Filmer chez ses voisins de chez soi : une pratique légale
Filmer chez ses voisins de chez soi : une pratique légale
Ce point juridique est utile ?

Des films et photographies pris depuis la propriété d’un voisin, sans effraction ou intrusion sur la propriété voisine, dans le but de prouver des faits de nuisances, ne portent pas atteinte à la vie privée des voisins.

Respect de la vie privée

Pour rappel, selon les articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, toute personne a le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 

Les juges peuvent sans préjudice de la réparation du dommage subi prescrire toutes mesures telles que séquestres, saisies et autres, propres à empêcher ou à faire cesser une atteinte à la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

Voisins non filmés directement

Dans l’affaire soumise, aucune vidéo faisant apparaître les voisins personnellement dans leur propriété n’était produite, et la prise de courtes vidéos mettant uniquement en évidence la circulation de chiens et leurs aboiements sur le fonds voisin ne saurait être considérée comme une atteinte à la vie privée des propriétaires des lieux et des chiens, alors de plus que ces vidéos n’ont pas eu de diffusion autre qu’en justice, dans le cadre du litige. C’est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de dommages et intérêts.

Périmètre du droit de propriété

Aux termes des articles 544 et 651 du code civil, «la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.» et « la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention. »

La limite au droit de propriété est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu’à défaut, il en devra réparation, même en l’absence de faute.

L’anormalité du trouble doit s’apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu’il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur. Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d’en rapporter la preuve.

_________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

N° RG 19/09090 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEMGU

[S] [NJ]

[I] [M]

[A] [M]

C/

[P] [Y]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d’Instance de MARSEILLE en date du 13 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 11182792.

APPELANTS

Monsieur [S] [NJ], demeurant 94 boulevard des Cigales – 13011 Marseille

représenté par Me Juliette HUA de l’AARPI OLLIER JEAN MICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Maximilien NEYMON, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Monsieur [I] [M], demeurant 94 boulevard des Cigales – 13011 Marseille

représenté par Me Juliette HUA de l’AARPI OLLIER JEAN MICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Maximilien NEYMON, avocat au barreau de MARSEILLE , plaidant

Madame [A] [M], demeurant 94 boulevard des Cigales – 13011 Marseille

représentée par Me Juliette HUA de l’AARPI OLLIER JEAN MICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Maximilien NEYMON, avocat au barreau de MARSEILLE , plaidant

INTIME

Monsieur [P] [Y], demeurant 86 boulevard des Cigales – 13011 Marseille

représenté par Me Henri TROJMAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Iris TROJMAN-COHEN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE:

[P] [Y] est propriétaire d’une maison située sur la commune de Marseille 13 011, 86 boulevard des cigales.

[I] et [A] [M] (les époux [M] ) sont propriétaires d’un bien immobilier situé 94 boulevard des cigales.

Ils partagent les lieux avec [S] [NJ] qui est leur beau-fils et locataire.

[P] [Y], se plaignant des nuisances sonores occasionnées par les chiens de [S] [NJ], l’a fait assigner devant le tribunal d’instance de Marseille par acte d’huissier du 17 juillet 2018 aux fins d’indemnisation pour trouble anormal de voisinage.

Il a également fait assigner les époux [M] devant le même tribunal par acte d’huissier du 8 novembre 2018 aux fins de les voir condamner solidairement à l’indemniser du trouble subi sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil .

Par jugement du tribunal d’instance de Marseille du 10 mai 2019, il a été statué en ces termes:

« Condamne in solidum Monsieur [I] [M], Madame [A] [M] et Monsieur [S] [NJ] à payer à [P] [Y] une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice issu du trouble de voisinage causé par les aboiements de ses chiens depuis mai 2016,

Déboute Monsieur [I] [M], Madame [A] [M] et Monsieur [S] [NJ] de leurs demandes d’indemnisation,

Condamne in solidum Monsieur [I] [M], Madame [A] [M] et Monsieur [S] [NJ] à payer à [P] [Y] une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Monsieur [I] [M], Madame [A] [M] et Monsieur [S] [NJ] aux dépens,

Ordonne l’exécution provisoire de la décision,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. »

Le 5 juin 2019, [S] [NJ] a fait appel de cette décision en intimant les époux [M] et [S] [NJ].

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 5 septembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, les époux [M] et [S] [NJ] sollicitent, au visa de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, des dispositions du code civil, de la jurisprudence et des pièces versées au débat :

— les recevoir en leurs présentes conclusions et les dire bien-fondés ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a :

— Condamné in solidum Monsieur [I] [M], Madame [A] [M] et Monsieur [S] [NJ] à payer à [P] [Y] une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi issu du trouble de voisinage causé par les aboiements de ses chiens depuis 2016 ;

— Débouté Monsieur [I] [M], Madame [A] [M] et Monsieur [S] [NJ] de leurs demandes d’indemnisation ;

— Condamné in solidum Monsieur [I] [M], Madame [A] [M] et Monsieur [S] [NJ] au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 code de procédure civile ;

— Condamné in solidum Monsieur [I] [M], Madame [A] [M] et Monsieur [S] [NJ] aux dépens ;

— Ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

— Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

En conséquence,

— dire et juger qu’aucun trouble anormal de voisinage ne saurait être caractérisé en l’espèce;

— débouter [P] [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— dire et juger que la vie privée de Monsieur [NJ] et des époux [M] a été atteinte par de tels comportements ;

— condamner [P] [Y] au paiement de la somme de 5.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la violation de la vie privée dont il a été victime ;

— condamner [P] [Y] à payer à Monsieur [NJ] et des époux [M] la somme de

2.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner Monsieur [P] [Y] aux entiers dépens ;

Pour eux :

— la preuve d’un trouble anormal de voisinage n’est pas rapportée, en l’absence d’anormalité des aboiements et de préjudice découlant de ceux-ci ;

— le constat d’huissier ayant analysé les vidéos filmées par le plaignant ne permet pas de déterminer le nombre de chiens (2 ou 3) ni si elles ont été prises sur une longue durée ou uniquement lorsqu’ils aboyaient ;

— ces vidéos prises dans leur jardin portent atteinte à leur vie privée, et les prises de vue à proximité de la clôture génèrent les aboiements ;

— en outre, elles ne permettent pas de déterminer si les aboiements sont ceux de leurs chiens ;

— le constat a été réalisé en portant atteinte à leur vie privée, sans autorisation de leur part ;

— il convient d’écarter des débats le constat et les vidéos pour atteinte à leur vie privée ;

— les attestations produites, émanant d’amis du plaignant sont insuffisantes à établir le trouble anormal de voisinage, et sont contredites par celles qu’ils produisent et qui émanent de voisins proches ;

— dès que [S] [NJ] a été averti des plaintes de son voisin, il a fait stériliser ses chiens, les a équipés de colliers électriques et a installé une clôture électrique, tout en les maintenant le plus souvent possible à l’intérieur ;

— les époux [M] ont également fait installer une clôture occultante pour empêcher les chiens de s’approcher de celle-ci ;

— aucune preuve d’un préjudice n’est rapportée ;

— la responsabilité des époux [M] n’est pas établie et l’article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 exige une mise en demeure préalable.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 19 novembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [P] [Y] entend voir :

vu l’entier dossier de l’intimé,

vu le principe prétorien selon lequel « nul ne doit causer a autrui un trouble anormal de voisinage »,

vu l’article 6-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant a améliorer les rapports locatifs,

vu l ‘article 9 du code civil,

vu les articles 1240 et 1243 du code civil,

— dire et juger que les aboiements des chiens de [S] [NJ], tels qu’ils ont été démontrés, constituent une nuisance sonore et un trouble de voisinage à son détriment;

en conséquence,

— confirmer la condamnation solidaire de [S] [NJ] et des époux [M] à lui payer la somme de 5.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui ont causé ces aboiements, depuis au moins le mois de mai 2016 à ce jour ;

— confirmer le jugement intervenu en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

— condamner solidairement [S] [NJ] et les époux [M] à lui payer la somme de 2.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner [S] [NJ] et les époux [M] aux entiers dépens.

Pour lui :

— les chiens de [S] [NJ], par leurs aboiements continus et répétés, leur causent des nuisances sonores depuis 2016, caractérisant des troubles anormaux de voisinage de la part de celui-ci et un manquement aux dispositions de l’article 6-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 des époux [M] ;

— ils apportent suffisamment la preuve des nuisances par leurs vidéos, le constat d’huissier et les attestations ;

— aucune atteinte à la vie privée des appelants n’est caractérisée ;

— les dispositifs mis en place sont inefficaces.

L’ordonnance de clôture est en date du 26 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, « … la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion… »

Si les époux [M] et [S] [NJ] demandent d’écarter des débats le constat d’huissier et les vidéos produits par [P] [Y] dans les motifs de leurs conclusions, ils ne reprennent pas cette prétention dans le dispositif de leurs conclusions, en sorte que la cour n’est pas saisie de cette prétention qui s’analyse et sera examinée comme un moyen tendant à contester la validité des preuves adverses.

Sur le trouble anormal de voisinage :

Aux termes des articles 544 et 651 du code civil, «la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.» et « la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention. »

La limite au droit de propriété est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu’à défaut, il en devra réparation, même en l’absence de faute.

L’anormalité du trouble doit s’apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu’il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d’en rapporter le preuve.

En l’espèce, il ressort des pièces produites que [P] [Y] occupe une propriété individuelle qui jouxte au sud le fonds [M] [NJ].

Les photographies de « Google earth » mettent en évidence que le secteur est résidentiel, composé de maisons individuelles dans un environnement arboré.

A l’appui de ses plaintes relatives aux nuisances sonores causées par les aboiements des chiens de [S] [NJ], [P] [Y] produit :

— le procès verbal de constat dressé les 2 mars et 5 juin 2018 par Maître [BU], huissier de justice par lequel  :

— il analyse dans un premier temps la clé USB contenant des vidéos filmées par son mandant, [P] [Y], révélant « la présence de deux ou trois chiens au devant de l’entrée d’une maison édifiée sur une parcelle mitoyenne à celle du requérant, lesquels aboient fréquemment en direction de la maison du requérant »,

— et dans un second temps, le 5 juin 2018, il se rend chez [P] [Y] et relève que :

— les lieux correspondent à ceux des vidéos,

— le temps de sa présence, les aboiements ont été constants.

— des attestations de :

[G] [L] [XM], compagne de [P] [Y] indiquant « entendre à différents moments de la journée des aboiements de chiens des voisins… intermittents et prolongés, accentués dès que je suis dans le jardin » ;

[V] [J] indiquant : « lors de visites régulières à différents moments de la journée, j’ai vu des chiens et entendu leurs aboiements tout au long de ma présence… intermittents et gênants ‘ provenant de derrière la clôture de la maison des voisins d’en face de chez [P] [Y] ;

[B] [U] indiquant : « pendant des visites et à différents moments de l’après-midi, chez [P] [Y]… j’ai pu voir des chiens se déplacer tout en aboyant par intermittence. Ces nuisances sonores provenaient directement de derrière la clôture des voisins de devant la maison » ;

[T] [W] indiquant : « à l’occasion de différentes visites et à plusieurs reprises de la journée, j’ai entendu des aboiements de chien de façon intermittente et dérangeante pendant la conversation… les chiens se trouvaient dans la propriété de [P] [Y]».

Pour contester ces pièces, les époux [M] et [S] [NJ] produisent notamment des attestations de :

[F] [ZB], déclarant être voisin de Monsieur [NJ] depuis 3 ans et ne subir aucune nuisance sonore due aux aboiements des chiens alors que sa propriété est limitrophe de celle où habite Monsieur [NJ]…

[H] [MW] [E] déclarant se trouver depuis plus de dix ans en situation de voisinage direct avec les familles [M] et [NJ], leurs terrains étant mitoyens et n’avoir à ce jour jamais subi aucune sorte de nuisance sonore provenant des chiens ‘ mère au foyer très souvent présente à son domicile à toute heure de la journée, n’ayant rien remarqué d’anormal et de dérangeant…

[O] [X] et [N] [D] [X] déclarant habiter au 75 ter, juste en face le n°94 boulevard des cigales et ne subir aucune nuisance sonore provenant de cette adresse, que ce soit des aboiements ou autres…

[C] [FV] déclarant être voisine de [A] [M] et ne subir aucune nuisance sonore particulière lorsqu’elle se trouve dans son jardin, aucun aboiement ni autre gêne…

L’analyse de l’ensemble des attestations ne permet pas de caractériser la réalité du trouble dénoncé dès lors que plusieurs voisins permanents de [P] [Y] n’ont pas relevé de nuisances provenant des aboiements des chiens se trouvant dans la propriété [Z] et que seuls des passagers occasionnels chez [P] [Y] ou sa propre compagne font état d’aboiements durables et dérangeants.

Le constat d’huissier faisant foi des faits directement constatés par l’officier ministériel lors de sa visite du 5 juin 2018 chez [P] [Y], s’il mentionne que « les aboiements ont été constants », ne précise pas la durée de sa présence.

Quant à l’analyse des 25 vidéos filmées par [P] [Y] entre le 1er mars 2017 et le 14 mars 2018, rien ne permet d’établir la durée et la fréquence des aboiements à partir de ces pièces, et encore moins les circonstances dans lesquelles elles ont été réalisées, les aboiements pouvant résulter de la seule présence des auteurs des films, voire être provoqués, sans que cela apparaisse sur les films.

En l’état des pièces produites, la preuve d’un trouble anormal de voisinage causé par les aboiements de chiens de [S] [NJ] n’est pas suffisamment rapportée pour permettre d’accueillir les prétentions de [P] [Y] à l’encontre de [S] [NJ] et des époux [M].

A l’égard de ces derniers, [P] [Y] invoque également leur manquement au respect des dispositions de l’article 6-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui prévoit : « Après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d’habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux. »

Or, si [P] [Y] justifie avoir adressé des courriers à [P] [Y] les 27 mai 2016, 16 novembre 2016 et 23 janvier 2017, il ne le fait pas à l’égard des époux [M].

Il se limite à invoquer leur propre courrier daté du 6 décembre 2016 établi en leur nom et en celui de [S] [NJ] et [K] [M] pour répondre à ses prétentions relatives aux aboiements dénoncés.

Ce courrier met en évidence que les époux [M] ont répondu très cordialement aux demandes de [P] [Y], soucieux de le satisfaire et ont souligné les précautions mises en place pour éviter les difficultés, à savoir le port de colliers anti-aboiements l’installation d’un câblage électrique raccordé aux colliers pour éviter que les chiens s’approchent de la clôture et la castration des chiens, ainsi qu’une consultation des autres voisins pour vérifier s’ils subissaient des nuisances, ce qui n’était pas le cas.

Ils lui ont également proposé d’installer une clôture opaque afin d’éviter le vis-à-vis.

[P] [Y] ne conteste pas la réalité des dispositifs mis en place, mais leur efficacité, sans cependant produire aux débats de justificatifs de nuisances pour la période postérieure à 2018.

Faute par [P] [Y] de rapporter la preuve du trouble anormal de voisinage subi du fait d’aboiements répétés de nature à dépasser les inconvénients normaux de voisinage, ou d’établir qu’il subit un préjudice personnel directement lié aux aboiements des chiens de la propriété [Z], il ne peut être accueilli en sa demande d’indemnisation.

En effet, les justificatifs qu’il produit mettent en évidence qu’il a été exposé à l’amiante au cours de sa vie professionnelle avant 2003, ce qui est sans rapport avec les faits de la cause, et que le 25 mai 2016, il a consulté le docteur [R] pour un « état de nervosité et d’anxiété qu’il attribue à des nuisances de bruit, notamment à des aboiements d’un chien de voisinage ».

Ce certificat se limite à rapporter ses propos sur l’origine d’un état de nervosité et d’anxiété ; il est unique et, en toute hypothèse, insuffisant à établir la constance des nuisances dénoncées.

Il convient dès lors d’infirmer le jugement ayant condamné in solidum [I] [M], [A] [M] et [S] [NJ] à payer à [P] [Y] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice issu du trouble de voisinage causé par les aboiements de ses chiens depuis mai 2016.

Sur la demande de dommages et intérêts des époux [M] et de [S] [NJ] :

Cette demande est fondée sur le préjudice subi du fait de la violation de leur vie privée, en infraction aux dispositions des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme qui disposent :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent sans préjudice de la

réparation du dommage subi prescrire toutes mesures telles que séquestres, saisies

et autres, propres à empêcher ou à faire cesser une atteinte à la vie privée ; ces

mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé »

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »

A cet égard, [S] [NJ] et les époux [M] soutiennent que la réalisation de 25 vidéos filmées sur leur propriété au cours d’une année, dans leur jardin ou le constat d’huissier contenant des clichés photographiques de leur jardin pris sans leur autorisation est une atteinte à leur vie privée, génératrice d’un préjudice dont ils doivent être indemnisés.

Or, les films et photographies ont été pris depuis la propriété de [P] [Y], sans effraction ou intrusion sur la propriété voisine, ne donnant pas plus à voir que le jardin et les chiens en extérieur, dans le but de prouver des faits de nuisances.

Aucune vidéo les faisant apparaître personnellement dans leur propriété n’est produite, et la prise de courtes vidéos mettant uniquement en évidence la circulation de chiens et leurs aboiements sur le fonds voisin ne saurait être considérée comme une atteinte à la vie privée des propriétaires des lieux et des chiens, alors de plus que ces vidéos n’ont pas eu de diffusion autre qu’en justice, dans le cadre du présent litige.

C’est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de dommages et intérêts

des époux [M] et [S] [NJ] en soulignant en outre que les films n’avaient été réalisés que sur 8 jours au cours d’une année, et par séquences de quelques minutes à chaque fois.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris uniquement en ce qu’il a débouté [I] [M], [A] [M] et [S] [NJ] de leurs demandes d’indemnisation,

L’infirme pour le surplus et à nouveau,

Rejette la demande de [P] [Y] tendant à la condamnation solidaire de [S] [NJ] et des époux [M] à lui payer la somme de 5.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice issu du trouble de voisinage causé par les aboiements des chiens depuis mai 2016,

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne [P] [Y] aux dépens, avec distraction pour ceux d’appel dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile, et à payer 2 000 euros au total à [S] [NJ] et aux époux [M] en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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