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L’ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 a transposé la directive UE 2018/1808 modifiée du 14 novembre 2018 sur les Services de Médias Audiovisuels (SMA). La Directive devait être transposée au plus tard le 19 septembre 2020.
La Directive SMA permet à la France d’appliquer son propre régime de contribution à la production aux chaînes et plateformes de vidéos à la demande étrangères qui proposent un service en France. Il s’agit là de l’application de l’exception culturelle dans le cadre de la négociation de la directive qui s’est déroulée entre 2013 et 2018.
Le projet de Décret d’application relatif aux services de médias audiovisuel à la demande fixe un haut niveau d’ambition, avec 20 ou 25% du chiffre d’affaires des plateformes réalisé en France qui devra être consacré à la production cinématographique et audiovisuelle. Une part substantielle de cette contribution devra par ailleurs être dédiée à des œuvres patrimoniales d’expression originale française et à la production indépendante.
L’Ordonnance a ainsi étendu le régime de contribution à la production d’œuvres aux services de télévision et aux SMAD étrangers visant la France (article 13.2). L’article 1er introduit la définition des plateformes de partage de vidéos issue de la directive au sein de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication :
Est considéré comme service de plateforme de partage de vidéos tout service remplissant les conditions suivantes: i) Le service est fourni au moyen d’un réseau de communications électroniques; ii) La fourniture de programmes ou de vidéos créées par l’utilisateur pour informer, divertir ou éduquer est l’objet principal du service proprement dit ou d’une partie dissociable de ce service, ou représente une fonctionnalité essentielle du service; iii) Le fournisseur du service n’a pas de responsabilité éditoriale sur les contenus mais en détermine l’organisation; iv) Le service relève d’une activité économique.
Sont donc soumises au nouveau régime, entre autres, Netflix, Amazon Prime Video et Disney.
Les articles 11, 13 et 15 permettent, à l’instar de ce qui existe pour la contribution à la production audiovisuelle, de mutualiser la contribution à la production cinématographique, entre services, linéaires ou non, édités par une même personne ou appartenant à un même groupe. Cette nouvelle faculté ne pourra toutefois permettre à ces services de mutualiser leur contribution à la production d’œuvres cinématographiques et d’œuvres audiovisuelles, ces deux contributions demeurant distinctes.
Les articles 12 et 14 étendent à la production cinématographique le renvoi à la convention conclue entre le CSA et l’éditeur de services de télévision pour la détermination des modalités de la contribution, en tenant compte des accords conclus entre cet éditeur et une ou plusieurs organisations professionnelles de l’industrie cinématographique.
En outre, ces articles étendent le mécanisme de prise en compte des accords professionnels aux représentants des auteurs pour la partie de ces accords qui affecte directement leurs intérêts. Ils permettent par ailleurs que la convention du service de télévision précise les obligations applicables à son service de télévision de rattrapage.
L’article 13 prévoit que les éditeurs de chaînes non hertziennes dont le chiffre d’affaires, l’audience ou le nombre ou la part d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles diffusées annuellement sont inférieurs à un seuil défini par décret ne sont pas soumis à contribution à la production d’œuvres.
L’article 14 renvoie au décret le soin de fixer le seuil de chiffre d’affaires au-delà duquel les éditeurs de services de radio ou de télévision qui ne sont pas diffusés par voie hertzienne terrestre doivent conclure une convention avec le CSA.
L’article 15 prévoit que les éditeurs de SMAD dont le chiffre d’affaires, l’audience et le nombre ou la part d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles mises à la disposition du public sont supérieurs à un seuil défini par décret sont soumis à contribution à la production d’œuvres.
L’article 16 instaure un mécanisme de conventionnement avec le CSA des SMAD dont les éditeurs dépassent un seuil de chiffre d’affaires fixé par décret. Cette convention précisera les modalités de contribution du service à la production. A l’instar du mécanisme prévu aux articles 12 et 14, la convention tiendra compte des accords professionnels conclus. La convention précisera également les obligations d’exposition des œuvres européennes et d’expression originale française ainsi que les conditions d’accès des ayants droit aux données relatives à l’exploitation de leurs œuvres et notamment à leur visionnage.
Enfin, la convention déterminera les proportions de programmes qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes.
L’article 24 exclut la prise en compte dans la contribution à la production des éditeurs de services des œuvres dont les contrats ne respectent pas les droits moraux et patrimoniaux des auteurs. L’article 26 charge le CNC, dans le cadre de sa mission d’attribution d’aides financières, de vérifier le respect des droits moraux et patrimoniaux des auteurs dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle.
L’article 2 de l’Ordonnance vise à garantir la bonne information des autorités de régulation nationales (CSA) ainsi que leur coopération, en particulier pour tenir compte des situations d’éditeurs établis sur un territoire mais dont le service cible le public d’un autre Etat.
L’article 3 de l’Ordonnance prévoit l’adoption, par les éditeurs de services, de codes de bonne conduite afin de prévenir l’exposition des enfants aux publicités relatives à des aliments ou boissons dont la présence excessive dans le régime alimentaire n’est pas recommandée.
Le CSA promeut ces codes de bonne conduite visant à réduire efficacement l’exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires ou des boissons contenant des nutriments ou des substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, notamment les matières grasses, les acides gras trans, le sel ou sodium et les sucres, dont la présence en quantités excessives dans le régime alimentaire global n’est pas recommandée. Ces codes visent à prévenir des communications commerciales audiovisuelles présentant favorablement les aspects nutritionnels de ces denrées alimentaires et boissons.
L’article 5 vient renforcer les règles de protection des mineurs, en interdisant aux éditeurs de services le traitement à des fins commerciales des données à caractère personnel des mineurs.
L’article 4 adapte le régime du placement de produit dans les programmes des services de communication audiovisuelle pour tenir compte des nouvelles dispositions de la directive du 14 novembre 2018 (adoption d’une recommandation à venir par le CSA).
L’article 5 complète l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 pour interdire, dans les programmes, outre les incitations à la haine et la violence, la provocation à la commission d’actes de terrorisme.
L’article 6 étend la compétence de règlement des différends du CSA aux différends entre utilisateurs et fournisseurs de plateformes de partage de vidéos (avec information de la CNIL).
L’article 9 étend aux plateformes de partage de vidéos le champ des personnes auxquelles le CSA peut demander des informations. Il prévoit en outre que les informations qu’il peut demander aux opérateurs de réseaux satellitaires portent sur tous les services transportés, y compris les SMAD. Cet article met également en place entre le CSA et le CNC un mécanisme d’échanges d’informations portant sur le chiffre d’affaires et le nombre d’utilisateurs des éditeurs de services afin d’améliorer le contrôle du respect de leurs obligations de contribution à la production d’œuvres.
L’article 27 prévoit que le CSA peut recevoir de l’administration fiscale les renseignements relatifs au chiffre d’affaires des entreprises soumises à son contrôle pour le respect de leurs obligations relatives à la contribution à la production et de conventionnement.
L’article 10 confie au CSA une mission nouvelle en matière de protection de l’intégrité du signal des services de communication audiovisuelle. Le CSA prendra les mesures appropriées et proportionnées, y compris réglementaires, de nature à assurer le respect de ce principe, et prévoira les exceptions qui lui sont apportées.
Cet article confie ensuite au CSA la mission générale de veiller à l’accessibilité des programmes des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande, et de mettre en place un site web à destination du grand public permettant de fournir des informations et recevoir des réclamations concernant toute question d’accessibilité des programmes. Il oblige les éditeurs et les distributeurs de services à rendre compte au régulateur des mesures qu’ils prennent pour assurer l’accessibilité de leurs programmes et de leurs services, ainsi que des plans d’action qu’ils conçoivent en vue de l’amélioration continue et progressive de l’accessibilité.
Le CSA devra porter une attention particulière à l’accessibilité des messages d’alerte sanitaire ainsi que des événements importants liés à l’actualité immédiate et s’assurer que les programmes des services de télévision accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes ou aux personnes aveugles ou malvoyantes sont également rendus accessibles lorsqu’ils sont proposés par un service de télévision de rattrapage.
L’article 21 organise le régime d’accessibilité aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes des programmes des services de télévision et des services de médias audiovisuels à la demande des organismes du secteur audiovisuel public.
L’article 10 confie également au CSA le soin de veiller à ce que les opérateurs qui déterminent les modalités de présentation des services sur les interfaces utilisateurs assurent une visibilité appropriée de tout ou partie des services d’intérêt général qui s’entendent comme les services édités par organisme du secteur audiovisuel public, voire par d’autres éditeurs de services de communication audiovisuelle. Cette disposition, qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2022, traduit la possibilité, ouverte par la directive SMA, d’assurer une visibilité appropriée aux services en cause compte tenu des objectifs d’intérêt général qu’ils poursuivent.
L’article 18 précise les critères de détermination de la loi applicables à un service de télévision établi en France.
L’article 19 organise l’assujettissement des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande étrangers mais ciblant le territoire français au régime de contribution à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, qui s’applique aujourd’hui aux seuls éditeurs français. Les éditeurs en cause pourront conclure avec le CSA une convention précisant ces obligations.
L’article 22 reprend les dispositions de la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information qui concernent les plateformes et qui figurent aujourd’hui à l’article 17-2 de la loi du 30 septembre 1986.
La diffusion des œuvres cinématographiques sur les différents supports est encadrée par la chronologie des médias, qui en régule l’exploitation sur les différents canaux possibles par la mise en place de fenêtres d’exclusivité successives.
La chronologie des médias actuellement en vigueur relève directement de la loi pour la fenêtre DVD, ouverte au 5e mois et, pour les autres fenêtres, d’un accord professionnel, conclu le 6 septembre 2018 et étendu à toutes les entreprises du secteur par un arrêté du 25 janvier 2019 du ministre de la culture, en vigueur trois ans.
Compte tenu des obligations de financement imposées, notamment aux plateformes étrangères, par la transposition de la directive SMA, l’adaptation de la chronologie des médias apparaît comme un corolaire naturel. C’est dans ce cadre qu’il est nécessaire d’inciter les signataires de l’accord de 2018, entreprises et organisations professionnelles d’auteurs, de producteurs, de distributeurs et de diffuseurs, à adapter leur convention, notamment pour tenir compte de ce nouveau paysage.
L’article 28 de l’Ordonnance a pour objet de permettre au Gouvernement de fixer, par décret, un délai à cette négociation, délai à l’issue duquel il pourra, par décret en Conseil d’Etat, établir de façon temporaire, jusqu’à la conclusion d’un accord, la durée et les modalités des fenêtres d’exploitation qui ne résultent pas de la loi.
A noter qu’un premier projet de décret (octobre 2020) fixe les obligations des services de vidéo à la demande par abonnement (SVOD), dont l’adoption définitive est prévue en février ou mars 2021.
Selon ce projet, tout éditeur d’un service de média audiovisuel à la demande établi en France dont le chiffre d’affaires annuel net est supérieur à 1 million d’euros devra conclure avec le CSA une convention.
Les obligations de production s’appliqueraient aux autres services de médias audiovisuels à la demande qui réalisent un chiffre d’affaires annuel net supérieur à 5 millions d’euros et dont l’audience est supérieure à 0,5 % de l’audience totale en France de la catégorie de services de médias audiovisuels à la demande dont ils relèvent. Ces obligations ne seraient pas applicables aux services qui proposent annuellement moins de 10 œuvres cinématographiques de longue durée.
Pour la contribution des services de VàDA, les services par abonnement consacreraient chaque année une part de leur chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent à des dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes respectivement au moins égale à :
1° 25 % lorsqu’ils proposent annuellement au moins une œuvre cinématographique de longue durée dans un délai inférieur à treize mois après sa sortie en salles en France ;
2° 22,5 % lorsqu’ils proposent annuellement au moins une œuvre cinématographique de longue durée dans un délai inférieur à vingt-cinq mois et égal ou supérieur à treize mois après sa sortie en salles en France ;
3° 20 % dans les autres cas.
Pour la contribution des autres services (VàD à l’acte et VàD gratuite), les taux sont les suivants :
1° 15 % au moins du chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent résultant de l’exploitation d’œuvres cinématographiques à des dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres cinématographiques européennes, dont au moins 12 % à des dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres cinématographiques d’expression originale française ;
2° 15 % au moins du chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent résultant de l’exploitation d’œuvres audiovisuelles autres que celles mentionnées au premier alinéa du V de l’article 1609 sexdecies B du code général des impôts à des dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres audiovisuelles européennes, dont au moins 12 % à des dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres audiovisuelles d’expression originale française.
Concernant la délicate question de la production indépendante (cinéma), au moins trois quarts des dépenses dans des œuvres cinématographiques seraient consacrés au développement de la production indépendante, selon des critères liés à l’œuvre et à l’entreprise qui la produit.
Est réputée relever de la production indépendante l’œuvre dont les modalités d’exploitation répondent aux conditions suivantes :
1° Lorsque les droits d’exploitation stipulés au contrat sont acquis à titre exclusif, leur durée n’excède pas douze mois ;
2° L’éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, les droits secondaires ou mandats de commercialisation de l’œuvre pour plus d’une des modalités d’exploitation suivantes :
a) Exploitation en France, en salles ;
b) Exploitation en France, sous forme de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public ;
c) Exploitation en France, sur un service de télévision ;
d) Exploitation en France et à l’étranger sur un service de médias audiovisuels à la demande autre que celui qu’il édite ;
e) Exploitation à l’étranger, en salles, sous forme de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public et sur un service de télévision.
Pour l’application de ces conditions, les droits secondaires et mandats de commercialisation détenus indirectement par un éditeur de services s’entendent de ceux détenus par une entreprise contrôlée par l’éditeur de services ou une personne le contrôlant, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.
Est réputée indépendante d’un éditeur de services l’entreprise de production qui répond aux conditions suivantes :
1° L’éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, de part de son capital social ou de ses droits de vote ;
2° Elle ne détient pas, directement ou indirectement, de part de capital social ou des droits de vote de l’éditeur de services ;
3° Aucun actionnaire ou groupe d’actionnaires la contrôlant au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ne contrôle, au sens du même article, l’éditeur de services.
Concernant la production indépendante (secteur audiovisuel), au moins deux tiers des dépenses dans des œuvres audiovisuelles seraient consacrés au développement de la production indépendante, selon des critères liés à l’œuvre et à l’entreprise qui la produit.
Les conventions et les cahiers des charges détermineront la part consacrée au développement de la production indépendante pour chaque genre d’œuvre audiovisuelle présent de manière significative dans l’offre du service.
Est réputée relever de la production indépendante l’œuvre dont les modalités d’exploitation répondent aux conditions suivantes :
1° Lorsque les droits d’exploitation stipulés au contrat sont acquis à titre exclusif, leur durée n’excède pas trente-six mois ;
2° L’éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, de parts de producteur et ne prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l’initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation de l’œuvre et n’en garantit pas la bonne fin ;
3° L’éditeur ne détient pas, directement ou indirectement, de mandats de commercialisation ou de droits secondaires.
Est réputée indépendante d’un éditeur de services l’entreprise de production qui répond aux conditions suivantes :
1° L’éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, de part de son capital social ou de ses droits de vote ;
2° Elle ne détient pas, directement ou indirectement, de part de capital social ou des droits de vote de l’éditeur de services ;
3°Aucun actionnaire ou groupe d’actionnaires la contrôlant au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ne contrôle, au sens du même article, l’éditeur de services.
Cette première étape de transposition marque une avancée majeure dans la réforme du régime de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique, qui sera complétée, au premier semestre 2021, par les travaux de révision du décret « TNT », du décret « câble-satellite » et de l’accord professionnel relatif à la chronologie des médias.