de prud’hommes de Thionville aux fins de : — Dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, — Condamner la société Trans Fensch à verser les sommes suivantes : * 3 596 euros bruts à titre d’indemnité de préavis * 359,60 euros bruts à titre de congés payés sur préavis * 5 094 euros nets à titre d’indemnité de licenciement légal * 16 721 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse * 10 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires — Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir. Par jugement du 10 février 2020, le Conseil de prud’hommes de Thionville, section commerce, a statué ainsi qu’il suit : — Dit et juge que M. [L] a commis une faute grave. — Déboute M. [L] de ses demandes d’indemnité de préavis, de congés payés afférents au préavis, de l’indemnité légale de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts complémentaires, — Condamne la société Trans Fensch à verser 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. — N’ordonne pas l’exécution provisoire. Par déclaration formée par voie électronique le 18 février 2020 et enregistrée au greffe le jour même, M. [L] a régulièrement interjeté appel du jugement. Par ses dernières conclusions datées du 7 mai 2021, M. [L] demande à la Cour de : — Annuler le jugement du Conseil de prud’hommes de Thionville, — Subsidiairement l’infirmer, — Dire et juger que la procédure de licenciement est irrégulière, — Dire et juger qu’il n’a pas commis de faute grave et que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, — Condamner la SPL Trans Fensch à lui payer : * 1 798, 20 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure, * 3 596 euros brut à titre d’indemnité de préavis, * 359,60 euros brut au titre des congés payés afférents au préavis, * 5 094 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement, * 16 721 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 10 000 euros à titre dommages-intérêts complémentaires sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, * 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de de procédure civile ainsi qu’aux dépens. Par ses dernières conclusions datées du 12 mai 2020, la société SPL Trans Fensch demande à la Cour de : Sur l’appel principal, — Débouter M. [L] de son appel, ainsi que de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, — Condamner M. [L] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Sur l’appel incident, — Infirmer le jugement en ce qu’il a mis à sa charge une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 octobre 2021. Il convient en application de l’article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions. MOTIFS Sur l’annulation du jugement entrepris M. [L] soutient que le Conseil de prud’hommes ne s’est pas prononcé sur la régularité de la procédure et ne présente aucune explication permettant de comprendre comment il en arrive à la conclusion que les faits invoqués à l’appui du licenciement constituent une faute grave et sollicite l’annulation du jugement entrepris pour défaut de motivation. Aux termes de l’article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date et le jugement doit être motivé et énoncer la décision sous forme de dispositif. Il résulte de l’article 458 du code de procédure civile notamment que les prescriptions prévues à l’article 455 doivent être respectées à peine de nullité du jugement. En l’espèce, si le jugement du Conseil de Prud’hommes du 10 février 2020 énonce les prétentions des parties, il ne comporte néanmoins pas de motivation quant à la caractérisation de la faute reprochée à M. [L] dès lors que les premiers juges se sont limités à statuer ainsi : « les motifs invoqués dans la lettre de licenciement constituent une faute grave ». La décision énoncée au dispositif énonçant que M. [L] a commis une faute grave n’est donc pas motivée et il sera par conséquent fait droit à la demande d’annulation de ce jugement. En application de l’article 562 du code de procédure civile, les parties ayant conclu au fond, il convient d’examiner l’entier litige. Sur le licenciement pour faute grave La lettre de licenciement pour faute grave en date du 12 novembre 2018, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit : « Le vendredi 12 octobre 2018, vous assuriez le plan de travail n° 5129, avec le véhicule 3509. Vers 07h15, à hauteur de de l’arrêt Seigneurie, vous avez commis une erreur de conduite, en heurtant violemment les poteaux sur le trottoirs. Cette man’uvre a eu pour conséquences de briser la vitre de la porte arrière du véhicule, les feux de gabarit, le cadre contenant les affiches publicitaires ainsi que que d’importante rayures sur tout le coté droit du véhicule. Outre les dégâts matériels occasionnés chez un tiers, votre erreur de man’uvre aurait pu engendrer de sérieux accidents corporels, impliquant des personnes physiques, qui aurait, de fait, engagé la responsabilité de l’entreprise. Au-delà de l’erreur de conduite commise, nous vous reprochons surtout d’avoir tenu, à plusieurs reprises, différents propos mensongers, que nous ne pouvons tolérer de la part d’un agent exécutant du service public : Vers 08h19, lorsque le PCC vous a rappelé, environ une heure après l’accrochage, pour vous signaler qu’un « caillou » (pour reprendre vos propres termes) ne pouvait pas provoquer de tels dommages, vous avez répondu agressivement au surveillant, en maintenant que vous n’aviez rien touché et qu’il n’y avait eu aucun accrochage. Vous vous êtes véritablement offusqué du fait que le surveillant ose remettre en question votre version des faits. Or, vous aviez alors parfaitement conscience d’avoir heurte les poteaux. Pour autant, vous avez affirmé, de manière formelle, les propos que vous saviez foncièrement faux, en contradiction totale avec la réalité. Par ailleurs, vous avez indiqué que, juste après avoir entendu la vitre de la porte arrière se briser, vous êtes allé demander aux usagers présents dans votre véhicule s’ils avaient vu quelque chose. Selon vos dires, ces derniers vous auraient répondu ne pas avoir vu de poteaux, en indiquant que le heurt devait vraisemblablement être lié à un jet de pave. Or, les usagers affirment, au contraire, qu’ils vous ont bien indiqué avoir vu le véhicule heurter les poteaux. Vous avez, à nouveau, sciemment altéré la vérité, ce qui a, non seulement perturbé l’analyse de l’arbre des causes, mais surtout sérieusement entaché notre confiance à votre égard. Puis, quand vous avez enfin admis, plusieurs heures plus tard (devant l’évidence des faits matériels), avoir accroché votre véhicule sur des poteaux, vous avez continué à mentir à votre hiérarchie, en indiquant notamment que votre erreur de conduite était due : — A la présence d’un chantier qui empiétait sur l’autre voie de la route. Or notre enquête interne a démontré que, s’il y avait bien des travaux de réfection d’un mur ce jour-là, ces derniers n’empiétaient en aucune façon la route. — Au fait que les poteaux n’étaient pas éclairés. Or, nous avons constaté sur place la présence d’un lampadaire positionné très exactement au-dessus des poteaux concernés. — A la présence d’une voiture en face, que vous n’auriez vue qu’en dernière minute, une fois le virage amorcé. Selon vous, cela vous aurait obligé à vous reporter sur la droite pour éviter la collision, ce qui aurait eu pour conséquence de heurter les poteaux situés sur le trottoir. Or, nous avons pu établir que, non seulement le degré du virage permet d’anticiper la visibilité des véhicules circulant en sens inverse, mais les phares allumés des véhicules la nuit (ce qui était le cas à l’heure de l’accident), permettent de les voir d’encore plus loin. Nous ne pouvons cautionner que vous ayez délibérément promulgué des propos mensongers, en contradiction totale avec des faits dûment établis et, par surcroît, face à vos supérieurs hiérarchiques. Nous regrettons également que, malgré plusieurs opportunités, vous n’avez à aucun moment reconnu ces propos mensongers. Au contraire, vous avez continué à soutenir votre version des faits, en essayant ainsi de discréditer les témoignages tangibles de certains de nos agents de maîtrise. Vous avez en effet signé un document dans lequel vous remettez notamment en cause la parole de vos supérieurs hiérarchiques. Au regard des éléments susmentionnés, qui caractérisent dans leur ensemble une mauvaise foi de votre part et votre déloyauté à l’égard de l’entreprise, nous ne pouvons continuer à vous accorder notre confiance, d’autant plus en votre qualité d’agent exécutant du service public ». M. [L] soutient que l’erreur de conduite est involontaire et qu’elle est intervenue la nuit à un endroit délicat de son parcours en raison des poteaux implantés par la ville d’un coté de la voie de circulation. Il souligne qu’il a constaté que la vitre avait explosé mais qu’il n’a pas remarqué immédiatement les autres dégâts sur le bus et que, ne s’étant pas arrêté sur le lieu de l’accident, il n’a pas pensé que les poteaux qui bordent la chaussée dans ce virage pouvaient être à l’origine du choc. M. [L] affirme qu’il n’a pas menti sur les circonstances de l’accident et considère son licenciement sans cause réelle et sérieuse. La SPL Trans Fensch réplique que M. [L] a menti à de multiples reprises sur l’ampleur de l’accident, ses causes et ses circonstances, ce dès l’incident, après la constatation des dégâts au dépôt et devant le chef de service charge de l’instruction, et estime que la volonté de dissimuler l’existence ou les circonstances d’un accident constitue bien une faute grave. La SPL Trans Fensch ajoute que le fait que le salarié n’ait pas été mis à pied n’emporte pas de conséquence. Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c’est-à-dire l’imputation au salarié d’un fait ou d’un comportement assez explicite pour être identifiable en tant que tel pouvant donner lieu à une vérification par des éléments objectifs. En l’occurrence, la faute grave est un manquement du salarié d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, en ce compris pendant la durée du préavis. En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l’employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié. En l’espèce, il est d’abord reproché à M. [L] d’avoir eu un accident avec l’autobus qu’il conduisait le 12 octobre 2018. Le rapport d’accident en date du 12 octobre 2018, complété par M. [L] lui-même, indique un impact sur l’aile arrière gauche du bus, ce qui a brisé la vitre de la porte arrière et a rayé la carrosserie d’après le plan de travail et les photographies de l’autobus. Ce premier grief est donc établi d’autant que le salarié ne le conteste pas. La SPL Trans Fensch reproche ensuite et « surtout » à M. [L] d’avoir sciemment menti à sa hiérarchie sur les causes de cet accident . La SPL Trans Fensch démontre que M. [L] a dans un premier temps affirmé que la vitre avait été brisée par un projectile en produisant à cet égard les attestations de M. [A] [U], surveillant, qui relate que « M. [L] m’indique par radio qu’un petit caillou a tapé la vitre arrière du véhicule » et de M. [W] [O], responsable PCC, qui confirme que « Le 12 octobre 2018 vers 7h15, j’arrive au poste des surveillants. Le conducteur [L] informe par radio le surveillant que la vitre de la porte arrière a explosé. Le surveillant lui demande plus de précisions, il répond qu’il ne sait pas comment la vitre a explosé « peut-être projectile voire un petit caillou » ». Lorsque le bus accidenté a été emmené au dépôt, M. [L] ayant continué sa mission avec un bus de remplacement, il a été constaté que, outre la vitre cassée, la carrosserie avait également été endommagée mais le salarié est resté sur sa version des faits tel qu’il en résulte de l’attestation M. [O] qui affirme que « Nous constatons que des dégâts sont plus importants : vitre de la porte arrière cassée, carrosserie et feux de gabarit. Suite à ce constat, je demande au surveillant [U] de rappeler le conducteur pour l’informer que les dégâts ne sont pas uniquement au niveau de la vitre arrière mais plus importantes que lors du premier appel radio. Le conducteur répond qu’il n’a rien tapé et rien accroché » corroborée par l’attestation de M. [U] qui énonce que « Quand j’ai constaté les dégâts du véhicule, j’ai rappelé le conducteur M. [L] en lui disant qu’un petit caillou n’avait pas pu faire ça (rayures sur tout le coté droit, feux de gabarit cassés, vitre de la porte arrière cassée) et qu’il y avait dû avoir un accrochage. Malgré mon insistance M. [L] maintient qu’il n’y a jamais eu d’accrochage, qu’il n’a pas tapé et que les 3 personnes dans le bus peuvent attester de sa version ». Or, ces deux attestations ne révèlent pas que M. [L] connaissait les causes de l’accident, tout comme l’attestation de M. [I] [P], responsable pôle management et sécurité, qui se limite à reprendre les propos d’un passager du bus sans mentionner de faits qu’il aurait constatés personnellement si bien qu’il n’est pas démontré que l’appelant avait conscience qu’il avait heurté un poteau au moment des faits et pendant les premières heures et qu’il a sciemment menti. M. [L] explique d’ailleurs dans le compte rendu d’entretien du 5 novembre 2018 devant le chargé d’instruction, en vue du conseil de discipline du 7 novembre 2018, que « les poteaux noirs/bleus n’étaient pas visibles et qu’il n’a pas ressenti le choc sur ces poteaux », « que la vitre arrière s’est brisée après la courbe, à la descente du dos d’âne se trouvant au niveau du dernier poteau », qu’il « faisait nuit » et qu’il a « constaté les dégâts de la vitre et a demandé aux passagers (au nombre de 4) s’il avaient ressenti ou vu quelque chose (‘) les passagers lui ont répondu n’avoir rien vu ni entendu ». Aussi, compte tenu de la pénombre et de la taille du bus, M. [L] a très bien pu ne pas s’apercevoir qu’il avait percuté un des poteaux bornant la chaussée, légitimement pensé qu’un projectile avait cassé la vitre et ne pas avoir vu les dommages sur la carrosserie lorsqu’il est descendu du véhicule au prochain arrêt de bus. De plus, il est constant que M. [L] a admis auprès de sa hiérarchie avoir percuté un poteau quelques heures plus tard après l’incident soit manifestement dès qu’il a eu connaissance de l’accrochage. En effet, M. [L] a affirmé lors de l’entretien avec le chargé d’instruction qu’il a constaté tous les dégâts lorsqu’il attendait le véhicule de remplacement et qu’il a constaté la dégradation du poteau sur le trajet de sens inverse à environ 8 heures 25. Dès lors, la SPL Trans Fensch n’apporte pas la preuve que M. [L] a voulu dissimuler la vérité sur les causes de l’accident étant donné que d’une part, il ignorait avoir heurté un poteau et pouvait valablement penser qu’un projectile avait brisé la vitre arrière du bus et que d’autre part il a rapidement rapporté à la direction qu’il avait percuté un poteau après constatation de l’ensemble des dégâts de sorte que ce grief ne sera pas retenu. De surcroît, les captures d’écran de la rue, prises sur Google Street View, et les photographies non datées ne permettent pas davantage de démontrer que M. [L] a menti lorsqu’il a expliqué que le 12 octobre 2018, il y avait un chantier sur l’autre voie, que les poteaux n’étaient pas éclairés et qu’une voiture est arrivée sur la route d’en face une fois qu’il avait amorcé le virage d’autant que ces pièces mettent au contraire en évidence que le passage du virage pouvait être délicat la nuit et lorsque des usagers circulent sur l’autre voie. Il résulte de l’ensemble de ces éléments, qu’en l’absence de tout accident répété de la part de M. [L], la seule erreur de conduite du 12 octobre 2018, demeurée unique après plus de 10 ans de présence dans l’entreprise, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse pour son licenciement et encore moins une faute grave au regard du caractère isolé de l’accident, survenu de nuit sur une route étroite, et de ses conséquences matérielles. Il convient donc de considérer le licenciement de M. [L] dépourvu de cause réelle et sérieuse. Sur les conséquences financières Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l’ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur. En application de l’article susvisé, le préavis est d’une durée de deux mois pour le salarié comptant au moins deux années d’ancienneté. En conséquence, il sera alloué à M. [L] la somme réclamée de 3 596 euros bruts (1 798,20 euros bruts x 2 mois) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis à laquelle il y convient d’ajouter la somme de 359,60 euros bruts au titre des congés payés y afférents. Sur l’indemnité légale de licenciement En vertu de l’article L.1234-9 du code du travail, dans sa version en vigueur, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire. Au regard de l’ancienneté du salarié et de son salaire mensuel, il convient de faire droit à la demande de M. [L] au titre de l’indemnité légale de licenciement pour le montant de 5 094 euros, montant sollicité par ce dernier et non autrement contesté par l’employeur. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à compter du 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise. M. [L] comptait lors de son licenciement plus de 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés, de sorte que le salarié relève du régime d’indemnisation de l’article L.1235-3 al 2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire et une indemnité maximale de 10,5 mois de salaire pour une ancienneté de 11 ans. Aussi, compte tenu de l’âge du salarié lors de la rupture de son contrat de travail (42 ans), de son ancienneté (11 ans) et du montant de son salaire mensuel (1 798,20 euros bruts), et alors qu’il ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle après la rupture, il convient d’allouer à M. [L] la somme de 16 500 euros à titre de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse, préjudices complémentaires compris. Sur l’irrégularité de procédure M. [L] soutient que la lettre de licenciement qui ne permet pas d’identifier son auteur est irrégulière car elle empêche de contrôler la capacité et le pouvoir du signataire et demande une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement. L’article L.1235-2 du code de travail dans ses dispositions applicables au présent litige prévoit : « Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ». Ainsi, en application de l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, l’irrégularité de procédure ne donne lieu à des dommages et intérêts plafonnés à un mois de salaire qu’à la condition que le licenciement soit justifié par une cause réelle et sérieuse, ce qui exclut le cumul entre l’indemnité pour procédure irrégulière et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, quels que soient l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise. En l’espèce, le licenciement de M. [L] ayant été reconnu dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié ne peut réclamer une indemnité au titre du non respect de la procédure de licenciement. En conséquence, M. [L] sera débouté de cette demande. Sur le surplus Les conditions s’avèrent réunies pour ordonner le remboursement, par l’employeur, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d’indemnités. La SPL Trans Fensch qui succombe doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel. Conformément aux prescriptions de l’article 700 du code de procédure civile, la SPL Trans Fensch sera condamnée à verser à M. [G] [L] la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par ce dernier tant en première instance qu’en cause d’appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, Annule le jugement entrepris ; Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant, Dit que le licenciement de M. [G] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse; Condamne la SPL Trans Fensch à payer à M. [G] [L] les sommes suivantes : — 16 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, préjudices complémentaires inclus, — 5 094 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, — 3 596 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, — 359,60 euros bruts au titre des congés payés y afférents, Déboute M. [G] [L] de sa demande d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement. Ordonne le remboursement, par la SPL Trans Fensch, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [G] [L] du jour du son licenciement jusqu’au jour de la présente décision, dans la limite de 6 mois d’indemnités. Condamne la SPL Trans Fensch aux dépens de première instance et d’appel. Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée La Conseillère | |